COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Rétention Administrative
CHAMBRE 1-11 RA
ORDONNANCE
DU 25 OCTOBRE 2022
N° 2022/1096
Rôle N° RG 22/01096 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKGTZ
Copie conforme
délivrée le 25 Octobre 2022 par courriel à :
-l'avocat
-le préfet
-le CRA
-le JLD/TJ
-le retenu
-le MP
Signature,
le greffier
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance rendue par le Juge des libertés et de la détention de NICE en date du 23 octobre 2022 à 11h52.
APPELANT
Monsieur [N] [L]
né le 22 Décembre 1981 à [Localité 1]
de nationalité Tunisienne
comparant en personne, assisté de Me Aurélie AUROUET-HIMEUR, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, commis d'office et de Monsieur [W] [P] (Interprète en langue arabe) en vertu d'un pouvoir spécial non inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, ayant préalablement prêté serment.
INTIME
Monsieur le préfet des ALPES MARITIMES
non comparant et non représenté
MINISTÈRE PUBLIC :
Avisé et non représenté
DEBATS
L'affaire a été débattue en audience publique le 25 octobre 2022 devant Madame Aude PONCET, Vice-Présidente placée près le premier président près la cour d'appel d'Aix-en-Provence déléguée par le premier président par ordonnance, assistée de Madame Elodie BAYLE, Greffière,
ORDONNANCE
Réputée contradictoire,
Prononcée par mise à disposition au greffe le 25 Octobre 2022 à 14H30,
Signée par Madame Aude PONCET, Vice-Présidente placée et Madame Elodie BAYLE, Greffière,
PROCÉDURE ET MOYENS
Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;
Vu l'arrêté portant obligation de quitter le territoire national pris le 20 octobre 2022 par le préfet des ALPES MARITIMES, notifié le même jour à 17h45 ;
Vu la décision de placement en rétention prise le 17h45 par le préfet des ALPES MARITIMES notifiée le même jour à 17h45 ;
Vu l'ordonnance du 23 octobre 2022 rendue par le Juge des libertés et de la détention de NICE décidant le maintien de Monsieur [N] [L] dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;
Vu l'appel interjeté le 24 octobre 2022 par Monsieur [N] [L] ;
Monsieur [N] [L] a comparu et a été entendu en ses explications ; il déclare ' j'ai demandé l'asile et j'avais rendez vous pour prendre des photos dans la procédure. Je n'ai pas encore déposé de dossier. Je n'ai personne au pays, je n'ai nulle part où dormir. Je ne connais pas mon père. Je n'ai pas de projet. Je ne veux pas retourner dans mon pays. Je prefère travailler ici; je demande de l'aide. J'ai mal à l'épaule, je ne peux pas dormir la nuit. '
Son avocat a été régulièrement entendu ; il conclut à l'infirmation de la décision attaquée. Il fait valoir que l'arrêté délivré par le préfet de placement en rétention est insuffisamment motivé et n'a pas suffisamment examiné la situation personnelle de Monsieur [L]. Il souligne que l'arrêté ne fait pas état des démarches engagées par le retenu au titre de la demande d'asile. Il considère que la décision du préfet ne fait pas état de cette demande d'asile et a ainsi porté atteinte aux articles L521-1 et suivants du CESEDA, compte tenu des risques connus et encourus par Monsieur [L] dans son pays d'origine.
La préfecture n'était pas représentée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La recevabilité de l'appel contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention n'est pas contestée et les éléments du dossier ne font pas apparaître d'irrégularité.
Sur l'insuffisance de motivation et le défaut d'examen de la situation de Monsieur [L]
En application de l'article L.741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile l'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.
Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3.
Aux termes de l'article L.612-3 le risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :
1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;
2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;
3° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;
4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;
5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ;
6° L'étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l'un des États avec lesquels s'applique l'acquis de Schengen, fait l'objet d'une décision d'éloignement exécutoire prise par l'un des États ou s'est maintenu sur le territoire d'un de ces États sans justifier d'un droit de séjour ;
7° L'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou a fait usage d'un tel titre ou document ;
8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5.
En l'espèce, la décision de placement en rétention cite les textes applicables à la situation de M. [L] et énonce les circonstances qui justifient l'application de ces dispositions. L'arrêté dispose en effet que Monsieur [L] n'est pas en mesure de présenter les documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français ou le territoire Schengen, qu'il se maintient de manière irrégulière depuis deux ans sans avoir entrepris une démarche en vue de régulariser sa situation administrative sur le territoire. L'arrêté précise également qu'il s'est soustrait à une précédente mesure prise le 17 décembre 2020 par la préfecture des Alpes-Maritimes qui lui avait été notifiée le 18 décembre 2020. Il précise enfin que l'intéressé ne justifie pas de résidence effective et permanente.
Ces circonstances correspondent aux éléments dont le préfet disposait au jour de sa décision, comme recueillis au cours de la garde à vue de Monsieur [L], celui- ci ayant notamment déclaré être célibataire, sans enfant, qu'il a reconnu être en situation irrégulière, sans domicile fixe et avoir l'intention de s'installer en France.
En conséquence, l'arrêté de placement en rétention comporte les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement et Monsieur [L] a pu être regardé comme ne présentant pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire. C'est donc sans méconnaître le principe de proportionnalité et de nécessité et en procédant à un examen de la situation personnelle de l'étranger et de son état de vulnérabilité que la décision de placement en rétention a été prise.
Il n'est pas contesté que Monsieur [L] a déposé une demande d'asile, qu'il s'est vu délivré le 12 octobre 2022 une convocation pour le 27 octobre 2022 auprès des services de la préfecture pour l'enregistrement de sa demande, laquelle n'est donc pas encore effective.
En tout état de cause, si la demande d'asile ne permet pas de mettre à exécution la mesure d'éloignement tant que l'OFPRA et le tribunal administratif ne se sont pas prononcés, elle n'empêche pas la préfecture de placer un individu en rétention.
Ce moyen sera donc rejeté.
Sur l'atteinte aux articles L521-1 et suivants du CESEDA
Aux termes de l'article L521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente qui enregistre sa demande et procède, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, à la détermination de l'Etat responsable en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ou en application d'engagements identiques à ceux prévus par le même règlement.
Il n'est pas contesté que Monsieur [L] a déposé une demande d'asile, qu'il s'est vu délivré le 12 octobre 2022 une convocation pour le 27 octobre 2022 auprès des services de la préfecture pour l'enregistrement de sa demande, laquelle n'est donc pas encore effective.
Il ressort de la procédure que lui ont été notifiés de manière régulière ses droits en rétention et notamment ce qu'il est susceptible d'exercer en matière de demande d'asile. Il lui appartient donc d'exercer les droits dont il a été informé.
En tout état de cause, si la demande d'asile ne permet pas de mettre à exécution la mesure d'éloignement tant que l'OFPRA et le tribunal administratif ne se sont pas prononcés, elle n'empêche pas la préfecture de placer un individu en rétention.
Ce moyen sera donc rejeté.
Il convient en conséquence de confirmer l'ordonnance déférée.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par décision réputée contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,
Confirmons l'ordonnance du Juge des libertés et de la détention de NICE en date du 23 Octobre 2022.
Les parties sont avisées qu'elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d'Etat ou de la Cour de cassation.
La greffière,La présidente,