COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-7
ARRÊT AU FOND
DU 13 OCTOBRE 2022
N° 2022/ 405
Rôle N° RG 21/10570 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHZSX
[B] [N]
C/
[G] [Z] veuve née [Z]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Charles TOLLINCHI de la SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON
Me Pierre OBER
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge des contentieux de la protection de TOULON en date du 12 Mai 2021 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 11-19-1128.
APPELANTE
Madame [B] [N]
née le 25 Avril 1963 à [Localité 1], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Charles TOLLINCHI de la SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée de Me Capucine VARRON CHARRIER, avocat au barreau de TOULON
INTIMEE
Madame [G] [Z] veuve [N]
née le 07 Décembre 1933 à [Localité 3], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Pierre OBER, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 29 Juin 2022 en audience publique devant la cour composée de :
Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre
Madame Carole MENDOZA, Conseillère,
Madame Mireille CAURIER-LEHOT, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Octobre 2022.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Octobre 2022,
Signé par Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 25 juillet 1996, Monsieur [R] [N] et Madame [G] [Z] épouse [N] ont fait donation de la nue-propriété d'un bien situé [Adresse 2] à leurs deux enfants ([E] et [B] [N]) à hauteur de la moitié pour chacun d'entre d'eux. Ils en ont conservé l'usufruit jusqu'à décès du dernier des survivants.
Madame [B] [N] s'est installée au rez-de-chaussée des lieux.
Par acte d'huissier du 04 mars 2019, Monsieur [R] [N] et Madame [G] [Z] épouse [N] ont fait assigner Madame [B] [N] aux fins principalement de la voir déclarer occupante sans droit ni titre depuis le 13 novembre 2018, la voir expulser sous astreinte et la condamner à une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement contradictoire rendu le 12 mai 2021, le juge des contentieux de la protection de Toulon a statué de la manière suivante :
'Déboute les parties de leurs demandes d'irrecevabilité ;
Reçoit Monsieur [R] [N] et Madame [G] [Z] épouse [N] en leurs demandes;
Rejeté la demande de renonciation à l'usufruit qui avait été établi à l'acte notarié du 25 juillet
1996 ;
Qualifie de prét à usage l'occupation des lieux par Madame [B] [N] ;
Déclare recevable la sommation adressée à Madame [B] [N] le 13 novembre 2018 et prononcé la résiliation du contrat de prêt a usage à la date du 13 novembre 2018 ;
Ordonneque Madame [B] [N] devra quitter les lieux après avoir satisfait aux obligations des occupants sortants et ordonné à défaut son expulsion de l'appartement du rez de chaussée situé à [Adresse 2] ;
Dit que si Madame [B] [N] ne quitte pas les lieux dans le délai de deux mois après le commandement prévu par Ies articles L411-1 et L412 -1 du code des procédures civiles d'exécution il sera procédé à l'expulsion de sa personne, de ses biens et de tous occupants de son chef si besoin est avec le concours de la force publique ;
Dit que les meubles se trouvant dans les lieux seront remis au frais de la personne expulsée en un lieu désigné par celle-ci, à défaut laissés sur place ou entreposés dans un autre lieu approprié et décrit avec précision par l'huissier de justice chargé de l'exécution avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans le délai du mois suivant la signification du procès-verbal d'expulsion en application des articles L433'1 et R 433-1 du code des procédures civiles d'exécution ;
Déboute Madame [B] [N] de l'intégralité de ses demandes ;
Rejette toutes demandes autres, plus amples ou contraires ;
Dit n'y avoir lieu à l''application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Madame [B] [N] aux dépens ;
Prononce l'exécution provisoire'.
Le premier juge a rejeté l'irrecevabilité liée à la publication des conclusions auprès du service des hypothèques de [Localité 3].
Il a estimé que l'imputation des travaux effectués par Madame [B] [N] s'effectuerait à la fin de l'usufruit, lors de la répartition du bien entre les héritiers. Dès lors, il a rejeté sa demande tendant à être remboursée des sommes qu'elle disait avoir exposées.
Il a rejeté l'argument de Madame [B] [N] relatif à un abandon de l'usufruit de ses parents au motif qu'elle s'acquitterait de la taxe d'habitation et de frais de communication téléphonique; il a ainsi noté que la taxe d'habitation incombait à l'occupant du bien et que Madame [B] [N] ne démontrait pas que les communications acquittées ne lui seraient pas imputables.
Il a ajouté que la renonciation à un usufruit devait être certaine et non équivoque. Il a estimé que les usufruitiers avaient simplement autorisé leur fille à occuper une partie du bien qu'ils avaient commencé à renover pour leurs enfants, ce qui ne valait pas renonciation. Il a ajouté qu'aucun des critères lié à la fin de l'usufruit n'était rempli.
Il a indiqué que les usufruitiers avaient fait bénéficier leur fille d'un prêt à usage sur l'un des appartements de la maison.
Il a précisé que les usufruitiers avaient laissé un délai raisonnable à leur fille pour quitter les lieux en lui délivrant une sommation le 13 novembre 2018, qui avait été précédée d'une lettre d'un notaire du premier août 2017. Il a estimé que c'est à cette date que le prêt à usage avait pris fin.
Il a ordonné l'expulsion de Madame [B] [N].
Le 13 juillet 2021, Madame [B] [N] a relevé appel de cette décision en ce qu'elle a :
'Rejeté la demande de renonciation à l'usufruit établi à l'acte notarié du 25/07/96 ;
Qualifié de prêt à usage l'occupation des lieux par Mme [B] [N] et prononcé la résiliation dudit contrat de prêt à la date du 13 novembre 2018 ;
Ordonné à Mme [B] [N] de quitter les lieux et à défaut ordonné son expulsion dans le délais de 2 mois du commandement ;
Débouté Mme [B] [N] de sa demande tendant à obtenir la condamnation des époux [N] [Z] à retirer toute entrave sur le portail d'entrée de la maison sous astreinte et à lui verser la somme de 60.188 euros au titre des travaux et celle de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamné Mme [B] [N] aux dépens et prononcé l'exécution provisoire'.
Madame [G] [N] née [Z] a constitué avocat. Monsieur [R] [N] est décédé.
Par conclusions notifiées le 23 juin 2022 sur le RPVA auxquelles il convient de se reporter, Madame [B] [N] demande à la cour de statuer en ce sens :
'Réformer le jugement,
Statuant à nouveau,
A titre principal,
Constater Madame [N] occupe les lieux depuis plus de 22 ans,
Constater que Madame [N] a réalisé frais d'importants travaux depuis cette date, lesquels ne pouvaient l'être à l'insu de ses parents, outre la prise en charge par ses soins des frais courants ou d'entretien,
Juger que les attestations rédigées par les époux [N] [Z] (et son époux décédé) valent
renonciation à usufruit,
Juger que Madame [N] [Z] a entendu renoncer sans équivoque à l'usufruit dont elle bénéficiait sur le bien en litige,
Juger que Madame [N]est pleinement propriétaire de l'appartement du rez de chaussée
Débouter en conséquence Madame [N] [Z],
A titre subsidiaire,
Juger que Madame [N] [Z] (et son époux décédé) n'a pas respecté les charges de leur
usufruit en ne prenant à charge aucune dépense, notamment de grosses réparations,
Juger que l'usufruit a ainsi cessé de ce fait,
Débouter en conséquence Madame [N] [Z] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
A titre encore plus subsidiaire, et à titre reconventionnel,
Constater que les travaux réalisés par Madame [N] depuis 1996 incombaient aux donateurs et ainsi aux usufruitiers,
Juger que les époux [N] [Z] se sont enrichis au détriment de leur fille,
En conséquence,
Condamner Madame [N] [Z] à verser à Madame [B] [N] la somme de 60.188 € correspondant aux montant des travaux investis,
A titre encore plus subsidiaire,
Juger qu'en l'absence de convention écrite existait un prêt usage a durée indéterminée,
Juger que ce prêt a usage n'a pas été rompu dans un délai raisonnable,
Juger que Madame [N] a subi un préjudice moral et un trouble de jouissance,
Condamner Madame [N] [Z] à verser à Madame [N] la somme de 10.000 euros en réparation de son prejudice moral et de son trouble de jouissance,
En tout état de cause,
Juger qu'il ne peut y avoir lieu à ordonner l'expulsion eu égard à la libération définitive des lieux
depuis le 1er octobre 2021,
Débouter Madame [N] [Z] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
Condamner Madame [N] [Z] au paiement à Madame [B] [N] d'une somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens
de première instance et d'appel'.
Elle soutient que ses parents, usufruitiers, ont renoncé sans équivoque à leur usufruit. Elle précise qu'une telle renonciation peut être tacite. Elle fait état d'attestations de ses parents, du temps qu'elle a passé dans les lieux, du fait qu'elle a entretenu l'appartement et procédé au paiement de nombreux frais d'entretien courant. Elle en veut pour preuve supplémentaire le fait que depuis le décès de son père, sa mère ne réside plus dans le bien et aurait demandé à ce qu'il soit vendu.
Elle explique que ses parents lui avaient donné la moitié de la nue-propriété du bien afin de lui permettre de réaliser et de financer d'importants travaux de transformation d'un garage en un appartement. Elle expose avoir investi la somme de 60.188 euros depuis l'année 1996.
Subsidiairement, elle demande le remboursement des sommes qu'elle a versées au titre de l'entretien courant du bien. Elle souligne que les usufruitiers se sont enrichis à son détriment.
Très subsidiairement, elle indique que son occupation des lieux s'analyse en un prêt à usage à durée indéterminée. Elle souligne n'avoir bénéficié d'aucun délai raisonnable pour quitter les lieux et sollicite en conséquence des dommages et intérêts.
Par conclusions notifiées le 19 octobre 2021 sur le RPVA auxquelles il convient de se reporter, Madame [N] née [Z] demande à la cour de statuer en ce sens :
'Juger que Madame [B] [N] n'est pas la seule donataire du bien,
Juger que les dépenses que Madame [B] [N] a engagées l'ont été il y a plus de 20 ans et qu'il ne s'agissait que de dépenses d'amélioration,
Juger que tant les époux [N] que leur fils [E] [N] ont toujours fait face aux dépenses de conservation du bien,
Juger que Madame [B] [N] a toujours considéré ses parents comme les usufruitiers du bien qu'elle occupe,
Juger que Madame [B] [N] est occupante sans droit ni titre depuis le 13 novembre 2018,
Et en conséquence,
Confirmer le jugement du 12 mai 2021 en toutes ses dispositions,
Débouter Madame [B] [N] de l'ensemble de ses autres demandes, fins et conclusions, Condamner Madame [B] [N] à payer à Madame [G] [N] la somme de 2 500,00 Euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens en ce compris le coût du commandement de quitter les lieux.'
Elle conteste toute renonciation à usufruit. Elle explique que son époux et elle-même ont toujours résidé dans le bien. Elle relève que sa fille n'a pas financé les travaux de transformation du garage en un logement habitable. Elle évoque de simples travaux d'aménagement et d'amélioration.
Elle soutient que l'occupation des lieux par sa fille s'analyse en un prêt à usage.
Elle relève que son conjoint et elle-même ont réglé seuls les charges relatives à l'occupation du rez-de-chaussée par leur fille.
Elle explique qu'en raison de violences perpétrées par le compagnon de sa fille à l'égard de son conjoint, il a été demandé à sa fille de quitter les lieux, par lettre recommandée du 28 août 2018 puis par sommation du 13 novembre 2018.
Elle s'oppose au remboursement des frais exposés par sa fille.
Elle conteste avoir empêché sa fille d'accéder aux lieux.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 29 juin 2022.
MOTIVATION
Sur la renonciation à usufruit
L'article 578 du code civil énonce que l''usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d'en conserver la substance.
Au delà de l'article 617 du code civil qui énonce les causes d'extinction de l'usufruit, il peut être mis fin à un usufruit par la renonciation de l'usufruitier à l'usufruit, à condition que cette renonciation soit certaine et non équivoque.
L'acte de donation du 25 juillet 1996 de la nue-propriété du bien par époux [N] à leurs deux enfants mentionne que ce dernier est une maison d'habitation élevée d'un étage avec, au rez-de-chaussée, un garage et une chambre.
Le 11 septembre 1996, Monsieur [R] [N] (usufruitier) a déposé une demande de permis de construire pour 'créer un second logement et agrandir l'habitation par l'adjonction d'un garage'.
Monsieur [E] [N], le second nu-propriétaire, (pièce 13 de l'intimée), atteste sur l'honneur qu'avant le dépôt du permis de construire, le rez-de-chaussée n'était pas 'simplement un garage' mais comportait aussi deux pièces et des toilettes. Il précisait qu'une chambre était déjà prévue sur les plans d'origine (ce qui correspond à la description de l'acte notarié de donation de la nue-propriété). Il ajoute que ses parents, avant la fin de la construction de la villa, avait accepté, à sa demande, de faire certains aménagements au rez-de-chaussée en créant une pièce supplémentaire à celle existante pour qu'il puisse y habiter avant de se marier et avoir une certaine autonomie.
Cette attestation et l'acte de donation permettent de confirmer que le rez-de-chaussée de la maison n'était pas uniquement constitué d'un garage avant le permis de construire. L'attestation de Madame [N] [D], qui fait état d'un seul garage en rez-de-chaussée, alors qu'elle indique avoir vécu dans les lieux jusqu'en août 1981 ( alorsqu'elle avait 16 ans), n'est donc pas probante.
L'acte de donation de la nue-propriété mentionne que le donateur maintiendra l'immeuble en bon état de réparation d'entretien pendant la durée de l'usfrruit et supportera que le donataire fasse les grosses réparations qui deviendraient nécessaires ; il est ajouté que le donataire s'oblige à faire les grosses réparations mises à la charge du nu-propriétaire par l'article 605 du code civil dès qu'illes deviendront nécessaires.
Madame [B] [N] ne démontre pas que le rez-de-chaussée était uniquement constitué d'un garage lorsqu'elle est devenue nue-propriétaire ni qu'elle aurait acquitté seule le coût de la transformation d'un garage en un appartement du rez-de-chaussée.
Elle ne démontre pas non plus que ses parents auraient renoncé de façon certaine et non équivoque à leur usufruit sur la partie du bien qu'elle occupe.
Bien au contraire, en 1998, ces derniers attestaient sur l'honneur héberger leur fille dans leur villa le temps de terminer son propre appartement situé au rez-de-chaussée de la maison et indiquaient, en 2013, que cette dernière vivait au rez-de-chaussée de leur villa et qu'ils partageaient les factures d'eau et d'électricité puisqu'il n'existait qu'un seul compteur.
Ces attestations ne démontrent pas que Monsieur et Madame [R] [N] auraient renoncé à l'usufruit sur la partie du bien dont ils sont les usufruitiers; elles démontrent au contraire que la partie occupée par leur fille est intégrée dans leur villa, dont ils revendiquent la propriété (en réalité l'usufruit), sans distinction en matière d'eau et d'électricité, ce qui prouvent que la partie du bien occupé par Madame [B] [N] faisait partie intégrante du reste de la maison.
La conjonction de la donation en usufruit, de la demande de permis de construire déposée le 11 septembre 1996 (postérieurement à la donation) au nom de Monsieur [R] [N], ususufruitier, notamment pour la partie de la maison revendiquée par Madame [B] [N] et des attestations des époux [N] témoignent de l'absence de renonciation de ces derniers à leur usufruit sur la partie de la maison, située au rez-de-chaussée, où réside leur fille.
Il convient d'ajouter que les époux [N] ont toujours résidé dans cette maison.
Enfin, Madame [B] [N] ne démontre pas que depuis le décès de son père, sa mère ne résiderait plus dans ce bien.
Comme l'a très justement analysé le premier juge, Madame [B] [N], nue-propriétaire, occupante d'une partie des lieux dont ses parents étaient usufruitiers, a bénéficié de la part de ces derniers d'un prêt à usage.
Madame [B] [N] produit au débat des factures pour l'aménagement d'une cuisine et d'une salle de bains, pour la pose de stores et de fenêtres et la pose d'un système de chauffage. Elle produit des photocopies de talons de chèques qui n'ont aucune valeur (sa pièce 11). Elle justifie payer une taxe d'habitation et la redevance audiovisuelle.
Le fait que Madame [B] [N], occupante d'une partie de la maison, paye une taxe d'habitation est une conséquence de son occupation des lieux, tout comme l'installation à son profit d'une ligne téléphonique et d'une assurance habitation. La prise en charge de factures d'installation d'une cuisine et diverses améliorations apparaissent en réalité comme la condition de l'usage personnalisé des lieux, tel que convenu avec les usufruitiers.
En conséquence, le jugement déféré qui a rejeté la demande de renonciation à l'usufruit qui avait été établi à l'acte notarié du 25 juillet1996 et qui a qualifié de prêt à usage l'occupation des lieux par Madame [B] [N] sera confirmé.
Sur la demande de remboursement de la somme de 60.188 euros formée par Madame [B] [N]
Selon l'article 605 du même code, l'usufruitier n'est tenu qu'aux réparations d'entretien. Les grosses réparations demeurent en principe à la charge du propriétaire.
Ainsi qu'il l'a été indiqué, Madame [B] [N] ne justifie pas avoir financé les travaux de transformation d'un garage en appartement. Occupante des lieux qui lui avaient été prêtés, elle ne peut non plus solliciter le coût des travaux qui sont la condition de l'usage personnalisé de son occupation des lieux. Elle ne justifie pas du montant des travaux qui relèverait du seul entretien des lieux.
Elle sera déboutée de sa demande de remboursement. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
Sur la résiliation du contrat de prêt
En vertu de l'article 1888, le prêteur ne peut retirer la chose prêtée qu'après le terme convenu, ou, à défaut de convention, qu'après qu'elle a servi à l'usage pour lequel elle a été empruntée.
Le prêt d'une partie de la maison consenti à Madame [B] [N] était à durée indéterminée.
Lorsqu'aucun terme convenu ni prévisible n'a été convenu pour le prêt d'une chose d'un usage permanent tel qu'un appartement, le prêteur est en droit d'y mettre fin à tout moment, en respectant un délai de préavis raisonnable.
Le 23 août 2018, Madame [B] [N] se voyait notifier un délai de deux mois pour quitter les lieux. Le 13 novembre 2018, elle était destinataire d'une sommation d'avoir à quitter immédiatement les lieux, avec tout occupant de son chef.
Ce délai accordé à Madame [B] [N] pour quitter les lieux qu'elle occupait depuis 20 ans et qui était sa résidence principale n'est pas raisonnable, même s'il existait un contentieux entre ses parents et son compagnon.
Dès lors, Monsieur et Madame [R] [N] ont mis fin de façon fautive au prêt à usage dont bénéficiait leur fille [B] [N]. Le préjudice de cette dernière sera intégralement réparé par l'allocation d'une somme de 2000 euros à laquelle sera condamnée Madame [G] [Z] épouse [N].
Sur la demande d'expulsion
En raison de la fin du prêt à usage, c'est bon droit que le premier juge a prononcé l'expulsion de Madame [B] [N]. Le jugement sera confirmé sur ce point et la demande n'apparaît pas sans objet puisque Madame [B] [N] ne justifie pas de sa libération des lieux et se domicilie toujours au même endroit dans ses conclusions du 23 juin 2022.
Sur la demande de Madame [B] [N] tendant à voir condamner Monsieur et Madame [R] [N] à retirer toute entrave sur le portail d'entrée sous astreinte
Le premier juge, dans le dispositif de sa décision, a rejeté cette demande; Madame [N] a relevé appel de ce chef de la décision mais n'a rien sollicité à ce sujet aux termes de ses dernières conclusions, alors que l'intimée sollicite la confirmation du jugement déféré. Le jugement sera en conséquence confirmé sur ce point.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Madame [B] [N] est essentiellement succombante. Elle sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel. Les dépens ne comprendront pas le coût du commandement de quitter lieux délivré sans tenir compte d'un délai raisonnable à Madame [N]. Cette dernière sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Pour des raisons tirées de l'équité, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
En conséquence, le jugement déféré qui a mis les dépens à la charge de Madame [N] et a rejeté les demandes des parties au titre des frais irrépétibles sera confirmé.
Madame [Z] veuve [N] sera de son côté déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles qu'elle a exposés en cause d'appel.
Le jugement déféré qui a condamné Madame [B] [N] aux dépens et a rejeté les demandes faites au titre des frais irrépétibles sera confirmé.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement déféré, étant précisé que le coût du commandement de quitter les lieux délivré à Madame [B] [N] resteront à la charge de Madame [Z] veuve [N]
Y AJOUTANT,
CONDAMNE Madame [Z] veuve [N] à verser à Madame [B] [N] la somme de 2000 euros de dommages et intérêts ;
REJETTE les demandes des parties faites sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Madame [B] [N] aux dépens de la présente procédure.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,