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10/11/2022 | FRANCE | N°20/06394

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 10 novembre 2022, 20/06394


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4



ARRÊT AU FOND

DU 10 NOVEMBRE 2022



N°2022/













Rôle N° RG 20/06394 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGASN







S.A.R.L. NOVEA CONSTRUCTION





C/



[O] [W]

Société MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS

Société SOCIETE FULL LOON ISLAND DESIGN CANADA INC



























Copie exécutoire délivrée



le :

à :



Me Pascal FRANSES



Me Joseph MAGNAN





Décision déférée à la Cour :



Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de DIGNE LES BAINS en date du 17 Juin 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 18/00011.





APPELANTE



S.A.R.L. NOVEA CONSTRUCTION,

de...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4

ARRÊT AU FOND

DU 10 NOVEMBRE 2022

N°2022/

Rôle N° RG 20/06394 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGASN

S.A.R.L. NOVEA CONSTRUCTION

C/

[O] [W]

Société MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS

Société SOCIETE FULL LOON ISLAND DESIGN CANADA INC

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Pascal FRANSES

Me Joseph MAGNAN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de DIGNE LES BAINS en date du 17 Juin 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 18/00011.

APPELANTE

S.A.R.L. NOVEA CONSTRUCTION,

demeurant [Adresse 4]

représentée à l'audience par Me Pascal FRANSES, avocat au barreau de NICE

INTIMES

Monsieur [O] [W],

demeurant [Adresse 7], Chez la SARL FLI ARCHITECT et Régis DE - [Adresse 7] / SUISSE

ayant pour avocat postulant à l'audience Me Joseph MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Benjamin DERSY de la SARL CINERSY, avocat au barreau de NICE substituée à l'audience par Me Florence PAULUS, avocat au barreau de NICE,

Société MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS,

demeurant [Adresse 1]

ayant pour avocat postulant à l'audience Me Joseph MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Benjamin DERSY de la SARL CINERSY, avocat au barreau de NICE substituée à l'audience par Me Florence PAULUS, avocat au barreau de NICE,

Société SOCIETE FULL LOON ISLAND DESIGN CANADA INC CP : QC H2Y 1V8

, demeurant [Adresse 2] / CANADA

défaillante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 806 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Septembre 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

Monsieur Olivier ABRAM, Vice-Président placé faisant fonction de Conseiller Rapporteur,

et Mme Sophie LEYDIER, conseiller- rapporteur,

chargés du rapport qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :

Madame Inès BONAFOS, Présidente

Mme Sophie LEYDIER, Conseillère

Monsieur Olivier ABRAM, Vice-Président placé faisant fonction de Conseiller Rapporteur

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Novembre 2022.

ARRÊT

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 14 mars 2011, la SARL Novéa construction, maître d'ouvrage, a confié à Monsieur [N] [W], architecte représentant la société Full Loon Island Design Canada Inc, domiciliée [Adresse 2] (Québec), la maîtrise d''uvre complète de la construction d'un ensemble immobilier, composé de 13 chalets et d'un bâtiment collectif, sur la commune d'[Localité 5] dans le département des Alpes de Haute Provence.

Les honoraires ont été fixés à 8 % des travaux estimés à 3 100 000 euros HT, soit

248 000 euros HT.

Par avenant du 1er mars 2013 signé par le maître d'ouvrage et Monsieur [N] [W], architecte, les missions de Direction générale des travaux (DET et OPC), assistance aux opérations de réception (AOR) et dossier des ouvrages exécutés (DOE) ont été transférées à Novea concept, [Adresse 3], avec répartition du montant des honoraires à concurrence de 192 694,72 euros HT pour Monsieur [N] [W] architecte (non assujetti à la TVA), et de 85 950,87 euros TTC pour Novea concept.

L'ensemble des lots ont été confiés à la société Hode développement, en qualité

d'entreprise générale, avant que la SAS HFC B, représentée par Monsieur [Z] [S], ne reprenne le 16 août 2012 les engagements contractuels avec l'accord de la SARL Novéa construction.

La société HFC B a eu recours à plusieurs sociétés sous-traitantes: BEST, ATCM et EASYMAT.

Les marchés ont été traités à prix global, forfaitaire et non révisable.

Se prévalant de défaillances administratives et techniques de la société HFC B, du non-

respect de l'interdiction de sous-traitance, du non-respect de l'obligation d'assurance décennale et du délai contractuel, la SARL Novéa construction a décidé de mettre un terme aux contrats en cours par lettre RAR du 4 décembre 2012.

Un procès-verbal de réception contradictoire des travaux a été établi le 6 décembre 2012.

Par lettre RAR du 7 janvier 2013, la SARL Novéa construction a confirmé la résiliation de plein droit du marché de travaux du 16 août 2012 en application de l'article 13-7 du CCAP (défaillance de l'entreprise), ce à la date du 20 décembre 2012, mis en demeure la société HFC B de lui régler la somme trop payée et des pénalités de retard représentant la somme de 279 744,31 euros, et de lui restituer les pièces manquantes (plans de recollement, coffrage ferraillage réservations, prestations dues dans le marché de gros 'uvre, note de calcul parasismique pour le bâtiment collectif).

Par jugement du 24 février 2014, le tribunal de commerce de Fréjus a placé la société HFC B en redressement judiciaire, converti en liquidation judiciaire le 28 avril 2014 et suivi le 20 avril 2015 d'une clôture pour insuffisance d'actif.

Considérant que Monsieur [W] avait commis dans l'exécution de sa mission des fautes

engageant sa responsabilité contractuelle (erreurs dans la vérification de l'avancement des travaux, des situations et des décomptes mensuels des entreprises par rapport aux travaux effectivement réalisés), la SARL Novéa construction l'a assigné, ainsi que son assureur la MAF et que la société Full Loon Island Design Canada Inc, devant le tribunal judiciaire de Digne-les-Bains aux fins d'obtenir leur condamnation à lui régler diverses sommes en réparation de ses préjudices.

Par jugement réputé contradictoire du 17 juin 2020, le tribunal judiciaire de Digne-les- Bains a:

- dit qu'aucun manquement contractuel n'était imputable à Monsieur [N] [W] ou à la société Full loon island design dans l'exécution de leurs obligations contractuelles à l'égard de la SARL Novéa construction,

- rejeté l'ensemble des demandes de la SARL Novea Contruction,

- condamné la SARL Novéa construction à payer à la MAF et à Monsieur [N] [W] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SARL Novéa construction aux dépens de l'instance avec distraction.

Par déclaration reçue au greffe le 11 juillet 2020, la SARL Novéa construction a interjeté appel de tous les chefs de ce jugement, en intimant:

1/ la MAF,

2/ Monsieur '[O] [W]',

3/ la société Full Loon Island Design Cananda.

Statuant par défaut par arrêt avant dire droit du 28 avril 2022, la présente cour a:

- ordonné la réouverture des débats afin que les parties comparantes discutent:

1/ de l'éventuelle caducité partielle de l'appel en application des dispositions de l'article 902 du code de procédure civile,

2/ de la recevabilité de l'action engagée à l'encontre de Monsieur [N][W] (en son nom propre et non en sa qualité de représentant légal de la société),

- renvoyé l'affaire à l'audience du 14 septembre 2022 à 14 heures,

- réservé les dépens.

Par dernières conclusions notifiées par le RPVA le 29 juillet 2022, la SARL Novea Construction, appelante, demande à la cour:

- de la recevoir en son appel et la déclarer fondée,

- de réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Vu les articles 1146 et suivants anciens du code civil,

- de juger que Monsieur [N] [W] et la société Full Loon Island Design Canada Inc ont commis des fautes dans l'accomplissement de leurs obligations contractuelles à l'égard de la SARL Novea Construction, que ces fautes lui ont causé un préjudice total de 287 968,81 euros,

En conséquence,

- de condamner in solidum Monsieur [N] [W] et la société Full Loon Island Design Canada Inc à lui payer une somme de 287 968,81 euros en réparation de son préjudice,

Vu l'article L124-3 du code des assurances,

- de juger valablement assuré Monsieur [N] [W] auprès de la MAF, et que la garantie de la MAF lui est acquise,

En conséquence,

- de condamner la MAF à relever et garantir Monsieur [N] [W] de toutes les condamnations qui seront prononcées contre lui à son bénéfice,

En tant que de besoin, condamner la MAF à lui payer directement la somme de 287 968,81 euros,

- de débouter Monsieur [N] [W], la société Full Loon Island Design Canada Inc et la MAF de toutes leurs demandes,

- de condamner solidairement Monsieur [N] [W], la société Full Loon Island Design Canada Inc et la MAF à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de la présente instance.

Par dernières conclusions notifiées par le RPVA le 22 août 2022, Monsieur [N] [W] et la MAF demandent à la cour:

- la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions, faisant valoir que l'appelante ne rapporte pas la preuve de ses allégations,

En conséquence,

- le rejet de l'ensemble des demandes de l'appelante et la condamnation de cette dernière à leur payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de procédure, distraits au profit de la SCP Magnan, aux offres de droit.

L'affaire a été retenue à l'audience du 14 septembre 2022 à 14 heures, la décision ayant été mise en délibéré au 10 novembre 2022.

MOTIFS

A titre liminaire, la cour constate que c'est en raison d'une erreur purement matérielle que l'appelante a intimé Monsieur '[O]' [W], alors d'une part, que le jugement déféré mentionnait Monsieur [N] [W], et, d'autre part, qu'elle a justifié à la demande de la cour par la production en cours de délibéré d'une copie intégrale de l'acte de naissance de l'identité de cet intimé dont le premier prénom est effectivement [N] [W] (les prénoms suivants étant [O] [D]).

En conséquence, il y a lieu à rectification en ce sens et il convient de dire que l'intimé initialement désigné comme étant Monsieur [O] [W] est en réalité Monsieur [N] [W] comme indiqué dans le jugement déféré.

Sur la caducité partielle de la déclaration d'appel

Les dispositions de l'article 902 du code de procédure civile édictent qu' «à peine de caducité de la déclaration d'appel relevé d'office, la signification doit être effectuée dans le mois de l'avis adressé par le greffe (...)».

L'appelante a intimé la société Full Loon Island Design Canada Inc qui n'a pas constitué avocat.

S'il résulte de la consultation du RPVA que le greffe a avisé le conseil de l'appelante de l'absence de constitution d'avocat pour la MAF le 1er septembre 2021, en lui rappelant les sanctions prévues par l'article 902 du code de procédure civile, aucun avis du greffe n'a été adressé au conseil de l'appelante concernant l'absence de constitution d'avocat pour la société Full Loon Island Design Canada Inc, afin qu'il lui signifie sa déclaration d'appel et ses conclusions.

L'appelante justifie:

- avoir adressé le 30 septembre 2020 par acte d'huissier une transmission à l'autorité compétente étrangère, en l'espèce le ministère de la justice du Québec, un projet d'acte de signification de sa déclaration d'appel destiné à être signifié ou notifié à la société Full Loon Island Design Canada Inc, conformément aux dispositions de la convention de la Haye du 15 novembre 1965, relative à la signification et la notification à l'étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale, cette demande n'ayant pas été exécutée, l'huissier mandaté du Québec ayant établi un rapport de tentative de signification infructueuse en indiquant que l'adresse était incomplète, qu'il s'agissait d'un immeuble contenant les appartements 101 et 107 et que l'appartement du destinataire n'avait pu être trouvé (attestation et rapport de tentative du 30 novembre 2020) (pièce 26 de l'appelante),

- avoir ensuite transmis le 9 octobre 2020 selon les mêmes modalités que précédemment un projet de signification de ses conclusions et de son bordereau de pièces, la direction de l'entraide internationale du ministère de la justice du Québec ayant le 1er décembre 2020, retourné à l'huissier mandaté une attestation complétée, laquelle précise que le 10 novembre 2020, l'autorité s'est présentée au [Adresse 2], mais que la demande n'a pas été exécutée car le numéro d'appartement était manquant, s'agissant d'un immeuble de 36 unités et aucune correspondance n'existant au registre des entreprises (pièce 27 de l'appelante).

Comme le fait exactement remarquer l'appelante, aucune caducité ne peut être prononcée dès lors que le délai de l'article 902 du code de procédure civile n'a pas commencé à courir puisqu'aucun avis du greffe d'avoir à signifier sa déclaration d'appel à la société Full Loon Island Design Canada Inc ne lui a été adressé.

Et, s'il est exact qu'il n'est pas établi que cette société intimée a eu connaissance de la déclaration d'appel et des conclusions et pièces de l'appelante, il doit être considéré que cette dernière a procédé à toutes les démarches qui lui incombaient pour tenter de les lui signifier et que celles-ci se sont révélées vaines, de sorte que la cour statuera par défaut à l'encontre de la société Full Loon Island Design Canada Inc.

Sur la recevabilité de l'action engagée à l'encontre de Monsieur [N] [W],

Il résulte des pièces régulièrement produites et des explications des parties:

- que l'acte d'engagement du 14 mars 2011 désigne en son article 2 comme 'contractants': 'je soussigné, m'engageant ainsi que la personne morale ci-après, et désigné dans le marché sous le nom de maître d'oeuvre 'Full loon island design Canada inc' et étant pour tout ce qui concerne l'exécution du marché, représenté par Monsieur [N] [W], Architecte DESA, inscrit à l'ordre des architectes de France sous le numéro 22540 ( ......) Je m'engage, sans réserve, conformément aux stipulations des documents visés ci-dessus, à accomplir la mission de maîtrise d'oeuvre complète pour la réalisation du projet' et comporte in fine les tampons de la société Full loon island design Canada inc et de [N] [W], Architecte DESA, ainsi que les signatures du représentant de cette société et de [N] [W], et la signature du maître d'ouvrage (pièce 3 de l'appelante),

- que l'avenant du 1er mars 2013 mentionne au paragraphe B 'identification du titulaire du marché de maîtrise d'oeuvre complète 'Monsieur [N] [W] [Adresse 6]' , au paragraphe F 'signataire du titulaire du marché et du titulaire des missions transférées: Monsieur [N] [W] Architecte DESA, ainsi que ses signatures et son tampon, outre les signatures et le tampon du maître d'ouvrage à ce paragraphe et in fine (pièce 6 de l'appelante),

- que Monsieur [N] [W], ne conteste pas dans ses écritures être intervenu à l'acte de construire en qualité de maître d'oeuvre, et assuré à ce titre auprès de la MAF, et ne critique pas la recevabilité de l'action engagée par l'appelante à son encontre.

Alors qu'il se déduit de la lecture des pièces contractuelles que Monsieur [N] [W], pris en nom propre et en sa qualité d'architecte DESA, s'est engagé à assurer la maîtrise d'oeuvre de l'opération qui lui a été confiée par la SARL Novea Construction, aux côtés de la société Full loon island design Canada inc, l'action engagée par la SARL Novea Construction à l'encontre de Monsieur [N] [W], pris en nom propre et en sa qualité d'architecte DESA, est recevable.

Sur le fond

Les pièces contractuelles régissant les relations et les obligations des parties sont les suivantes:

- l'acte d'engagement du 14 mars 2011 par lequel Monsieur [N] [W], pris en sa qualité d'architecte DESA, s'est engagé ainsi que la société Full loon island design Canada inc à exécuter une mission de maîtrise d'oeuvre complète pour l'opération de construction d'un bâtiment collectif et de 13 chalets à [Localité 5] (04) entreprise par la SARL Novea Construction, les éléments de sa mission étant détaillés comme suit:

* esquisse,

* avant-projet sommaire,

* avant-projet définitif,

* permis de construire,

* projet (assistance pour la passation des contrats de travaux, consultation des entreprises et analyse des offres),

* études d'exécution,

* direction des travaux (DET-OPC),

* assistance à la réception des ouvrages (pièce 3 de l'appelante),

- le cahier des clauses administratives particulières (CCAP) applicable au marché de maîtrise d'oeuvre prévoyant concernant la mission de direction d'exécution des travaux (DET) que le maître d'oeuvre assure la direction du chantier, l'organisation et l'animation des réunions de chantier et rédige et diffuse les comptes-rendus de chantier, établit les ordres de service et les avenants au marché, vérifie la conformité qualitative avec les pièces du marché, propose tout détail d'exécution utile à la réalisation des ouvrages, vérifie les situations et les décomptes mensuels des entreprises dans des délais de 21 jours à compter de leur réception et établit les propositions de paiements, vérifie les mémoires établis par les entreprises dans des délais de 45 jours à compter de la réception et établit le décompte définitif des travaux (DGD) et propose le règlement pour solde (pièce 4 de l'appelante),

- l'avenant du 1er mars 2013 suivant lequel les missions de Direction générale des travaux (DET et OPC), assistance aux opérations de réception (AOR) et dossier des ouvrages exécutés (DOE) ont été transférées à Novea concept avec effet au 1er mars 2013, ce document précisant 'que les ouvrages réalisés avant le 1er mars 2013 restent sous la responsabilité de l'architecte', mais ne fournissant aucune précision sur l'établissement d'un DGD par Monsieur [N] [W] antérieurement à cette date (pièce 6 de l'appelante).

Au soutien de son action en indemnisation au titre d'un trop-perçu par les entreprises s'élevant à la somme de 287 968,81 euros, la SARL Novea Construction fait principalement valoir qu'il résulte du DGD établi par Monsieur [N] [W] après l'état contradictoire des ouvrages réalisés du 6 décembre 2012, qu'il a avec la société Full loon island design Canada inc commis des fautes engageant leur responsabilité contractuelle, en ayant mal vérifié l'exécution réelle des travaux et validé à tort le paiement des factures présentées par les entreprises.

Contrairement à ce que soutient l'appelante, il n'est nullement établi que Monsieur [N] [W] est l'auteur des deux documents présentés comme étant deux versions d'un DGD produites en pièces 12 et 23, ce que Monsieur [N] [W] conteste fermement (page 5 de ses écritures).

En effet, la pièce n°23 est un document (format A4) comportant une première page à l'en-tête Novea Construction 'ANNEXE 3 Page 1" Décompte général et définitif arrêté au 06/12/2012 comportant une photographie sous le titre 'Les Chalest D'[Localité 5]' et la mention en gras et souligné HFCB/NOVEA CONSTRUCTION', puis plusieurs tableaux annexés en différents formats sur 5 pages recto verso, comportant sur chaque page une mention en rouge sur le côté 'annexe 3 page 3 jusqu'à la page 11" sans aucun tampon, aucune initiale ni aucune signature de son auteur de sorte que le montant des trop perçus qui y sont mentionnés sur le tableau avec des rubriques couleurs figurant à l'annexe 3 page 3 ne peuvent nullement être considérés comme résultant d'un calcul validé et accepté par la maîtrise d'oeuvre et présenté comme tel au maître d'ouvrage.

Quant à la pièce n°12, il s'agit d'un document comportant également une première page à en-tête Novea Construction intitulé " Décompte général et définitif arrêté au 06/12/2012" comportant une photographie sous le titre 'Les Chalets D'[Localité 5]' et la mention en gras et souligné 'HFCB/NOVEA CONSTRUCTION' , puis une première page (format A4) annexée non numérotée comportant le même tableau que celui figurant à l'annexe 3 page 3 du document précédent, sans la mention en rouge 'annexe 3 page 3" et sans aucune couleur, et un tampon au nom de [N] [W] Architecte d.e.s.a ce document étant manifestement une photocopie et non un original,

une deuxième page (format A4) avec un tableau comportant différents numéros de factures ventilées par entreprises, et des dates de paiements avec le même tampon au nom de [N] [W] Architecte d.e.s.a photocopié de manière différente (légèrement penché avec des traces au dessus de chaque lettre du nom patronymique [W]),

une liasse de 7 feuillets (format A3) comportant la désignation des travaux par lots, l'état de leur avancement en % et divers montants, chacun des feuillets comportant le même tampon au nom de [N] [W] Architecte d.e.s.a photocopié de manière différente (légèrement penché avec des traces au dessus de chaque lettre du nom patronymique [W] plus ou moins marquées selon les pages) et une signature qui ne correspond pas à celle figurant sur les pièces contractuelles susvisées (3/4/6) sous le nom de Monsieur [N] [W], le tout étant manifestement une photocopie et non un original.

Et, l'appelante ne peut sérieusement soutenir que quand bien même Monsieur [N] [W] ne serait pas l'auteur du DGD sur lequel elle se fonde pour rechercher la responsabilité de la maîtrise d'oeuvre et déterminer son préjudice, 'il (Monsieur [N] [W]) en a pleinement et sans réserve accepté la teneur en apposant son tampon et sa signature et en l'adressant à la société HFCB pour recueillir ses observations' (page 19 de ses écritures), alors que la pièce 13 communiquée par elle est un courrier rédigé et signé par Monsieur [N] [W] le 20 décembre 2012 et adressé à HFCB visant en objet 'la réception des ouvrages' et un 'arrêt des comptes pour arrêt de chantier' sans aucune référence à un DGD arrêté au 6 décembre 2012, ni aucune précision relativement à la date de chacun de ces événements, aucun élément quant au montant des éventuels trop perçus, et ne comportant en tout état de cause aucune annexe.

L'appelante n'est pas davantage fondée à faire valoir que le préjudice qu'elle invoque serait en lien direct avec des fautes commises par la maîtrise d'oeuvre révélées lors de l'établissement des DGD produits par elle en pièces 12 et 23, alors que la LRAR du 07 janvier 2013 adressée par elle à HFCB concernant la résiliation de son marché de travaux vise en pièce jointe une annexe 3 intitulée 'décomptes généraux et définitifs validés par la maîtrise d'oeuvre le 20 décembre 2012" qui n'est d'ailleurs pas jointe (pièce 14 de l'appelante) et qu'aucun DGD établi selon les règles précisées au CCAP portant le visa du maître d'oeuvre et la date du 20 décembre 2012 n'est communiqué.

Au surplus, s'il ressort du procès-verbal de réception contradictoire établi le 06 décembre 2012 que certains ouvrages initialement commandés n'ont pas été exécutés partiellement ou en totalité, ces manquements ont été reprochés par le maître d'ouvrage à l'époque des faits seulement à la société HFCB et ont motivé la résiliation du marché de travaux de cette entreprise, aucun courrier ni aucune mise en demeure n'ayant été adressée à la maîtrise d'oeuvre concernant les trop-perçus invoqués, ni en décembre 2012, ni postérieurement à l'avenant du 1er mars 2013, ni même avant l'assignation de Monsieur [N] [W], de la MAF et de la société Full loon island design Canada inc devant le premier juge (soit le 5 décembre 2017), l'appelante expliquant elle-même son action contre ces parties par l'impossibilité de tout recouvrement des sommes dues selon elle par la société HFCB (page 4 de ses écritures).

Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que la responsabilité de Monsieur [N] [W], et de la société Full loon island design Canada inc au titre des trop-perçus de la société HFCB ne peut être retenue, de sorte que le jugement déféré doit être confirmé, mais pour d'autres motifs.

Et, la demande de l'appelante tendant à voir mobiliser la garantie de la MAF est sans objet.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement doit être ici confirmé.

Succombant en appel, la SARL Novea Construction sera condamnée aux entiers dépens et à régler à Monsieur [N] [W] et à la MAF une indemnité de 2000 euros pour chacun au titre des frais irrépétibles qu'ils ont été contraints d'engager en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Vu l'arrêt avant dire droit rendu le 28 avril 2022,

Statuant publiquement, par arrêt de défaut mis à disposition au greffe, et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu l'extrait de naissance produit en cours de délibéré concernant Monsieur [N][W],

DIT que la déclaration d'appel de la SARL Novea Construction doit être rectifiée en ce que l'un des intimés se nomme Monsieur [N] [O] [D] [W], et non Monsieur [O] [W],

DECLARE recevable l'action engagée par la SARL Novea Construction à l'encontre de Monsieur [N][W],

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Et y ajoutant,

CONDAMNE la SARL Novea Construction à régler à Monsieur [N] [W] et à la MAF une indemnité de 2000 euros pour chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE la demande formée par la SARL Novea Construction au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SARL Novea Construction aux entiers dépens d'appel et en ordonne la distraction.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Novembre 2022.

Signé par Madame Sophie LEYDIER, Présidente-suppléante, en application de l'article 456 du Code de Procédure Civile, pour la Présidente empêchée, et par Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier La Présidente-suppléante


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-4
Numéro d'arrêt : 20/06394
Date de la décision : 10/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-10;20.06394 ?
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