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20/10/2022 | FRANCE | N°18/14951

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-3, 20 octobre 2022, 18/14951


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-3



ARRÊT AU FOND

DU 20 OCTOBRE 2022



N° 2022/322













N° RG 18/14951 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDCFX







[T] [R]





C/



S.A. UNION BANCAIRE PRIVEE ( UBP)

STE UBS (FRANCE) S.A.

[M], [O], [G] [C]

Société P B F





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Carole CAVA

TORTA



Me Martine DESOMBRE



Me Philippe-Laurent SIDER



Me Sandra JUSTON













Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 05 Avril 2018 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 16/05320.



APPELANT



Monsieur [T] [R...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-3

ARRÊT AU FOND

DU 20 OCTOBRE 2022

N° 2022/322

N° RG 18/14951 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDCFX

[T] [R]

C/

S.A. UNION BANCAIRE PRIVEE ( UBP)

STE UBS (FRANCE) S.A.

[M], [O], [G] [C]

Société P B F

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Carole CAVATORTA

Me Martine DESOMBRE

Me Philippe-Laurent SIDER

Me Sandra JUSTON

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 05 Avril 2018 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 16/05320.

APPELANT

Monsieur [T] [R]

né le [Date naissance 3] 1982 à [Localité 11],

demeurant [Adresse 9] (QATAR)

représenté par Me Carole CAVATORTA de la SCP CAVATORTA CAROLE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté de Me Ludovic SCHRYVE, avocat au barreau de LILLE substituant Me Francis DEFFRENNES, avocat au barreau de LILLE

INTIMEE

SARL P B F, société en liquidation, agissant par son liquidateur amiable Mr [M] [C],

dont le siège social est sis [Adresse 6]

représentée par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

S.A. UNION BANCAIRE PRIVEE (UBP) SA de droit suisse, assignée en intervention forcée, représentée par ses représentants légaux,

dont le siège social est sis [Adresse 10] (SUISSE)

prise en la personne de son établissement UNION BANCAIRE PRIVEE, UBP SA succursale de MONACO [Adresse 1]

représentée par Me Martine DESOMBRE de la SCP DESOMBRE M & J, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée de Me Marie-Christine FOURNIER GILLE, avocat au barreau de PARIS

SA UBS (FRANCE), assignée en intervention forcée, prise en la personne de son représentant légal,

dont le siège social est sis [Adresse 7]

représentée par Me Philippe-Laurent SIDER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assistée de Me David VATEL de la SCP CABINET VATEL, avocat au barreau de PARIS,

Monsieur [M], [O], [G] [C], intervenant volontairement en sa qualité de liquidateur de la Société PBF

né le [Date naissance 5] 1973 à [Localité 12],

dont le siège social est sis [Adresse 2]

représenté par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Valérie GERARD, Président de chambre, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Valérie GERARD, Présidente de chambre

Madame Françoise PETEL, Conseillère

Madame Françoise FILLIOUX, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe, après prorogation, le 20 Octobre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Octobre 2022

Signé par Madame Valérie GERARD, Présidente de chambre et Madame Laure METGE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [T] [R], footballeur professionnel, domicilié au Qatar pour son activité professionnelle, est entré en relation avec la SARL PBF, intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement, également immatriculée à l'ORIAS, dont le siège social est en France, pour la gestion de ses avoirs financiers.

Il a ouvert, avec l'assistance de la SARL PBF, un compte titres auprès de la SA UBS (France) le 28 mars 2011.

Le 31 mars 2014, M. [T] [R] a ouvert un compte n°[XXXXXXXXXX04] auprès de la société de droit monégasque Lloyd's TSB Bank Plc., succursale en Principauté de [Localité 8], par l'intermédiaire de la SARL PBF, laquelle avait conclu depuis le 16 décembre 2013, une convention d'apporteur d'affaires avec cette banque.

En 2014, après la cession de l'activité monégasque de la Llyods TSB Bank Plc. à la SA de droit suisse Union Bancaire Privée en son établissement de [Localité 8], M. [T] [R] a transféré l'intégralité de ses avoirs auprès de la SA UBS à la société UBP, succursale de [Localité 8].

Se plaignant d'une dévalorisation très importante de ses placements, M. [T] [R] a fait assigner la SARL PBF devant le tribunal de grande instance, devenu tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence pour voir réparer son préjudice.

Par jugement du 5 avril 2018, ce tribunal a :

- débouté M. [T] [R] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamné M. [T] [R] à verser à la société PBF la somme de 2500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté le surplus des demandes plus amples ou contraires ;

- condamné M. [T] [R] aux entiers dépens de la procédure ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision.

M. [T] [R] a interjeté appel le 18 septembre 2018.

Il a fait appeler en intervention forcée la SA de droit suisse Union Bancaire Privée (SA UBP), succursale de [Localité 8], par acte du 12 février 2020 et la SA UBS (France) par acte du 14 février 2020.

Par conclusions du 17 mai 2022, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile, M. [T] [R] demande à la cour de :

- recevoir M. [T] [R] en son appel, le déclarer bien fondé,

- recevoir l'action en intervention forcée de M. [T] [R] à l'encontre des sociétés Union Bancaire Privée et UBS France et le déclarer bien fondé en ses prétentions,

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement intervenu devant le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence en date du 5 avril 2018,

et statuant à nouveau,

avant dire droit,

- désigner tel expert qu'il appartiendra à la cour avec pour mission de vérifier l'écriture et la signature de M. [T] [R] portant sur les documents contractuels et ordres d'achat et de vente avec la société Union Bancaire Privée ;

à titre principal,

- déclarer recevable et bien-fondé M. [T] [R] en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- constater l'inexistence du contrat ainsi que les ordres d'achat et de vente liant M. [R] à la SA Union Bancaire Privée ;

- condamner in solidum la société PBF et la société Union Bancaire Privée à restituer à M. [R] les sommes présentes sur son compte avant lesdites opérations ;

subsidiairement,

- constater, dire et juger que M. [T] [R] et la société PBF sont liés contractuellement par l'intermédiation pratiquée par PBF en sa qualité d'intermédiaire en opérations de banques et services de paiement,

- en toute hypothèse, constater et juger l'existence d'un mandat et la gestion effective de la société PBF des avoirs détenus par M. [T] [R] ;

- constater, dire et juger les manquements inhérents à ladite gestion,

- constater, dire et juger que la société PBF a commis des fautes et manquements dans l'exécution de son mandat, et ainsi manqué à ses obligations légales, réglementaires et conventionnelles,

- constater, dire et juger que les sociétés Union Bancaire Privée et UBS France ont manqué à leurs obligations réglementaires et contractuelles,

- constater, dire et juger l'existence d'un préjudice financier lié à la perte des fonds placés par M. [R], à hauteur de 1 489 681 euros,

- constater, dire et juger l'existence d'un préjudice moral subi par M. [T] [R],

en conséquence,

- condamner in solidum la société PBF, la société UBS (France) SA et la société Union Bancaire Privée, UBP SA, succursale de [Localité 8], à payer à M. [T] [R] la somme de 1 489 681 euros au titre du préjudice financier,

- condamner in solidum la société PBF, la société UBS (France) SA et la société Union Bancaire Privée, UBP SA, succursale de [Localité 8], à verser à M. [R] la somme de 10 000 euros, au titre du préjudice moral,

en tout état de cause,

- débouter les sociétés PBF, UBS (France) SA Union Bancaire Privée, UBP SA, succursale de [Localité 8] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- condamner in solidum la société PBF, la société UBS (France) SA et la société Union Bancaire Privée, UBP SA, succursale de [Localité 8], à verser à M. [R] la somme de 15.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner in solidum la société PBF, la société UBS (France) SA et la société Union Bancaire Privée, UBP SA, succursale de [Localité 8] aux entiers frais et dépens, y compris ceux d'appel, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Par conclusions du 28 décembre 2021, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile, la SARL PBF, en procédure de liquidation amiable et M. [M] [C], pris en sa qualité de liquidateur de la SARL PBF demandent à la cour de :

- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions, à savoir :

- débouter M. [T] [R] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société PBF ;

ainsi que :

- condamner M. [T] [R] à verser à la société PBF la somme de 15.000€ au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner M. [T] [R] aux entiers dépens, y compris ceux d'appel.

Par conclusions du 21 décembre 2021, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile, la SA UBS (France) demande à la cour de :

1. Sur l'irrecevabilité de la demande d'intervention forcée à l'encontre d'UBS (France) S.A. :

Vu les articles 554, 555 et 564 du code de procédure civile,

- dire que l'évolution du litige implique l'existence d'un élément nouveau, révélé par le jugement ou survenu postérieurement à celui-ci et impliquant la mise en cause de la personne qui n'était pas partie en première instance,

- dire et juger qu'en l'espèce M. [R] n'a jamais ignoré que ses actifs étaient inscrits dans les livres d'UBS (France) S.A., en témoignent les pièces produites ainsi que la formulation même de ses demandes en première instance, qui mentionnaient UBS (France) S.A. sans toutefois attraire cette dernière à la procédure, de sorte qu'en l'absence d'évolution du litige, les demandes dirigées à son encontre sont irrecevables ;

2. Sur la prescription :

Vu l'article 2224 du code civil et l'article L 110-4 du code de commerce,

- dire que le dommage résultant du non-respect de l'obligation d'évaluation, qui consiste en une perte de chance de contracter de façon différente de celle choisie, se manifeste dès la conclusion de la convention et non lorsque la victime de ce manquement a réalisé que les placements effectués n'étaient pas conformes à ses objectifs,

- dire et juger que la demande formulée par M. [R] à l'encontre d'UBS (France) S.A. par acte du 14 février 2020 au titre d'un éventuel manquement à son obligation précontractuelle d'évaluation de son client est prescrite depuis la date anniversaire quinquennale de la convention d'ouverture de compte du 28 septembre 2011, soit le 28 septembre 2016,

- dire et juger que la demande formulée par M. [R] à l'encontre d'UBS (France) S.A. par acte du 14 février 2020 au titre d'un éventuel manquement à son obligation contractuelle d'information et/ou de mise en garde de ce dernier durant l'exécution du contrat est prescrite au plus tard depuis la date anniversaire quinquennale de la fin des relations contractuelles avec UBS (France) SA. (le 1er octobre 2014), soit depuis le 1er octobre 2019,

- dire et juger que l'acte introductif d'instance de M. [R] à l'encontre de la seule PBF en date du 5 août 2016 ne saurait en aucun cas interrompre cette prescription, s'agissant d'une demande additionnelle, assimilée elle-même à une demande reconventionnelle ;

3. Sur le fond :

3.1. Sur la prétendue violation par UBS (France) S.A. de son obligation (i) précontractuelle d'évaluation du client, et (ii) contractuelle d'information et/ou de mise en garde :

Vu les articles L 533-13 et L 533-17 du code monétaire et financier, en vigueur à l'époque des faits,

- dire que PBF, à la fois Intermédiaire en Opérations de Banque et Services de Paiement (IOBSP) et Conseiller en Investissements Financiers (CIF), avait réalisé préalablement à l'entrée en relation entre M. [R] et UBS un « Profil Client personne physique » faisant apparaître une « tolérance au risque élevée »,

- qu'UBS pouvait légitimement se fonder sur les diligences effectuées par PBF, conformément à l'article L533-17 du Code monétaire et financier, en vigueur à l'époque,

- que M. [R] n'a jamais confié un mandat de gestion de portefeuille au profit d'UBS (France) S.A.,

- dire que M. [R], laissant par ailleurs PBF recevoir toute la correspondance qui lui était destinée au cours de la relation devait avoir nécessairement, via PBF, accès à toutes ces informations, et ne saurait prétendre, plus de 6 ans après la fin de sa relation avec UBS, que celle-ci était tenue à une obligation de mise en garde directement à son adresse de Doha, au Qatar,

- dire et juger que la responsabilité d'UBS (France) S.A. ne saurait être recherchée au titre de son obligation précontractuelle d'évaluation du client, ni contractuelle d'information et/ou de mise en garde ;

3.2. Sur le préjudice allégué :

Vu l'article 9 du code de procédure civile,

- dire et juger, comme les premiers juges, que M. [R] reconnaît n'avoir subi aucune perte alors que ses avoirs étaient détenus dans les livres d'UBS (France) S.A., et qu'il ne rapporte pas la preuve d'un préjudice en lien avec une quelconque faute d'UBS (France) S.A.

- débouter en conséquence M. [R] de toutes ses demandes fins et conclusions en ce qu'elles sont dirigées contre UBS (France) S.A.,

4. Sur les frais irrépétibles et les dépens :

- condamner M. [R] à verser la somme de 10.000 € à UBS (France) S.A. au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner M. [R] aux entiers dépens de l'instance.

Par conclusions du 24 décembre 2021, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile, la SA Union Bancaire Privée demande à la cour de :

- déclarer M. [T] [R] irrecevable en sa demande d'intervention forcée de l'Union Bancaire Privée, UBP SA succursale de [Localité 8] pour la première fois en cause d'appel, en l'absence d'évolution du litige.

- vu l'article 2044 du code civil monégasque, déclarer M. [T] [R] irrecevable comme prescrit en ses prétentions dirigées à l'encontre de l'Union Bancaire Privée, UBP SA succursale de [Localité 8] concernant les pertes enregistrées par son compte titres dans les livres de la concluante à l'issue de la vente des 446.000 actions EFG,

- dans tous les cas, débouter M. [T] [R] de sa demande d'expertise judiciaire,

subsidiairement, si la cour faisait droit à cette demande avant-dire droit et désignait un expert judiciaire avec mission de vérifier la signature apposée par M. [T] [R] sur la documentation contractuelle de l'Union Bancaire Privée, UBP SA Succursale de [Localité 8],

- surseoir à statuer dans l'attente du dépôt par ledit expert judiciaire de son rapport,

encore plus subsidiairement sur le fond,

*Sur la demande principale de l'appelant

- débouter M. [T] [R] de ses prétentions tendant à voir constater l'inexistence du contrat ainsi que des ordres d'achat et de vente le liant à l'Union Bancaire Privée, UBP SA succursale de [Localité 8] et à voir condamner en conséquence in solidum la société PBF et l'Union Bancaire Privée, UBP SA Succursale de [Localité 8] à lui restituer les sommes présentes sur son compte avant lesdites opérations,

* sur la demande subsidiaire de l'appelant

vu les articles 910 alinéa 2 et 91 1-2 du code de procédure civile,

- déclarer que le droit applicable au présent litige est le droit monégasque,

- constater que l'Union Bancaire Privée, UBP SA succursale de [Localité 8] n'a commis aucune faute ou manquement à l'égard de M. [T] [R],

- dire et juger que M. [T] [R] est défaillant dans la double preuve d'un préjudice en lien direct avec les manquements reprochés à l'Union Bancaire Privée, UBP SA succursale de [Localité 8],

- débouter en conséquence M. [T] [R] de l'intégralité de ses prétentions dirigées à son encontre,

- dans tous les cas, condamner M. [T] [R] à verser à l'Union Bancaire Privée, UBP SA Succursale de [Localité 8] une somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner M. [T] [R] aux dépens d'appel, dont distraction au profit de Me Martine Desombre, avocat au Barreau d'Aix en Provence, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la recevabilité des appels en intervention forcée de la SA UBS France et de la SA de droit suisse Union Bancaire Privée (UBP), prise en son établissement UBP succursale de [Localité 8] (UBP [Localité 8]) :

Les sociétés UBS France et UBP, succursale de [Localité 8] soulèvent l'irrecevabilité de leur appel en intervention forcée devant la cour, en application de l'article 555 du Code de procédure civile, faute d'évolution du litige impliquant leur mise en cause.

La SA UBS France fait ainsi valoir que depuis le 28 septembre 2011, date de l'ouverture du compte et de l'établissement du mandat d'administration d'instruments financiers nominatifs, l'appelant n'a jamais ignoré que ses actifs étaient inscrits dans ses livres et la SA UBP [Localité 8] précise que l'appelant ne peut soutenir avoir découvert son existence lors du jugement de première instance quand la décision appelée fait référence aux pièces produites par l'appelant lui-même comprenant ses relevés de compte établis par la SA UBP [Localité 8].

M. [T] [R] fait valoir quant à lui que c'est par suite du jugement qu'il a pu prendre connaissance de l'ensemble des opérations prises en son nom dans les livres de la société UBP et notamment des différents ordres d'achat versés aux débats dans le cadre de la procédure d'appel par la société UBP. Il indique n'avoir pu prendre connaissance des ordres pris en son nom qu'à ce jour et que l'action en intervention forcée est parfaitement recevable.

Les personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité peuvent être appelées devant la cour, même aux fins de condamnation, quand l'évolution du litige implique leur mise en cause.

L'évolution du litige au sens de ce texte, n'est caractérisée que par la révélation d'une circonstance de fait ou de droit, née du jugement ou postérieure à celui-ci, modifiant les données juridiques du litige.

En l'espèce, M. [T] [R] ne peut pas sérieusement prétendre avoir découvert à la lecture du jugement les pièces démontrant qu'il bénéficiait de comptes ouvert au sein de la SA UBS France et de la SA UBP quand la liste des pièces annexées à son assignation, délivrée le 5 août 2016 à la SARL PBF, mentionne en pièce 2 le document d'ouverture de compte auprès de la SA UBS France le 28 septembre 2011, en pièce 3 la synthèse de ses avoirs auprès de cette banque et en pièces 4 à 10 la synthèse de ses avoirs au sein de la SA UBP.

Il disposait donc, dès l'introduction de l'instance devant le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence, de tous les éléments lui permettant d'apprécier l'opportunité d'attraire en la cause les banques intimées.

Il n'y a ainsi aucune révélation de fait ou de droit née du jugement ou postérieure à celui-ci, ni aucune modification des données du litige de sorte que tant l'appel en intervention forcée de la SA UBS France que celui de la SA UBP [Localité 8] doivent être déclarés irrecevables.

Sur la responsabilité de la SARL PBF

M. [T] [R] reproche à la SARL PBF d'avoir manqué à ses obligations issues des articles L. 519-1et R. 519-1 et suivants du Code monétaire et financier, et affirme que, si les démarches entreprises pour se procurer un exemplaire du mandat confié à la SARL PBF ont échoué, celui-ci existe nécessairement puisque prévu à l'article L. 519-2 du CMF

Il rappelle que la SARL PBF a contresigné la demande d'ouverture de compte, ce qui démontre qu'elle a bien, et de manière très active, agi, conseillé et mis en relation M. [T] [R] et la SA UBS France alors qu'elle s'abstient de verser aux débats le mandat et les éléments contractuels, fondement de ses actions dans le cadre de la mise en relation de M. [R] avec la banque UBS.

Il fait observer que la SARL PBF, en sa qualité d'intermédiaire en opérations de banque, l'a mis en relation avec la SA UBP et qu'elle a géré ses fonds et exécuté des ordres sans l'en informer. Il ajoute que la SARL PBF a manqué à ses obligations d'information et de conseil puisqu'il n'a jamais été rendu destinataire de telles information alors que la SARL PNF était tenue de cette obligation en application de l'article L. 519-4-2 du Code monétaire et financier et qu'elle n'a pas plus respecté l'obligation de recueillir les informations nécessaires à sa situation personnelle et financière, ni ses préférences et ses objectifs qui lui auraient permis de lui recommander des contrats appropriés en application des dispositions de l'article R. 519-22-1 du CMF.

Il soutient qu'il a toujours exigé de ne pas placer ses avoirs dans des fonds hautement spéculatifs, qu'il est un profane, que le document d'ouverture de compte, produit par les sociétés UBS et UBP n'est pas valablement signé et qu'il n'a jamais accepté le profil de risque y figurant puisque seule la signature de la SARL PBF apparait sur les pages comportant son profil de risque.

Il dénie sa signature sur les documents et ordres d'achat de la SA UBP et sollicite une expertise pour vérifier son écriture et sa signature.

La SARL PBF réplique d'abord que M. [T] [R] a reconnu dans le cadre de l'incident ayant opposé les parties avoir conclu l'ensemble des contrats le liant à la SA UBP, qu'il s'agit d'un aveu judiciaire et qu'il n'a même pas pris la peine de consulter les originaux de la pièce n°12 auxquels il avait demandé l'accès et qui avaient été tenus à sa disposition conformément à l'ordonnance d'incident du 1er juillet 2021. Elle s'oppose à toute mesure d'expertise.

Ensuite, elle conteste que M. [T] [R] lui ait donné un « mandat de placer ses avoirs », relevant que l'appelant n'apporte pas la moindre preuve de ses affirmations sur ce point alors qu'il apparait clairement que M. [R] a donné un mandat d'administration d'instruments financiers nominatifs à la SA UBS France. Elle ajoute que M. [T] [R] commet une confusion quant au mandat prévu à l'article L. 519-2 du CMF, qu'elle a parfaitement respecté les obligations prévues à ce texte, dans sa version applicable à l'espèce.

Enfin, elle affirme qu'elle a bien, conformément à son activité d'intermédiaire en opérations de banque, présenté M. [T] [R] à la SA UBS France en 2011 puis à la Lloyd's TSB Bank Plc., succursale de [Localité 8], aux droits de laquelle vient désormais la SA UBP, en 2014 et que ce dernier n'apporte aucune preuve d'une faute commise dans l'exercice de son activité et qu'il n'existe aucun lien de causalité entre cette activité et la baisse de valeur des avoirs ou le préjudice moral invoqué.

Sur ce, en application des articles 1315 ancien, devenu 1353 du Code civil, 9 et 146 du Code de procédure civile, il appartient à la partie de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention et en aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve.

Les « documents contractuels et ordres d'achat et de vente avec la société Union Bancaire Privée », laquelle n'est pas en cause en raison de l'irrecevabilité de l'appel en intervention forcée, ne sont pas produits par M. [T] [R] et aucune mesure d'expertise ne saurait être menée en l'absence de toute possibilité de débat contradictoire avec la SA UBP, succursale de [Localité 8].

En outre, les pièces pour lesquelles il a sollicité la mesure d'expertise ont été mises à la disposition de l'appelant en original en exécution de l'ordonnance d'incident du 1er juillet 2021 pour qu'il puisse les consulter.

M. [T] [R] n'a jamais consulté les documents en originaux qu'il réclamait.

Dans ces conditions, la demande d'expertise est rejetée.

Sur le fond, M. [T] [R], qui se prévaut d'un mandat donné à la SARL PBF pour gérer et « placer ses avoirs », ne rapporte pas la preuve de l'existence de ce mandat.

En effet, si la SARL PBF a bien présenté l'appelant à la SA UBS France lors de l'ouverture du compte le 28 septembre 2011, c'est effectivement dans le cadre de son activité d'intermédiaire en opérations de banque (IOB), comme l'a énoncé le premier juge et c'est tout aussi exactement que ce dernier a relevé que le même jour M. [T] [R] avait confié à la SA UBS France et non à la SARL PBF, un mandat d'administration d'instruments financiers nominatifs.

La SARL PBF ne dénie pas qu'elle a, toujours dans le cadre de ses activités d'IOB, présenté M. [T] [R] à la société Lloyd's TSB Plc. pour l'ouverture d'un compte, mais l'appelant ne démontre par aucun élément ni document, que la SARL PBF est intervenue en qualité de mandataire, habilitée à donner des ordres d'achat/vente de produits financiers dans ses relations avec cette banque, aux droits de laquelle vient désormais la SA UBP.

L'existence d'un mandat de cet ordre ne peut se déduire de la seule domiciliation des courriers destinés à M. [T] [R] au siège de la SARL PBF en l'absence de tout autre élément.

Par ailleurs, les règles de bonne conduites auxquelles sont soumis les intermédiaires en opérations de banque en application de l'article L. 519-4-1 du CMF devaient être fixées par un décret en Conseil d'État, lequel n'est intervenu qu'en 2012 pour entrer en vigueur le 15 janvier 2013 de sorte que lesdites règles n'étaient pas applicables au moment de la présentation de M. [T] [R] à la SA UBS France.

M. [T] [R], qui ne produit pas les pièces relatives à sa relation avec la société Lloyd's devenue UBP succursale de [Localité 8], ne démontre pas plus qu'en sa qualité d'IOB, la SARL PBF a manqué à ses obligations définies par les articles R. 519-19 à R. 519-26 du Code monétaire et financier.

C'est donc par des motifs pertinents, que la cour adopte, que le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence a rejeté l'ensemble des demandes de M. [T] [R] et le jugement est confirmé en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Déclare irrecevables les appels en intervention forcée de la SA UBS France et de la SA UBP, Succursale de [Localité 8],

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence du 5 avril 2018,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [T] [R] à payer :

- à la SARL PBF et son liquidateur amiable M. [C] la somme de 5 000 euros,

- à la SA UBS France la somme de 5 000 euros,

- à la SA UBP, succursale de [Localité 8], la somme de 5 000 euros,

Condamne M. [T] [R] aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-3
Numéro d'arrêt : 18/14951
Date de la décision : 20/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-20;18.14951 ?
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