COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-9
ARRÊT AU FOND
DU 18 OCTOBRE 2022
N° 2022/ 678
N° RG 21/18436 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BITNR
[C] [J]
C/
Société [4]
Copie exécutoire délivrée le : 18/10/2022
à :
Me BURLE
Me DABOT RAMBOURG
+ Notifications LRAR à toutes les parties
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal judiciaire de MARSEILLE en date du 01 Décembre 2021 enregistré au répertoire général sous le RG n° 11-21-000234, statuant en matière de surendettement.
APPELANT
Monsieur [C] [J]
né le 18 Mars 1952 à [Localité 3]
demeurant [Adresse 2]
Comparant en personne et assisté de Me François BURLE de la SAS DEKSTRAVOCATS, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/014004 du 28/01/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)
INTIMÉS
[4], société coopérative à capital variable agréée en tant qu'établissement de crédit, pris en la personne son représentant légal, domiciliée [Adresse 1]
Représentée par Me Karine DABOT RAMBOURG de la SELARL MATHIEU DABOT & ASSOCIÉS, avocate au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
Conformément à l'article R332-1.2 devenu R331-9-2 du code de la consommation et à l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Agnès DENJOY, Présidente, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Agnès DENJOY, Présidente
Madame Pascale POCHIC, Conseillère
Madame Sophie TARIN-TESTOT, Conseillère
Greffier lors des débats : Madame Ingrid LAVALLÉE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Septembre 2022, puis prorogé au 18 Octobre 2022.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Octobre 2022
Signé par Madame Agnès DENJOY, Présidente et Madame Ingrid LAVALLÉE, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
Par déclaration du 5 novembre 2020, M. [C] [J] a saisi la commission de surendettement des particuliers des Bouches-du-Rhône d'une demande de traitement de sa situation financière. Il a notamment fait état de ce qu'il était sous le coup d'une procédure de saisie immobilière engagée par le [4].
La commission a déclaré sa demande recevable, le 5 novembre 2020.
Le 1er avril 2021, la commission a imposé le rééchelonnement des dettes de M. [J] sur une durée de 24 mois, sans intérêts, fixant sa mensualité de remboursement à 256,73 euros, vu ses ressources (2 884 euros), ses charges (993 euros) et le montant de son endettement (289 445,12 euros), ces mesures devant être subordonnées à la vente amiable de ses biens immobiliers évalués à un total de 148 000 euros.
À la suite de la notification de cette décision, M. [C] [J] a formé un recours. Il a demandé la révision de la disposition de la décision relative à l'obligation de vendre sa résidence principale.
À l'audience du juge des contentieux de la protection, et en l'absence du débiteur régulièrement convoqué qui n'avait pas retiré sa convocation, la SCCV [4] a conclu au rejet du recours, à la fixation de sa créance à la somme de 125 150,44 euros ainsi qu'à la réformation de la décision de la commission de manière à ce que les mensualités de remboursement s'élèvent à 430 euros.
Par le jugement dont appel du 1er décembre 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Marseille a, notamment :
- débouté M. [C] [J] de sa contestation,
- confirmé les mesures imposées par la commission de surendettement des particuliers des Bouches-du-Rhône dans sa décision du 1er avril 2021 ;
- déclaré ces mesures applicables à compter du dernier jour du mois suivant la date de jugement ;
- condamné M. [C] [J] au paiement de 1 000 euros d'indemnité de procédure à la CRCAM.
Le 29 décembre 2021, le débiteur a interjeté appel de ce jugement, qui lui avait été notifié par une lettre recommandée retournée au greffe non-réclamée et ne mentionnant aucune date de présentation.
À l'audience de la cour du 3 juin 2022, l'appelant, comparant en personne, assisté de son avocat, a demandé le bénéfice de ses conclusions écrites visées par le greffier, tendant à :
- l'infirmation du jugement en ce qu'il avait subordonné la mise en place des mesures édictées le 1er avril 2021 à la vente amiable de son logement situé [Adresse 2] et du local à usage de bureau dont il est également propriétaire à la même adresse, et en ce qu'il l'a condamné à payer à la banque une indemnité de procédure de 1 000 €,
- la confirmation du jugement en ses autres dispositions.
Le débiteur a exposé à nouveau qu'il souhaitait conserver ses biens immobiliers. Il a contesté avoir acquis son logement à l'aide d'un prêt immobilier consenti par le [4] et a exposé que la somme empruntée au [4] avait servi à renflouer sa société, la SARL [5]. Il a précisé avoir tout perdu, son entreprise ayant périclité et été liquidée : il ne lui restait plus qu'un local de 6 m² à usage de bureau, loué, et son habitation de 66 m² dont la moitié était également donnée en location.
Le [4] a demandé la confirmation des dispositions du jugement ayant préconisé la vente des lots de copropriété, propriétés du débiteur, dans un délai de 24 mois, dit que les mesures seront applicables le dernier jour du mois suivant la date du jugement et qu'elles seront annexées au jugement, laissé les dépens à la charge du Trésor public et condamné M. [J] à lui payer une indemnité de procédure de 1 000 € ; l'infirmer pour le surplus, statuant à nouveau ordonner le versement mensuel de 100 € au titre de remboursement du solde débiteur du compte bancaire et la somme mensuelle de 330 € en vue du remboursement du prêt immobilier ainsi que de voir condamner M. [J] à lui payer une indemnité de 1 500 € au titre de l'instance d'appel.
La banque soutient que Monsieur [J] et son épouse avec laquelle il était marié sous le régime de la séparation de biens ont acquis le 5 octobre 1998 (sic) un bien immobilier situé [Adresse 2] sans prêt bancaire ; que lors du divorce des époux [J], le débiteur a voulu racheter à son épouse sa part sur ce bien et que c'est en vue du financement du paiement de la soulte qu'il a obtenu l'octroi d'un prêt de la part du [4] d'un montant de 162 900 € remboursable en 240 mensualités de 901 € au taux contractuel de 2,97 % ; que par la suite, le débiteur qui était propriétaire de ce bien immobilier avec son épouse l'a vendu en 2007 pour le prix de 300 000 euros dont la moitié lui est revenue mais qu'il n'a pas utilisé les fonds pour rembourser le prêt consenti par le [4] ; qu'il a été condamné par arrêt de cette cour du 9 février 2017 à rembourser au [4] la somme de 115 063,60 € avec intérêts au taux de 0,85 % à compter du 8 juillet 2014.
La banque ajoute qu'elle a alors engagé une procédure de saisie immobilière mais que le débiteur a saisi la commission de surendettement et que le juge de l'exécution a ordonné la suspension de la procédure de saisie immobilière.
La banque estime l'ensemble des propriétés immobilières du débiteur à 235 000 €.
Elle estime la cession du patrimoine immobilier du débiteur indispensable compte tenu de son absence de revenus suffisants pour la désintéresser.
Elle estime que le plan mis en place par la commission de surendettement n'est pas adapté à la situation puisqu'il prévoit en réalité un moratoire de 24 mois alors que le débiteur perçoit des ressources mensuelles de 1 459 €
En réplique, Monsieur [J] a offert de rembourser ses dettes moyennant des mensualités de 830 € tout en conservant la propriété de ses biens immobiliers.
En cours de délibéré, le débiteur en la personne de son avocat a été invité à produire l'acte de vente de sa résidence principale et à s'expliquer sur la destination donnée par lui au prix perçu à la suite de cette vente.
Le débiteur a fait répondre par son avocat qu'il était dans l'incapacité de fournir l'acte de vente demandé, et qu'il ne se souvenait plus du nom du notaire.
Il a indiqué dans un second temps que le prix perçu (dont il n'a pas précisé le montant) avait servi à rembourser des prêts qui avaient été consentis aux sociétés dont il était à l'époque le dirigeant à concurrence de 86 000 euros.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il ressort tant des pièces produites par le débiteur devant la commission de surendettement que des pièces qu'il a produites en cours de délibéré à la demande de la cour ainsi que des pièces produites par le [4] que :
- M. [J] qui était marié sous le régime de la séparation de biens a fait l'acquisition à son seul nom par acte notarié du 24 février 1999 d'un lot de copropriété n° 26 au sein de l'immeuble du [Adresse 2] pour un prix correspondant à 13 720 euros outre les frais d'acte.
Il est toujours propriétaire de ce bien.
- M. [J] a acquis seul par adjudication le 28 juin 2001 un lot de copropriété n° 385 au sein de la même résidence, aujourd'hui subdivisé en deux appartements n° 407 et 407 bis. Ce bien a été acquis au prix de 650 000 francs outre les frais d'adjudication soit environ 106 000 euros frais d'adjudication inclus
-M. [J] était par ailleurs propriétaire en indivision avec son épouse pour moitié chacun d'un lot de copropriété n° 106 au sein de la même résidence, acquis le 5 octobre 1988.
- M. [J] est devenu seul propriétaire de ce bien le 29 mai 2006 pour avoir racheté la part de son épouse pour le prix de 150 000 euros.
- peu après, en 2007, M. [J] a revendu ce bien, pour un prix dont il ne justifie pas, prétendant ne plus savoir quel notaire a reçu l'acte de vente.
L'arrêt de cette cour du 9 février 2017 énonce que ce bien a été revendu par M. [J] en 2007 au prix de 300 000 euros.
Dans sa déclaration de surendettement, M. [J] s'était livré à une présentation biaisée de sa situation indiquant, en ce qui concerne le prêt contracté auprès du [4] en mars 2006: «Je n'ai rien acheté, encore moins un bien immobilier en résidence principale. J'étais propriétaire du mien depuis 20 ans» omettant de préciser qu'il n'était à l'origine propriétaire que de la moitié et qu'il avait racheté la part de son épouse pour 150 000 euros en mai 2006.
Or ce prix représente quasiment le capital de 162 900 euros qu'il a emprunté à la banque [4] deux mois auparavant si l'on ajoute les frais d'acte.
Quoi qu'il en soit, le débiteur ne justifie pas de l'utilisation de ce capital de 300 000 euros obtenu en 2007 à la suite de la revente du bien.
M. [J] prétend avoir employé sur ce capital une somme de 125 680 euros au renflouement de ses sociétés mais le document qu'il a confectionné lui-même pour en justifier fait état de mouvements de fonds intervenus entre le 13 janvier 2006 et le 16 novembre 2007 alors que la revente de l'appartement est intervenue en 2007 et que par hypothèse, les mouvements de fonds antérieurs à la revente du bien ne peuvent provenir du capital perçu.
Il en résulte que le débiteur est de mauvaise foi, à la fois dans l'exposé de sa situation patrimoniale devant la commission de surendettement et devant la cour : il ressort des pièces ci-dessus qu'il a conservé par devers lui la plus grande partie du prix de revente de l'appartement familial après le rachat de la part de son épouse, omettant de rembourser sa dette envers le prêteur, le [4].
Son surendettement a été constitué de manière intentionnelle, avec l'intention de ne pas rembourser ses dettes, ce qui ne lui permet pas de bénéficier des dispositions de traitement du surendettement des particuliers.
Le jugement sera infirmé et Monsieur [J] sera déclaré inéligible aux dispositions légales relatives au surendettement des particuliers.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement,
Infirme le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
Déclare Monsieur [C] [J] irrecevable au bénéfice des dispositions relatives au traitement des situations de surendettement des particuliers
Vu l'article 700 du code de procédure civile le condamne à payer à la [4] la somme de 800 euros
Le condamne aux dépens de l'instance d'appel dans les conditions de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE