COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-9
ARRÊT AU FOND
DU 13 OCTOBRE 2022
N° 2022/645
Rôle N° RG 21/05132 N° Portalis DBVB-V-B7F-BHH2U
[S], [U] [K]
C/
[F] [C]
[D] [K]
[A] [K] veuve [H]
[R] [K]
[J] [K]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Paul LE GALL
Me Alexandra GOLOVANOW
Me Pascale FABRE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l'exécution de Tarascon en date du 26 Mars 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 20/00431.
APPELANTE
Madame [S], [U] [K]
née le [Date naissance 5] 1943 à [Localité 13]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 9]
représentée et plaidant par Me Paul LE GALL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMES
Monsieur [F] [C], exerçant sous l'enseigne SUDEX ÉVALUATION
né le [Date naissance 4] 1943 à [Localité 12],
demeurant [Adresse 14]
représenté par Me Alexandra GOLOVANOW, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Me Florence ESPINOUSE, avocat au barreau de NÎMES
PARTIES INTERVENANTES
Madame [A] [K] veuve [H]
assignée en intervention forcée
née le [Date naissance 4] 1946 à [Localité 13],
demeurant [Adresse 7]
Madame [R] [K]
assignée en intervention forcée
née le [Date naissance 2] 1994 à [Localité 11],
demeurant [Adresse 8]
Monsieur [J] [K]
assigné en intervention forcée
né le [Date naissance 1] 2000 à [Localité 10],
demeurant [Adresse 8]
Tous représentés et assistés par Me Pascale FABRE de la SCP CF SUD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Monsieur [D] [K],
assigné par intervention forcée le 27/12/2021 à étude d'huissier
né le [Date naissance 3] 1947 à [Localité 13],
demeurant [Adresse 6]
défaillant
* * *
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Juin 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Evelyne THOMASSIN, Président, et Madame Pascale POCHIC, Conseiller.
Madame Evelyne THOMASSIN, Président, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Evelyne THOMASSIN, Président
Madame Pascale POCHIC, Conseiller
Madame Sophie TARIN-TESTOT, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Josiane BOMEA.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Octobre 2022.
ARRÊT
Défaut,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Octobre 2022,
Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Mme Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Faits, procédure et prétentions des parties :
Sur la base d'une ordonnance de taxe, rendue par le tribunal de grande instance d'Alès, monsieur [C], expert judiciaire, a fait procéder à une saisie attribution entre les mains d'un office notarial, la SCP Matet Benoit Maurin Gauthier, pour avoir paiement de la somme de 10 315.98 €, sur les sommes qu'elle détenait pour le compte des consorts [K].
Madame [S] [K] a contesté cette mesure devant le juge de l'exécution de Tarascon, lequel par un jugement du 26 mars 2021 a :
- retenu la qualité à agir de madame [S] [K],
- l'a déboutée de sa demande de prescription, de nullité et de mainlevée de la saisie attribution,
- déclaré la mesure de saisie attribution régulière,
- mis à la charge de madame [K] une somme de 700 euros au titre des frais irrépétibles et les dépens.
Il retenait qu'en sa qualité de co-indivisaire, alors que les fonds saisis appartenaient à l'indivision, madame [S] [K] avait qualité pour contester la mesure, fut-elle la seule à le faire. Il jugeait que l'ordonnance de taxe des honoraires de l'expert, revêtue de la formule exécutoire régulièrement notifiée par lettre recommandée du 28 mars 2019, n'était pas prescrite, s'agissant d'un titre au sens de l'article L111-3 du code des procédures civiles d'exécution dont l'exécution peut être poursuivie durant 10 ans. Il la déclarait enfin débitrice de la somme, car héritière de [W] [K], elle ne pouvait certes pas recueillir dans sa part, le domaine de Baubiac, objet d'une donation, mais était directement intéressée à son évaluation alors qu'une action en réduction était en cours.
La décision a été notifiée par le greffe et madame [S] [K] en a accusé réception le 30 mars 2021 et fait appel par déclaration le 8 avril 2021.
A la suite de conclusions d'incident de son adversaire procédural, madame [K] a assigné en intervention forcée, les 27 et 31 décembre 2021, ses co-indivisaires qui n'étaient pas partie en première instance.
Ses moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions en date du 8 juin 2022, auxquelles il est renvoyé, madame [S] [K] demande à la cour de :
- vu l'article 552 du code de procédure civile,
- rejeter la demande d'irrecevabilité de la mise en cause des 4 autres membres de l'indivision
présentée par Monsieur [C] et la demande d'irrecevabilité de l'appel de Madame [S] [K] présentée par lui,
En conséquence,
- Réformer le jugement du 26 mars 2021 du Juge de l'exécution de Tarascon,
- dire la demande de monsieur [C] irrecevable car prescrite sur le fondement de l'article L218-2 du code de la consommation, le certificat de vérification des dépens n'est qu'un acte interruptif de la prescription, acquise au 13 avril 2018 ;
- Prononcer la mainlevée de la saisie-attribution du 14 Janvier 2020 dénoncée à Madame [S] [K] le 21 Janvier 2020;
- Juger que la saisie effectuée doit reposer sur un titre exécutoire indiquant le nom du débiteur
(Article 282 du code de procédure civile,L 111-2 du code des procédures civiles d'exécution et Cass n°06-13063) et qu'à défaut elle est irrégulière et nulle ce que n'est pas un certificat de vérification des dépens qui ne doit pas être confondu avec une ordonnance de taxe, signée d'un magistrat,
En conséquence,
- Réformer le jugement du 26 mars 2021 du Juge de l'exécution de Tarascon ;
- Prononcer la mainlevée de la saisie-attribution du 14 Janvier 2020 dénoncée à Madame [S] [K] le 21 Janvier 2020 ;
- Juger que la mission expertale confiée à Monsieur [C] portait exclusivement sur le domaine de Baubiac qu'il convenait d'évaluer au regard d'une offre d'acquisition, domaine qui a fait l'objet d'une donation en 1999 dont elle même est exclue, puisqu'elle revient à [D], [P] et [A] [K] en pleine propriété à la suite du décès de [W] [K], expertise à laquelle elle n'a pas été associée n'ayant même pas reçu le rapport d'expertise,
En conséquence,
- Réformer le jugement du 26 mars 2021 du Juge de l'exécution de Tarascon ;
- Juger que Monsieur [C] n'est pas créancier de Madame [S] [K], ni de l'indivision successorale de Madame [W] [K] ;
- Prononcer la mainlevée de la saisie-attribution du 14 Janvier 2020 dénoncée à Madame
[S] [K] le 21 Janvier 2020 ;
- Condamner Monsieur [C] à payer à Madame [S] [K] la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Ses moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions en date du 27 mai 2022, auxquelles il est renvoyé, monsieur [F] [C] demande à la cour de :
In limine litis,
- Juger irrecevables les appels en cause devant la Cour d'Appel d'Aix en Provence, régularisés par Madame [S] [K] les 27, 28 et 30 décembre 2021 à l'encontre de Monsieur [D] [K], Madame [A] [K], Mademoiselle [R] [K] et Monsieur [J] [K], et ce, sur le fondement des dispositions de l'article 555 du Code de Procédure Civile,
En conséquence,
- Constater l'absence des quatre autres co-indivisaires successoraux,
- Juger irrecevable l'appel de Madame [S] [K] régularisé le 8 avril 2021 et enregistré sous le n°21/04427, et ce, sur le fondement des dispositions de l'article 553 du Code de Procédure Civile,
- Condamner Madame [S] [K] à lui payer la somme de 2500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens,
Sur le fond,
- le recevoir en son appel incident,
- confirmer le jugement pour l'essentiel, sauf à condamner madame [S] [K] à lui payer 1 000 euros de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1240 du code civil pour procédure abusive, et 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
En tout état de cause,
- débouter l'appelante de toutes ses demandes,
- la condamner à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'appel,
- la condamner aux entiers dépens de l'instance.
Leurs moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions du 1er février 2022 auxquelles il est ici renvoyé, madame [A] [K], madame [R] [K] et monsieur [J] [K] demandent à la cour de :
- rabattre l'ordonnance de clôture,
- dire leurs conclusions recevables,
- rejeter l'intégralité des prétentions de madame [S] [K],
- statuer ce que de droit sur les dépens.
Madame [S] [K] lors de la désignation d'un administrateur provisoire avait estimé être concernée par le domaine de Baubiac ce qu'elle dément aujourd'hui.
Monsieur [D] [K] bien qu'assigné à l'étude de l'huissier de justice, le 27 décembre 2021, n'a pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture a été rendue la 10 juin 2022.
MOTIVATION DE LA DÉCISION :
* sur le rabat de l'ordonnance de clôture :
A la suite de la procédure d'incident, l'ordonnance de clôture initiale, du 11 janvier 2022 a été reportée au10 juin 2022, dès lors les conclusions de Mmes [A] et [R] [K] ainsi que de M. [J] [K] sont recevables sans nécessité de révocation.
* sur la mise en cause des co-indivisaires et la recevabilité de l'appel :
Monsieur [C] après avoir soutenu l'irrecevabilité de l'appel pour défaut de mise en cause de co-indivisaires, soutient à présent la même prétention, fondée désormais sur le fait que la mise en cause à présent réalisée, ne régularise pas la procédure puisqu'intervenue pour la première fois en appel. Cette critique est à juste titre combattue par madame [S] [K], sur le fondement de l'article 552 du code de procédure civile selon lequel, en cas de solidarité et d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties, l'appel formé par l'une conserve le droit d'appel des autres, sauf à ces dernières à se joindre à l'instance et à l'appelant la faculté d'appeler les autres à l'instance, ce que la cour peut d'ailleurs ordonner d'office.
Cette régularisation opérée devant la cour d'appel n'est pas tardive alors au demeurant que par un précédent arrêt sur déféré, du 30 septembre 2021, la présente juridiction a déjà sanctionné la non mise en cause des autres héritiers de madame [W] [K] dans un litige indivisible et qui les concernaient tous.
* sur la prescription de l'action :
L'article L218-2 du code de la consommation énonce une prescription de deux ans de l'action des professionnels pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs.
Mais il résulte de la combinaison des articles L111-3 et L111-4 du code des procédures civiles d'exécution, qu'un titre exécutoire se prescrit par dix ans.
Madame [S] [K] conteste l'existence d'une ordonnance de taxe qui doit être signée par un magistrat, le document en date du 11 avril 2016 est uniquement, selon elle, un certificat de vérification des frais par le greffier et sous sa responsabilité, il ne constituerait pas un titre exécutoire permettant d'appliquer une prescription plus longue.
Il ressort cependant du document produit (pièce n°1 du dossier de l'appelante) que l'expert judiciaire a adressé le 4 avril 2016, le détail de ses frais, débours et honoraires au juge taxateur, désigné comme la 'présidente du tribunal de grande instance d'Alès' pour un total de 7 686.50 euros TTC et que ce magistrat, au pied de la requête, a apposé une ordonnance de taxe, signée de sa main, à la date du 11 avril 2016 pour un montant conforme à la demande. A sa suite, le greffier a apposé la formule exécutoire et sa signature. Il y a donc bien en l'espèce, une ordonnance de taxe qui a été rendue, à la suite de la désignation de l'expert le 6 janvier 2016 par le même magistrat, madame Bendaoud, présidente du tribunal (pièce 8 de l'appelante) et qui constitue titre exécutoire et non pas seulement, comme l'affirme madame [K], une vérification des dépens par le greffe. Sur ce point d'ailleurs par courrier du 28 août 2018, la présidente du tribunal évoquait également l'ordonnance de taxe qu'elle avait rendue.
Cette ordonnance de taxe qui n'est pas un complément de consignation au sens de l'article 284 du code de procédure civile, a été notifiée par lettre recommandée à madame [S] [K] qui en a accusé réception le 28 mars 2019, sans émettre de contestation en application de l'article 724 du code de procédure civile.
En conséquence, bénéficiant d'une prescription décennale le titre n'était pas prescrit lors de la saisie attribution pratiquée le 14 janvier 2020 sur le compte de l'indivision successorale de [W] [K].
* sur l'identité des débiteurs d'honoraires :
L'ordonnance de taxe des honoraires et frais d'un expert judiciaire n'a pas pour objet de désigner le ou les débiteurs de ces sommes.
En l'espèce, l'ordonnance de référé prononcée le 16 juillet 2015 en la présence des co-heritiers de [W] [K], dont madame [S] [K] qui a fait valoir ses prétentions, a désigné un administrateur provisoire du domaine, tout en relevant que le partage de succession n'ayant pas été réalisé madame [S] [K] restait intéressée comme héritière à faire valoir ses observations. Les dépens avaient été partagés par la décision entre les différentes parties.
Le mandataire successoral pour l'administration du domaine de Baubiac, le 23 décembre 2015, rapportant la demande de monsieur [D] [K] et madame [S] [K] qui exprimaient ne pas être opposés à la vente du domaine mais seulement après expertise de sa valeur, a sollicité la désignation conjointe de monsieur [C] et madame [T], ce qui caractérise une fois encore l'intérêt au litige de madame [S] [K].
Mais surtout, pour compléter la charge des frais expertaux, l'ordonnance du 6 janvier 2016 précitée, désignant monsieur [C] et madame [T], conformément à la demande de l'administrateur provisoire a disposé que les honoraires des techniciens seraient à la charge des héritiers de la succession du domaine de Baubiac.
Madame [S] [K] au regard de ces différentes pièces, de son intérêt à la succession qui certes n'englobe pas au sens strict, le domaine de Baubiac mais par son estimation lui ouvre un droit à rapport si la quotité disponible n'a pas été respectée, en application de l'article 924 du code civil, ne peut donc échapper au paiement des honoraires de l'expert judiciaire comme elle le soutient.
La décision du premier juge sera donc confirmée avec adoption de ses motifs notamment concernant le rejet de la demande en dommages et intérêts formée par monsieur [C].
* sur les autres demandes :
Il serait inéquitable de laisser à la charge de monsieur [C] les frais irrépétibles engagés dans la procédure. Ceux de première instance ont été insuffisamment arbitrés et comme sollicité seront augmentés à la somme de 2 500 €, une somme identique étant allouée au titre de l'appel.
La partie perdante supporte les dépens, ils seront à la charge de madame [S] [K] qui succombe en son recours.
PAR CES MOTIFS :
La cour, après en avoir délibéré statuant par défaut, mise à disposition au greffe,
DIT recevables les conclusions de [A], [R] et [J] [K], antérieures à l'ordonnance de clôture du 10 juin 2022,
DIT l'appel et les mises en cause recevables,
CONFIRME la décision de première instance sauf concernant les frais irrépétibles,
Statuant à nouveau,
CONDAMNE madame [S] [K] à payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, pour la première instance et celle de 2 500 euros sur le même fondement au titre de l'appel, au profit de monsieur [C],
CONDAMNE madame [S] [K] aux entiers dépens
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE