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10/11/2022 | FRANCE | N°18/03104

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 10 novembre 2022, 18/03104


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4



ARRÊT AU FOND

DU 10 NOVEMBRE 2022



N°2022/













Rôle N° RG 18/03104 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BB7VW







SARL BASTIDE DES PRES





C/



[E] [W]

[P] [Y] épouse [W]





































Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Christi

an SALOMEZ





Me Séverine TARTANSON





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal d'Instance de MANOSQUE en date du 22 Janvier 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 1117000252.





APPELANTE



SARL BASTIDE DES PRES, demeurant [Adresse 1]

ayant pour avocat à l'audience Me Christian SALOMEZ de l'ASSOCIATIO...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4

ARRÊT AU FOND

DU 10 NOVEMBRE 2022

N°2022/

Rôle N° RG 18/03104 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BB7VW

SARL BASTIDE DES PRES

C/

[E] [W]

[P] [Y] épouse [W]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Christian SALOMEZ

Me Séverine TARTANSON

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal d'Instance de MANOSQUE en date du 22 Janvier 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 1117000252.

APPELANTE

SARL BASTIDE DES PRES, demeurant [Adresse 1]

ayant pour avocat à l'audience Me Christian SALOMEZ de l'ASSOCIATION RAYNE / SALOMEZ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMES

Monsieur [E] [W]

né le 01 Juillet 1941 à [Localité 5], demeurant [Adresse 3]

ayant pour avocat Me Séverine TARTANSON de la SELARL CABINET D'AVOCATS TARTANSON, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE

Madame [P] [Y] épouse [W]

née le 10 Juillet 1945 à [Localité 4], demeurant [Adresse 3]

ayant pour avocat Me Séverine TARTANSON de la SELARL CABINET D'AVOCATS TARTANSON, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 806 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Septembre 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

Monsieur Olivier ABRAM, Conseiller Rapporteur,

et Mme Sophie LEYDIER, conseiller- rapporteur,

chargés du rapport qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :

Madame Inès BONAFOS, Présidente

Mme Sophie LEYDIER, Conseillère

Monsieur Olivier ABRAM, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Novembre 2022..

ARRÊT

EXPOSE DU LITIGE

Suivant devis du 28 septembre 2013 accepté le 29 novembre 2013, [E] [W] et [P] [Y] épouse [W] ont confié à la société Bastide des Prés la construction d'une terrasse et d'une montée d'escalier adjacents à leur maison d'habitation sise lieudit [Adresse 2];

Une facture a été établie par la société Bastide des Prés le 3 mars 2014, et acquittée;

Compte tenu de la présence de désordres, une expertise était ordonnée le 5 mars 2015, et son rapport déposé le 12 janvier 2017;

Par exploit d'huissier en date du 27 novembre 2017 les époux [W] ont fait assigner la société Bastide des Prés sur le fondement de la responsabilité contractuelle afin d'obtenir sa condamnation à leur verser la somme de 7 284,75 euros au titre des travaux de reprise des désordres affectant leur terrasse ainsi que la somme de 1 000 euros en réparation de leur préjudice moral;

Par jugement réputé contradictoire du 22 janvier 2018, le Tribunal d'Instance de Manosque a :

- Constaté l'inexécution partielle par la société Bastide des Prés de ses obligations contractuelles ;

- L'a déclarée responsables des désordres affectant la terrasse et l'escalier réalisés ;

- Condamné la société Bastide des Prés à payer à [P] et [E] [W] :

Une somme de 7 284,75 euros au titre des travaux de reprise des désordres,

Une somme de 500 euros en réparation de leur préjudice moral,

Une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Les entiers dépens de l'instance et ce inclus la procédure de référé et l'expertise judiciaire,

- Ordonné l'exécution provisoire de la présente décision ;

- Rejeté le surplus des demandes.

Par déclaration d'appel enregistrée au greffe le 21 février 2018, la société Bastide des Prés a interjeté appel de cette décision en ce qu'elle a :

- Constaté l'inexécution partielle de la société Bastide des Prés de ses obligations contractuelles ;

- L'a déclarée responsable des désordres affectant la terrasse et l'escalier réalisés ;

- Condamné la société Bastide des Prés à payer à [P] et [E] [W] :

Une somme de 7 284,75 euros au titre des travaux de reprise des désordres,

Une somme de 500 euros en réparation du préjudice moral,

Une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Les entiers dépens de l'instance et ce inclus la procédure de référé et l'expertise judiciaire,

- Ordonné l'exécution provisoire de la présente décision ;

- Rejeté le surplus des demandes.

Par conclusion notifiées par voie électronique le 15 juin 2018, la société Bastide des Prés sollicite au visa de l'article 1792-6 du code civil :

- La réformation du jugement n°2018/25 rendu par le tribunal d'instance de Manosque en date du 22 janvier 2018 ;

- Qu'il soit dit et jugé que les époux [W] ont procédé le 03 mars 2014 à la réception tacite des ouvrages qu'elle a réalisés, sans émettre de réserves ;

- Le rejet de l'intégralité des demandes de condamnation des époux [W] à son encontre ;

- La condamnation des époux [W] au paiement de la somme de 1 200 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens;

Elle expose qu'il résulte des pièces versées aux débats, et notamment de la facture établie par la société Bastide des Prés le 3 mars 2014, dûment acquittée par les époux [W], ainsi que de la lecture du rapport d'expertise judiciaire au terme duquel Mme [R] a bien retenu une date de prise de possession au 3 mars 2014, que les époux [W] ont bien procédé à la réception tacite de l'ouvrage le 3 mars 2014 sans émettre de réserves, ce dont il se déduit que les désordres alors apparents, tels ceux dénoncés par les intimés, ont été acceptés, et purgés par l'effet de cette réception;

Par conclusion notifiées par voie électronique le 11 juin 2018 les époux [W] sollicitent au visa des articles 1134 et 1147 du code civil :

- La confirmation en toutes ses dispositions du jugement du 22 janvier 2018 et ce faisant ;

- Le constat que la société Bastide des Prés a commis une faute consistant en divers défauts d'exécution à l'origine des désordres invoqués ;

- Qu'il soit dit et jugé que la société Bastide des Prés est contractuellement responsable des désordres affectant leur terrasse ;

- La condamnation de la société Bastide des Prés à leur verser :

La somme de 7 284,75 euros au titre des travaux de reprise des désordres ;

La somme de 500 euros en réparation du préjudice moral ;

La somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Le rejet de l'ensemble des demandes de la société Bastide des Prés notamment celle tendant à voir consacrer l'existence d'une réception tacite ;

Y ajoutant ;

- La condamnation de la société Bastide des Prés à leur verser la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les dépens de la procédure de référé et le coût de l'expertise judiciaire.

Ils indiquent qu'aucune réception expresse n'est intervenue, pas plus qu'une réception tacite, et que s'ils ont bien réglé la facture de la société appelante, ils ont émis de lourdes contestations sur la qualité des travaux dès le mois d'avril 2014, alors par ailleurs que la pose des IPN litigieux est intervenue après le paiement de la facture, sans qu'ils en soient informés ou aient sollicité de tels aménagements;

Ils ajoutent que l'expert a mis en exergue d'importants manquements de l'entreprise justifiant la mise en 'uvre de sa responsabilité contractuelle, relatifs à la mise en 'uvre du plancher, à l'absence de certains enduits, à une non-conformité et un défaut d'exécution de l'escalier, et à une différence de dimension des portes;

Ils en déduisent que le jugement déféré doit être intégralement confirmé tant dans sa motivation que dans son dispositif sur l'estimation des préjudices subis;

L'ordonnance de clôture est intervenue le 6 septembre 2022 ;

SUR CE

La société Bastide des Près a été condamnée à payer la somme de 7 284,75 euros au titre des travaux de reprise des désordres et la somme de 500 euros en réparation du préjudice moral, au visa de l'article 1147 du Code civil, compte tenu des malfaçons relatives à la mise en 'uvre du plancher non conforme aux prévisions des parties et aux règles de l'art, nécessitant la reprise du calage des poutrelles et des appuis des poutres (4 116,75 € TTC), à l'absence d'enduit en pied de mur de façade, à la présence d'un percement d'une canalisation, et à la pénétration consécutive d'eau en sous-face de l'escalier (1 056 € TTC), à la non-conformité de la dernière marche de l'escalier (528 € TTC), et aux différences de dimensions des portes (1 584 € TTC);

La société appelante critique le jugement entrepris au visa de l'article 1792-6 du Code civil;

Cet article dispose en son premier alinéa que la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves; elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement; elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement;

Par application, les défauts de conformité contractuels apparents, comme les vices de construction apparents, sont couverts par la réception sans réserve;

Comme le relève le rapport d'expertise déposé le 12 janvier 2017, les travaux en cause ont débuté à la mi octobre 2013 et se sont terminés le 3 mars 2014, à la date de l'émission de la facture;

Aucun élément ne permet de déduire que les époux [W] a refusé de prendre possession de l'ouvrage, s'agissant de la construction d'une terrasse et d'un escalier adjacents à leur habitation ;

Il apparaît sur ce point que s'ils indiquent qu'ils se seraient plaints des travaux dès le mois suivant la réception de la facture, ils n'en justifient pas, le rapport indiquant à cet égard que la convocation à l'expertise amiable de leur assureur, dont le rapport n'est pas produit, date du 10 juin suivant, soit plus de deux mois après la facture et la fin des travaux;

Il en est de même en ce qui concerne leur allégation selon laquelle les IPN litigieux auraient été posés après la facture, également non justifiée;

Il est par ailleurs acquis que la facture a été payée intégralement le 7 mars 2014;

Il s'en déduit qu'à cette date est intervenue une réception tacite sans réserve, compte tenu de l'acceptation de l'ouvrage et du paiement intégral de la facture correspondante;

Il est clair que cette réception a par nature pour effet de purger les vices et défauts apparents;

Pour autant, le défaut d'exécution relatif aux IPN tel que développé par l'expert et objet de la condamnation suscitée n'est pas relatif à leur présence, par nature visible, mais à l'absence de travaux de reprise de calage de ceux-ci, de nature à compromettre à terme la solidité de l'ouvrage;

En effet, il est apparu que l'entreprise avait effectué un comblement entre les IPN et le plancher béton de la terrasse, afin d'asseoir celui-ci, compte tenu de la différence entre l'horizontalité de ces premiers et la pente de ce second, ayant fléchi au coulage du fait de l'insuffisance de son étaiement lors de cette opération;

Or, suivant l'expertise, ce comblement a été fait en béton, ce qui n'assure pas une transmission complète des efforts des poutrelles béton du plancher sur les poutres métalliques;

C'est en ce sens que les travaux de reprise correspondant ont été évalués à la somme de 4 116,75 TTC pour le calage, la réfection des appuis, le décaissement, et la moins-value induite par la présence de ce calage sur le plancher réalisé;

Or, il est clair qu'une telle faute d'exécution ne peut qualifiée d'apparente à réception, s'agissant d'un défaut qui n'est pas décelable par un particulier, par nature ignorant des matériaux et modalités nécessaires afin de conforter un espace entre un plancher béton et des poutres métalliques recevant ce plancher ;

Il en est de même du défaut suivant, relatif au manque d'enduit en façade, aux infiltrations dans le mur Sud Ouest, au percement dans ce mur d'une canalisation, et aux infiltrations sous le mur de l'escalier;

En effet, l'expert a explicitement noté que les infiltrations n'étaient pas apparentes à la réception, puisqu'elles sont survenues après celle-ci, dans l'année et après les pluies, attendu sur ce point que l'apparence du désordre en cause doit s'apprécier au regard de l'ampleur et de l'étendue de ses conséquences, c'est à dire les infiltrations, peu importe qu'elles trouvent leur origine dans des malfaçons (manque d'enduit et percement), initialement vues et appréhendées sous leur aspect simplement esthétique;

Quant à la différence de largeur des portes situées sous la terrasse et donnant accès au vide-sanitaire (94 cm pour celle située au Sud Est et 85 cm pour celle située au Sud Ouest), il ne peut être retenu que cette non-conformité aux règles de l'art ait été apparente à la réception au regard de la qualité des époux [W];

En effet, ceux-ci sont de simples particuliers, âgés à la réception de près ou de plus de 70 ans, de sorte qu'il ne peut être exigé d'eux qu'ils discernent une différence de 9 cm entre deux portes qui ne sont visibles ensemble qu'avec un recul de plusieurs mètres, ou qu'ils vérifient avant d'accepter l'ouvrage et d'en payer le prix les dimensions de ces portes avec un instrument de mesure pour établir si oui ou non l'entreprise qu'ils ont commis a effectué correctement les prestations qu'elle devait;

Il en est de même de la dernière marche de l'escalier lorsque l'on sort de la maison, ou première marche de l'escalier lorsqu'on emprunte cette volée, qui présente une hauteur de 14 cm d'un côté et de 20 cm de l'autre compte tenu de la déclivité du sol, dès lors qu'il ne peut être attendu des intimés de recevoir l'ouvrage en en mesurant toutes les côtes, s'agissant au surplus d'une non-conformité non manifeste, qui se remarque qu'à l'usage, et qui apparaît dans toute son ampleur et ses conséquences après réception, lorsqu'il en est pris conscience, ainsi que des risques de chute induits;

Pour le reste, la société Bastide des Près n'allègue d'aucun moyen en droit ou en fait à l'encontre du jugement en ce qu'il a retenu, par les motifs développés ci-dessus, que celle-ci avait commis des malfaçons et défauts d'exécution justifiant sa condamnation à payer les sommes suscitées;

Il apparaît par ailleurs que ces motifs sont pertinents et ces condamnations justifiées, au regard tant des malfaçons commises que du montant des travaux nécessaires afin de les réparer, et du préjudice moral qui en est résulté;

Il y a donc lieu de confirmer le jugement en toutes ses dispositions;

La société Bastide des Près, qui succombe, supportera les dépens d'appel;

L'équité et la situation économique des parties justifient qu'elle soit condamnée à payer à [E] [W] et [P] [Y] épouse [W] la somme de 2 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile;

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort, par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions soumises à la Cour;

Y AJOUTANT:

CONSTATE que la réception tacite de l'ouvrage est intervenue le 7 mars 2014 ;

CONDAMNE la société Bastide des Près à payer à [E] [W] et [P] [Y] épouse [W] la somme de 2 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile;

CONDAMNE la société Bastide des Près aux dépens d'appel;

DEBOUTE les parties de toutes leurs autres demandes ainsi que celles plus amples et contraires;

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Novembre 2022.

Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-4
Numéro d'arrêt : 18/03104
Date de la décision : 10/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-10;18.03104 ?
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