COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-9
ARRÊT AU FOND
DU 06 OCTOBRE 2022
N° 2022/641
N° RG 21/11439 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BH4LK
[Z] [F] épouse [J]
C/
S.A.S. EOS FRANCE
Copie exécutoire délivrée le :
à :
Me Edouard BAFFERT
Me Paul GUEDJ
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge des contentieux de la protection de MARSEILLE en date du 08 Juin 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 11 19 3324.
APPELANTE
Madame [Z] [F] épouse [J]
née le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 4],
demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Edouard BAFFERT de la SARL BAFFERT-MALY, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Alisée FRIEDLI, avocate au barreau de MARSEILLE, plaidante
INTIMÉE
S.A.S. EOS FRANCE anciennement dénommée EOS CREDIREC et venant aux droits de la Société SOFINCO, au capital de 18 300 000 euros, inscrite
au RCS de PARIS sous le n°B 488 825 217, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualité au siège,
[Adresse 3]
représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Cédric KLEIN de la SELAS CREHANGE & KLEIN ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale POCHIC, Conseiller, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Evelyne THOMASSIN, Président
Madame Pascale POCHIC, Conseiller
Madame Sophie TARIN-TESTOT, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Nicolas FAVARD.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Octobre 2022.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Octobre 2022
Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Monsieur Nicolas FAVARD, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par une ordonnance rendue le 5 avril 2000 le président du tribunal d'instance de Marseille a fait injonction à M.[U] [M] et à son épouse Mme [Z] [F], de payer à la société Sofinco la somme en principal de 147 667,45 francs (22 511,76 euros) avec intérêts au taux contractuel de 10,96 % l'an en remboursement d'un crédit destiné à l'équipement de l'habitation, souscrit le 2 avril 1997.
Le greffe mentionne que cette ordonnance a été signifiée à chacun des époux par acte de la SCP Gagneuil- Splengler- Gagneuil- Comet, le 13 avril 2000 par dépôt à mairie.
En l'absence d'opposition, ladite ordonnance a été revêtue de la formule exécutoire le 15 mai 2000 et cet exécutoire a été signifié aux débiteurs par actes du 9 juin 2000 remis pour l'un des destinataires à sa personne et pour le second à domicile en la personne de Mme [Z] épouse [M].
En vertu de cette ordonnance, la SAS Eos France, anciennement Eos Credirec, indiquant venir aux droits de la société Sofinco en vertu d'un acte de cession de créances signé le 31 janvier 2017, a fait pratiquer le 13 août 2019 une saisie-attribution des comptes de Mme [Z] [F] épouse [J] pour avoir paiement de la somme de 35 660,43 euros en principal intérêts et frais, saisie qui s'est avérée fructueuse et qui lui a été dénoncée le 19 août 2019 par acte remis à sa personne.
Mme [F] épouse [J] a fait opposition à l'ordonnance d'injonction de payer le 2 septembre 2019 devant le juge des contentieux et de la protection de Marseille et par assignation du 4 septembre 2019, a saisi le juge de l'exécution du même tribunal judiciaire d'une contestation de la saisie-attribution.
En l'état de l'opposition, le juge de l'exécution par jugement du 19 novembre 2019 a sursis à statuer dans l'attente de la décision du juge du contentieux de la protection du tribunal judiciaire qui par jugement du 8 juin 2021 a déclaré irrecevable comme tardive l'opposition formée par Mme [F] épouse [J], débouté les parties du surplus de leurs demandes et dit que chacune conservera la charge de ses dépens.
Mme [F] épouse [J] a interjeté appel de cette décision par déclaration du 27 juillet 2021.
Par écritures notifiées le 16 septembre 2021, auxquelles il est expressément fait référence pour plus ample exposé de ses moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, elle demande à la cour au visa des articles1411 et suivants du code de procédure civile, L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution, L. 218-2 et R. 312-35 du code de la consommation, de :
- réformer le jugement du jugement entrepris en ce qu'il a :
' dit l'opposition formée le 2 septembre 2019 par Mme [F] épouse [J] à l'ordonnance d'injonction de payer rendue le 5 avril 2000 (n°2000/2312) irrecevable;
' rappelé que la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité fait obstacle à l'examen au fond de la demande de Mme [F] épouse [J], de sorte que seule l'ordonnance d'injonction de payer du 5 avril 2000 a vocation à s'appliquer;
' débouté Mme [F] épouse [J] de toutes ses demandes différentes, plus amples ou contraires au dispositif;
' dit n'y avoir lieu à indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Et, statuant à nouveau :
- déclarer recevable l'opposition à l'ordonnance portant injonction de payer formée par Mme [F] épouse [J] le 29 août 2019,
Sur le fond :
- dire que la société Eos France n'a pas qualité à agir en vue du recouvrement des sommes dues au titre du prêt souscrit auprès de la société Sofinco d'un montant de 150 000 francs,
En conséquence,
- déclarer l'action de la société Eos France irrecevable,
A titre subsidiaire,
- dire que la société Eos France ne justifie pas d'avoir procédé à la signification de l'ordonnance portant injonction de payer du 5 avril 2000 dans le délai de six mois requis par les dispositions de l'article 1411 du code de procédure civile,
En conséquence,
- dire et juger que l'ordonnance portant injonction de payer la somme de 147 667,45 Francs, soit 22 511,76 euros en principal avec intérêts contractuels du 5 avril 2000 (n°2000/2312) est non avenue,
- déclarer les actes subséquents pris sur le fondement de cette ordonnance nuls et non avenus, à savoir :
- l'acte de signification de l'ordonnance revêtue de la formule exécutoire du 9 juin 2000,
- le commandement de payer aux fins de saisie-vente délivré le 23 janvier 2018,
- le procès-verbal de saisie-attribution du 13 août 2019 et sa dénonciation à Mme [F] épouse [J] du 19 août 2019.
A titre très subsidiaire : Sur la forclusion
- dire que la société Eos France, venue aux droits de Sofinco et Consumer Finance, n'a pas agi dans le délai de deux ans à compter du premier incident de paiement du 30 août 1998 et est forclose à engager toute action en paiement des sommes dues au titre du prêt souscrit le 2 avril 1997 à l'encontre de Mme [F] épouse [J],
En conséquence,
- constater la forclusion de l'action diligentée par la société Eos France à l'égard de Mme [F] épouse [J] et ordonner la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 13 août 2019 et dénoncée le 19 août 2019,
En tout état de cause :
Sur la prescription des intérêts,
- dire et juger que la société Eos France n'est pas recevable à solliciter le paiement des intérêts contractuels outre les intérêts contractuels qui ont couru dans le délai de deux ans précédant la signification de la cession de créances avec commandement de payer aux fins de saisie-vente délivrée par exploit du 23 janvier 2018, soit au 23 janvier 2016,
- condamner la société Eos France au paiement de la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ainsi qu'aux entiers dépens.
A l'appui de ses demandes l'appelante fait valoir pour l'essentiel que la société Eos France ne justifie pas avoir signifié l'ordonnance du 5 avril 2020, les actes de signification du 13 avril 2020 délivrés à mairie n'étant pas produits, pas plus qu'elle ne démontre avoir signifié à personne ou avoir pratiqué une mesure d'exécution ayant rendu indisponible les biens de la débitrice avant la saisie-attribution du 19 août 2019, la signification de l'ordonnance revêtue de la formule exécutoire n'a pas été faite à personne, ni fait l'objet de deux actes distincts alors qu'elle concernait les deux époux.
Au fond Mme [F] épouse [J] conteste la qualité à agir de la société Eos France dès lors que l'acte de cession de créances dont celle-ci se prévaut, ne vise qu'un seul débiteur cédé, M. [U] [M] et qu'il n'y a pas eu condamnation solidaire des époux.
Elle soutient à titre subsidiaire le caractère non avenu de l'ordonnance d'injonction de payer dont il n'est pas justifié qu'elle ait été signifiée dans le délai de six mois prévu par l'article 1411 du code de procédure civile.
Elle estime que si la signification de cette ordonnance était jugée régulière, la société Eos France n'est cependant pas recevable à solliciter le paiement des intérêts contractuels ayant couru deux ans avant la cession de créances avec commandement aux fins de saisie vente délivré le 23 janvier 2018. Elle indique en outre que M. [M] avait adhéré à l'assurance décès souscrite au profit du prêteur et que la société Eos France ne justifie pas de démarches pour obtenir le règlement par cette assurance.
Par écritures en réponse notifiées le 18 octobre 2021 auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé complet de ses moyens, la société Eos France demande à la cour au visa des articles 1416 du code de procédure civile et 1103 et 1104 du code civil, de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit l'opposition formée par Mme [Z] [F] divorcée [M], épouse [J] à l'ordonnance d'injonction de payer rendue le 05 avril 2000, irrecevable, rappelé que la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité fait obstacle à l'examen au fond de la demande de Mme [F] épouse [J], de sorte que seule l'ordonnance d'injonction de payer du 05 avril 2000 a vocation à s'appliquer ;
En conséquence et y ajoutant :
- déclarer l'opposition de Mme [F] épouse [J] irrecevable comme tardive ;
- déclarer que l'ordonnance d'injonction de payer rendue le 5 avril 2000 est définitive, passée en force de chose jugée et reprendra tous ses effets à l'égard de Mme [F] épouse [J] ;
- déclarer que la société Eos France vient aux droits de la société Sofinco et est créancière de Mme [F] épouse [J] ;
À titre subsidiaire :
- déclarer l'opposition de Mme [F] épouse [J] infondée ;
En conséquence :
- déclarer que la société Eos France vient aux droits de la société Sofinco et est créancière de Mme [F] épouse [J] ;
- condamner celle-ci à payer à la société Eos France une somme en principal de 22 511,76 euros, avec intérêts au taux contractuel de 10,96 % à compter du 13 mars 2000, date de la sommation de payer ;
En tout état de cause :
- débouter Mme [F] épouse [J] de l'intégralité de ses demandes ;
- la condamner au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance, en ce compris les frais de la procédure en injonction de payer, et d'appel, ces derniers étant recouvrés par Maître Guedj, avocat constitué, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'intimée fait valoir en substance que faute d'opposition dans le délai d'un mois de la signification à mairie de l'ordonnance d'injonction de payer celle-ci a été revêtue de la formule exécutoire et signifiée à la personne de Mme [F] épouse [J] le 9 juin 2000 de sorte que le délai d'opposition a expiré le 9 juillet 2000. Elle relève que l'appelante qui critique la régularité de ces significations ne justifie d'aucun grief et n'a pas contesté devant le juge de l'exécution les commandements aux fins de saisie vente et l'appréhension de biens pratiqués antérieurement à la saisie-attribution du 13 août 2019.
Elle rappelle que le 1er avril 2010, la société Finaref a fait l'objet d'une fusion-absorption par la société Sofinco, qui à cette occasion a changé de dénomination sociale pour CA Consumer Finance, tout en conservant le même numéro de RCS (542 097 522) et que le 31 janvier 2017, cette société CA Consumer Finance a cédé à la société Eos Credirec, devenue Eos France par suite d'un changement de dénomination sociale, un ensemble de créances, dont celle détenue sur les époux [M], M.[M] ayant été informé par lettre du 7 juin 2017 de cette cession et invité à se rapprocher du cessionnaire.
Elle soutient que la preuve de la cession de la créance en cause est rapportée par le nom d'au moins l'un des débiteurs, en l'espèce M. [M], et le numéro de l'obligation initiale.
Elle indique en outre que la déchéance du terme a été prononcée le 17 janvier 2000 après un premier incident de paiement non régularisé le 30 août 1998 et que la signification de l'ordonnance d'injonction de payer a interrompu le délai de forclusion, en sorte que son action est recevable.
L'instruction de l'affaire a été déclarée close par ordonnance du10 mai 2022.
MOTIVATION DE LA DÉCISION
Conformément aux dispositions de l'article 1414 du code de procédure civile, l'ordonnance d'injonction de payer délivrée par le juge doit être signifiée au débiteur et selon l'article 1416 du même code, celui-ci dispose d'un délai d'un mois pour y faire opposition. Ce texte précise que si la signification n'a pas été faite à personne, l'opposition est recevable jusqu'à l'expiration d'un délai d'un mois suivant le premier acte signifié à personne ou, à défaut, suivant la première mesure d'exécution ayant pour effet de rendre indisponible tout ou partie des biens du débiteur.
Il en résulte que si l'ordonnance rendue par le juge n'a pas été signifiée à personne, comme en l'espèce, l'opposition reste possible malgré l'apposition de la formule exécutoire.
Au cas particulier, l'ordonnance sur laquelle le greffier a apposé la formule exécutoire mentionne que la décision a été signifiée à chacun des époux [M] par actes du 13 avril 2000 remis à mairie.
La société Eos France qui ne produit pas ces actes de notification, fait cependant valoir à juste titre qu'il ne ressort d'aucun élément du dossier que l'indication portée par le greffier sur l'existence et les modalités de cette signification et qui précise le nom de l'huissier instrumentaire, serait erronée. En sorte que le moyen tiré de l'absence de signification de l'ordonnance d'injonction de payer ne peut être accueilli.
Faute d'opposition des époux [M], le créancier était fondé à demander l'apposition sur l'ordonnance, de la formule exécutoire qui a été délivrée le 15 mai 2000.
Et il ressort sans ambiguïté de l'acte de signification du 9 juin 2000 (pièce 8 de l'intimée) que l'ordonnance revêtue de la formule exécutoire a été délivrée au « 1er destinataire », soit M. [M] désigné en premier lieu à l'acte, par remise à domicile en la personne de son épouse Mme [Z] [M] qui a accepté d'en recevoir copie , et à cette dernière, « 2ème destinataire», selon l'ordre figurant en première page de l'acte, à sa personne.
Par ailleurs si un seul acte de signification a été établi portant mention du nom de chacun des deux destinataires, le procès verbal de signification du 9 juin 2000, bien qu'il ne comprenne qu'une page, comporte bien des mentions distinctes de remise de copie de l'acte pour chacun des destinataires, M. [M] d'une part, et son épouse Mme [Z] [F] épouse [M], d'autre part. Il en résulte que l'obligation de signifier l'acte à chacun des destinataires a été respectée (Cass. 2e civ., 31 mars 2011, n° 09-17.376 ).
Ainsi le délai d'opposition ouvert à Mme [F] épouse [J] à laquelle l'ordonnance d'injonction de payer a été signifiée à personne le 9 juin 2000, expirait le 10 juillet 2000, le 9 juillet 2000 étant un dimanche.
C'est en conséquence à bon droit que le premier juge a déclaré irrecevable l'opposition formée par l'intéressée le 2 septembre 2019.
L'opposition étant déclarée irrecevable la cour n'a pas à statuer sur les demandes accessoires des parties.
Le jugement entrepris sera confirmé y compris en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens.
Mme [F] épouse [J] qui succombe supportera les dépens d'appel et sera tenue de verser à l'intimée la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, elle même ne pouvant prétendre au bénéfice de ces dispositions.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant après en avoir délibéré, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
CONDAMNE Mme [Z] [F] épouse [J] à payer à la société Eos France la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE les autres demandes ;
CONDAMNE Mme [Z] [F] épouse [J] aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLA PRÉSIDENTE