COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-1
ARRÊT AU FOND
DU 25 OCTOBRE 2022
N° 2022/332
Rôle N° RG 19/07940 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEIZJ
DIRECTEUR REGIONAL DES DOUANES ET DROITS INDIRECTS DE [Localité 4]
Etablissement RECEVEUR INTERREGIONAL DES DOUANES ET DROITS INDIRECTS DE MARSEILLE
C/
Société BANQUE POPULAIRE MEDITERRANEE - BPMED
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
- Me Sandra JUSTON
ccc délivrées
par LRAR
- Douanes
- Banque Populaire
ccc délivrées par LS
- Me MOYEN NEVOUET
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 04 Avril 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 13/3724.
APPELANTES
La DIRECTION RÉGIONALE DES DOUANES ET DROITS INDIRECTS DES ALPES MARITIMES, prise en la personne de Madame la Directrice régionale des Douanes et droits indirects auprès de la Direction Régionale des Douanes et Droits indirects des Alpes-Maritimes, sise [Adresse 2]
Plaidant par Me Anne-Claire MOYEN-NEVOUET de la SELARL URBINO ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
Madame la Directrice Régionale des Douanes des Alpes-Maritimes, domiciliée es qualité à la Direction Régionale des Douanes et Droits Indirects des Alpes-Maritimes, [Adresse 2]
Plaidant par Me Anne-Claire MOYEN-NEVOUET de la SELARL URBINO ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
Monsieur le Receveur Régional des Douanes, près la Direction Régionale des Douanes et Droits Indirects des Alpes-Maritimes demeurant en cette qualité à la Recette Régionale des Douanes et Droits Indirects des Alpes-Maritimes, sise [Adresse 1]
Plaidant par Me Anne-Claire MOYEN-NEVOUET de la SELARL URBINO ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
BANQUE POPULAIRE MEDITERRANEE - BPMED Venants aux droits de la BANQUE POPULAIRE COTE D'AZUR, par les effets de la fusion par voie d'absorption de la BPCA par la Banque Populaire Provençale et Corse dénommée désormais 'Banque Populaire Méditerranée, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège,
représentée par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat postulant au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et plaidant par Me Freddy DESPLANQUES, avocat au barreau du HAVRE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 19 Septembre 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Danielle DEMONT, conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Olivier BRUE, Président
Mme Danielle DEMONT, Conseiller
Madame Louise DE BECHILLON, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Colette SONNERY.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Octobre 2022.
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Octobre 2022,
Signé par Monsieur Olivier BRUE, Président et Mme Colette SONNERY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Exposé du litige
La banque populaire Côte d'Azur a créé en 1990 une activité de financement de navires de plaisance confiée à un département nommé « Marine azur ». Elle propose à ses clients des solutions de financement (crédits-bails français et italiens).
La législation douanière prévoit que les personnes qui résident en France et qui utilisent un navire de plaisance battant pavillon étranger doivent être titulaires d'un droit de passeport.
Le droit de passeport correspond à une taxe à la charge du propriétaire ou de l'utilisateur français d'un navire de plaisance ou de sport battant pavillon étranger.
Le 28 août 2006 la direction régionale des douanes et des droits indirects des Alpes-Maritimes a notifié à la banque un premier procès-verbal d'infractions aux dispositions des articles 237 et suivants du code des douanes et l'a informée que ces faits concernaient 148 navires, représentant un montant total de droits de passeport éludés s'élevant à 1'168'897 € pour les années 2004, 2005 et 2006.
La banque a reçu la notification le 29 juin 2010 de l'avis de mise en recouvrement n° 881/CTX/29/2010 (l'avis de mise en recouvrement ici en litige ) pour avoir paiement de cette somme au titre du droit de passeport pour ces années.
Les agents de la cellule d'intervention spécialisée de [Localité 3] ont établi ensuite, le 18 janvier 2012, deux nouveaux procès-verbaux visant le non paiement du droit de passeport pour 34 navires au titre des années 2008 à 2010. Et la banque a reçu notification le 19 janvier 2012 d'un 2e avis de mise en recouvrement n° 881/CTX/03/2012 portant sur le montant de
237'000 € correspondant à cette période.(Traité dans le cadre d'une procédure distincte RG19/7987)
Le premier avis de mise en recouvrement du 29 juin 2010 a été contesté par lettre du 7 novembre 2012.
Le 15 mai 2013 la directrice régionale des douanes des Alpes-Maritimes a répondu que la créance douanière demeurait fondée à hauteur de 1'172'538 € représentant les droits de passeport au titre des années 2004 à 2006.
Sa réclamation étant rejetée, la banque a adressé à l'administration des douanes un chèque du montant sollicité.
Par exploit du 5 juillet 2013 la Banque populaire Méditerranée (BPM), venue aux droits de la SA Banque populaire Côte d'Azur, si suite à fusion-absorption, a fait assigner l'administration des douanes, la directrice régionale des douanes des Alpes-Maritimes et le receveur régional des douanes aux fins d'obtenir l'annulation de l'avis de mise en recouvrement et le dégrèvement de son montant.
Par mémoire distinct du 8 avril 2014 la BPM, venue aux droits de la SA Banque populaire Côte d'Azur, a présenté 4 questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) dans le cadre de cette affaire.
Par ordonnance du 10 février 2015 le juge de la mise en état a rejeté la demande de transmission des QPC.
Par jugement en date du 4 avril 2019 (RG n° 13/3724) le tribunal de grande instance de Nice a :
' donné acte à la SA banque populaire Méditerranée qu'elle vient aux droits de la SA banque populaire Côte d'Azur ;
' déclaré recevable l'action de la SA Banque populaire Méditerranée ;
' annulé l'avis de mise en recouvrement n° 881/CTX/29/2010 du 29 juin 2010 émis par la direction générale des douanes et droits indirects à l'encontre de la populaire Côte d'Azur ;
' condamné l'administration des douanes à restituer à la Banque populaire Méditerranée la somme de 1'178'443 € avec intérêts au taux légal à compter du 5 juillet 2013 ;
' dit n'y avoir lieu à condamnation aux dépens en application de l'article 367 du code des douanes ;
' et condamné l'administration des douanes et droits indirects à payer à la société Populaire Méditerranée la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le 6 mai 2019 le directeur régional des douanes et droits indirects des Alpes-Maritimes a relevé appel de cette décision.
Par arrêts en date du 14 septembre 2021 quatre questions prioritaires de constitutionnalité à nouveau soulevées par la banque ont été rejetées par la cour de ce siège.
Par conclusions en date du 21 juillet 2022 la direction régionale des douanes et droits indirects des Alpes-Maritimes demande à la cour :
' d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a annulé l'avis de mise en recouvrement du 29 juin 2010 à hauteur de 1'172'538 €, et en ce qu'il l'a condamnée à restitution ;
' de valider cet avis de mise en recouvrement ;
' de débouter la banque de toutes ses demandes ;
' et de la condamner à lui payer la somme de 20'000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens
Par conclusions du 12 septembre 2022 la banque populaire Méditerranée, société coopérative de banques populaires, venant aux droits de la société banque populaire de Côte d'Azur, demande à la cour :
À titre principal,
' de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
À titre subsidiaire, en cas d'infirmation,
statuant à nouveau,
' de dire que l'avis de mise en recouvrement du 29 juin 2010 est entaché de vices formels ; de juger que la procédure douanière recouvrement a violé les principes du contradictoire et les droits de la défense ; et de constater qu'aucun acte de procédure douanière n'a valablement interrompu la prescription du droit de reprise, de sorte que la créance douanière portant sur le droit de passeport est prescrite ;
' en conséquence, de déclarer l'avis de mise en recouvrement du 29 juin 2010, pris ensemble avec la décision de l'administration des douanes du 15 mai 2013, nuls et de nul effet ;
' de condamner l'administration des douanes à lui rembourser la somme de 1'178'443 € avec intérêts au taux légal à compter du 5 juillet 2010 ;
À titre très subsidiaire, au fond,
' de dire que la créance douanière ne saurait excéder la somme de 21'075 €, et de condamner l'administration des douanes à lui rembourser le différentiel avec intérêts au taux légal à compter du 5 juillet 2013 ;
' de constater qu'en toute hypothèse, l'administration des douanes a par la suite recalculé le 15 mai 2013 sa créance et l'a fixée à la somme de 1'172'538 € ; et en conséquence de condamner l'administration des douanes à lui rembourser à tout le moins la somme de 5 905 € outre intérêts au taux légal à compter du 5 juillet 2013 ;
Et en tout état de cause,
' de condamner les douanes à lui payer la somme de 20'000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de laisser les dépens à la charge des parties.
La cour renvoie aux écritures précitées pour l'exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties.
Motifs
Attendu que l'article 238 du code des douanes dispose que le droit de passeport est calculé dans les mêmes conditions, selon la même assiette, le même taux et les mêmes modalités d'application que le droit de francisation prévu à l'article 223 sur les navires français de la même catégorie ;
Que l'article 223 du code des douanes précise les modalités de calcul du droit de francisation qui, pour les navires de plaisance et de sport, se compose d'un droit sur la coque qui dépend de la longueur de celle-ci et d'un droit sur le moteur ou d'une taxe spéciale déterminé à partir de la puissance admirative des navires ;
Attendu que le droit de passeport se calcule de la manière suivante : addition du droit sur la coque et du droit sur le moteur du navire ;
Attendu au cas d'espèce la Banque populaire Méditerranée soutient exactement que l'avis de mise en recouvrement du 29 juin 2010 vise la somme à devoir de 1'178'443 €, sans précision ; et qu'au mépris des dispositions de l'article 345 alinéa 3 du code des douanes, le fait générateur et les éléments de liquidation de la créance douanière et fiscale ne sont pas mentionnés ;
Attendu qu'en effet l'avis de mise en recouvrement du 29 juin 2010 contient d'abord la référence expresse 'aux procès-verbaux en date du 28 août 2006 et 5 février 2009" puis indique :
« Désignation Des Créances
faits générateurs, nature, montant et éléments de liquidation :
Défaut de paiement du droit de passeport notifié portant sur 148 navires-infraction prévues et réprimées par l'article 411 du code des douanes
-Droit annuel de passeport dû pour les années 2004, 2005 et 2006 : ..............1'178'443 € » ;
Attendu que le procès-verbal de constat du 28 août 2006 qui est annexé, après avoir décrit la procédure suivie par l'administration douanière contre le redevable, conclut :
« La BPCA à [Localité 4] est propriétaire sous contrat de crédit-bail de 1500 navires selon les déclarations de ses dirigeants.
Il en ressort manifestement que la Banque populaire Côte d'Azur propriétaire de 151 navires de plaisance battant pavillon étranger ne pouvait ignorer la réglementation relative aux droits passeports et qu'elle agit en connaissance de cause en omettant de régler le droit prévu aux articles 237 et suivants du code des douanes.
En conséquence nous avons signifié à M. [B] responsable légalement habilité, présent, l'infraction douanière de défaut de paiement du droit passeport réprimé par l'article 441 du code des douanes.
Nous l'avons informé que ces faits concernaient 148 navires de plaisance après vérification des éléments d'exigibilité en droits susnommés-soit un montant de droits éludés de 1'168'897 € pour la période non prescrite» ;
Attendu que le procès-verbal de constat du 5 février 2009 également annexé ajoute :
« En continuation de celui du 28 août 2006, (') sur place nous informons M. [G] de la demande de notre direction générale et pour tenir compte du fait générateur du droit de passeport, nous avons procédé à une nouvelle liquidation des droits éludés pour l'ensemble de 148 navires en cause dont le montant total a été porté désormais à la somme de 1'178'443 €.
La liste des navires éligibles est jointe au présent et côtée. »
Attendu que ladite liste comporte seulement le nom de chaque locataire, la ville, le nom du bateau, la date d'effet et le droit au passeport (DAP) annuel avant 2006 et après 2006 ;
Attendu que la banque populaire Méditerranée n'a pas eu connaissance, à la lecture de l'avis de mise en recouvrement du 29 juin 2010 et de ses annexes, des éléments de liquidation à l'origine du montant réclamé par l'administration des douanes, pas même du principe de calcul selon les textes applicables, et qu'elle n'a pas pu ainsi vérifier à quoi correspondait ce montant global qui lui était ainsi réclamé ;
Attendu le jugement qui a invalidé l'avis de mise en recouvrement du 29 juin 2010 et qui a condamné l'administration des douanes à restitution doit donc être approuvé ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
y ajoutant
Dit n'y avoir lieu à condamnation aux dépens d'appel en application de l'article 367 du code des douanes,
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Dit n'y avoir lieu de faire application de ce texte en cause d'appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT