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17/10/2022 | FRANCE | N°22/00203

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-11 référés, 17 octobre 2022, 22/00203


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-11 référés





ORDONNANCE DE REFERE

du 17 Octobre 2022



N° 2022/102





Rôle N° RG 22/00203 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJFKH







S.A.R.L. RAVEL DECROIX ET FILS EXERCANT SOUS L'ENSEIGNE POTERIE RAVEL





C/



[P] [F]





















Copie exécutoire délivrée

le : 17 Octobre 2022

à :



Me Agnès ERMENEUX, avocat au barreau d'AI

X-EN-PROVENCE



Me Mathieu LAJOINIE, avocat au barreau de MARSEILLE



Prononcée à la suite d'une assignation en référé en date du 24 Mars 2022.





DEMANDERESSE



S.A.R.L. RAVEL DECROIX ET FILS EXERCANT SOUS L'ENSEIGNE POTERIE RAVEL, demeurant [Adresse 2]

...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-11 référés

ORDONNANCE DE REFERE

du 17 Octobre 2022

N° 2022/102

Rôle N° RG 22/00203 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJFKH

S.A.R.L. RAVEL DECROIX ET FILS EXERCANT SOUS L'ENSEIGNE POTERIE RAVEL

C/

[P] [F]

Copie exécutoire délivrée

le : 17 Octobre 2022

à :

Me Agnès ERMENEUX, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Me Mathieu LAJOINIE, avocat au barreau de MARSEILLE

Prononcée à la suite d'une assignation en référé en date du 24 Mars 2022.

DEMANDERESSE

S.A.R.L. RAVEL DECROIX ET FILS EXERCANT SOUS L'ENSEIGNE POTERIE RAVEL, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Agnès ERMENEUX de la SCP ERMENEUX-CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Christine GUERIN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

DEFENDEUR

Monsieur [P] [F], demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Mathieu LAJOINIE, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Flavien COMBEAUD, avocat au barreau de MARSEILLE

* * * *

DÉBATS ET DÉLIBÉRÉ

L'affaire a été débattue le 19 Septembre 2022 en audience publique devant

Pascale MARTIN, Président de Chambre,

déléguée par ordonnance du premier président.

En application des articles 957 et 965 du code de procédure civile

Greffier lors des débats : Caroline POTTIER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Octobre 2022.

ORDONNANCE

Contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 17 Octobre 2022.

Signée par Pascale MARTIN, Président de Chambre et Caroline POTTIER, adjointe administrative faisant fonction de greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS- PROCEDURE-PRETENTIONS DES PARTIES

Le 7 décembre 2021, la médecine du travail a rendu un avis d'inaptitude à l'égard de M. [P] [F], salarié de la société RAVEL DECROIX ET FILS exerçant sous l'enseigne «POTERIE RAVEL».

La formation de référé du conseil de prud'hommes de Marseille, saisie par le salarié selon la procédure accélérée au fond, a ,par ordonnance du 3 mars 2022, qualifiée d'avant dire droit au fond :

«- Constaté la recevabilité du recours,

- Ordonné une mesure d'instruction qui sera conduite par un médecin expert en médecine du

travail, conformément aux articles 231 à 248 et 263 à 284-1 du code de procédure civile,

Désigné le Docteur [U] [O], médecin expert: DSCC [Adresse 1],

Dit qu'il aura pour mission de :

Procéder à un examen médical de M. [P] [F],

Se faire remettre son dossier médical ainsi que les avis du médecin du travail,

Déterminer si l'inaptitude prononcée le 07/12/2021 est d 'origine professionnelle suite à l'accident du travail survenu le 23/05/2017

Se faire remettre par l'employeur la fiche de poste correspondant à l'emploi occupé par le salarié,

Le cas échéant se déplacer sur le lieu de travail afin de réaliser l'étude de poste s'il l'estime nécessaire,

Déterminer si l'état de santé du salarié justifie les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émises par le médecin du travail,

Préciser si l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi et au suivi

d 'une formation,

Entendre si nécessaire le médecin du travail

Dit que la partie demanderesse consignera au plus tard le 21/03/2022 la somme de 800€ auprés

de la Caisse des dépôts et consignations directement sur leur site https.//consignationscaissedes

depots.fr/mon-compte/ selon les modalités figurant au document PARCOURS EN LIGNE joint

à la présente ordonnance.

Dit qu'à défaut de consignation dans le délai imparti la mesure d'instruction sera caduque et que le conseil statuera au vu des seuls éléments en sa possession,

Dit que le médecin expert déposera son rapport au plus tard le 04/07/2022,

Dit qu'il adressera son rapport directement aux parties et qu'en outre DEUX exemplaires seront remis ou adressés au greffe du Conseil de Prud 'hommes

Fixe d 'ores et déjà la prochaine audience de référé postérieurement au dépôt du rapport par l'expert au 04/08/2022 a 8h30.»

Par acte d'huissier du 24 mars 2022, la société a saisi la juridiction du premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence aux fins d'être autorisée à interjeter appel de cette ordonnance.

Par décision du 16 mai 2022, l'affaire a été renvoyée à l'audience du 13 juin 2022, aux fins d'assignation de M. [P] [F] à une autre adresse.

Par acte d'huissier du 19 mai 2022, la société a fait assigner M. [P] [F] aux mêmes fins que précédemment.

L'affaire a fait l'objet d'un renvoi à la demande des parties ou de leurs conseils à l'audience du 5 septembre puis du 19 septembre 2022.

Dans ses dernières écritures reprises oralement lors de l'audience, M. [P] [F] demande in limine litis, de voir :

«Constater la nullité de la première assignation effectuée par la société.

Constater que la seconde assignation a été delivrée à M. [P] [F] en date du 19 mai 2022, soit plus d'un mois apres notification de l'ordonnance rendue par le conseil de prud'hommes aux parties.

Dire et juger que l'assignation délivrée par la société est irrecevable, l'action de la société etant atteinte de forclusion .»

Aux termes de ses dernières conclusions développées lors des débats, la société reprend ses demandes.

M. [P] [F] demande au fond de voir :

«Constater que la société n'invoque aucun motif grave et legitime au soutien de son assignation. Refuser la demande d'autorisation sollicitée par la société d'interjetter appel de l'ordonnance rendue par le conseil de prud'hommes de Marseille.

Débouter la société de l'ensemble de ses demandes.»

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties visées par le greffier à l'audience.

MOTIFS

Sur la recevabilité de la demande d'autorisation de faire appel

L'article 272 du code de procédure civile prévoit : «La décision ordonnant l'expertise peut être frappée d'appel indépendamment du jugement sur le fond sur autorisation du premier président de la cour d'appel s'il est justifié d'un motif grave et légitime.

La partie qui veut faire appel saisit le premier président qui statue selon la procédure accélérée au fond. L'assignation doit être délivrée dans le mois de la décision.

S'il fait droit à la demande, le premier président fixe le jour où l'affaire sera examinée par la cour, laquelle est saisie et statue comme en matière de procédure à jour fixe ou comme il est dit à l'article 948 selon le cas.

Si le jugement ordonnant l'expertise s'est également prononcé sur la compétence, l'appel est formé, instruit et jugé selon les modalités prévues aux articles 83 à 89.»

La décision rendue le 3 mars 2022 a rappelé les textes régissant sa saisine soit notamment l'article L.4624-7 du code du travail ayant donné une compétence nouvelle au conseil de prud'hommes pour statuer sur la contestation de l'avis d'inaptitude.

Dans le cadre de cette procédure, le conseil de prud'hommes peut ordonner une mesure d'instruction et n'est pas dessaisi par cette décision.

En conséquence, la décision querellée n'était pas susceptible d'un appel immédiat.

Sur la nullité de l'assignation et ses conséquences

M. [P] [F] indique que la société a sciemment communiqué une adresse erronée à l'huissier et l'a dès lors empêché de faire valoir ses droits ce qui lui a nécessairement causé un préjudice.

Il estime que la deuxième assignation n'a pas été délivrée dans le délai d'un mois prescrit à peine de forclusion par l'article 272 du code de procédure civile.

La société considère que l'assignation a été délivrée à une adresse valable et que du fait d'un échange de mails avec son avocat, M. [P] [F] était informé de l'existence du recours et de la date des plaidoiries, sans pouvoir justifier d'un préjudice.

Elle rappelle que la seconde assignation délivrée n'introduit pas un nouveau recours et qu'elle est intervenue à la suite de la réouverture des débats ordonnée.

Il résulte des éléments recueillis et visés dans l'ordonnance préparatoire du 16 mai 2022 que l'assignation du 24 mars 2022 a été délivrée à une adresse qui n'était pas le dernier domicile connu de M. [P] [F].

Cependant, il résulte des mentions portées sur cet acte, des investigations concrètes faite par l'huissier : «confirmation par la police municipale, présence du nom du destinataire sur la boîte aux lettres», de sorte que M. [P] [F] ne peut dire que l'adresse était erronée.

Par ailleurs, il ressort des échanges entre les conseils des parties que si M. [P] [F], personnellement n'a pas été informé par la société, de l'assignation et de la date de plaidoiries, son conseil avait été destinataire de la copie de la demande et a fait le choix de ne pas se constituer, étant précisé que sur seconde assignation, il a conclu par deux fois.

Faute pour M. [P] [F] de justifier d'un grief causé par l'irrégularité de forme, la demande de nullité doit être rejetée.

En application des articles 2241 et 2242 du code civil, l'acte de saisine de la juridiction du 24 mars 2022, même entaché d'un vice de procédure, interrompt les délais de prescription comme de forclusion, et ce, jusqu'à l'extinction de l'instance.

En conséquence, M. [P] [F] doit être débouté de ses demandes en nullité et forclusion.

Sur l'existence de motifs graves et légitimes

La société fait état d'un détournement de procédure par M. [P] [F], lequel n'a pas contesté dans son principe l'avis de la médecine du travail et ne l'a pas estimé lacunaire mais se fonde sur un mail échangé avec le médecin du travail, lequel ne fait pas partie des «avis, propositions, conclusions écrite ou indication» tels que visés dans le nouveau texte.

Elle reproche dès lors au conseil de prud'hommes d'avoir déclaré la demande recevable et considère en outre que le libellé de la mission donnée à l'expert a pour effet de lui conférer une délégation de pouvoir juridictionnel.

Le salarié indique page 13 de ses conclusions qu'il «a saisi le conseil de prud'hommes afin que désigne le médecin inspecteur territorialement compétent aux fins que celui-ci statue sur l'origine professionnelle de l'avis d'inaptitude rendu par le médecin du travail».

Il estime avoir bien orienté sa procédure, le conseil de prud'hommes étant bien compétent pour la mise en place d'une expertise.

Il indique page 17 de ses conclusions qu'il existe un lien évident entre l'accident du travail de 2017 et l'inaptitude constatée, précise «qu'il ne conteste pas en tant que tel l'avis du 7 décembre 2021, mais les indications du médecin du travail ayant conclu à tort à l'absence de caractère professionnel de l'inaptitude» notamment dans un courriel du 15 décembre 2021 et par l'absence de remise du formulaire Cerfa d'indemnisation temporaire d'inaptitude.

Il ressort des conclusions page 5 de M. [P] [F] que l'acte de saisine de la formation de référé a été libellé ainsi :

«A titre principal

' constater l'origine professionnelle de l'avis d'inaptitude rendu par le médecin du travail en date du 7 decembre 2021

' dire et juger que les indications du médecin du travail concluant à l'absence de lien entre l'accident du travail subi par M. [P] [F] et la déclaration d'inaptitude sont infondées, injustifiées et erronnées

' juger que les indications litigieuses du médecin du travail dans son courriel du 15 decembre 2021 doivent être réputées non écrites

' ordonner la communication a M. [P] [F] du formulaire cerfa de demande d'indemnité temporaire d'inaptitude, compte tenu de l'origine professionnelle de l'inaptitude.

A titre subsidiaire

' désigner le médecin inspecteur territorialement compétent aux fins que celui-ci statue sur l'origine professionnelle de l'avis d'inaptitude rendu par le médecin du travail en date du 7 decembre 2021.»

Aux termes de la motivation de la décision rendue, il est clair que le conseil de prud'hommes - s'agissant de la recevabilité - a uniquement statué sur le fait que le recours avait été fait dans le délai prescrit par l'article R.4624-45 du code du travail.

La juridiction n'a pas statué sur la demande principale et fait droit à la demande subsidiaire, usant ainsi de la faculté et non l'obligation qui lui était donnée par le texte d'ordonner avant dire droit une expertise mais ce faisant, a sans doute repris les termes de la mission demandée, ce qui a eu pour effet notamment par la phrase «déterminer si l'inaptitude prononcée le 7/12/2021 est d'origine professionnelle, suite à l'accident du travail survenu le 23/05/2017 » de déléguer un pouvoir juridictionnel à l'expert.

En effet, il convient de souligner que même si la nouvelle procédure mise en place est une procédure au fond, seul le conseil de prud'hommes saisi de la rupture, peut dire si l'inaptitude a une origine professionnelle.

Contrairement à ce qu'invoque la société, la formation de référés, ainsi saisie, n'avait pas à se déclarer incompétente mais le salarié ne pouvait faire les demandes qu'il a exprimé, lesquelles sont exclues du champ d'application des contestations des avis du médecin du travail, dans la mesure où il ne conteste pas l'avis médical portant sur l'inaptitude.

En conséquence, la société établit l'existence de motifs graves et légitimes permettant de l'autoriser à interjeter appel de la décision litigieuse.

PAR CES MOTIFS

La juridiction du premier président, statuant en référé, par ordonnance contradictoire, prononcée publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Rejette la demande en nullité de l'assignation du 24 mars 2022,

Ecarte la fin de non recevoir tirée de la forclusion de l'action,

Autorise la société RAVEL DECROIX ET FILS exerçant sous l'enseigne «POTERIE RAVEL» à interjeter appel de l'ordonnance rendue selon la procédure accélérée au fond, par le conseil de prud'hommes de Marseille le 3 mars 2022, et à assigner à jour fixe M. [P] [F], devant la chambre 4-1 du pôle social de la Cour d'Appel d'Aix en Provence LES MILLES (D.9 sortie 4), [Adresse 3] pour l'audience du:

LUNDI 23 JANVIER 2023 à 9h

           Dit que le conseil de l'appelante devra déposer le second original de l'assignation auprès du greffe de la chambre, accompagné de la présente décision avant le 10/11/2022;

Dit que les conclusions de l'appelante devront être communiquées par voie électronique au greffe et à la partie adverse avant le 20/11/2022 ;

Dit que les conclusions de l'intimé devront être communiquées par voie électronique au greffe et à la partie adverse avant le 30/12/2022 ;

Laisse provisoirement à la charge de la société RAVEL DECROIX ET FILS les dépens de la présente procédure.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-11 référés
Numéro d'arrêt : 22/00203
Date de la décision : 17/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-17;22.00203 ?
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