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10/11/2022 | FRANCE | N°18/11322

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-7, 10 novembre 2022, 18/11322


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-7



ARRÊT AU FOND

DU 10 NOVEMBRE 2022



N°2022/ 428













Rôle N° RG 18/11322 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCXI4







SNC [H] & CIE





C/



[Y] [T]





































Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me Paul-Victor BONAN

Me Béatrice DELESTRADE
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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 21 Juin 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 15/06367.





APPELANTE



SNC [H] & CIE, demeurant [Adresse 1]



représentée par Me Paul-Victor BONAN, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me P...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-7

ARRÊT AU FOND

DU 10 NOVEMBRE 2022

N°2022/ 428

Rôle N° RG 18/11322 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCXI4

SNC [H] & CIE

C/

[Y] [T]

Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me Paul-Victor BONAN

Me Béatrice DELESTRADE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 21 Juin 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 15/06367.

APPELANTE

SNC [H] & CIE, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Paul-Victor BONAN, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Pierre-Arnaud BONAN, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME

Monsieur [Y] [T]

né le 16 Juin 1928 à [Localité 2], demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Béatrice DELESTRADE, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Septembre 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre, et Madame Carole MENDOZA, Conseillère, chargées du rapport.

Madame Carole MENDOZA, Conseillère, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre

Madame Carole MENDOZA, Conseillère

M. Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Novembre 2022..

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Novembre 2022.

Signé par Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 17 mai 1966, Madame [N] divorcée [T], aux droits de laquelle sont venus Monsieur [Y] [T] et Madame [J] [T] épouse [I], a donné à bail commercial à Monsieur et Madame [B] [C], aux droits desquels est venue la SNC [H]§CIE un local sis [Adresse 1]), à usage de bar tabac avec un appartement.

Par acte d'huissier du 18 janvier 2007, les bailleurs ont fait signifier à la SNC [H] & CIE un commandement de payer les loyers et les charges, acte qui visait la clause résolutoire.

Saisi par le preneur, le juge des référés a suspendu l'effet de la clause résolutoire par ordonnance du 25 mai 2007, condamné la SNC [H] & CIE à payer aux consorts [T] un arriéré locatif, lui a accordé des délais de paiement et dit que le défaut de paiement d'une échéance entraînerait la résiliation du bail. Cette décision était confirmée par un arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 17 avril 2009.

Le 05 octobre 2007, les bailleurs ont fait délivrer à la SNC [H] § CIE un commandement d'avoir à quitter les lieux en raison d'une échéance impayée; le preneur a été débouté de sa demande d'annulation de cet acte par une décision du 21 février 2018, confirmée par un arrêt du 17 avril 2009.

Par jugement du 04 novembre 2010 confirmé par un arrêt du 03 juillet 2012, le tribunal de grande instance de Marseille a rejeté la demande de la SNC [H] § CIE tendant à voir dire qu'il n'y avait pas lieu à résiliation du bail.

Par jugement d'adjudication du 21 juin 2012, Monsieur [Y] [T] est devenu seul propriétaire du bien immobilier.

Par acte d'huissier du 10 avril 2015, Monsieur [T] a fait signifier à la SNC [H] §CIE un commandement itératif de quitter les lieux; cette dernière a été déboutée de sa demande de cet acte par décision du 26 novembre 2015.

Par acte d'huissier du 19 mai 2015, la SNC [H] & CIE a fait assigner M. [Y] [T] devant le tribunal de grande instance de Marseille afin de voir déclarer que son bailleur avait renoncé au bénéfice de l'ordonnance de référé rendue le 25 mai 2007 et de voir dire qu'elle était titulaire d'un bail commercial à effet au 25 mai 2007.

Le 09 mai 2016, Monsieur [T] a repris possession des lieux.

Par jugement du 21 juin 2018, le tribunal de grande instance de Marseille, a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- déclaré M. [Y] [T] recevable en ses demandes reconventionnelles,

-débouté M. [Y] [T] de sa demande tendant à voir condamner la SNC [H] & CIE à lui payer la somme de 150.000 euros au titre des frais de remise en état du local,

- condamné la SNC [H] & CIE à payer à M. [Y] [T] la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et patrimonial,

- condamné la SNC [H] & CIE à payer à M. [Y] [T] la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté toute autre demande,

- condamné la SNC [H] & CIE aux dépens,

- dit que les dépens seront recouvrables en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le premier juge a constaté que la SNC [H] ne maintenait pas sa demande initiale tendant à voir dire qu'elle était titulaire d'un bail commercial.

Il a accordé à Monsieur [T] des dommages et intérêts en relevant que la durée de la procédure et de l'indisponibilité du bien lui avait créé un préjudice moral et patrimonial.

Il a rejeté la demande de Monsieur [T] relative à la remise en état des lieux loués. Il a souligné que seuls des devis étaient fournis, qu'aucun état des lieux n'était produit au débats et qu'il n'était pas possible de savoir ce qui était imputable au preneur.

Le 5 juillet 2018, la SNC [H] & CIE a interjeté appel de cette décision en ce qu'elle a déclaré Monsieur [T] recevable en ses demandes, en ce qu'elle l'a condamnée à lui verser la somme de 30.000 euros de dommages et intérêts et 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'elle l'a débouté de ses demandes.

Par arrêt mixte du 10 octobre 2019, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a :

'confirmé le jugement en ce qu'il a condamné la SNC [H] & CIE à payer à M. [Y] [T] la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et patrimonial,

- constaté que M. [Y] [T] a repris possession des lieux en cause,

Avant dire droit :

Ordonné une mesure d'expertise et commis pour y procéder Mme [S] [U] [E], afin de déterminer si les locaux loués à la SNC [H] &CIE sont affectés de désordres et de préciser le coût éventuel de leur réfection et de fournir à la cour tous éléments d'information sur le point de savoir si le coût de tels travaux doit ou non être pris en charge par le preneur, étant précisé qu'il sera loisible à l'expert judiciaire de s'adjoindre, le cas échéant un sapiteur de son choix,

Sursis à statuer sur les autres demandes'

Le 08 mars 2022, l'expert a déposé son rapport.

Par conclusions notifiées le 12 avril 2022 sur le RPVA auxquelles il convient de se reporter, la SNC [H]§ CIE demande à la cour de statuer en ce sens :

'Infirmer la décision dont appel.

Dire et juger nul le rapport de Madame [E] pour non-respect du principe du contradictoire.

En toute hypothèse l'écarter des débats.

Débouter Monsieur [T] de toutes ses demandes.

Condamner Monsieur [T] à verser à Monsieur [H] la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamner Monsieur [T] aux dépens'.

Elle soutient que l'expert, qui a déposé un rapport, a violé le principe du contradictoire, puisqu'il s'est appuyé sur des factures incomplètes dont l'intégralité n'a pas été communiquée à la partie adverse. Elle ajoute que l'expert met par erreur à la charge du preneur des travaux qui sont en réalité imputables au bailleur. Elle en conclut que le rapport doit être écarté et que la nullité de celui-ci doit être prononcée.

Elle précise que l'expert n'a pu mener sa mission jusqu'à son terme puisque Monsieur [T] a fait effectuer des travaux rendant impossible la réalisation de sa mission.

Elle note que le bailleur ne peut mettre à la charge du preneur des travaux liés à la vétusté des locaux.

Elle ajoute que les demandes de Monsieur [T] ne sont justifiées par aucun élément. Elle affirme que ce dernier produit au débat des devis qui concernent des travaux d'embellissement.

Elle relève qu'il n'existe aucun état des lieux d'entrée et note qu'il n'existait même pas d'eau courante avant 2004.

Par conclusions notifiées le 19 avril 2022 sur le RPVA auxquelles il convient de se reporter, Monsieur [T] demande à la cour de statuer en ce sens :

'Ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture

Déclarer recevables les présentées conclusions notifiées par Monsieur [Y] [T] ainsi que ses pièces complémentaires

Infirmer partiellement le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes de condamnation formées par Mr [T] au titre des travaux réparatifs et de remise en état du local occupé par la SNC [H].

Statuant à nouveau,

Débouter la SNC [H] de l'ensemble de ses moyens, fins et demandes comme étant infondés et injustifiés.

Condamner la SNC [H] à lui régler la somme de 166.676 euros au titre des frais de remise en état du local occupé en vertu du bail du 17 mai 1966 puis de son occupation illicite à compter du 25 mai 2007 jusqu'au 09 mai 2016 ainsi qu'au titre de la perte financière provenant des avantages consentis au nouveau preneur en raison des travaux

Condamner la SNC [H] à régler à Monsieur [Y] [T] la somme de 5.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens de l'instance en ce compris les frais d'expertise'.

Il explique avoir demandé à l'expert de débuter rapidement les opérations d'expertise, afin qu'il puisse permettre à un nouveau preneur d'entrer dans les lieux loués, après avoir effectué des travaux de réfection.

Il relève avoir procéder à des travaux de réfection à compter du 16 mars 2020.

Il expose avoir transmis à l'expert et à son confrère adverse les factures éditées à l'occasion de la rénovation du local et de sa remise en état, si bien que le rapport ne viole pas le principe du contradictoire.

Il soutient que le rapport d'expertise finalement déposé n'est pas motivé et n'explique pas la ventilation entre ce qui doit être pris en charge par le bailleur et ce qui doit être pris en charge par le preneur. Il estime que l'expert n'a pas tenu compte des pièces qu'il avait versées au débat.

Il affirme que les locaux ont été rendus dans un très mauvais état. Il reproche à la SNC [H] § CIE un défaut d'entretien et une dégradation des lieux loués.

Outre les factures qu'il a dû acquitter, il expose avoir consenti des avantages au nouveau preneur pharmacie; il fait état d'une perte financière de 30.600 euros liée au manquement de son ancien locataire.

Il soutient avoir subi une dépense globale comprenant cette perte financière et les travaux de réparation/remise en état pour un montant total de 166.676 euros.

Par conclusions de procédure notifiées le 07 septembre 2022, la SNC [H] &COMPAGNIE demande à la cour d'écarter des débats les pièces communiquées par son adversaire le 30 août 2022, la veille de l'ordonnance de clôture.

Par conclusions de procédure notifiées le 13 septembre 2022, Monsieur [T] demande à la cour de rejeter les demandes adverses tendant à voir écarter les pièces qu'il a communiquées le 30 août 2022.

Il expose que les pièces visées comprennent en partie des factures auxquelles ont été ajoutés ses relevés bancaires qui permettent d'établir l'effectivité de leur règlement.

La clôture de l'affaire a été prononcée le 31 août 2022.

MOTIVATION

Sur les pièces produites par Monsieur [T] le 30 août 2022

Le 30 août 2022, Monsieur [T] a communiqué sur le RPVA deux nouvelles pièces 40 à 42.Ces pièces correspondent à une déclaration de paiement, à des extraits de relevés bancaires et à des justificatifs de travaux et règlements établis par la SAP; elles ont pour seul objet de démontrer l'effectivité du règlement de factures déjà produites

Dès lors, le principe du contradictoire n'a pas été violé même si ces dernières pièces n'ont été communiquées que tardivement, puisque les factures, commentées par la SNC [H]&COMPAGNIE, étaient connues de cette dernière et qu'elle a pu s'expliquer sur ce point.

La SNC [H]&COMPAGNIE sera déboutée de sa demande tendant à voir écarter les pièces communiquées le 30 août 2022 par Monsieur [T].

Sur la nullité du rapport d'expertise

Selon l'article 175 du code de procédure civile, la nullité des décisions et actes d'exécution relatifs aux mesures d'instruction est soumise aux dispositions qui régissent la nullité des actes de procédure.

La SNC [H]&COMPAGNIE soulève la violation du principe du contradictoire par l'expert au motif que ce dernier se serait prononcé sur un simple extrait de facture, sans avoir une facture complète.

Il convient de rappeler que l'expert souhaitait faire désigner un sapiteur afin de déterminer ce qui relevait de la vétusté. Or, Monsieur [T], qui avait trouvé un preneur, n'a pas procédé à la consignation supplémentaire qui lui était demandée et a procédé à des travaux de rénovation afin de pouvoir louer son local.

L'expert a donc déposé son rapport en évaluant le coût de la remise en état des locaux, avec un extrait de factures de la société SAP qui avait été mandatée par Monsieur [T].

Il convient de rappeler que l'indemnisation du bailleur en raison de l'inexécution par le preneur des réparations locatives prévues au bail n'est pas subordonnée à l'exécution de ces réparations.

L'expert s'est appuyé sur un document (paginé 29 à 36) émanant de la société SAP, qui reprend des intitulés de factures, avec leur numéro, chacune décrivant l'intervention de cette société.

L'expert s'est appuyé sur ces documents comme s'il s'agissait d'un devis; il ne lui appartenait pas de vérifier si le bailleur avait fait réellement exécuter les travaux évoqués dans le document de la société SAP. L'expert, au vu du document fourni, a ventilé le montant des travaux évoqués entre ce qui lui semblait devoir être imputé au preneur et de ce qui lui semblait devoir être imputé au bailleur.

Les pièces sur lesquelles il s'est appuyé sont les pièces qui ont été communiquées aux parties. L'expert n'a pas violé le principe du contradictoire. Partant, il convient de rejeter la demande de la société [H]&COMPAGNIE tendant à voir déclarer nul le rapport d'expertise.

Sur les manquements allégués de la SNC [H]& COMPAGNIE

Le bail commercial de 1966 décrit les lieux loués de la manière suivante : 'un immeuble dont une partie est à usage de bar-tabac, d'un terrain et d'une buanderie avec lavoir', à usage exclusivement de bar-tabac. Il s'agit de la location d'une maison élevée sur un étage.

Selon le bail, 'Le preneur sera tenu de supporter toutes les charges et obligations imposées aux locataires par la loi, les usages et les règlements, d'entretenir en parfait état de propreté et service les caisses à eau et robinets d'arrêts des eaux, les ciels ouverts et hall vitrés, les gouttières, les terrasses, cour et jardin, couloir, escaliers et pas perdus le concernant; d'entretenir également à son tour le vestibule, les escaliers communs, les trottoirs, cuivres et boiseries de la porte d'entrée, ainsi que les conduites de sorties intérieures et sous trottoir.

Le preneur s'oblige à faire, à ses frais exclusifs, pendant toute la durée du bail, toutes les réparations, locatives et d'entretien qui deviendraient nécessaires aux lieux loués (...).

'Le preneur se déclare satisfait de l'état des lieux en général, et notamment de celui des fermetures et serrures : il dégage expressément le bailleur de toutes responsabilités en cas de vol, même sans effraction.

Les réparations prévues par l'article 606 du code civil seront supportées sans indemnité, quelles qu'en soient la durée et la privation de jouissance subie'.

Le preneur est ainsi tenu aux réparations locatives et d'entretien, ces dernières s'entendant comme celles qui sont utiles au maintien permanent en bon état de l'immeuble. Il est tenu de laisser en état de parfait état de propreté certaines parties des locaux énumérées au contrat. Il n'est pas tenu aux réparations de l'article 606 du code civil (qui intéressent l'immeuble dans sa structure et sa solidité générale).

Sauf disposition expresse du bail, la SNC [H]&COMPAGNIE, nonobstant les clauses du bail mettant à sa charge l'entretien et les réparations autres que celles de l'article 606 du Code civil, ne peut être tenue aux réparations qui sont la conséquence de la vétusté.

Comme il l'a été rappelé précédemment, l'indemnisation du bailleur en raison de l'inexécution par le preneur des réparations locatives prévues au bail n'est pas subordonnée à l'exécution de ces réparations; il en est de même pour les réparations liées au défaut d'entretien du bien (hors vétusté, qui n'est pas visée dans le bail).

Les locaux loués sont constitués d'un sous-sol, d'un rez-de-chaussée (avec une pièce principale, une arrière-salle, une pièce à usage de cuisine avec mezzanine, des sanitaires et une véranda) et un premier étage constitué par un appartement (séjour; deux chambres; salle d'eau; toilettes; cuisine). L'expert mentionne, ce qui n'est pas contesté, que le rez-de-chaussée à une surface de 127 m², l'appartement du premier étage une surface de 74 m² et le sous-sol (cave), une surface de 20m².

Il convient de tenir compte de l'état des lieux à la sortie du preneur, soit en mai 2016 (étant précisé qu'il était à cette époque occupant sans droit ni titre).

Un premier procès-verbal de constat a été effectué à l'initiative de Monsieur [T], le 21 mai 2015, en présence du gérant de la société SNC [H]&COMPAGNIE, qui était encore dans les lieux. Il ressort de ce document que le rez-de-chaussée était exploité en bar-tabac tandis que le premier étage était utilisé comme habitation.

Il y est mentionné :

- que le sol de l'entrée de l'immeuble était recouvert d'un carrelage usagé

- que les murs et plafond de l'escalier menant au premier étage étaient recouverts d'une peinture dégradée, se décollant abondamment

- que le sol de l'entrée du premier étage était recouvert d'un gerflex usagé présentant des traces noirâtres, tout comme les murs

- que les sols et murs du WC, de la première chambre et du séjour étaient en bon état, à l'exception du plafond du séjour qui présentait des traces noirâtres

- que le sol de la chambre n° 2, à l'état d'usage, avait tendance à s'affaisser, que les murs de cette pièce étaient recouverts d'une tapisserie dégradée et usagée et que le plafond était en très mauvais état avec des fissurations importantes

- que le reste des pièces (bureau, cuisine) était essentiellement à l'état d'usage, sauf les murs du bureau où une tapisserie ancienne présentait des traces et se décollait

- que l'abattant des WC était manquant

- qu'au rez-de-chaussée, les locaux étaient à l'état d'usage: sauf le sol du rez-de-chaussée est recouvert d'un carrelage usagé, avec des carreaux fissurés; sauf dans l'arrière salle où le carrelage présentait des traces noirâtres; sauf dans le petit dégagement où le sol était en mauvais état; sauf les murs des WC hommes qui étaient en mauvais état, tout comme les murs de la salle de restauration, ainsi que le plafond des réserves; sauf le sol des cuisine en mauvais état, les parties murales hors faïence des cuisines usagées et la peinture défraîchie d'une réserve.

Un deuxième constat d'huissier, du 18 mai 2016, contemporain de l'expulsion du preneur, versé régulièrement au débat, fait sensiblement les mêmes constatations, si ce n'est qu'il est noté :

- que le comptoir du rez-de-chaussée a été vandalisé,

- que les meubles en bois derrière le bar étaient en partie cassés,

- que le placage faïencé au niveau d'une marche est cassé dans l'arrière salle

- que de nombreux encombrants ont été laissés dans une cour,

- que les placards muraux de la cuisine du premier étage sont en très mauvais état,

- qu'il existe un trou sous les plinthes de la cloison séparative de la deuxième chambre,

- que les murs de la première chambre du premier étage sont percés de huit chevilles.

Il ressort de ces éléments que la SNC [H]&COMPAGNIE a violé son obligation d'entretien et de réparation locative.

Il convient de tenir compte de la nécessaire vétusté des locaux, liée à l'écoulement du temps, (étant précisé que la SNC [H]&COMPAGNIE a acquis le fonds de commerce le 13 avril 1988) et de s'appuyer sur l'intitulé des factures produites au débat. La vétusté ne s'applique pas s'il s'agit de dégradations.

Il ne peut être imputé au preneur de coût de réparation de l'affaissement du sol de la deuxième chambre du premier étage puisqu'aucune pièce ne permet d'en identifier la cause; le procès-verbal du 21 mai 2015, qui évoque cet affaissement, alors que la société était encore dans les lieux, ne formule aucune explication sur cet état de fait et les déclarations de Monsieur [T] selon lesquelles il s'agirait d'un stockage trop important de tabac, ne sont étayées par aucune pièce. Il doit donc être considéré qu'il s'agit d'une difficulté liée à la structure de l'immeuble qui ne peut être répercutée sur le preneur.

Monsieur [T] ne démontre pas la violation par son preneur de son obligation d'entretien et de réparations locatives s'agissant de l'intégralité de l'installation électrique. Il ne démontre pas non plus que le circuit d'eau aurait été dégradé. Il ne démontre pas la violation par son preneur en matière de circuit d'assainissement.

Il ne peut imputer au preneur le coût des réparations qui concernent la structure de l'immeuble (toiture; pose d'une chape).

Il ne justifie pas de la nécessité de procéder à la démolition de la mezzanine dans la cuisine du rez-de-chaussée et ne démontre pas qu'elle serait effondrée.

Il ne démontre pas que tous les sanitaires auraient été cassés : il est uniquement démontré dans le procès-verbal de 2016 qu'il manque un abattant de WC (au premier étage) et que le réservoir est cassé.

Il ne justifie pas de la nécessité d'un élagage.

Compte tenu de ces éléments, il convient de retenir les conclusions de l'expert sur les points suivants :

- évacuation de la cour : 2500 euros

- dépose de l'enseigne du bar : 300 euros

- remise en état des zones arrachées : 7500 euros

- remise de la partie électrique (câbles arrachés) : 4300 euros

- pose d'un carrelage (en prévoyant un coefficient de vétusté de 30%) : 1750 euros

- soutien de la cloison arrière du bar à démolir et reconstruire : 800 euros

- assainissement des murs et plafonds (en prévoyant un coefficient de vétusté de 30%) : 7000 euros

- reprise des ouvertures de châssis (en prévoyant un coefficient de vétusté de 30%) :1750 euros

- réhabilitation des sanitaires (en tenant compte des précédentes explication) : 200 euros.

Par ailleurs, il convient de retenir la facture relative à l'enlèvement des anciennes tapisseries et à la mise en peinture, avec un coefficient de vétusté de 50%, s'agissant de l'entretien mis à la charge du preneur : 5250 euros.

En conséquence, il convient de condamner la SNC [H]&COMPAGNIE à verser à Monsieur [T] la somme totale de 31.350 euros.

Monsieur [T] sera débouté du surplus de sa demande d'indemnisation : en effet, il ne peut solliciter une indemnisation toutes causes de préjudices confondues ; d'autre part, il a été indemnisé de son préjudice moral et la SNC [H]&COMPAGNIE a été condamnée à des indemnités d'occupation.

Le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a rejeté la demande formée par Monsieur [T] au titre de la remise en état des locaux.

Sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile

La SNC [H]&COMPAGNIE est essentiellement succombante. Elle sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, qui comprendront les frais de l'expertise judiciaire. Elle sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles.

Il n'est pas équitable de laisser à la charge de Monsieur [T] les frais irrépétibles qu'il a exposés pour faire valoir ses droits dans le cadre de la présente instance. La SNC [H]&COMPAGNIE sera condamnée à lui verser la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et celle de 4500 euros au titre des frais irrépétibles exposés dans le cadre de la procédure d'appel.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a condamné la SNC [H]&COMPAGNIE aux dépens et à payer à Monsieur [T] la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Il sera également confirmé en ce qu'il a rejeté la demande formée par la SNC [H]&COMPAGNIE au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe,

Vu l'arrêt mixte rendu le 10 octobre 2019,

DIT n'y avoir lieu à écarter les pièces produites par Monsieur [T] le 30 août 2022,

REJETTE la demande de la SNC [H]&COMPAGNIE tendant à voir prononcer la nullité du rapport d'expertise judiciaire,

INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation formée par Monsieur [T] au titre des frais de remise en état des locaux loués à la SNC [H]&COMPAGNIE,

CONFIRME pour le surplus,

STATUANT A NOUVEAU ET Y AJOUTANT,

CONDAMNE la SNC [H]&COMPAGNIE à verser à Monsieur [Y] [T] la somme de 31.350 euros au titre des frais de remise en état des locaux loués,

CONDAMNE la SNC [H]& COMPAGNIE à verser à Monsieur [Y] [T] la somme de 4500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE les demandes de la SNC [H]&COMPAGNIE au titre des frais irrépétibles exposés appel,

CONDAMNE la SNC [H]&COMPAGNIE aux dépens de la présente instance qui comprennent le coût de l'expertise judiciaire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-7
Numéro d'arrêt : 18/11322
Date de la décision : 10/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-10;18.11322 ?
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