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06/10/2022 | FRANCE | N°18/11748

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-7, 06 octobre 2022, 18/11748


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-7



ARRÊT AU FOND

DU 06 OCTOBRE 2022



N°2022/390













Rôle N° RG 18/11748 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCYV3







Syndicat des copropriétaires [11]





C/



Me Gilles Maître GAUTHIER - Administrateur judiciaire

SARL AAA LOCATION



Didier CARDON





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :<

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SELARL CABINET ESSNER

Me Pierre-henry FOURNIER

Me Thierry BAUDIN





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 11 Mai 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 14/00927.





APPELANTE



Syndicat des copropriétaires ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-7

ARRÊT AU FOND

DU 06 OCTOBRE 2022

N°2022/390

Rôle N° RG 18/11748 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCYV3

Syndicat des copropriétaires [11]

C/

Me Gilles Maître GAUTHIER - Administrateur judiciaire

SARL AAA LOCATION

Didier CARDON

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

SELARL CABINET ESSNER

Me Pierre-henry FOURNIER

Me Thierry BAUDIN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 11 Mai 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 14/00927.

APPELANTE

Syndicat des copropriétaires [11] pris en la personne de son Syndic en exercice, le CABINET BOURGEOIS IMMOBILIER sis [Adresse 6] [Localité 3], demeurant [Adresse 7] - [Localité 3]

représentée par Me Renaud ESSNER de la SELARL CABINET ESSNER, avocat au barreau de GRASSE substituée par Me Muriel MANENT, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEES

SCI ALROMA prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités audit siège., demeurant [Adresse 13] - [Adresse 9] - [Localité 2]

représentée par Me Thierry BAUDIN de la SELEURL CABINET THIERRY BAUDIN, avocat au barreau de NICE substituée par Me Marie-monique CASTELNAU, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

SARL AAA LOCATION, demeurant 24 avenue Maréchal Juin - [Localité 3]

représentée par Me Pierre-Henry FOURNIER de la SCP FOURNIER & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

SELARL BG & ASSOCIES, prise en la personne de Maître Stéphanie BIENFAIT ( en lieu et place de Maître Gilles GAUTHIER ), intervient en qualité d'Administrateur Judiciaire à la procédure de sauvegarde de la société AAA LOCATION, demeurant [Adresse 8] - [Localité 4]

représenté par Me Pierre-Henry FOURNIER de la SCP FOURNIER & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

Intervenant forcé

Maître Didier CARDON en qualité de mandataire judiciaire de la SARL AAA LOCATION

né le 30 Octobre 1964 à [Localité 14] ([Localité 14]), demeurant [Adresse 5] - [Localité 1]

représenté par Me Pierre-Henry FOURNIER de la SCP FOURNIER & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 806 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Juin 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

Madame Carole DAUX-HARAND, Président Rapporteur,

et Madame Carole MENDOZA, conseiller- rapporteur,

chargées du rapport qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :

Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre

Madame Carole MENDOZA, Conseillère,

Madame Mireille CAURIER-LEHOT, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Octobre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Octobre 2022.

Signé par Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

La SCI Alroma, propriétaire des lots n° 7, 8 et 9 au sein de l'immeuble en copropriété dit '[11]', 24 avenue Maréchal juin et 2 et 4 rue de Cirodde à [Localité 3], les a donnés à bail commercial à la SARL AAA location par acte sous seing privé du 28 novembre 2009.

La destination du bail commercial est la suivante : 'location, vente de véhicules automobiles, deux roues, voiturettes, neufs ou occasion, stockage d'annexe à bateaux, vente d'accessoires relatifs à ces activités, petit entretien, services, location de parkings'.

Par décision du 17 août 2011, le juge des référés, saisi par le preneur qui se plaignait d'infiltrations dans les lots qui lui étaient loués, a ordonné une expertise. Dans le cadre de cette procédure, la SCI Alroma a appelé en intervention forcée le syndicat des copropriétaires.

L'expert, Monsieur [B], a déposé son rapport en l'état le 20 janvier 2014, en l'absence de consignation d'un complément de provision.

Par actes d'huissier des 5 et 6 février 2014, le syndicat des copropriétaires a fait assigner la SCI Alroma et la SARL AAA Location.

Devant le premier juge, le syndicat des copropriétaires demandait la résolution du bail commercial, l'expulsion de la SARL AAA Location et la condamnation in solidum de la SCI Alroma et la SARL AAA Location au versement de dommages et intérêts, au motif de violations du règlement de copropriété.

Par jugement contradictoire du 11 mai 2018, le tribunal de grande instance de Grasse a :

- débouté le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [11], [Adresse 7] à [Localité 3] de ses demandes,

- débouté la SARL AAA Location de ses demandes de dommages et intérêts,

- condamné le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [11] à payer à la SARL AAA location la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [11] à payer à la SCI Alroma la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [11] aux dépens de la procédure comprenant le coût de l'expertise judiciaire, avec distraction au profit des avocat,

- rejeté tous autres demandes.

Le premier juge a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action du syndicat des copropriétaires qu'il a estimé recevable.

Le premier juge a rejeté l'action oblique formée par le syndicat des copropriétaires en résiliation du bail. Il a précisé que le règlement de copropriété n'était pas versé au débat et estimé que la désignation du lot n° 8 effectuée dans l'état descriptif de division ne constituait pas le règlement de copropriété, n'avait pas de caractère contractuel et donc ne s'imposait pas ni à la SCI Alroma, ni à la SARL AAA Location. Il a indiqué qu'aucune pièce ne permettait d'établir que la destination de la copropriété aurait été limités à un usage d'habitation exclusivement. Il a jugé que le syndicat des copropriétaires ne démontrait pas que l'usage fait par la SARL AAA Location des parties privatives portait atteinte aux droits des autres copropriétaires ou à la destination de l'immeuble. Il a précisé que l'expertise avait été diligentée en raison des désordres évoquées par le preneur et dit que le syndicat de copropriétaires avait été condamné à effectuer des travaux en raison de son obligation légale d'assurer la conservation de l'immeuble.

Le premier juge a indiqué qu'il était établi que la SARL AAA Location subissait des infiltrations d'eau provenant du plafond. Il a jugé le syndicat des copropriétaires responsable de ces désordres en raison d'un défaut d'entretien des parties communes, s'agissant d'un complexe d'étanchéité. Il a rejeté la demande de dommages et intérêts formée par cette société, au motif qu'elle ne démontrait pas la réalité de son préjudice.

Par jugement du 16 janvier 2018 publié au BODACC le 26 janvier 2018, le tribunal de commerce de [Localité 3] a ordonné l'ouverture d'une procédure de sauvegarde au bénéfice de la SARL AAA Location, désigné Maître Gilles GAUTHIER en qualité d'administrateur judiciaire et Maître CARDON en qualité de mandataire judiciaire.

Le 12 juillet 2018, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [11] a relevé appel de cette décision en ce qu'elle a :

Débouté le syndicat des copropriétaires [11], [Adresse 7] à [Localité 3] de l'ensemble de ses demandes,

- Condamné le syndicat des copropriétaires [11], [Adresse 7] à [Localité 3] à payer à laSARL AAA Location la somme de deux mille euros (2000€) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné le syndicat des copropriétaires [11], [Adresse 7] à [Localité 3] à payer à la la SCI ALROMA la somme de deux mille euros (2000€) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné le syndicat des copropriétaires [11], [Adresse 7] à [Localité 3] au dépens de la procédure, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire, avec distraction au profit des avocats de la cause qui en ont fait la demande, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

- Rejeté tous autres chefs de demandes.

La SARL AAA LOCATION a constitué avocat et formé un appel incident.

La SCI ALROMA a constitué avocat et formé un appel incident.

Par conclusions notifiées le 11 octobre 2018 sur le RPVA auxquelles il convient de se reporter, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [11] demande à la cour de statuer en ce sens:

'Réformer le jugement,

- voir prononcer la résolution du bail commercial portant sur les lots dépendant de la copropriété [11] et liant la SCI ALROMA à la SARL AAA LOCATION,

- voir ordonner au frais des requis condamnés à ce titre in solidum l'expulsion éventuellemnet avec l'aide, si nécessaire d'un huissier ou de la force publique, de tout occupant desdits lots

- condamner in solidum les mêmes au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par le syndicat des copropriétaires

- condamner les mêmes au paiement de la somme de 3000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile'.

Il sollicite la résolution du bail commercial au motif de la violation par la société AAA LOCATION du règlement de copropriété liée au changement de la destination du lot n°8.

Il fait valoir que l'immeuble est à usage principal d'habitation, que le lot n° 8 est à usage de garage public pour voitures automobiles et que la société AAA LOCATION a transformé les garages en bureaux, sans autorisation d'une assemblée générale.

Il ajoute que ce changement a porté atteinte aux droits des autres copropriétaires. Il indique ainsi que le passage de plusieurs salariés circulant dans la copropriété crée un désagrément.

Il soutient que l'affectation modifiée du lot n°8 l'oblige à un entretien plus important des parties communes.

Il relève que la modification de la consistance du lot n'a pas fait l'objet d'une modification des tantièmes de propriété. Il reproche à la société AAA LOCATION d'avoir violé la délibération du procès-verbal d'assemblée générale du 28 février 1995. Il explique ainsi que la charge d'eau est normalement répartie aux tantièmes et que cette société, qui exerce une activité de lavage de véhicules, semble faire payer l'eau par les autres copropriétaires.

Il estime pouvoir solliciter des dommages et intérêts en réparation des préjudices qu'il a subis liés à la violation du règlement de copropriété.

Le 15 février 2019, le syndicat des copropriétaires a assigné Maître CARDON, es qualités de mandataire judiciaire de la SARL AAA LOCATION, en intervention forcée.

Par conclusions notifiées le 11 janvier 2019 sur le RPVA auxquelles il convient de se référer, la SCI ALROMA demande à la cour de statuer en ce sens :

'Infirmer le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 11 mai 2018, en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir opposée par la SCI ALROMA à l'encontre des demandes et de l'action du Syndicat des Copropriétaires.

Statuant de nouveau,

- constater que l'action du syndicat des copropriétaires de1'immeub1e [11] est prescrite.

En conséquence,

- déclarer irrecevable et forclos le Syndicat des Copropriétaires en son action et en ses demandes qui seront déclarées prescrites.

- confirmer le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 11 mai 2018, en ses autres dispositions, et notamment en ce qu'i1 a débouté le Syndicat des Copropriétaires de l'immeuble

En conséquence :

- débouter le Syndicat des Copropriétaires de l'intégralité de ses moyens, demandes, fins et conclusions, notamment en ce qu'i1s sont formés à l'encontre de la SCI ALROMA.

- constater en tant que de besoin, que dans le cadre de l'appel la société AAA LOCATION ne forme plus aucune demande à l'encontre de la SCI ALROMA, acquiesçant ipso facto au déboutement par le jugement entrepris, des demandes de la Société AAA LOCATION à l'encontre de la SCI ALROMA.

En tout état de cause :

Condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble "[11]" à payer à la SCI ALROMA la somme de 5.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, pour la procédure d'appel.

Condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble "[11]" aux entiers frais et dépens de l'instance, dont distraction au profit de Maitre Thierry BAUDIN, Avocat, sous sa due affirmation de droit (article 696 du Code de Procédure Civile)'.

Elle soulève une fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action du syndicat des copropriétaires. Elle soutient que le syndicat des copropriétaires connaissait l'existence de l'activité commerciale de la société AAA LOCATION et de la consistance des lieux avant l'expertise judiciaire. Elle note que les locaux ont été exploités avec des bureaux dès l'année 1964, ce que ne pouvait ignorer le syndicat des copropriétaires. Elle explique démontrer la continuité de la configuration des locaux avec des bureaux depuis au moins l'année 1964.

Sur le fond, elle expose que l'immeuble n'a pas qu'une simple destination d'habitation mais dispose d'un usage professionnel et commercial. Elle soutient qu'il n'y a eu aucun changement de destination du lot n° 8 qui est constitué par un 'grand local à usage de garage public pour automobiles', susceptible d'être exploité par une société de parking, ce qui confirmer un usage commercial et professionnel. Elle expose que la présence de bureaux est accessoire à l'activité commerciale. Elle ajoute que l'atteinte aux droits des autres copropriétaires n'est pas démontrée.

Par conclusions notifiées le 03 janvier 2019 sur le RPVA auxquelles il convient de se référer, la SARL AAA LOCATION et Maître Gilles GAUTHIER, es qualités d'administrateur judiciaire à la procédure de sauvegarde de justice demandent à la cour de statuer en ce sens :

'Recevoir Maître Gilles GAUTHIER, en son intervention volontaire en ses qualités d'Administrateur judiciaire à la procédure de sauvegarde ouverte au profit de la S.A.R.L. AAA LOCATION par jugement du Tribunal de Commerce de [Localité 3] du 16/01/2018,

Réformant le Jugement déféré,

Déclarer le Syndicat des copropriétaires Résidence [11] irrecevable comme forclos en ses demandes,

Confirmant le Jugement déféré,

Constater que le Syndicat des copropriétaires [11] verse aux débats un document sur la page de garde duquel est indiqué de façon manuscrite « règlement de copropriété Palais Cirodde 01/06/1954 » qui constitue un projet d'acte apparemment rédigé en 1958 non daté et non signé et dont il n'est pas établi qu'il a été publié à la Conservation des Hypothèques.

Dire et juger que ce document est inopposable aux acquéreurs, aux tiers et plus particulièrement à la SARL AAA LOCATION.

Débouter le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble [11] de ses demandes,

Subsidiairement,

Dire et juger que l'affectation partielle du lot privatif à usage de garage public de véhicule, en local de réception de clientèle et de remise de véhicule au premier sous-sol de l'immeuble [11] est conforme à l'article 9 de la loi du 10 juillet 1965 et n'est en rien dommageable à la copropriété [11] en ce qu'elle ne porte pas atteinte à la destination,

de l'immeuble ou aux droits des autres copropriétaires,

Débouter le Syndicat des copropriétaires Résidence [11] de l'ensemble de ses demandes.

Réformant le Jugement déféré,

Condamner le Syndicat des copropriétaires Résidence [11] à payer à la SARL AAA LOCATION la somme de 100.800 € en réparation de ses préjudices outre 20.000 e au titre de sa résistance abusive.

Confirmant le Jugement déféré,

Condamner le Syndicat des copropriétaires Résidence [11] aux entiers dépens qui comprendront les frais d'expertise judiciaire, distraction au profit de Maître Pierre-Henry FOURNIER sur son affirmation de droit.

Condamner le Syndicat des copropriétaires Résidence [11] à payer à la SARL AAA LOCATION la somme de 3 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile'

Ils soulèvent la prescription de la demande du syndicat des copropriétaires qui connaissait l'existence des bureaux dans le garage public depuis l'année 1964. Ils estiment que la charge de la preuve de l'absence des bureaux postérieurement à l'année 1975 incombe au syndicat des copropriétaires.

Sur le fond, ils estiment que les documents produits au débat par le syndicat des copropriétaires leur sont inopposables. Ils notent que le règlement de copropriété produit la première fois en cause d'appel n'est ni daté, ni signé; ils ajoutent qu'il n'est pas démontré que ce document aurait été publié à la conservation des hypothèques.

Ils soutiennent que la destination de l'immeuble est à usage d'habitation et commercial. Ils ajoutent que le lot n° 8 a un usage commercial et professionnel. Ils contestent toute modification du lot n° 8 (qui n'a pas été transformé en bureaux mais qui dispose de quelques bureaux, éléments indispensables à l'exploitation d'un garage public). Ils contestent toute atteinte aux droits des copropriétaires et à la destination de l'immeuble.

Reconventionnellement, ils sollicitent des dommages et intérêts, en raison des infiltrations que la société AAA LOCATION a subies, ces dernières provenant des parties communes. Ils soulignent que la société n'a pu utiliser six parkings, loués à hauteur de 450 euros. Ils ajoutent que les infiltrations, quotidiennes, ont créé divers désordres et atteint son image commerciale. Ils reprochent en outre au syndicat des copropriétaires d'avoir abusivement résisté à son obligation de procéder à des travaux d'étanchéité.

Le 12 septembre 2019, Maître FOURNIER, postérieurement à ses dernières conclusions sur le fond, a indiqué au conseiller de la mise en état que la SELARL BG & ASSOCIES prise en la personne de Maître Stéphanie BIENFAIT, agissait en lieu et place de Me Gilles GAUTHIER en sa qualité d'Administrateur judiciaire à la procédure de sauvegarde ouverte au profit de la S.A.R.L. AAA LOCATION , en raison du départ de ce dernier.

Dans des conclusions d'incident notifiées à la même date, Maître FOURNIER indiquait intervenir dans l'intérêt de la SELARL BG &ASSOCIES, prise en la personne de Maître Stéphanie BIENFAIT, intervenant volontaire, dans l'intérêt de Maître Didier CARDON, mandataire judiciaire de la SARL AAA LOCATION, intervenant forcé, et dans l'intérêt de la société AAA LOCATION.

Par ordonnance du 23 mars 2021, le conseiller de la mise en état a rejeté les demandes formées par la SELARL BG & ASSOCIES prise en la personne de Maître Stéphanie BIENFAIT, en qualité d'administrateur judiciaire de la SARL AAA LOCATION, par Maître CARDON es qualités et par la SARL AAA LOCATION, tendant à voir déclarer irrecevable l'appel formé par le syndicat des copropriétaire de l'immeuble [Adresse 12]. Cette décision n'a pas fait l'objet d'un déféré.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le premier décembre 2021.

MOTIVATION

A titre préliminaire, il y a lieu de relever que Maître FOURNIER n'a pas pris de conclusions au fond postérieurement à ses conclusions d'incident du 12 septembre 2019 aux termes desquelles il expliquait intervenir dorénavant dans l'intérêt de la SELARL BG &ASSOCIES, prise en la personne de Maître Stéphanie BIENFAIT, administrateur judiciaire (en lieu et place de Maître GAUTHIER), intervenant volontaire, dans l'intérêt de Maître Didier CARDON, mandataire judiciaire de la SARL AAA LOCATION, intervenant forcé et dans l'intérêt de la société AAA LOCATION

Il convient de déclarer recevable l'intervention volontaire de Maître Gilles GAUTHIER en sa qualité d'administrateur judiciaire de la SARL AAA LOCATION, aux droits duquel vient SELARL BG &ASSOCIES, prise en la personne de Maître Stéphanie BIENFAIT.

Sur la prescription de l'action du syndicat des copropriétaires

Selon l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965, sans préjudice de l'application des textes spéciaux fixant des délais plus courts, les actions personnelles nées de l'application de la présente loi entre des copropriétaires, ou entre un copropriétaire et le syndicat, se prescrivent par un délai de dix ans.

La SCI ALROMA a donné à bail commercial à la SARL AAA LOCATION, le 28 novembre 2009, les lots 7, 8; et 9. Le lot n° 7 y est décrit comme une construction annexe élevée d'un simple rez-de-chaussée à usage de bureau et piste, le lot n° 8 comme un local à usage de garage public pour voitures automobiles situé au sous-sol du Bloc I avec rampe d'accès d'une superficie de 600 m² environ et le lot n° 9 comme étant un box pour voiture automobile au sous-sol du bloc I d'une superficie de 15m².

L'action du syndicat des copropriétaires tient à la violation alléguée de la destination du lot n° 8, au motif de la transformation de simple garage en bureaux.

Pour faire état de la prescription de l'action intentée par le syndicat des copropriétaires, la SCI ALROMA et la société AAA LOCATION s'appuient sur l'attestation de Madame [D] épouse [T], retraitée, qui explique avoir été salariée de 1964 à 1975 pour la société SOCA, concessionnaire OPEL et qui relève que le sous-sol de l'entreprise était constitué du service après-vente qui disposait d'un bureau d'accueil pour la clientèle et du service pièces détachées qui disposait d'un bureau et d'un comptoir d'accueil de la clientèle.

Les locaux évoquées par Madame [D] épouse [T] se trouvent au sous-sol; il s'agit donc des lots 8 et 9. Cette dernière, qui décrit le sous-sol de l'entreprise OPEL, décrit en réalité l'aménagement du lot 8 (d'une superficie de 600 m² comme mentionné au bail commercial). Sur ce lot se trouvaient donc des bureaux et un comptoir d'accueil dès l'année 1964. Cette disposition n'a pas changé jusqu'en 1975. Durant cette période, plus de dix ans ont passé et la modification du lot n° 8 sur laquelle se trouvaient des bureaux était nécessairement connue du syndicat des copropriétaires.

En conséquence, le syndicat des copropriétaires, qui ne pouvait ignorer la présence de la société OPEL au sein de l'immeuble, savait, dès l'année 1964, que des bureaux se trouvaient sur le lot n° 8. Le point de départ de la prescription a couru à compter de l'année 1964. Les bureaux se trouvaient encore sur le lot n° 8 en 1975, soit plus de 10 ans après. Le syndicat des copropriétaires se heurte donc à la prescription de son action qui est irrecevable.

Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

Sur la demande de dommages et intérêts formée par la société AAA LOCATION à l'encontre du syndicat des copropriétaires

Selon l'article 14 alinéa 4 de la loi du 10 juillet 1965 dans sa version applicable, le syndicat des copropriétaires a pour objet la conservation de l'immeuble et l'administration des parties communes. Il est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers par le vice de construction ou le défaut d'entretien des parties communes, sans préjudice de toutes actions récursoires.

Selon le rapport d'expertise judiciaire (pièce 22 de la SCI ALROMA), les locaux occupés au sous-sol par la société AAA LOCATION sont constitués d'un local à usage de garage pour voitures automobiles et accessoires, d'une surface de 600 m², constituée par une allée centrale distribuant sur sa partie Ouest un bureau d'exposition, un bureau, sept box et au fond, une zone de stationnement de véhicules.

L'expert judiciaire s'est rendu sur les lieux le 08 février 2012, le 11 avril 2012, après avoir été contacté par le preneur qui faisait état d'infiltrations dans ses locaux survenues à la suite de fortes pluies. Il a fait de même le 03 septembre 2012. A chacune de ses visites, il a constaté la présence d'infiltrations .

A la lecture des différents documents qu'il avait en sa possession, l'expert judiciaire a estimé que l'apparition des désordres pouvait être datée à la fin de l'année 2009.

Il a décrit les désordres (pages 30 et 31) de la manière suivante :

dans le bureau 1 (à usage de salle d'exposition) : dalles de faux-plafonds tâchées

dans le bureau 2 : traces d'infiltrations et décollements d'enduit, au fond du bureau, sur une surface de 2m²

Il a fait état de traces d'infiltrations pour les box n° 1 (sur 1m²) et de traces d'infiltrations avec un décollement d'enduit pour les box n° 2, 3, 5, 6 et 7 (sur une surface de 2m² -box 2- dont le sol est également tâché; de 0, 5 m² avec une retombée de poutre de la même surface-box 3-; sur une surface 0,5 m² au milieu du box n° 5 ainsi que sur une surface de 1,5m² vers la sortie de descente d'eaux pluviales dans ce même box; sur une surface de 1 m² dans le box n°6; sur une surface de 4m² dans le box n° 7).

L'expert, qui a déposé son rapport en l'état ne s'est pas prononcé sur la cause des infiltrations. Il devait se rendre dans des appartements et sur des terrasses pour effectuer une mise en eau, ce qui n'a pas été effectué.

L'expert était également en attente des éléments relatifs au préjudice allégué par la société AAA LOCATION et n'a donc pu se prononcer sur ce point.

Il ne s'est pas non plus prononcé sur l'efficacité de travaux que le syndicat des copropriétaires disait avoir effectués.

Il a toutefois indiqué que travaux proposés par le syndicat des copropriétaires résultant d'un devis de l'entreprise BRUGUIER ETANCHEITE (dont l'objet était d'installer des faux-plafonds à récupération des eaux d'infiltration), n'étaient pas acceptables, puisqu'il s'agissait de récupérer les eaux d'infiltration sans permettre de traiter l'origine des infiltrations ni de réparer la cause de ces dernières.

Cette expertise, certes non définitive, doit être mise en lien avec une expertise amiable diligentée à la demande du syndic de copropriété, établi le 12 mai 2011, régulièrement versée au débat, sur laquelle les parties ont pu débattre contradictoirement, qui estime que l'origine des désordres tient à un complexe d'étanchéité défaillant.

Le rapport d'expertise ne contredit pas les conclusions de l'expertise amiable.

Dès lors, il sera retenu que les infiltrations subies par la société AAA LOCATION résultent d'un vice de construction ou d'un défaut d'entretien des parties communes (complexe d'étanchéité). La responsabilité du syndicat des copropriétaires dans la survenance des désordres subis par le preneur est donc engagée de plein droit.

Il ressort des pièces produites que dès l'année 2010, le syndic de copropriété disait avoir été avisé des les problèmes d'infiltrations dans les lots appartenant à la SCI ALROMA; les pièces démontrent qu'une première série de travaux a été effectuée en 2011.

Par ordonnance du 17 mars 2014, le juge des référés a condamné le syndicat des copropriétaires à effectuer 'tous travaux sur le complexe d'étanchéité propres à faire cesser le trouble subi par la société AAA LOCATION, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la signification de la décision'.

Il ressort d'un arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence statuant sur un recours en matière de liquidation d'astreinte que les travaux ont été effectués à la fin du mois de novembre 2015. Cette décision a liquidé l'astreinte à hauteur de 90.000 euros. Elle s'est en outre appuyée un procès-verbal d'huissier de justice du 23 novembre 2016 qui attestait de la réapparition d'infiltrations d'eau au plafond des locaux avec écoulement d'eau et flaques au sol, pour condamner le syndicat des copropriétaires à effectuer de (nouveaux) travaux sur le complexe d'étanchéité sous astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard à compter du mois suivant la signification de la décision.

Par jugement du 22 novembre 2018, le juge de l'exécution de [Localité 10], liquidant l'astreinte provisoire, a fait état de deux procès-verbaux d'huissier du 12 avril 2018 et du 30 août 2018 qui relataient l'existence d'infiltrations, en dépit des travaux effectués.

La société AAA LOCATION ne démontre pas avoir dû neutraliser six places de parking en raison des infiltrations ni avoir été privée de façon pérenne et continue de 30% du bien loué pendant une durée de huit ans. Elle ne peut en conséquence chiffrer son préjudice à hauteur de 100.800 euros (soit 42.000 euros-loyer annuel-x 0,30 x 8).

Elle démontre toutefois la réalité de son préjudice et la persistance dans le temps des infiltrations. Il est relevé tant par le bureau d'études bâtiment [E] ( sa pièce 3) que par l'expertise judiciaire que les désordres sont systématiquement consécutifs aux intempéries. C'est d'ailleurs ce qu'indique (pièce 4 de l'appelante) le bailleur qui sollicitait du syndic de copropriété la réalisation de travaux d'étanchéité du sous-sol, 'avant l'arrivée des pluies automnales qui aggraveront l'état de notre local'.

Ces infiltrations, liées à la défaillance du complexe d'étanchéité, créent, au détriment de la société AAA LOCATION, un trouble de jouissance dans son exploitation commerciale qui sera réparé intégralement par la somme arrondie de 33.600 euros, correspondant à 10% du montant du loyer annuel sur huit ans.

Le syndicat des copropriétaires sera condamné au versement de cette somme selon les modalités prévues au dispositif de la présente décision. Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

Sur la demande de dommages et intérêts formée par la SARL AAA LOCATION au titre de la résistance abusive du syndicat des copropriétaires:

Le retard pris par le syndicat des copropriétaires dans l'exécution des travaux ont été pris en compte dans la liquidation des asteintes. La SARL AAA LOCATION ne justifie d'un préjudice distinct (étant précisé que son trouble de jouissance a également été réparé). En conséquence, la SARL AAA LOCATION sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile

Le syndicat des copropriétaires est essentiellement succombant. Il sera condamné aux dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile. Ses demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

Il n'est pas équitable de laisser à la charge de la SARL AAA LOCATION et de son administrateur judiciaire les frais irrépétibles exposés en première instance et en d'appel. En conséquence, le syndicat des copropriétaires sera condamné à leur verser la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et 2000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

Il n'est pas équitable de laisser à la charge de la SCI ALROMA les frais irrépétibles qu'elle a exposés en première instance et en appel. Le syndicat des copropriétaires sera condamné à lui verser la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et 1500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a condamné le syndicat des copropriétaires aux dépens comprenant le coût de l'expertise judiciaire et à verser la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à la société AAA LOCATION et 2000 euros à la SCI ALROMA.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe,

DÉCLARE recevable l'intervention volontaire de Maître Gilles GAUTHIER, en sa qualité d'administrateur judiciaire de la SARL AAA LOCATION, aux droits duquel vient SELARL BG &ASSOCIES, prise en la personne de Maître Stéphanie BIENFAIT

INFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [11] à [Localité 3] aux dépens (comprenant le coût de l'expertise judiciaire) et à verser la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à la société AAA LOCATION et 2000 euros sur le fondement du même article à la SCI ALROMA,

STATUANT A NOUVEAU ET Y AJOUTANT,

DÉCLARE irrecevables pour être forcloses les demandes en résiliation de bail et de dommages et intérêts formées par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [11] à [Localité 3],

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [11] à [Localité 3] à verser à la SARL AAA LOCATION la somme de 33.600 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance s'écoulant de 2010 à 2018,

REJETTE la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive formée par la SARL AAA LOCATION

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [11] à [Localité 3] à verser à la SARL AAA LOCATION et à Maître Gilles GAUTHIER es qualités d'administrateur judiciaire, aux droits duquel vient SELARL BG &ASSOCIES, prise en la personne de Maître Stéphanie BIENFAIT, es qualités d'administrateur judiciaire de la SARL AAA LOCATION, la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel,

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [11] à [Localité 3] à verser à la SCI ALROMA la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel,

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires [11] à [Localité 3] aux dépens de la présente instance qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-7
Numéro d'arrêt : 18/11748
Date de la décision : 06/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-06;18.11748 ?
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