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20/10/2022 | FRANCE | N°21/18318

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-2, 20 octobre 2022, 21/18318


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2



ARRÊT SUR RENVOI DE CASSATION

DU 20 OCTOBRE 2022



N°2022/679













Rôle N° RG 21/18318 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BITFT







[N] [C] épouse [V]





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ÉTAT FRANÇAIS























Copie exécutoire délivrée le :

à :



Me Rachel COURT MENIGOZ



Me Agnès ERMENEUX




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Arrêt en date du 22 mai 2020 de la 2° chambre civile de la cour d'appel de Montpellier enregistré au répertoire général sous le n° 19-06164 cassé et annulé par l'arrêt n° 1013 F-D en date du 4 novembre 2021 rendu par la 2° chambre civile de la Cour de cassation.





APPELANTE...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2

ARRÊT SUR RENVOI DE CASSATION

DU 20 OCTOBRE 2022

N°2022/679

Rôle N° RG 21/18318 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BITFT

[N] [C] épouse [V]

C/

ÉTAT FRANÇAIS

Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me Rachel COURT MENIGOZ

Me Agnès ERMENEUX

Décision déférée à la Cour :

Arrêt en date du 22 mai 2020 de la 2° chambre civile de la cour d'appel de Montpellier enregistré au répertoire général sous le n° 19-06164 cassé et annulé par l'arrêt n° 1013 F-D en date du 4 novembre 2021 rendu par la 2° chambre civile de la Cour de cassation.

APPELANTE

Madame [N] [C] épouse [V]

née le 02 Février 1951 à [Localité 3],

demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Rachel COURT-MENIGOZ de la SCP FRANCOIS DUFLOT COURT-MENIGOZ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée par Me Julien SICOT, avocat au barreau de BEZIERS, plaidant

INTIME

ÉTAT FRANÇAIS

pris en la personne de Monsieur le Préfet de l'HÉRAULT,

domicilié en cette qualité en ses bureaux sis [Adresse 1]

représenté par Me Agnès ERMENEUX de la SCP ERMENEUX-CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté par Me Camille EUZET, avocat au barreau de MONTPELLIER, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Septembre 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Catherine OUVREL, Présidente, et Mme Angélique NETO, Conseillère.

Mme Catherine OUVREL, Présidente, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Gilles PACAUD, Président rapporteur

Mme Catherine OUVREL, Conseillère

Mme Angélique NETO, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Caroline BURON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Octobre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 20 Octobre 2022.

Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Caroline BURON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Par arrêté N° 95-1-3090, en date du 25 octobre 1995, ayant pour objet la 'cessation d'activités situées en zone inondable de risques graves sans autorisation d'aménager', le Préfet de l'Héraut a ordonné la cessation de l'activité du camping 'Les Canoës', exploité sans autorisation, par Mme [N] [C] épouse [V] sur la commune d'[Localité 2].

Cet arrêté a été modifié le 24 janvier 2017.

Le recours intenté par Mme [V] contre cet acte administratif a été rejeté par un jugement du tribunal administratif de Montpellier du 14 juin 2002. Cette décision a été confirmée par un arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille en date 14 juin 2004.

En juillet 1997, Mme [V] a été poursuivie par le procureur de la République de Montpellier pour mise en danger d'autrui. Condamnée en première instance, elle a été relaxée des chefs de la poursuite par un arrêt la cour d'appel de Montpellier en date 7 juillet 1999. Le 14 mars 2000, la chambre criminelle de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par le Procureur général près la cour d'appel de Montpellier contre cette décision.

Le 15 mai 2014, le plan de prévention des risques d'inondation a été approuvé. Il classe les parcelles constituant l'assiette du camping en zone rouge naturelle, confirmant en cela le précédent plan approuvé le 22 mai 1995 ainsi que les risques importants de débordement du fleuve et de submersion marine.

Lesdites parcelles sont également classées en zone naturelle du POS, étant précisé que ce classement a été confirmé lors de l'approbation du PLU le 16 février 2017.

Mme [V] n'ayant pas satisfait à une nouvelle mise en demeure adressée le 16 avril 2015, le Préfet a, par arrêté du 11 mai suivant, ordonné l'apposition de scellés sur l'établissement.

Le 6 juillet 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de suspension dudit arrêté. Un pourvoi, formé contre cette décision, a été rejeté par le Conseil d'Etat.

Le 18 avril 2017, la DDTM a constaté le bris des scellés et l'ouverture au public du camping. Ces constatations ont été réitérées le 7 juin 2018 puis le 28 mai 2019.

Par ordonnance en date du 30 août 2019, saisi par l'Etat Français, pris en la personne du Préfet de l'Hérault, le juge des référés du tribunal de grande instance de Béziers, a :

- enjoint à Mme [C] épouse [V], exploitant du camping 'Les Canoës', de respecter l'arrêté du 25 octobre 1995, modifié le 24 janvier 1997, portant fermeture du camping et de fermer l'accès au public dans un délai d'un mois à compter de la signification de son ordonnance et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, passé ce délai ;

- laissé à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles ;

- condamné Mme [N] [C] épouse [V] aux dépens.

Selon déclaration reçue au greffe de la cour d'appel de Montpellier le 10 septembre 2019, Mme [V] a interjeté appel de cette décision, l'appel portant sur toutes ses dispositions dûment reprises.

Par arrêt en date du 22 mai 2020, la cour d'appel de Montpellier a :

- confirmé l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

- condamné Mme [N] [C] épouse [V] à payer à l'Etat, pris en la personne du Préfet de l'Hérault, une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Mme [N] [C] épouse [V] aux dépens d'appel.

Par arrêt en date du 4 novembre 2021, la cour de cassation a :

- cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

- remis l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyés devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

- laissé les dépens à la charge du trésor public ;

- rejeté la demande formulée en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle a jugé qu'en statuant comme elle l'avait fait, sans constater que Mme [C] avait eu communication des conclusions du ministère public et été mise en demeure d'y répondre, la cour d'appel avait violé les dispositions des articles 16 et 431 du code de procédure civile.

Selon déclaration reçue au greffe le 24 décembre 2021, Mme [N] [C] épouse [V] a saisi la cour d'appel d'Aix-en-Provence en sa qualité de cour de renvoi.

Par soit-transmis en date du 21 février 2022, le président de la chambre 1-2 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence a communiqué aux conseils des parties l'avis émis le 20 septembre 2019 par le parquet général près la cour d'appel de Montpellier dans la procédure ayant abouti à l'arrêt du 22 mai 2020, cassé par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation.

Sollicité à cette fin, le parquet général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence en Provence a, par réquisition écrites, transmises et notifiées aux parties par RPVA le 27 avril 2022, demandé à la cour de confirmer la décision entreprise.

Il estime notamment que l'arrêté du 25 octobre 2015, rectifié, fait interdiction à Mme [C] de poursuivre l'exploitation du camping des [5] et qu'il n'appartient pas au juge judiciaire et plus encore des référés de statuer sur la légalité de cet acte administratif. Il ajoute que :

- les recours administratifs engagés contre cet acte se sont révélés infructueux ;

- le refus de se soumettre à cet arrêté, confirmé par constat d'huissier, constitue un trouble manifestement illicite ne serait-ce que parce qu'il fait courir aux clients du camping un risque sévère pour leur sécurité.

Par soit-transmis en date du 5 mai 2022, cette notification par RPVA a été doublée par une communication directe de l'avis du ministère public aux conseils des parties.

Par dernières conclusions transmises le 24 juin 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Mme [N] [C] épouse [V] demande à la cour :

- à titre principal, de :

' juger qu'il y a violations des articles 16 et 431 du Code Civil ;

' juger qu'il y a violation du principe du contradictoire ;

' juger qu'il y a défaut d'urgence ;

' juger qu'il existe une contestation sérieuse ;

' rejeter le procès-verbal de constatation du 28 mai 2019 produit par l'Etat ;

' juger qu'il n'existe aucun dommage imminent ou trouble manifestement illicite ;

' juger qu'il y a violation de sa vie privée et de sa propriété ;

' débouter l'Etat de l'ensemble de ses demandes comme étant infondées ;

' débouter l'Etat de ses demandes d'astreintes ;

' déclarer son incompétence ;

- à titre subsidiaire, de juger qu'il convient de lui laisser un délai suffisant pour prévenir les différents propriétaires ;

- en tout état de cause, de condamner l'Etat à lui payer la somme de 1 500 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par dernières conclusions transmises le 14 avril 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, l'Etat Français sollicite de la cour qu'elle confirme l'ordonnance entreprise et condamne Mme [C] aux dépens et à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance en date du 28 juin 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la violation alléguée du principe du contradictoire

Aux termes de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Dans les dispositif de ses conclusions, Mme [V] demande expressément à la cour de juger qu'il y a violations des articles 16 et 431 du Code Civil ... (et) du principe du contradictoire. Cette prétention qui fait écho à l'arrêt, en date du 4 novembre 2021, par lequel la Cour de cassation a cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier, n'est cependant nullement développée dans la discussion. La cour ne peut donc s'en considérer saisie.

Il sera en outre rappelé, à titre surabondant :

- qu'aucun moyen tiré de la violation du principe du contradictoire par le premier juge, c'est à dire le juge des référés du tribunal de grande instance de Béziers, n'a jamais été soulevé dans le cadre de la présente procédure ;

- que la cour d'appel de renvoi n'a pas à juger de la régularité de la procédure suivie devant son homologue de même degré, dont la décision a été cassée ;

- que l'avis du Procureur général près la cour d'appel de Montpellier, émis le 20 septembre 2019, a été communiqué aux parties par soit-transmis en date du 21 février 2022 ;

- qu'il en a été de même, le 5 mai 2022, pour les réquisitions écrites du parquet général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence en Provence, transmises et notifiées aux parties par RPVA le 27 avril 2022.

Sur le trouble manifestement illicite

Aux termes de l'article 835 alinéa 1 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Le trouble manifestement illicite visé par ce texte désigne toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit. Aucune condition d'urgence ou d'absence de contestation sérieuse n'est requise pour l'application de l'article précité.

L'Etat Français, pris en la personne du préfet de l'Hérault, fonde sa demande de fermeture sous astreinte sur l'arrêté du 25 octobre 1995, rectifié le 24 janvier 1997, ordonnant la cessation définitive de l'activité du camping 'Les Canoës', et le constat, maintes fois réitéré, que l'appelante n'a jamais cessé de l'exploiter.

En réplique, Mme [V] conclut à l'absence d'illicéité du trouble invoqué au motif que les arrêtés précités mais aussi celui du 11 mai 2015, ayant décidé l'apposition des scellés, sont entachés de nullité pour 'vice de procédure substantiel', à savoir la caducité et l'interprétation erronée des plans d'évaluation des risques, 'erreur manifeste d'appréciation', du fait notamment de sa relaxe des fins d'une poursuite pour mise en danger d'autrui, et 'disproportion' de la mesure ordonnée.

Comme le rappelle pertinemment la décision entreprise, s'il appartient au juge des référés, saisi par l'autorité administrative compétente de constater le refus d'un administré de se conformer à une décision le concernant et d'ordonner les mesures propres à mettre fin à une situation manifestement illicite, il n'entre pas dans ses pouvoirs d'apprécier la valité d'un arrêté ni même la réalité du risque ou l'incohérence d'autorisations administratives accordées à d'autres campings limitrophes.

Par arrêt, en date du 5 juillet 2004, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté la requête par laquelle Mme [V] a sollicité :

' l' annulation du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 14 juin 2002 ayant rejeté sa requête en annulation de l'arrêté du 25 octobre 1995 ;

' l'annulation subséquente de l'arrêté du 25 octobre 1995 ;

Par arrêt en date du 30 septembre 2019, cette même juridiction a rejeté la requête par laquelle Mme [V] a sollicité :

' l'annulation du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 28 mars 2017 ayant rejeté sa requête en annulation des arrêtés des 25 octobre 1995 et 11 mai 2015 ;

' l'annulation subséquente des arrêtés des 25 octobre 1995 et 11 mai 2015.

Il n'est à cet égard pas indifférent de relever, que dans la seconde de ces décisions, la cour administrative d'appel a statué en ces termes : Ainsi que l'ont retenu les premiers juges par des motifs non contestés en appel, l'autorité de la chose jugée qui s'attache au jugement ... du 14 juin 2002 du tribunal administratif de Montpellier et à l'arrêt ... du 5 juillet 2004 de la cour administrative d'appel de Marseille rejetant le recours pour excès de pouvoir de Mme ... contre l'arrêté du 25 octobre 1995 modifié fait obstacle à ce que Mme ... présente un nouveau recours pour excès de pouvoir dirigé contre le même arrété. Les conclusions tendant à l'annulation de l'arrété du 25 octobre 1995 sont donc irrecevables.

Il n'est pas démontré, ni même soutenu, que ces décisions ont été frappées d'un pourvoi devant le Conseil d'Etat. Le débat relatif à la validité de l'arrêté précité est donc définitivement clos et il appartenait à Mme [V], qui n'a jamais détenu les autorisations nécessaires à l'exploitation du camping 'Les Canoës', de s'y soumettre.

Il importe peu, à cet égard, que, le 8 juin 1999, la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Montpellier ait relaxé l'appelante, des chefs du délit de mise en danger d'autrui, le débat purement factuel engagé devant cette juridiction sur le terrain des éléments constitutifs de l'infraction étant étranger et distinct de celui relatif aux dispositions légales et réglementaires régissant l'exploitation d'un camping. Il sera en outre souligné, en tant que de besoin, que le pourvoi formé par le parquet général contre cette décision, était fondé sur un moyen purement procédural, à savoir la recevabilité de pièces nouvelles produites à l'audience par la défense, et que la chambre criminelle de la Cour de cassation, dans son arrêt de rejet du 14 mars 2000, ne s'est donc pas positionnée sur l'application des textes d'incrimination.

Le Préfet de l'Hérault verse aux débats différents courriers et constats de la Direction Départementale des Territoire et de la Mer (DDTM), illustrés de photographies, dont il résulte que :

- le 10 mars 2017, les scellés apposés le 9 juin 2015 par un huissier de justice, en exécution de l'arrêté du 11 mai précédent, sur les deux portails d'entrée du camping 'Les Canoës' (avaient) été arrachés et que des mobiles-homes,... également placés sous scellés, ... (étaient) occupés ;

- le 7 juin 2018, à 11 heures, le portail d'accès au camping 'Les Canoës' (était) grand ouvert, une résidence mobile de loisirs occupée, un camping-car de couleur marron (arrivait) et se (parquait) devant l'entrée ... puis ... devant l'accueil du camping ;

- le 28 mai 2019, à 9 heures, les deux portails d'entrée étaient grand-ouverts, cinq camping-cars stationnés dans l'enceinte du parking, l'un branché au réseau électrique, et les panneaux d'information (indiquaient) l'accueil des vacanciers ;

- le 13 avril 2022, à10 heures, les deux portail d'entrée et de sortie du camping (étaient) grand-ouverts, trois résidences mobiles de loisirs occupées et plusieurs campings cars stationnés dans l'enceinte, une personne cherchant, en outre, à se raccorder au réseau électrique.

Ces différents constats ont été dressés, par des agents assermentés, positionnés à l'extérieur de l'établissement, de sorte que l'argument tiré de l'atteinte portée à la vie privée ou au droit de propriété, pour tenter de les faire écarter des débats, est inopérant. Il en va de même pour le trouble manifestement illicite, invoqué par Mme [V] du fait de la coupure de son alimentation en eau et électricité, étant précisé, d'une part, qu'elle ne formule aucune prétention sur ce fondement, en termes de mesure provisoire propre à le faire cesser et, d'autre part, qu'aucune pièce du dossier ne permet d'établir que l'autorité préfectorale, aurait ordonné ou prêté son concours à la mise en oeuvre d'une telle mesure.

Il s'induit, par ailleurs, des termes même l'arrêté 2015-II-777 du 11 mai 2015, qu'il résultait de procès-verbaux dressés et constatations faites par le commissaire de police d'[Localité 2], les 30 avril 2014 et 2 mai 2014 ainsi que des mains courantes déposées les 15 octobre 2014, 21 octobre 2014 et 10 avril 2015, les deux premières par l'appelante elle-même, qu'aux dates considérées le camping 'Les Canoës' était toujours ouvert.

Le trouble manifestement illicite né du non respect de l'arrêté du 25 octobre 1995, par l'exploitante saisonnière répétée du camping 'Les Canoës' est donc établi, avec l'évidence requise en référé, et il convient d'y mettre un terme.

Il s'évince des développements qui précèdent que l'appelante exploite en toute illégalité, depuis plus de 22 ans, un camping classé en zone rouge naturelle par les PER des 22 mai 1995 et 15 mai 2014. Les risques encourus par ses clients, identifiés par ces plans sont encore majorés par les aléas lié à la multiplication de phénomènes météorologique aussi imprévisibles que violents, en lien avec le réchauffement climatique. Dans ce contexte, la mesure d'interdiction d'exploiter est seule de nature à assurer le respect de la règlementation et des décisions administratives autant que la sécurité des usagers. Elle n'encourt aucune critique sur le terrain de sa proportionnalité avec le but poursuivi, à savoir la cessation d'un trouble manifestement illicite. Elle doit en outre être mise en oeuvre sans délai ce qui impose de rejeter la demande de délais formulée, à titre subsidaire, par l'appelante.

L'ordonnance entreprise sera donc confirmée en ce qu'elle enjoint à Mme [C] épouse [V], exploitante du camping 'Les Canoës', de respecter l'arrêté du 25 octobre 1995, modifié le 24 janvier 1997, portant fermeture du camping et de fermer l'accès au public dans un délai d'un mois à compter de la signification de son ordonnance et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, passé ce délai.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il convient de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a condamné Mme [N] [C] épouse [V] aux dépens et laissé à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles.

Mme [N] [C] épouse [V], qui succombe au litige, sera déboutée de sa demande formulée sur le fondement de ce texte. Il serait en revanche inéquitable de laisser à la charge de l'intimé les frais non compris dans les dépens, qu'il a exposés pour sa défense. Il lui sera donc alloué une somme de 3 000 euros en cause d'appel ;

Mme [N] [C] épouse [V] supportera en outre les dépens de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

Rejette la demande de délais formulée par Mme [N] [C] épouse [V] ;

Condamne Mme [N] [C] épouse [V] à payer à l'Etat Français la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute Mme [N] [C] épouse [V] de sa demande sur ce même fondement ;

Condamne Mme [N] [C] épouse [V] aux dépens d'appel.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-2
Numéro d'arrêt : 21/18318
Date de la décision : 20/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-20;21.18318 ?
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