COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-9
ARRÊT AU FOND
DU 13 OCTOBRE 2022
N° 2022/651
Rôle N° RG 21/08693 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHTWK
S.C.I. DES PAQUERETTES
C/
[V] [B]
[K] [B]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me REBUFAT
Me ZAGO
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l'exécution de MARSEILLE en date du 08 Avril 2021 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 20/09787.
APPELANTE
S.C.I. DES PAQUERETTES, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Denis REBUFAT de l'AARPI REBUFAT& LASBATS-MAZILLE ANNE, avocat au barreau de MARSEILLE, substitué par Me Amélie VADON, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMES
Monsieur [V] [B]
né le [Date naissance 3] 1945 à [Localité 6], demeurant [Adresse 4]
représenté par Me Alexandre ZAGO de la SELAS LAWTEC - SOCIÉTÉ D'AVOCATS, avocat au barreau de NICE, substitué par Me Valentine TORDO, avocat au barreau de NICE
Madame [K] [B]
née le [Date naissance 2] 1945 à [Localité 5], demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Alexandre ZAGO de la SELAS LAWTEC - SOCIÉTÉ D'AVOCATS, avocat au barreau de NICE, substitué par Me Valentine TORDO, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 16 Juin 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Dominique TATOUEIX, Magistrat honoraire, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Agnès DENJOY, Président
Madame Pascale POCHIC, Conseiller
Monsieur Dominique TATOUEIX, Magistrat honoraire
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Ingrid LAVALLEE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Octobre 2022.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Octobre 2022,
Signé par Madame Agnès DENJOY, Président et Madame Ingrid LAVALLEE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
Les époux [B] sont propriétaire à Saint-Paul-lez-Durance (13) d'une maison mitoyenne de celle appartenant à la SCI DES PAQUERETTES (RCS 350 972 147).
Par ordonnance en date du 9 décembre 2014, le juge des référés du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a désigné M. [U] en qualité d'expert aux fins de décrire les dégradations de l'immeuble des époux [B] pouvant être imputées au voisinage de l'immeuble de la SCI DES PAQUERETTES.
Par jugement en date du 23 décembre 2016, le tribunal d'instance d'Aix-en-Provence a ordonné à la SCI DES PAQUERETTES d'exécuter les travaux prescrits par l'expert judiciaire portant sur la réfection d'enduit défectueux et la réfection complète de rive de toiture de sa propriété, sous astreinte de 200 € par jour de retard passé le délai de deux mois après la signification du jugement.
Par jugement en date du 28 novembre 2019, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Marseille a liquidé l'astreinte à la somme de 10'000 €.
Par exploit en date du 22 octobre 2020, M. [V] [B] et Mme [K] [B] ont fait assigner la SCI DES PAQUERETTES devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Marseille aux fins de liquidation de l'astreinte à la somme de 78'600 € pour la période du 3 septembre 2019 au 30 septembre 2020 à parfaire au jour du jugement, de fixation d'une nouvelle astreinte de 500 € par jour de retard et de condamnation de la SCI DES PAQUERETTES au paiement d'une somme de 3000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par jugement du 8 avril 2021 dont appel du 11 juin 2021, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Marseille a liquidé l'astreinte à la somme de 76'600 €, a ordonné une nouvelle astreinte provisoire de 400 € par jour de retard à compter de la signification de la décision et pour une durée d'un an et a condamné la SCI DES PAQUERETTES au paiement d'une somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 et code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Le juge de l'exécution énonce en ses motifs :
- la SCI DES PAQUERETTES ne rapporte pas la preuve de s'être conformée à l'obligation ressortant du jugement du 23 décembre 2016, ni même d'avoir fait des travaux complémentaires depuis la décision du juge de l'exécution du 28 novembre 2019, ne contestant pas elle-même ne pas avoir exécuté les travaux requis,
- il ne sera pas fait droit à la demande de sursis à statuer dans la mesure où le rapport attendu concerne un autre litige devant le tribunal administratif de Marseille qui n'a aucune incidence sur l'exécution ou non des obligations ordonnées judiciairement par le tribunal d'instance d'Aix-en-Provence le 23 décembre 2016,
- la période d'hospitalisation du gérant de la SCI DES PAQUERETTES n'est pas visée dans la demande de liquidation d'astreinte et aucun autre élément ne permet de dire qu'il était impossible pour la SCI de faire faire les travaux par une entreprise spécialisée et il n'appartient pas au juge d'ordonner une mesure d'instruction pour suppléer la carence des parties, notamment concernant l'état de santé du gérant de la SCI,
- il convient de retrancher dans la liquidation de l'astreinte la période protégée entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020.
Vu les dernières conclusions déposées le 7 octobre 2021 par la SCI DES PAQUERETTES, appelante, aux fins de voir infirmer le jugement dont appel, condamner les époux [B] au paiement d'une somme de 10'000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et 3000 € pour la procédure d'appel ainsi qu'aux entiers dépens, et rejeter l'argumentation de l'intimé su l'article 524 du code de procédure civile.
La SCI DES PAQUERETTES fait valoir :
- que le rapport de l'expert [H] rendu dans le cadre d'une expertise amiable objet d'une réunion qui s'est tenue le 17 février 2021, conclut que des travaux ont été effectivement exécutés, que le défaut de l'enduit résulte probablement d'une exécution des travaux faite sans accès direct face à la paroi du mur, qu'assurer une réfection des seules zones où des morceaux d'enduit étaient déjà tombés a pu suffire et qu'aucun véritable désordre n'apparaît aujourd'hui,
- que M. [Y], gérant de la SCI, est gravement malade est atteint d'une tumeur, ce qui l'a placé dans l'incapacité de suivre la bonne exécution des travaux,
- que la valeur vénale de l'immeuble ne dépasse pas 40'000 €,
- qu'en multipliant les procédures, les époux [B] ont l'intention de pousser la SCI à la ruine.
Vu les dernières conclusions déposées le 28 février 2022 par M. [V] [B] et Mme [K] [B], intimés, aux fins de voir, à titre principal, déclarer caduque la déclaration d'appel et par voie de conséquence irrecevables les conclusions de la SCI DES PAQUERETTES, prononcer la radiation de l'appel pour défaut d'exécution des décisions exécutoires de plein droit et à titre subsidiaire, de voir confirmer le jugement dont appel, rejeter la demande de dommages et intérêts et, en toute hypothèse, condamner la SCI DES PAQUERETTES au paiement d'une somme de 3500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
M. [V] [B] et Mme [K] [B] font valoir :
- que la déclaration d'appel a été enregistrée plus de 15 jours après la notification du jugement par le greffe,
- que la SCI DES PAQUERETTES n'a pas procédé au paiement des condamnations telles que visées au dispositif du jugement du 8 avril 2021,
- que l'expert judiciaire que le juge de l'exécution avait commis par jugement avant dire droit du 28 février 2019, avait conclu que la réparation de l'enduit défectueux n'est que partielle et que les travaux ne sont pas conformes aux prescriptions du jugement fondé sur le rapport d'expertise du 16 juin 2015, rapport sur la base duquel le juge de l'exécution a liquidé l'astreinte une première fois le 28 novembre 2019,
- que la SCI DES PAQUERETTES n'apporte pas la preuve que de nouveaux travaux ont été effectués depuis le jugement du 28 novembre 2019,
- que M. [H] n'a pas été mandaté pour dire si les travaux effectués sont conformes aux prescriptions du jugement du 23 décembre 2016 mais pour constater le péril grave et imminent causé par la chute de tuiles et de matériaux, péril d'ailleurs confirmé par ce dernier qui a constaté précisément que les tuiles sont simplement déposées sur le toit et qu'il ne lui a pas été permis de dire si les tuiles de rive ont été rescellées entièrement,
- qu'il n'est pas démontré que l'état de santé de M. [Y] aurait un impact sur la réalisation des travaux.
Vu l'ordonnance de clôture du 17 mai 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Conformément à l'article R 121-15 du code des procédures civiles d'exécution, le jugement du juge de l'exécution est notifié aux parties par le greffe par LRAR mais si la copie de la lettre du greffe atteste de la notification du jugement le 8 avril 2021, il n'est pas justifié de sa réception par la SCI DES PAQUERETTES à défaut d'accusé de réception au dossier du tribunal, de sorte que faute de démontrer que le délai de 15 jours de l'article R 121-20 du même code a couru à l'égard de cette dernière, la fin de non-recevoir tirée d'un appel tardif ne peut prospérer.
En ce qui concerne la demande des intimés de radiation de l'affaire du rôle pour défaut d'exécution de la décision attaquée, cette demande est irrecevable devant la cour en application de l'article 524 du code de procédure civile.
Au termes de son jugement du 28 novembre 2019, le juge de l'exécution relevait, sur la base du rapport de consultation de M. [W] [U] du 29 juillet 2019, que la réparation de l'enduit défectueux n'est que partielle, que plusieurs morceaux de tuiles cassées sont visibles sur la toiture des consorts [B], qu'il manque 4 tuiles sur la rive ouest du toit de la propriété de la SCI DES PAQUERETTES et qu'une fissure remonte sur la façade jusqu'à la toiture du premier étage et jugeait en conséquence que les travaux réalisés ne sont pas conformes aux prescriptions du jugement du 23 décembre 2016.
La SCI DES PAQUERETTES ne produit aucune pièce, aucune facture, aucun élément attestant d'une intervention, depuis, destinée à supprimer les désordres constatés par le juge de l'exécution dans sa décision du 28 novembre 2019.
La SCI DES PAQUERETTES produit un rapport du 8 mars 2021 de M. [H], missionné par la mairie de [Localité 7], dont il résulte au contraire, au 17 février 2021, que des morceaux de tuiles sont toujours visibles sur la toiture [B], que des tuiles sont scellées mais que le scellement a lâché, que de nombreuses autres tuiles sont fendues laissant des demi- tuiles libres, y compris libres de tomber sur la propriété [B], ajoutant qu'il s'agit de désordres qui ne pouvaient que survenir compte tenu du travail réalisé.
M. [H] relève notamment que certaines tuiles de rive, et surtout leurs ouvrages de scellement, sont posées sans débord par rapport au mur et ne forment pas de goutte d'eau pouvant prévenir des infiltrations d'eau dans l'enduit du mur, ajoutant que la présence en haut du mur, sur la rive de toiture, d'un enduit grossier, mal dressé et sans vrai talochage, aggrave certainement les infiltrations d'eau dans la maçonnerie.
M. [H] évoque le péril grave et imminent constitué par la présence de tuiles ou de parties de tuiles libres sur le toit et sur la nécessité de faire cesser le risque au plus tôt.
La SCI DES PAQUERETTES verse aux débats un PV de plainte du 30 juillet 2021 de son gérant, M. [Y], mettant en cause M. [B] pour dégradation de la toiture, mise en cause faite toutefois sur la simple affirmation de son auteur, sans précision sur l'issue de cette plainte, et sans qu'aucun élément ne permette de dater les faits reprochés à l'occasion desquels M. [Y] déclare en effet que « la maison a été dégradée au niveau de la toiture tout entière» alors que le 29 novembre 2019, le juge de l'exécution constatait que des désordres n'existaient plus que partiellement sur la toiture, M. [Y] ajoutant devant la police que la mairie de la commune a procédé à une expertise, or l'expertise en question est celle confiée à M. [H] dont le rapport du 8 mars 2021 évoqué ci avant, loin de corroborer la thèse d'une dégradation volontaire, renvoie plutôt à un non-respect des règles de l'art.
La SCI DES PAQUERETTES produit également un certain nombre d'attestations aux termes desquelles l'auteur « dépose plainte pour dégradation de volontaire de la toiture » et «construction illégale sans autorisation d'une terrasse couverte » en des termes dénués de valeur probante quant à la réalisation des travaux tels qu'ordonnés par le jugement du 23 décembre 2016 et qui constituent en outre une remise en cause de l'autorité de chose jugée attachée à cette décision, tout comme au jugement du 28 novembre 2019, sans démontrer, en tout état de cause, qu'il a été remédié aux désordres tels que constatés le 28 novembre 2019 par le juge de l'exécution.
La SCI DES PAQUERETTES se prévaut par ailleurs de problèmes de santé que connaît son gérant et verse à cette fin aux débats un bulletin de situation attestant d'une hospitalisation entre le 17 septembre 2018 et le 4 janvier 2019 et une ordonnance du Dr [L] du 11 décembre 2020 prescrivant de l'Augmentin et une autre du même jour prescrivant un traitement du cuir chevelu pendant 21 jours, sans qu'il en résulte toutefois la preuve d'une impossibilité de faire réaliser les travaux propres à remédier aux désordres constatés par le juge de l'exécution le 28 novembre 2019.
L'exécution partielle des travaux tels qu'ordonnés par le jugement du 23 décembre 2016 résulte du jugement du juge de l'exécution du 28 novembre 2019, aujourd'hui définitif, de sorte que l'astreinte, qui est liquidée au taux d'origine tel que fixé par le jugement du 23 décembre 2016, doit l'être en tenant compte de cette exécution partielle, conformément à l'article L 131-4 du code des procédures civiles d'exécution qui dispose que le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui une l'injonction a été adressée.
Il convient donc de liquider l'astreinte à la somme de 30'000 € et l'obligation n'étant pas totalement exécutée, de confirmer le jugement dont appel en ses autres dispositions, notamment en ce qu'il a fixé une nouvelle astreinte de 400 € par jour de retard, sauf à juger qu'elle courra pour une période de six mois, arrêtée au 1er janvier 2021 comme prévu au jugement dont appel dont les époux [B] sollicitent en effet la confirmation pure et simple.
La SCI DES PAQUERETTES, qui succombe sur le rejet pur et simple de la demande de liquidation d'astreinte, ne peut voir prospérer sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire,
Rejette la fin de non recevoir invoquée par les époux [B] tirée de l'irrecevabilité de l'appel,
Déclare irrecevable leur demande de radiation du rôle,
Infirme le jugement dont appel, mais seulement en ce qu'il a liquidé l'astreinte à la somme de 76'600 € et condamné la SCI DES PAQUERETTES au paiement de cette somme et a ordonné une nouvelle astreinte provisoire de 400 € par jour de retard à compter de la signification de la décision et pour une durée d'un an,
Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
Liquide l'astreinte fixée par le jugement du tribunal d'instance d'Aix-en-Provence en date du 23 décembre 2016 à la somme de 30'000 € arrêtée au 1er janvier 2021 ;
Condamne en conséquence la SCI DES PAQUERETTES à payer à M. [V] [B] et Mme [K] [B] la somme de 30'000 € (trente mille euros) ;
Fixe une nouvelle astreinte provisoire de 400 € par jour de retard à compter de la signification du présent arrêt et pour une durée de 6 mois ;
Confirme le jugement pour le surplus ;
Y ajoutant,
Déboute la SCI DES PAQUERETTES de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SCI DES PAQUERETTES à payer à M. [V] [B] et Mme [K] [B] la somme de 3000 € (trois mille euros) ;
Déboute les parties de leurs demandes autres ou plus amples ;
Condamne la SCI DES PAQUERETTES aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE