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21/10/2022 | FRANCE | N°19/03356

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-2, 21 octobre 2022, 19/03356


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2



ARRÊT AU FOND

DU 21 OCTOBRE 2022



N° 2022/224













Rôle N° RG 19/03356 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BD3PP







[E] [I]





C/



Société ADF MAINTENANCE INDUSTRIELLE SAS





















Copie exécutoire délivrée

le 21 OCTOBRE 2022

à :



Me Jérôme FERRARO de la SCP E. SANGUINETTI , J. FERRARO, A.

CLERC ET J. AUGIER, avocat au barreau de MARSEILLE



Me Sébastien BADIE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

(Vestiaire 145)



















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARTIGUES en date du 10 Janvier 2019 enregi...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2

ARRÊT AU FOND

DU 21 OCTOBRE 2022

N° 2022/224

Rôle N° RG 19/03356 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BD3PP

[E] [I]

C/

Société ADF MAINTENANCE INDUSTRIELLE SAS

Copie exécutoire délivrée

le 21 OCTOBRE 2022

à :

Me Jérôme FERRARO de la SCP E. SANGUINETTI , J. FERRARO, A. CLERC ET J. AUGIER, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Sébastien BADIE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

(Vestiaire 145)

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARTIGUES en date du 10 Janvier 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 16/00165.

APPELANT

Monsieur [E] [I] [I] appel, demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Jérôme FERRARO de la SCP E. SANGUINETTI , J. FERRARO, A. CLERC ET J. AUGIER, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SOCIETE ADF MAINTENANCE INDUSTRIELLE SAS prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège social, demeurant Service Juridique - [Adresse 2]

représentée par Me Sébastien BADIE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre suppléante, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre

Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre suppléante

Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Cyrielle GOUNAUD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Octobre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Octobre 2022

Signé par Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre et Mme Cyrielle GOUNAUD, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Monsieur [E] [I] a été engagé par la société ADF Maintenance Industrielle SAS suivant contrat de travail à durée indéterminée en qualité d'ouvrier charge monteur à compter du 17 octobre 2011.

La convention collective applicable est celle des industries métallurgiques.

Le 19 mai 2013, Monsieur [I] a été victime d'un infarctus dans le cadre d'une maladie non professionnelle et a été placé en arrêt de travail jusqu'au 30 septembre 2013.

A l'issue d'une visite médicale de reprise en date du 3 octobre 2013, il a été déclaré 'apte avec contre-indications aux travaux à la chaleur (four), au-delà d'une hauteur de 20 m, en milieu confiné.'

Le 10 mars 2014, à l'issue d'une visite médicale périodique, le médecin du travail l'a déclaré apte avec maintien des contre-indications déjà retenues en y ajoutant :'CI aux travaux physiques avec ARI'.

Le 10 novembre 2014, Monsieur [I] a été victime sur son lieu de travail d'un second infarctus pris en charge par l'assurance maladie au titre des accidents du travail.

A l'issue d'un seul examen médical de reprise en date du 2 juillet 2015, le médecin du travail l'a déclaré:

'Inapte à la reprise de son poste d'ouvrier chargé monteur en pétrochimie, à reclasser sur un poste ne comportant pas :

- de travail à la chaleur,

- de port d'ARI (appareil respiratoire isolant),

- d'effort physique intense (utilisation gros outillage, serrage, desserage...)

- de conduite de véhicule en mission,

- de travail en milieu confiné ou en hauteur,

Un poste en atelier ou administratif avec si besoin formation professionnelle pourrait convenir. Remise ITI ce jour.'

Après consultation le 4 septembre 2015 des délégués du personnel, la société ADF Maintenance Industrielle a adressé à Monsieur [I] par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 8 septembre 2015 les deux propositions de poste suivantes:

- un poste de magasinier/approvisionneur à [Localité 4] (80),

- un poste de magasinier à [Localité 5] (13) ,

que le salarié a refusées le 17 septembre 2015, l'un étant éloigné de 800 kms de son lieu de vie et l'autre étant assorti d'une importante perte de rémunération.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 28/09/2015, Monsieur [I] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 08 octobre 2015.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 octobre 2015, l'employeur a proposé de nouveau au salarié l'un des deux postes sur [Localité 5] avec suppression de la prime de fonction mais maintien de son salaire de base, poste refusé par ce dernier par courrier du 26 octobre 2015.

Le 2 novembre 2015, le salarié a été convoqué à un entretien préalable fixé au 16 novembre 2015 et a été licencié pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 23 novembre 2015.

Contestant la légitimité de son licencement, Monsieur [I] a saisi le conseil de conseil de prud'hommes de Martigues par requête en date du 22 février 2016 lequel par jugement du 10 janvier 2019 a :

- dit que la société ADF Maintenance Industrielle a procédé à une recherche sérieuse et effective de reclassement de Monsieur [I],

- donné acte à la société des propositions de postes formulées à Monsieur [I],

- constaté que Monsieur [I] a refusé les postes proposés même après aménagement suite à l'entretien préalable qui s'est tenu,

- dit que le licenciement de Monsieur [I] est pourvu d'une cause réelle et sérieuse,

- débouté Monsieur [I] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- débouté Monsieur [I] de sa demande d'indemnité au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société ADF Maintenance Industrielle de sa demande d'indemnité au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir pas lieu à exécution provisoire,

- condamné Monsieur [I] aux entiers dépens,

- débouté les parties de leurs autres demandes.

Monsieur [I] a relevé appel de ce jugement par déclaration adressée au greffe par voie électronique en date du 26 février 2019.

Aux termes de ses conclusions d'appelant notifiées par voie électronique le 28 juillet 2022 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens soutenus, Monsieur [I] a demandé à la cour de :

- le dire recevable et bien fondé en son appel,

- réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- dire que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamner la société intimée au paiement des sommes suivantes:

- 50.000 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2.000 € d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner la fixation des intérêts de droit à compter de la demande en justice avec capitalisation.

Il fait valoir en substance :

- d'une part, que l'employeur a manqué à son obligation de reclassement, les propositions de reclassement manquant de sérieux exigeant pour la première un éloignement conséquent du lieu de travail et pour la seconde une baisse significative de rémunération alors que la Société ADF Maintenance Industriel, groupe leader européen dans son domaine d'activité comportant de nombreuses filiales et plus de 2.800 collaborateurs n'a pas procédé à une recherche sérieuse de reclassement se contentant des traditionnelles lettres circulaires à d'autres entités du groupe adressées le 06 juillet 2015,

- d'autre part, que l'accident du travail à l'origine de l'inaptitude physique constatée a été directement causé par le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité celui-ci ne démontrant pas avoir mis en oeuvre les mesures destinées à tenir compte de l'avis d'aptitude avec réserves délivré le 2 octobre 2013 après son premier infarctus et ce même en l'absence de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.

Suivant conclusions d'intimée notifiées par voie électronique le 27 mai 2019 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens soutenus, la société ADF Maintenance Industrielle a demandé à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Martigues le 19 janvier 2019 sauf en ce qu'il a rejeté la demande relative aux frais de procédure,

- dire que la société ADF Maintenance Industrielle a procédé à une recherche sérieuse et effective de reclassement de Monsieur [I],

- donner acte à la société des propositions de postes formulées à Monsieur [I],

- constater que Monsieur [I] a refusé les postes proposés même après aménagement suite à l'entretien préalable qui s'est tenu,

- dire que le licenciement de Monsieur [I] est pourvu d'une cause réelle et sérieuse,

- débouter Monsieur [I] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- débouter Monsieur [I] de sa demande d'indemnité au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Monsieur [I] à payer à la société ADF Maintenance Industrielle la somme de 2.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de 3.000 € en cause d'appel,

- condamner Monsieur [I] aux entiers dépens.

La société ADF Maintenance Industrielle conteste les manquements reprochés.

1) A propos de l'obligation de reclassement, elle prétend avoir procédé à une recherche sérieuse et loyale de postes de reclassement sur le périmètre du groupe et avoir proposé au salarié les seuls postes de reclassement disponibles et adaptés aux préconisations médicales.

Elle indique qu'elle a tenu compte du refus d'un éloignement géographique opposé par le salarié pour lui proposer une seconde fois le poste de Magasinier à [Localité 5] initialement refusé après avoir accepté de maintenir la rémunération de base de celui-ci, lequel l'a refusé une seconde fois en évoquant pour la première fois le fait que ce poste n'aurait pas été compatible avec son état de santé.

2) A propos du manquement à l'obligation de sécurité, elle affirme qu'elle a respecté les restrictions médicales depuis 2013, l'encadrement ayant pris toutes les mesures pour n'affecter Monsieur [I] qu'à des travaux correspondants à ces restrictions , celui-ci ayant changé de poste pour devenir chef d'équipe, qu'il n'a pas continué à travailler sur des travaux pénibles, en hauteur, avec chaleur et port de L'ARI, contrairement aux affirmations de Monsieur [P], lequel n'a jamais travaillé avec le salarié et de Monsieur [Y] qui ne précisant pas la période concernée ne permet pas de vérifier si celle-ci est ou non postérieure aux restrictions médicales, aucun de ces salariés n'ayant été présents le 10 novembre 2014, jour de l'accident du travail.

Elle ajoute que le salarié ne démontre pas avoir poursuivi le port de l'ARI (appareil respiratoire isolant) l'encadrement ayant mis fin à une pratique consistant pour les chefs d'équipe à accorder une prime systématique de port de masque ARI à tous les salariés qu'ils soient ou non amenés à porter le masque, que le jour de l'accident, Monsieur [I] travaillait à moins de 20 m de hauteur et qu'indépendamment de toute activité professionnelle, il présentait trois facteurs de risque de présenter un infarctus (tabagisme, hérédité coronaire familiale, surcharge pondérale) de sorte qu'il n'est nullement rapporté la preuve que le travail du 10 novembre 2014 ait joué un quelconque rôle causal.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 05 septembre 2022, l'audience de plaidoiries étant fixée au 19 septembre 2022.

SUR CE :

Sur le licenciement :

Sur le manquement de l'employeur à l'obligation de reclassement :

Lorsque le médecin du travail déclare le salarié inapte à reprendre son poste de travail à la suite d'une affection d'origine professionnelle ou non, l'employeur doit proposer au salarié inapte un emploi approprié à ses capacités compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail. L'emploi de reclassement est aussi comparable que possible de l'emploi précédemment occupé au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutation, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

La recherche de reclassement doit être loyale et sérieuse.

La proposition de reclassement prend en compte la qualification, l'expérience et le niveau de formation du salarié. Elle doit être précise et mentionner la qualification du poste, la rémunération, les horaires de travail.

Le reclassement doit être recherché parmi les emplois disponibles y compris ceux pourvus par voie de contrat de travail à durée déterminé. Lorsque l'entreprise appartient à un groupe la recherche des possibilités de reclassement doit s'effectuer parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation lui permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

Le refus du salarié d'accepter un poste n'implique pas à lui seul le respect de son obligation par l'employeur auquel il appartient de faire de nouvelles propositions de reclassement ou en cas d'impossibilité de le licencier.

En l'espèce, l'examen des pièces versées aux débats par l'employeur démontre que celui-ci n'a pas manqué à son obligation de reclassement, ayant régulièrement consulté les représentants du personnel, sérieusement et loyalement recherché au sein des douze sociétés du groupe des postes de reclassement qu'il a proposés à Monsieur [I] à deux reprises en tenant compte des objections de ce dernier et ayant prouvé l'impossibilité de reclasser celui-ci en l'absence de tout poste disponible compatible avec les préconisations médicales figurant sur le registre d'entrée et de sortie du personnel régulièrement produit.

Sur le manquement de l'employeur à l'obligation légale de sécurité:

Le licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsqu'il est démontré que l'inaptitude médicalement constatée est consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée.

Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

L'obligation générale de sécurité se traduit par un principe de prévention au titre duquel les équipements de travail doivent être équipés, installés, utilisés, réglés et maintenus de manière à préserver la santé et la sécurité des travailleurs .

L'employeur, tenu d'une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité en prenant en considération les propositions de mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs que le médecin du travail est habilité à prendre en application de l'article L. 4624-1 du code du travail .

Il incombe, en outre, à l'employeur, en tant que débiteur de cette obligation de sécurité, de prouver qu'il a respecté ses obligations à cet égard.

Il est constant qu'à la suite d'un premier infarctus survenu le 19 mai 2013, Monsieur [I] a été déclaré à l'issue d'une visite médicale de reprise en date du 3 octobre 2013 'apte avec contre-indications aux travaux à la chaleur (four), au-delà d'une hauteur de 20 m, en milieu confiné', qu'à l'issue d'une visite médicale périodique du 10 mars 2014, le médecin du travail a maintenu ces premières contre-indications en y ajoutant :'CI aux travaux physiques avec ARI', que le 10 novembre 2014, il a fait une seconde crise cardiaque sur son lieu de travail alors qu'il travaillait en hauteur à 18,5 m selon l'employeur (pièce n°47) à la fermeture d'un 'trou d'homme 24 pouces de chaudière', infarctus pris en charge au titre de la législation sur les accidents du travail et maladies professionnelles et que le 2 juillet 2015, après un seul examen médical le médecin du travail l'a déclaré:

'Inapte à la reprise de son poste d'ouvrier chargé monteur en pétrochimie, à reclasser sur un poste ne comportant pas :

- de travail à la chaleur,

- de port d'ARI (appareil respiratoire isolant),

- d'effort physique intense (utilisation gros outillage, serrage, desserage...)

- de conduite de véhicule en mission,

- de travail en milieu confiné ou en hauteur,

Un poste en atelier ou administratif avec si besoin formation professionnelle pourrait convenir.

Soutenant que l'employeur n'avait absolument pas respecté les contre-indications médicales entre le mois d'octobre 2013 et l'accident du travail du 10 novembre 2014 et qu'il avait continué à effectuer des travaux physiques en hauteur et avec port des ARI sur le site industriel de Basell Berre alors que son état de santé était connu de sa hiérarchie, Monsieur [I] produit aux débats:

- une fiche de pointage du mois de juillet 2014 (pièce n°4) dactylographiée mentionnant une prime de port du masque ARI correspondant à de 121,44 € pour12 ports de masque,

- une attestation de Monsieur [P], monteur en raffinerie (pièce n°20) rédigée ainsi qu'il suit ' Je soussigné Monsieur [P] travaillant avec [I] [E] à [Localité 3]Basell Berre sur des travaux pénibles en hauteur, chaleur vapeur et avoir porté l'ARI.

Quelques jours avant l'arrêt d'unité chaudière en octobre 2014, il avait signalé à Monsieur [D] [K] chef de centre qu'il avait un problème cardiaque et qu'il avait des contre-indications du médecin du travail'.

- une attestation de Monsieur [Y], monteur, (pièce n°21) certifiant sur l'honneur que 'Monsieur [I] a participé à de multiples travaux pénibles (chaleur hauteur, port ARI ...) en ma compagnie. Il m'avait signalé qu'il avait des restrictions médicales et qu'il avait mis au courant Monsieur [D] [K], chef du centre ADF [Localité 3] Basell.'.

Alors qu'il ne verse pas aux débats le document unique d'évaluation des risques prévu par l'article R.4121-1 du code du travail, l'employeur auquel incombe la charge d'établir qu'il a assuré au profit du salarié depuis octobre 2013 la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés aux contre-indications médicales , verse aux débats:

- un témoignage de Monsieur [D], chef de site (pièce n°30) lequel indique :'qu'en poste depuis décembre 2013, (...) il a pris connaissance des restrictions médicales, contre-indications aux travaux à la chaleur, aux travaux en hauteur à plus de 20 m, en espace confiné, avec ARI, qu'il en a fait part à Monsieur [C], responsable du salarié et à mon adjoint afin qu'ils prennent les dispositions nécessaires.C'est dans ce cadre que Monsieur [I] avait changé de poste pour devenir chef d'équipe' témoignage qui n'est cependant corroboré par aucun autre élément confirmant que les consignes alléguées avaient bien été appliquées alors que la matérialité même du changement de poste est en cause, une telle modification ne résultant d'aucune note, courriel ni élément contractuel adressés et/ou signés de Monsieur [I] alors que les bulletins de salaire de ce dernier ont toujours exclusivement mentionné l'emploi d'ouvrier chargé monteur,

- ce même témoignage précise que 'peu de temps après son arrivée,(décembre 2013) Monsieur [D] a mis fin à la pratique d'attribution systématique d'une prime de port de masque ARI alors que les bénéficiaires n'avaient porté au cours de leur travail qu'une protection respiratoire simple..' affirmation contredite cependant non seulement par la fiche de pointage de juillet 2014 produite par le salarié mentionnant 12 ports de masque ARI rémunérés par une prime de masque de 121,44 euros figurant sur le bulletin de paie du mois de juillet 2014 mais également par cette même mention présente sur tous les bulletins de paie jusqu'en octobre 2014 d'un montant variable en fonction du nombre de jours retenus,

- des tableaux (pièce n°35) synthétisant les pointages de Monsieur [P] et de Monsieur [I] sur la période du 01/01/2013 au 31/12/2014 mettant en évidence que ceux-ci n'ont travaillé ensemble qu'une seule fois les 26 et 27 avril 2014,

- des tableaux (pièce n°36) synthétisant pour la même période les pointages de Monsieur [Y] et de Monsieur [I] mettant en évidence 43 jours en commun entre les mois d'avril et de septembre 2014,

- une attestation de Monsieur [X] [J] (pièce n°31) indiquant que 'le 10 novembre 2014, je faisais équipe avec [E] [I] et [V] [M]..., nous devions refermer un trou d'hommes de 24 pouces comme on connaissait les problèmes de santé de [E] on ne l'a pas laissé soulever la bride de fermeture, on s'en est occupé sadek et mois. Au cours des travaux, [E] a commencé à ressentir une gêne au niveau de la poitrine et il s'est mis en retrait.

A la fin des travaux, après avoir descendu l'escalier, il s'est senti plus mal et nous a demandé d'appeler les pompiers du site.'

Il se déduit de ces différents éléments :

- que la société ADF Maintenance Industrielle ne prouve pas avoir mis en oeuvre les mesures nécessaires pour préserver la santé de Monsieur [I] ni en octobre 2013 après son premier infractus, ni postérieurement, alors que celui-ci, comme l'indique Monsieur [Y] de manière circonstanciée a participé à l'inverse à de multiples travaux pénibles médicalement contre-indiqués (chaleur, hauteur, port ARI ...) entre les mois d'avril 2014 à septembre 2014, soit à une période postérieure aux restrictions médicales d'octobre 2013 et de mars 2014, les affirmations de ce témoin à propos du port du marque ARI étant d'ailleurs corroborées par les fiches de pointage ainsi que par les bulletins de paie de la même période,

- que si le 10 novembre 2014, jour de son second infarctus, Monsieur [I] n'a pas soulevé la bride de fermeture du ballon, c'est à l'initiative de ses collègues de travail et non en application d'une quelconque consigne de sa hiérarchie,

- que s'il ne se trouvait pas à une hauteur supérieure à 20 mètres, l'intervention se situait cependant à environ 18,5 mètres de hauteur selon les calculs de l'employeur,

- que l'absence de nécessité du port du masque ARI au cours de cette intervention affirmée par l'employeur en l'absence, selon lui, de toute toxicité s'agissant ce jour là d'une intervention sur une chaudière n'est nullement démontrée au vu des éléments produits par la société ADF Maintenance Industrielle alors qu'au cours du protocole d'expertise médicale auquel le salarié a été soumis le 24 juin 2015 (pièce n°17 du salarié), celui-ci a mentionné à la date de son accident du travail 'Vapeur à proximité (produits utilisés, vapeur, benzène, acide, soude, javel ammoniaque)' .

En conséquence, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, la cour considère que la société ADF Maintenance Industrielle, parfaitement informée des réserves médicales concernant le salarié depuis octobre 2013, a manqué à son obligation légale de sécurité en ne rapportant pas la preuve d'avoir aménagé le poste de travail du salarié dès cette date conformément aux préconisations du médecin du travail et qu'en l'absence de mesures nécessaires à la préservation de la santé de Monsieur [I], ses conditions de travail ont joué un rôle causal dans l'accident du travail du 10 novembre 2014 à l'origine de l'inaptitude d'origine professionnelle constatée, l'employeur ne prouvant pas que cette inaptitude ait été étrangère au manquement reproché.

L'inaptitude de Monsieur [I] étant consécutive au manquement préalable de l'employeur à son obligation légale de sécurité qui l'a provoquée, le licenciement du salarié est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Dès lors, il y a lieu d'infirmer les dispositions du jugement entrepris ayant dit le licenciement pourvu d'une cause réelle et sérieuse.

Sur l'indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse :

L'indemnité spécifique de l'article L.1226-15 du code du travail sur laquelle Monsieur [I] fonde sa demande est attribuée dans l'hypothèse d'un licenciement abusif si l'employeur a manqué à son obligation de reclassement en ne consultant pas les représentants du personnels, en ne rapportant pas la preuve de l'impossibilité du reclassement ou encore si le licenciement a été prononcé pour un autre motif que l'inaptitude physique.

Or, tel n'est pas le cas en l'espèce, la rupture de la relation de travail pour inaptitude et impossibilité de reclassement étant illicite pour un motif autre que le manquement de l'employeur à son obligation de reclassement, en l'espèce le manquement à l'obligation légale de sécurité ce dont il résulte que Monsieur [I] ne peut fonder sa demande d'indemnisation du caractère injustifié de la perte de son emploi que sur les dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail lesquelles prévoit une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Tenant compte d'une ancienneté du salarié de quatre années dans une entreprise comptant plus de 11 salariés, d'un âge de 49 ans, d'un salaire mensuel brut moyen de 2.413,27 €, de ce que Monsieur [I] était toujours au chômage en janvier 2017 percevant l'allocation de retour à l'emploi (pièce n°28) mais qu'il n'a pas justifié des démarches réalisées pour retrouver un emploi, il convient de condamner la société ADF Maintenance Industrielle à lui payer une somme de 16.892,89 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur intérêts au taux légal et la capitalisation :

Les créances indemnitaires portent intérêt à compter de la décision qui les prononce, soit en l'espèce à compter du présent arrêt.

Les intérêts échus dus au moins pour une année entière seront capitalisés dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil.

Le jugement déféré, qui a rejeté ces demande, sera infirmé.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Les dispositions du jugement entrepris ayant condamné Monsieur [I] aux dépens et l'ayant débouté de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile sont infirmées.

La société ADF Maintenance Industrielle est condamnée aux dépens et à payer à Monsieur [I] une somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS:

La Cour:

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort:

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau et y ajoutant:

Dit que le licenciement de Monsieur [I] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Condamne la société ADF Maintenance Industrielle à payer à Monsieur [I] une somme de

Seize mille huit cent quatre vingt douze euros et quatre vingt neuf cts (16.892,89 €) à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Condamne la société ADF Maintenance Industrielle aux dépens et à payer à Monsieur [I] une somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-2
Numéro d'arrêt : 19/03356
Date de la décision : 21/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-21;19.03356 ?
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