COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-9
ARRÊT SUR RENVOI DE CASSATION
DU 13 OCTOBRE 2022
N° 2022/662
Rôle N° RG 21/15267 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BIJZF
S.C. VICTORIA NICOLAS BENJAMIN ANGELINE AND CO
C/
S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
S.A.R.L. SIENNE MOSAICA
TRESOR PUBLIC
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me BLANCHE
Me KIEFFER
Décision déférée à la Cour :
Arrêt prononcé sur saisine de la Cour suite à l'arrêt rendu par la Cour de Cassation en date du 15 Avril 2021 qui a cassé et annulé l'arrêt rendu par la Cour d'Appel d'AIX EN PROVENCE en date du 16 Mai 2019 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 18/20322.
DEMANDERESSE SUR RENVOI DE CASSATION
S.C. VICTORIA NICOLAS BENJAMIN ANGELINE AND CO Chez Monsieur [U] [W], ès-qualités de mandataire ad hoc de la société demeurant - [Adresse 1], demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Thierry BLANCHE de la SELAS COMPAGNIE FIDUCIAIRE ANTIBOISE, avocat au barreau de GRASSE
DEFENDEURS SUR RENVOI DE CASSATION
S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Frédéric KIEFFER de la SELARL KIEFFER - MONASSE & ASSOCIES, avocat au barreau de GRASSE, plaidant
S.A.R.L. SIENNE MOSAICA, prise en la personne de son représentant légal en exercice élisant domicile
signifiée au domicile élu le 23/11/2021, demeurant [Adresse 8]
non comparante
TRÉSOR PUBLIC, pris en la personne de Monsieur le directeur départemental des finances publiques des Alpes-martimes domicilié en son établissement de la Trésorerie principale d'Antibes, signifiée à personne habilitée le 23/11/2021, demeurant [Adresse 6]
non comparant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 16 Juin 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Agnès DENJOY, Présidente de Chambre, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Agnès DENJOY, Président
Madame Sophie TARIN-TESTOT, Conseiller
Monsieur Dominique TATOUEIX, Magistrat honoraire
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Ingrid LAVALLEE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Octobre 2022.
ARRÊT
Réputé contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Octobre 2022,
Signé par Madame Agnès DENJOY, Président et Madame Ingrid LAVALLEE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCEDURE
L'UCB, devenue BNP Paribas Personal Finance, avait financé selon contrat de prêt-relais conclu par acte authentique du 1er juin 2005, l'acquisition par la SCI Victoria Nicolas Benjamin Angeline and Co d'un bien immobilier situé à Antibes.
[J] [C], gérante de la SCI et Mme [Y] [F] s'étaient portées cautions solidaires de la SCI pour le remboursement de ce prêt.
[J] [C] est décédée le [Date décès 5] 2005.
La société BNP Paribas Personal Finance a engagé en 2017 une procédure de saisie immobilière à l'encontre de la SCI Victoria Nicolas Benjamin Angeline and Co à qui elle a fait signifier un commandement de payer valant saisie immobilière le 2 novembre 2017, délivré suivant procès-verbal de recherches infructueuses.
L'huissier significateur a mentionné dans son acte avoir appris au cours de ses recherches que la gérante de la SCI était décédée depuis plusieurs années et que la succession était toujours en cours de règlement.
Par jugement d'orientation du 2 octobre 2018, le juge de l'exécution a :
- dit que les conditions des articles L.311 ' 2, L.311 ' 4 et L.311 '6 du code des procédures civiles d'exécution sont réunies et que le créancier poursuivant a satisfait au respect des dispositions du code des procédures civiles d'exécution,
- dit que la SA BNP Paribas Personal Finance poursuit la saisie immobilière au préjudice de la SCI Victoria Nicolas Benjamin Angeline and Co pour une créance liquide et exigible d'un montant de 1 532 073,56 euros en principal, frais, intérêts et autres accessoires arrêtés au 14 septembre 2017 sans préjudice des intérêts postérieurs jusqu'à la distribution du prix de vente à intervenir au plus tard à la date prévue par l'article R.334 ' 3 du code des procédures civiles d'exécution,
- ordonné la vente forcée des biens et droits immobiliers saisis selon les modalités du cahier des conditions de vente,
- dit qu'il sera procédé à ladite vente forcée à l'audience du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Grasse du jeudi 17 janvier 2019 à 9 heures,
- dit que les visites du bien saisi seront au nombre de deux ['],
- dit que le jugement d'adjudication à intervenir vaudra titre d'expulsion ['],
- ordonné la mention du jugement d'orientation en marge de la publication du commandement valant saisie immobilière,
- dit que le jugement sera annexé au cahier des conditions de vente déposé au tribunal de grande instance de Grasse sous le numéro 18/19,
- dit que les dépens seront compris dans les frais de poursuite soumis à taxe,
- ordonné la distraction des dépens au profit de la SCP Kieffer Monasse aux offres de droit pour ceux dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.
M. [U] [W], fils de [J] [C], a obtenu, par ordonnance du président du tribunal de grande instance de Grasse du 17 décembre 2018, d'être désigné comme mandataire ad hoc de la SCI avec pouvoir spécial pour interjeter appel du jugement d'orientation et mandater à cet effet tel avocat de l'un des barreaux du ressort de la cour d'appel d'Aix-en-Provence.
Par déclaration électronique de son avocat du 21 décembre 2018, la SCI Victoria Nicolas Benjamin Angeline and Co représentée par son mandataire ad hoc a interjeté appel de chacune des dispositions du jugement, intimant la société BNP Paribas Personal Finance.
La SCI a été autorisée par ordonnance sur requête du premier président de la cour d'appel du 28 décembre 2018 à faire assigner à jour fixe «les intimés» devant la cour pour l'audience du mercredi 13 mars 2019 à 14h15.
La SCI Victoria Nicolas Benjamin Angeline and Co a fait assigner à jour fixe la société BNP Paribas Personal Finance par acte d'huissier du 15 janvier 2019 pour l'audience du 13 mars 2019 à 14h15.
La banque a notifié le 8 mars 2019 à l'appelante des conclusions d'irrecevabilité de l'appel au motif que les deux autres créanciers inscrits n'avaient pas été intimés.
La SCI a alors déposé le 8 mars 2019 une seconde déclaration d'appel, et a intimé les deux autres créanciers inscrits, la SARL Sienne Mosaica et le trésor public d'Antibes.
Cette seconde déclaration d'appel enrôlée sous le numéro RG 19/3991 n'a pas donné lieu à jonction des deux instances.
Suivant arrêt de cette cour du 16 mai 2019, l'appel interjeté par la SCI Victoria Nicolas Benjamin Angeline and Co à l'encontre de la société BNP Paribas Personal Finance a été déclaré irrecevable au motif que les créanciers inscrits n'avaient pas été intimés alors que la procédure en la matière est indivisible.
Vu l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 15 avril 2021 sur pourvoi de la SCI, qui a cassé l'arrêt du 16 mai 2019 et a renvoyé l'affaire devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.
La SCI a saisi cette cour sur renvoi de cassation par déclaration au greffe du 27 octobre 2021 à l'encontre de la société BNP Paribas Personal Finance, de la SARL Sienne Mosaica et du trésor public d'Antibes.
Par ordonnance sur requête du 4 novembre 2021, la SCI Victoria Nicolas Benjamin Angeline and Co a été autorisée à faire assigner à jour fixe devant cette cour la SA BNP Paribas Personal Finance, la SARL Sienne Mosaïca et le trésor public d'Antibes à l'audience du mercredi 6 avril 2022 à 14h15.
La SCI Victoria Nicolas Benjamin Angeline and Co a fait assigner à jour fixe respectivement le trésorier principal d'Antibes, la société Sienne Mosaïca et la société BNP Paribas Personal Finance par actes d'huissiers des 23 et 25 novembre 2021 délivrés à personnes habilitées et fait signifier par le même acte aux précités ses conclusions d'appelante et ses pièces.
PRETENTIONS DES PARTIES
La SCI Victoria Nicolas Benjamin Angeline and Co demande à la cour de :
- déclarer prescrite l'action de la société BNP Paribas Personal Finance,
- par voie de conséquence, déclarer nul le commandement valant saisie immobilière de l'immeuble sis à [Adresse 7], cadastré section BS n° [Cadastre 4] pour 3 a 28 ca,
- annuler en toutes ses dispositions le jugement d'orientation dont appel,
- vu l'article 700 du code de procédure civile, condamner la SA BNP Paribas Personal Finance à lui payer la somme de 5 000 euros ainsi que les entiers dépens de l'instance d'appel, distraits au profit de Me Thierry Blanche, avocat associé au barreau de Grasse.
La SCI fait valoir en substance qu'elle est dépourvue de représentant légal depuis le décès de sa gérante, [I] [V] [C] ; que, fils adoptif de cette dernière, M. [U] [W] a eu connaissance de l'engagement de la procédure de saisie immobilière et a pris attache avec la banque qui lui a présenté à la signature un projet de protocole transactionnel en qualité d'héritier de l'ancienne gérante décédée.
La SCI affirme que la créance de la banque est prescrite.
Elle estime en premier lieu que ce moyen est une fin de non recevoir qui peut être proposée en tout état de cause, même pour la première fois en cause d'appel, ainsi qu'il résulte des articles 122, 123 du code de procédure civile et 2248 du code civil et que les dispositions de l'article R.311 ' 5 du code des procédures civiles d'exécution ne prévalent pas contre les dispositions précitées du code de procédure civile, même si le moyen tiré de la prescription n'a pas été débattu devant le juge de l'exécution. Elle invoque la rédaction de l'article R.311 ' 5 du code des procédures civiles d'exécution qui précise bien qu'il est applicable sauf disposition contraire et que ces dispositions contraires sont celles des articles 123 du code de procédure civile et 2248 du code civil.
Elle soutient qu'elle n'était ni présente ni représentée devant le juge de l'exécution en dépit des mentions du jugement.
Sur le fond, elle rappelle qu'en vertu de la loi n° 2008 ' 561 du 17 juin 2008, le délai de prescription a été ramené à 5 ans à partir du 19 juin 2008 et que de ce fait, l'ancien délai de prescription de 10 ans a couru depuis la date d'exigibilité de la créance que la banque estime être le 10 novembre 2005, soit jusqu'au 18 juin 2008, puis pendant cinq ans jusqu'au 18 juin 2013, sans que la banque ne justifie d'un quelconque acte interruptif pendant le cours de ce délai.
La SA BNP Paribas Personal Finance demande à la cour, suivant conclusions notifiées le 24 mars 2022, de :
- déclarer les prétentions de la SCI Victoria Nicolas Benjamin Angeline and Co irrecevables,
- à titre subsidiaire, débouter l'appelante de toutes ses demandes en confirmant purement et simplement le jugement entrepris,
- y ajoutant, condamner la SCI Victoria Nicolas Benjamin Angeline and Co à lui verser la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance d'appel.
La banque fait valoir en substance :
- qu'en application de l'article R.311 ' 5 du code des procédures civiles d'exécution, les prétentions formulées par la SCI pour la première fois en cause d'appel sont irrecevables,
- à titre subsidiaire, au fond, que son action n'était pas prescrite lorsqu'elle a engagé la procédure de saisie immobilière, étant rappelé que sa créance est devenue exigible le 10 novembre 2005, qui est la date de déchéance du terme, et date à laquelle la prescription applicable était la prescription décennale, sa créance étant fondé sur un titre exécutoire ;
- or, que par la suite, M. [U] [W] qui s'est présenté comme l'héritier de [J] [C], a entamé une négociation avec elle à partir de mars 2008 puis lui a demandé d'attendre le résultat d'une procédure de contestation des testaments laissés par la défunte, à la suite de quoi, tandis que le règlement de la succession restait en attente, ce n'est qu'en février 2017 que la banque a pu apprendre du notaire chargé de la succession que toutes les procédures de contestation étaient terminées et que la liste des héritiers était connue à savoir trois personnes, dont M. [U] [W],
- que de nouvelles négociations sont alors intervenues entre la banque et M. [W], mais qui n'ont pu déboucher sur la signature d'un protocole d'accord, tant et si bien que la banque a engagé la procédure de saisie immobilière et que le jugement d'orientation a été rendu.
La banque estime donc que M. [W], héritier de la caution dans le cadre du prêt, [J] [C], a reconnu sa dette envers la banque en sa qualité d'héritier de la débitrice, reconnaissance qui entraîne l'interruption du délai de prescription en application de l'article 2248 du code civil.
La banque estime ensuite qu'en toute hypothèse, en cas de décès du débiteur, ce décès interrompt la prescription jusqu'à ce que les créanciers aient obtenu l'information officielle sur la dévolution successorale, ce qui en l'espèce n'est jamais survenu en l'absence de notification par le notaire de l'acte de notoriété.
La banque estime à cet égard que le décès de l'une des cautions l'empêchait d'exercer ses poursuites contre le débiteur de son choix au sens de l'article 1203 du code civil.
La SARL Sienne Mosaica et le trésorier principal de la commune d'Antibes n'ont pas constitué avocat.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la recevabilité de la contestation émise en appel par la SCI appelante :
Le jugement d'orientation énonce que lors de l'audience d'orientation, la SCI était représentée par son avocat, Me Renaud Essner du barreau de Grasse, et que cette dernière n'a présenté aucune observation.
La SCI ne soutient pas avoir émis une contestation quelconque lors de l'audience d'orientation. Elle soutient qu'elle n'était pas représentée lors de l'audience d'orientation mais cette affirmation n'est pas étayée.
Il est ainsi tenu pour acquis que la SCI était représentée par son avocat lors de l'audience d'orientation et qu'elle n'a pas émis de contestation portant sur la prescription du titre exécutoire.
Or, l'article R.311 ' 5 du code des procédure civile d'exécution déclare irrecevables les contestations formées après l'audience d'orientation, sauf si elles portent sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci.
Par conséquent, la demande de la SCI tendant à la prescription de la créance de la banque à l'origine de sa procédure de saisie immobilière, présentée pour la première fois en cause d'appel, est irrecevable, ainsi que ses demandes accessoires.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire,
Déclare les demandes de la SCI Victoria Nicolas Benjamin Angeline and Co irrecevables,
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes des parties,
Condamne la SCI Victoria Nicolas Benjamin Angeline and Co aux dépens de l'instance d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE