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30/09/2022 | FRANCE | N°18/08739

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-2, 30 septembre 2022, 18/08739


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2



ARRÊT AU FOND

DU 30 SEPTEMBRE 2022



N° 2022/210













Rôle N° RG 18/08739 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCPS5







SA [E]





C/



[X] [S]

SARL ID'EES INTERIM D

SAS GROUPE BELVEDIA











Copie exécutoire délivrée

le : 30 septembre 2022

à :



Me Catherine OHANESSIAN, avocat au barreau de MARSEILLE



Me Je

an FAYOLLE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

(Vestiaire 375)



Me Amélie BOUTIN-CHENOT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE



Me Dominique CESARI, avocat au barreau de NICE



























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2

ARRÊT AU FOND

DU 30 SEPTEMBRE 2022

N° 2022/210

Rôle N° RG 18/08739 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCPS5

SA [E]

C/

[X] [S]

SARL ID'EES INTERIM D

SAS GROUPE BELVEDIA

Copie exécutoire délivrée

le : 30 septembre 2022

à :

Me Catherine OHANESSIAN, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Jean FAYOLLE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

(Vestiaire 375)

Me Amélie BOUTIN-CHENOT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Me Dominique CESARI, avocat au barreau de NICE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARTIGUES en date du 19 Avril 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 16/00171.

APPELANTE

SA [E], demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Catherine OHANESSIAN, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

Monsieur [X] [S], demeurant [Adresse 5]

représenté par Me Jean FAYOLLE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

SARL ID'EES INTERIM D Prise en la personne de son représentant légal demeurant pour ce audit siège, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Amélie BOUTIN-CHENOT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

SAS GROUPE BELVEDIA, anciennement dénommée SAS INTERIM NATION HOLDING, venant aux droits de la SAS INTERIM NATION PACA, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Dominique CESARI, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre, chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre

Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre suppléante

Madame Marie-Noëlle ABBA, Présidente de chambre suppléante

Greffier lors des débats : Mme Cyrielle GOUNAUD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Septembre 2022, délibéré prorogé au 30 septembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Septembre 2022

Signé par Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre et Mme Cyrielle GOUNAUD, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Vu l'arrêt avant dire droit en date du 25 juin 2021 ordonnant la jonction des procédures RG 18/08397 et RG 18/08739 auquel il convient de se reporter pour l'exposé des faits et de la procédure ;

Vu l'ordonnance d'incident en date du 8 avril 2022 ,

' Déclarant recevable l'appel de la société [E] à l'encontre des seules dispositions du jugement du conseil de prud'hommes de Martigues en date du 19 avril 2018 l'ayant déboutée de sa demande de condamnation solidaire avec les société de travail temporaires ID'EES INTERIM D et INTERIM NATION PACA devenue Groupe Belvedia ;

'Déclarant irrecevable l'appel de la Société [E] à l'encontre de M [S]

Par conclusions notifiées par M [S] via le RPVA le 1er juin 2022 demande à la cour de :

CONFIRMER le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de MARTIGUES le 19 avril 2018 en ce qu'il a requalifié en contrat de travail à durée indéterminée les contrats de missions temporaires du 15 février 2010 au 21 février 2016 ;

CONFIRMER le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de MARTIGUES le 19 avril 2018 en ce qu'il a condamné la Société [E] à payer à Monsieur [S] une indemnité spéciale de requalification, une indemnité compensatrice de congés payés, une indemnité conventionnelle de licenciement, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et une somme au titre des frais irrépétibles de première instance ;

L'INFIRMER pour le surplus ,

ET, STATUANT A NOUVEAU,

CONDAMNER la Société [E] à verser à Monsieur [X] [S] la somme de 14.974,23 € à titre de rappel de salaires, outre la somme de 1.497,42 € à titre de congés payés afférents ;

ASSORTIR cette condamnation des intérêts au taux légal à compter du 2 mars 2016, date de réception de la convocation de la Société [E], et dire que la capitalisation des intérêts se fera pour la 1 ère fois le 2 mars 2017 .

CONDAMNER la Société [E] à verser à Monsieur [X] [S] la somme totale de 954,52 € au titre des intérêts de retard relatifs aux condamnations prononcées par le Conseil de Prud'hommes de Martigues par jugement du 19 avril 2018 et acquittées par la Société [E] les 7 et 28 mai 2018

CONDAMNER la Société [E] à verser à Monsieur [X] [S] la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour violation des dispositions légales relatives à la prise des congés payés et inégalité de traitement de ce chef ;

ASSORTIR cette condamnation d'intérêts au taux légal à compter du 2 mars 2016, date de réception de la convocation de la Société [E] .

CONDAMNER la Société [E] à délivrer à Monsieur [S], sous astreinte de 50 € par jour de retard et par document, à compter du 15 eme jour suivant la signification de l'arrêt à intervenir.

- une attestation destinée à Pôle Emploi, mentionnant pour motif de rupture du contrat de travail "un licenciement sans cause réelle et sérieuse au 21 février 2016 " et une ancienneté décomptée au 15 décembre 2010 , le certificat de travail le solde de tout compte

CONDAMNER la Société [E] à verser la somme de 2.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; CONDAMNER la Société [E] aux entiers dépens.

A l'appui de ses demandes M [S] fait valoir :

'Qu'en dehors d'une période d'incarcération du 3 septembre 2011 au 8 janvier 2012 il s'est tenu à la disposition de la société [E] à temps plein ,au regard de la variabilité de ses horaires assortis d'un délai de prévenance extrêment court l'empêchant de completer son activité .

Que compte tenu de la prescription il est fondé à solliciter le paiement des salaires à temps plein sur la base d'un salaire moyen de 2472,47 , sur l'intégalité de la période de février 2011 à février 2016 sauf pendant sa période d'incarcération, ce que le conseil de prud'hommes a admis en procédant à une requalification de la relation contractuelle en CDI du 15 décembre 2010 au 21 février 2016.

Que'il appartient à la société [E] de rapporter la preuve de ce qu'il ne s'est pas tenu à sa disposition.

'Que le calcul des sommes dues ne peut tenir compte des heures supplémentaires effectuées ou de la transaction conclue avec les entreprises de travail temporaires à laquelle la société [E] est étrangère.

'Que si des indemnités de congés payés lui ont été effectivement versées , 'il a néamoins été discriminé dans les modalités de prise des congés payés dont il n'a pu bénéficier de la même manière que les salariés travaillant en CDI , la durée des congés ayant été de fait limitée.

'Que le jugement n'a pas statué sur les intérêts et l'en a donc privé de la date de la demande à la date du paiement pour les sommes dont la société [E] s'est acquittée.

'Qu'enfin la société [E] doit lui remettre les documents de fin de contrat contrairement à ce qu'à jugé le conseil des prud'hommes

Par conclusions récapitulatives du 1er février 2022 la société [E] demande à la cour

D'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la Société [E] de sa demande de condamnation in solidum des sociétés de travail temporaire ID'EES INTERIM et GROUPE BELVADIA, venant aux droits de la société INTERIM NATION PACA.

Statuant à nouveau sur ce point,

Déclarer les condamnations définitives prononcées par le jugement du Conseil de Prud'hommes entrepris à l'encontre de la Société [E], entreprise utilisatrice, communes et opposables aux Sociétés ID'EES INTERIM D et GROUPE BELVADIA, venant aux droits de INTERIM NATION PACA, sociétés de travail temporaire.

Condamner chaque Société de travail temporaire, ID'EES INTERIM D et GROUPE BELVADIA, venant aux droits de INTERIM NATION PACA au paiement d'une indemnité de 3.000 € au titre de l'article 700 du CPC, au bénéfice de la Société [E].

Condamner solidairement les Sociétés de travail temporaire, ID'EES INTERIM D et GROUPE BELVADIA, venant aux droits de INTERIM NATION PACA, aux entiers frais et dépens et à tous les autres frais d'exécution de l'arrêt à intervenir et notamment à tous les frais d'huissier si nécessaire.

- Sur l'appel de Monsieur [X] [S]

Confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de MARTIGUES le 19 avril 2018.

En ce qu'il a :

- débouté Monsieur [S] de sa demande de rappel de salaire à hauteur de dommages et intérêts de 18.271,32 euros bruts, outre l'incidence congés payés de 1.827,13 euros.

' débouté Monsieur [S] de sa demande de dommages-intérêts pour discrimination au titre des congés payés ;

- débouté Monsieur [S] de sa demande visant à assortir les condamnations d'intérêts au taux légal et capitalisation ;

- rejeté la demande de Monsieur [S] de condamnation de la Société [E] à lui délivrer sous astreinte de 50€ par jour de retard et par document, à compter de la notification du jugement à intervenir :

a) une attestation destinée à Pôle Emploi, mentionnant pour motif de rupture du contrat de travail « un licenciement sans cause réelle et sérieuse au 21 février 2016 » et une ancienneté décomptée au 15 décembre 2010

b) le certificat de travail

c) le solde de tout compte

Débouter l'appelant de toutes ses demandes et prétentions ;

Condamner Monsieur [S] à verser à la Société [E] la somme de 2.000 sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Le condamner aux entiers dépens.

Elle fait valoir :

'Qu'alors qu'il sollicitait initialement la condamnation solidaire des sociétés d'intérim avec la société [E] , M [S] a conclu avec ces dernières un accord transactionnel qui ne peut lui être opposé et ne peut donc la priver de son droit à agir à leur encontre

'Que la cour de cassation admet le principe d'une responsabilité de l'entreprise de travail, temporaire solidairement avec l'entreprise utilisatrice

- dans le cas où bien que tenue d'une obligation de conseil renforcée à l'égard de l'entreprise utilisatrice , elle a agit sciemment avec elle pour contourner l'interdiction d''avoir recours au travail temporaire en vu de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise notamment en ne lui proposant pas d'autres missions

- dans le cas ou sa faute a concouru au préjudice du salarié notamment quant elle n'a pas reproduit dans le contrat de mission les clauses du contrat de mise à dispositions conformément aux dispositions de l'article L1251-3 du code du travail

-dans le cas où elle a eu recours au report du terme de la mission de manière systématique ou n'a pas respecté le délai de carence dans les contrats de mise à disposition.

'Qu'il appartient au salarié de faire la preuve de ce qu'il s'est tenu à la disposition de l'entreprise utilisatrice à l'appui de sa demande en rappel de salaire alors qu'en l'espèce il a refusé à deux reprises le CDI qui lui a été proposé de sorte qu'il ne peut se prévaloir d'aucun préjudice.

Qu'en toute hypothèse il ne peut réclamer aucun rappel de salaire pendant la période de son incarcération

'Que les rappels de salaires ne sont dus que par l'employeur , et donc en l'espèce par les sociétés de travail temporaires

'Que M [S] a perçu à chaque fin de contrat une indemnité compensatrice de congés payés et une indemnité de précarité et ne justifie d'aucun préjudice à l'appui de sa demande de dommages intérêts et ce d'autant qu'il a lui même refusé d'être embauché en CDI .

Par conclusions récapitulatives notifiées le 7 juin 2022 par RPVA la société GROUPE BERLVEDIA venant aux droits de la SAS INTERIM PACA demande à la cour de

DECLARER IRRECEVABLE la demande de la Société [E] visant à entendre condamnées solidairement avec elle les sociétés de travail temporaire ID'EES INTERIM et INTERIM NATION PACA alors qu'elle avait précisément sollicité l'inverse devant le premier juge en sollicitant la condamnation solidaire de la SA [E] et qu'elle avait, maintenu la même demande dans sa déclaration d'appel du 19 avril 2018,

STATUER ce que de droit sur l'appel interjeté le 24 mai 2018 par la SA [E] à l'encontre du jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de MARTIGUES le 19 avril 2018 en ce qu'il ne condamne pas solidairement les sociétés DEES INTERIM et INTERIM NATION PACA à la relever et la garantir,

STATUER ce que de droit sur l'appel interjeté le 17 mai 2018 par Monsieur [X] [S] à l'encontre du jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de MARTIGUES le 19 avril 2018 en ce qu'it ne fait pas droit à l'intégralité de ses demandes à l'encontre de la SA

[E],

DONNER ACTE à la SAS INTERIM NATION PACA (venant aux droits de la SNC [Adresse 4], son locataire gérant) et à Monsieur [S] [X] de l'existence d'un protocole transactionnel conclu entre eux le 22 juin 2017 et du désistement de toute instance du demandeur initial à l'encontre de la société concluante,

DlRE ET JUGER non fondé ledit appel,

DEBOUTER PAR SUITE la SA [E] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

CONDAMNER la SA [E] à verser 5.000 € à la société GROUPE BELVEDIA venant aux droits de la SAS INTERIM NATION PACA sur le fondement de l'article 700 du CPC, ainsi qu'à supporter les entiers dépens.

Elle soutient que :

'La demande de condamnation solidaire aujourd'hui formée par la SA [E] est irrecevable comme nouvelle;

'Que la requalification a été prononcée faute par la SA [E] d'avoir démontré le motif du recours au contrat de mise à disposition et non pour manquement de l'entreprise de travail temporaire à ses obligations ; que la SA [E] ne fait pas la démonstration d'un tel manquement dans ses écritures alors que l'appel est uniquement dirigé vers les conséquences de la requalification.

Par conclusions récapitulatives en date du 11 mai 2022 Sarl ID'EES INTERIM D demande à la cour de :

Dire et juger non fondé l'appel de la société [E] à l'encontre du jugement rendu par le

Conseil de Prud'hommes de MARTIGUES le 19 avril 2018.

Débouter la société [E] de ses demandes, fins et conclusions.

La condamner à payer à la société ID'EES INTERIM D la somme de 4.000 € au titre des frais

non répétibles.

La condamner aux entiers dépens, ainsi qu'aux éventuels frais liés à l'exécution de l'arrêt à

intervenir.

Elle fait valoir que :

'La société [E] présente en cause d'appel des demandes qui ne relèvent pas de la compétence prud'homale, mais de la seule juridiction consulaire, le litige n'opposant que des sociétés commerciales entre elles ;

'La société [E] ne conteste pas la requalification et sa condamnation prononcée à raison des manquements qui lui sont propres ; qu'ayant ainsi acquiescé au jugement elle ne peut plus discuter les causes de la requalification alors que les sociétés de travail temporaires ne peuvent être condamnées que pour manquements à des obligations qui leur incombent ;

'Que l'analyse juridique développée par la société [E] est erronée ; qu'en effet La Cour de cassation exige pour une condamnation solidaire des manquements de la société

de travail temporaire à ses obligations propres, ou une action concertée, une « entente

illicite », entre cette société et l'entreprise utilisatrice, ; ses arrêts ne faisant du reste nulle part état d'une prétendue « obligation de conseil renforcée » qui serait à la charge du

« professionnel de l'intérim ;

'Que la société [E] sur laquelle pèse la charge de la preuve ne fait aucune demonstration de la responsabilité de l'entreprise de travail temporaire (pas de démonstration d'une entente illicite, aucun manquement aux obligations de l'entreprise de travail temporaire allégué in concreto) ;

'Qu'en toute hypothèse à la date de l'introduction de l'instance l'action fondée sur le non respect du délai de carence était prescrite dès lors qu'elle court à compter de la conclusion de chacun des contrats;

'Qu'elle ne saurait être débitrice de l'indemnité de requalification.

L'ordonnance de clôture est en date du 8 juin 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

I Sur les demandes formulées par M [S] à l'encontre de la Sarl [E]

Il convient tout d'abord de préciser qu'il n'y a pas lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a requalifié les contrats de mission en contrat de travail à durée indéterminée et condamné la société [E] au paiement d'indemnités dès lors que la cour n'est saisie d'aucun appel de ces chefs, l'ordonnance d'incident en date du 8 avril 2022 ayant déclaré irrecevable l'appel de la SARL [E] à l'encontre de M [S].

A- la demandes en rappel de salaires .

En l'espèce la requalification de la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée a été prononcée par le conseil des prud'hommes à l'encontre de la seule société [E] et elle est à ce jour définitive.

Lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions des articles L 1251-5 à L 1251-7, L 1251-10 à L1251-12, L 1251-30 et L 1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission'(C. trav. art. L. 1251-40)

Contrairement aux assertions de la SARL Glaser l'action en rappel de salaire , qui découle du contrat ainsi reconnu à titre de sanction , et au demeurant admis par la sarl GLASER qui a acquiescé au jugement l'ayant condamnée à une indemnité pour liceinciement sans cause réelle et sérieuse , est donc bien ouverte à M [S] à son encontre.

Toutefois, il est constant que la requalification d'un contrat de travail à durée déterminée , comme c'est le cas du contrat de mission , en un contrat de travail à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les autres stipulations contractuelles , relatives notamment à la durée du travail.

En l'espèce la cour relève que l'intégralité des contrats de mission a été conclue à temps complet ( pièces 2,3,4,5 de L'appelant) de sorte qu'il incombe à la société [E] de rapporter la preuve que le salarié ne s'est pas tenu à sa disposition pour les heures non rémunérées s'inscrivant dans les périodes de contrat , ce qu'elle ne fait aucunement en l'espèce.

Les périodes pour lesquels aucun contrat n'est produit sont les suivantes

17 jours en juin 2011 du 13 au 30 juin

16 jour en janvier 2012 du 1er au 7, puis du 14 au 22

8 jours en octobre 2012 du 22 au 30

4 jours en novembre 2012 du 1er au 4

24 jours en octobre 2014 du 6 au 30 octobre

23 jours en novembre 2014 du 1ER au 23

6 jours décembre 2015 du 8 au 14

Pendant ces périodes qui ne correpondent pas aux horaires contractuellement convenus et qui sont suffisamment longues pour accomplir d'autres missions auprès d'un autre employeur la charge de la preuve du maintien à disposition de l'entreprise utilisatrice pèse sur l'appelant.

En l'espèce M [S] ne démontre pas être resté à disposition de la SA [E], son argumentation sur le faible délai de prévenance ne résultant d'aucune pièce alors qu'il était en poste dans la même entreprise en quasi permanence ce qui implique sa connaissance des plannnigs de travail.

Au vu du décompte de M [S] et de la demande arrêtée au mois de février 2016 ( pièce 8 de l'appelant ) la cour chiffre à 11584,65 euros la somme due à l'appelant à titre de rappel de salaires outre 1158,46 euros au titre des congés payés afférents étant précisé que la période d'incarcération de l'appelant ,qui n'a sollicité aucun rappel de salaire pendant la durée de celle-ci, a été déduite et que les heures supllémentaires n'ont pas été prises en considération.

B- La demande au titre de l'inégalité de traitement dans la prise des congés payés.

La cour relève que M [S] a bénéficié d'un régime spécifique d'indemnisation des congés payés que la fiction juridique de la requalification du contrat ne fait pas disparaitre, par ailleurs la cour retient que l'appelant , qui a refusé a deux reprises les CDI proposés par l'entreprise utilisatrice, ne démontre pas in concreto le préjudice subi ; le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M [S] de sa demande de dommages intérêts à ce titre.

C- Sur les intérêts au taux légal et la capitalisation

La demande au titre des intérêts échus de la créance fixée en première instance n'est pas une demande nouvelle et est recevable en application de l'article 566 du CPC;

Il résulte des dispositions combinées des articles 1146 et 1153, devenus 1231 et 1231-6 du code civil, et R.1452-5 du code du travail, que les créances salariales, légales ou conventionnelles portent de plein droit intérêts calculés au taux légal à compter, pour celles objets de la demande initiale, de la mise en demeure résultant de la citation devant le bureau de conciliation et d'orientation, c'est à dire à compter de la date de la réception par le défendeur de la convocation devant ce bureau - ou devant le bureau de jugement pour les affaires dispensées de conciliation -, et pour celles objets de demandes additionnelles ou reconventionnelles, à partir de la date à laquelle le défendeur a été informé de ces nouvelles demandes.

En l'espèce faute d'indication, dans les dossiers fournis par les parties et dans celui envoyé par le conseil des prud'hommes, de la date de réception de la convocation devant le bureau de conciliation et la date à laquelle s'est tenue cette tentative , les créances salariales objets de la demande initiale ont été connus de l'intimée lors la convocation devant le bureau de jugement le 2 mars 2016 , qui est donc, pour ces créances, la date de départ des intérêts légaux.

Ils sont dus jusqu'au 3 mai 2018 date du paiement ( date portée sur la pièce 20 de l'appelant ) dont le décompte ( pièce 21) devra donc être revu..

S'agissant des intérêts sur les créances indemnitaires, dont le régime est fixé par l'article 1153-1 devenu 1231-7 du code civil, ils courront, au taux légal, à compter du jugement déféré.jusqu'au 7 mai 2018 ( date portée sur la pièce 22 de l'appelant ); Le décompte produit devra donc être également revu.

S'agissant de la capitalisation, l'article 1343-2 du code civil qui s'est substitué à l'article 1154, dispose que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise. Il sera fait droit à la demande

D- La remise des documents de fin de contrat

Il est constant que la demande a été formulée en première instance et que M [S] en a été débouté alors qu' en vertu de l'article L.1234-19 du code du travail, à l'expiration du contrat de travail l'employeur délivre un certificat de travail.ett qu'aux termes de l'article R.1234-9 alinéa 1 du code du travail, l'employeur délivre au salarié, au moment de l'expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications qui lui permettent d'exercer ses droits aux prestations mentionnées à l'article L. 5421-2 et transmet sans délai ces mêmes attestations à Pôle Emploi.

Il sera donc fait droit à la demande toutefois l'obligation de remettre un certificat de travail et une attestation Pôle emploi pesant sur l'employeur est quérable, M [S] ne justifie pas d'une résistance dans la remise des documents susvisés qui jusitfierait le prononcé d'une astreinte.

II Sur la demande de condamnation solidaire formée par la SARL [E] à l'encontre de la sarl ID'EES INTERIM D et de la SAS INTERIM NATION PACA devenue Groupe Belvedia.

L''article L. 1411-1 du code du travail confère compétence exclusive au conseil de prud'hommes pour trancher les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail entre les employeurs et leurs salariés ; en l'espèce la cour n'est pas saisie d'une action en paiement formée par la société [E] à l'encontre des sociétés de travail temporaire avec lesquelles elle a contracté mais d'une demande de condamnation in solidum fondée sur les conséquence de la requalification des contrats de missions de M [S] dont les société de travail temporaire sont les employeurs, elle est donc bien compétente.

Il convient de rappeler que l'ordonnance d'incident du 8 avril 2022 a souligné que dès l'introduction de l'instance la SARL [E] a formé un appel en garantie à l'encontre des deux sociétés de travail temporaire dont elle demandait la condamnationin solidum; qu'elle souligne par ailleurs que la société GROUPE BELVEDIA bien que n'ayant pas saisi le juge de la mise en état d'une demande tendant à voir déclarer irrecevable l'appel de la SARL [E] à son encontre s'en est rapportée aux conclusions de la SARL ID'EES INTERIM.

Dans ces conditions la demande formée à l'encontre de la société GROUPE BELVEDIA n'est pas nouvelle.

La SARL ID'EES interim oppose à la demande la precription de l'article L. 1471-1 du code du travail dans sa rédaction applicable aux faits de la cause qui dispose que toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

Toutefois en l'espèce l'action exercée par l'entreprise utilisatrice , qui n'est pas liée par un contrat de travail aux société de travail temporaires, est une action en responsabilité contractuelle qui échappe à cette prescription.

La requalification n'a pas été sollicitée par le salarié à l'égard des entreprises de travail temporaire, il appartient donc à la SA [E] , pour obtenir leur condamnation in solidum à prendre en charge tout ou partie les condamnations définitives prononcées à son égard par le conseil des prud'hommes , de démontrer qu'elles n'ont pas respecté les obligations qui leur incombaient dans l'établissement des contrats de mise à disposition et on ainsi contribué à créer la situation ayant abouti à la requalification .

En page 16 de ses conclusions la sarl [E] reproche aux sociétés de travail temporaire le défaut de respect des délais de carence.

En application de l'article L1251-36 du code du travail dans sa version applicable en l'espèce

A l'expiration d'un contrat de mission, il ne peut être recouru, pour pourvoir le poste du salarié dont le contrat a pris fin, ni à un contrat à durée déterminée ni à un contrat de mission, avant l'expiration d'un délai de carence calculé en fonction de la durée du contrat de mission, renouvellement inclus. Ce délai de carence est égal :

1° Au tiers de la durée du contrat de mission venu à expiration si la durée du contrat, renouvellement inclus, est de quatorze jours ou plus ;

2° A la moitié de la durée du contrat de mission venu à expiration si la durée du contrat, renouvellement inclus, est inférieure à quatorze jours.

Les jours pris en compte pour apprécier le délai devant séparer les deux contrats sont les jours d'ouverture de l'entreprise ou de l'établissement utilisateurs.

Le motif d'accroissement d'activité ne figure pas parmi les motifs de recours au contrat de mission exclus de l'obligation de respect du délai de carence par les dispositions de l'article L 1251-37 du code du travail , de même que le contrat pour remplacement d'un salarié absent lorsqu'il ne s'agit pas du même salarié.

En l'espèce il apparait très clairement au vu de la succession des contrats de missions pour surcroit temporaire d'activité parfois suivis immédiatement de contrats de mission pour remplacement d'un salarié absent et même de la sucessions de contrats de missions pour remplacement d'un salarié absent concernant des salariés différents que de délai de carence a été méconnu par la société id'ées interim.

En ce qui concerne les contrats conclus par la société Interim Nation aux droits de laquelle vient la société Groupe Belvedia le non respect du délai de carence est également établi pour les missions de février-mars 2014, décembreé 2014 -janvier 2015 , juillet aout 2015 conclus successivement pour surcroit d'activité ;

Les entreprises de travail temporaire ont ainsi , en connaissance de cause, permis la succession

des contrats de mission ilicites au profit de l'entreprise utilisatrice.

Contrairement à ce que soutient la société [E] , la Cour de Cassation ne met pas d'obligation de conseil renforcé à la charge des entreprises de travail temporaire envers les sociétés utilisatrices, elles mêmes professionnelles. Elle admet toutefois (ARRËT DU 14 février 2018 n° 16-21.940 BULL V n°29) qu'en mettant à disposition un salarié sans respecter le délai de carence qui lui incombe aux termes de l'article L1251-36 du code du travail, l'entreprise de travail temporaire engage sa responsabilité contractuelle dans ses rapports avec l'entreprise utilisatrice et doit partager avec elle le coût financier de la requalification;

En application des l'article 2044 , 2049 et 2051 du code civil la transaction est un contrat par lequel les parties , par des concessions réciproques , terminent une contestation née ou previennent une contestation à naitre, elle ne règle que les différents qui s'y trouvent compris.

En application de l'article 2051 du code civil la transaction faite par l'un des intéressés ne lie point les autres et ne peut être opposée par eux, que si les tiers peuvent néanmoins invoquer la renonciation à un droit qui y est contenu, cette renonciation s'entend nécessairement au regard du litige auquel la transaction met fin.

En conséquence la transaction conclue entre les entreprises de travail temporaires et M [S] ne lie pas la société [E] et ne peut lui être opposée par elles pour se soustraire à leur responsabilité.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a débouté la société [E] de sa demande de condamnation in solidum des sociétés de travail temporaire à prendre en charge les conséquences financières de la requalification .

Toutefois l'indemnité de requalification reste à la charge exclusive de l'entreprise utilisatrice en application de l'article 1251-41 du code du travail

Il appartient dès lors à la cour d'appel de fixer la part contributive de chacune des sociétés coobligées aux paiements des sommes mises à la charge de la société [E] au profit de M [S].

En l'espèce la cour fixe cette contribution à 50 % des sommes allouées à M [S] la part due par les société de travail temporaire et dit qu'elles l'assumeront par moitié dans leur rapports entre elles.

Il convient de condamner la société [E] qui succombe à payer à M [S] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du CPC et de la débouter de sa demande à l'encontre de M.[S] sur ce même fondement ;

Pour le surplus il ne parait pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais non compris dans les dépens engagés à l'occasion de la présente instance

Les frais et dépens afférents aux procédures d'exécution susceptibles d'être mises en oeuvre en vue de l'exécution d'une décision de justice sont étrangers aux dépens de l'instance qui a abouti à cette décision, la société GLASER sera donc déboutée de sa demande à ce titre

PAR CES MOTIFS

LA COUR STATUANT PUBLIQUEMENT ET CONTRADICTOIREMENT,

Confirme le jugement en ce qu'il a débouté M [S] de sa demande de dommages intérêts pour inégalité de traitement dans la prise des congés payés ;

Infirme le jugement en ce qu'il a :

- débouté M [S] de sa demande de rappel de salaire et des congés payés afférent

- débouté M [S] de sa demand de délivrance des documents de fin de contrat

-debouté la sarl [E] de l'ensemble de ses demandes

et statuant à nouveau :

Condamne la SARl [E] à payer à M [S] la somme de 11584,65 euros à titre de rappel de salaires outre 1158,46 euros au titre des congées payés avec intérêts au taux légal à compter du 2 mars 2016 ;

Dit que les intérêts dûs pour une année entière porteront eux même intérêts, la capitalisation intervenant pour la première fois le 2 mars 2017 ;

Condamne la sarl [E] à remettre à M [S] un certificat de travail, une attestation pôle emploi mentionnant le licenciement sans cause réelle et sérieuse comme motif de la rupture du contrat, un solde de tout compte tenant compte du jugement en date du 19 avril 2018 et du présent arrêt ;

Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte ;

Condamne LA SARL [E] à payer à M.[S] les intérêts au taux légal sur la somme de 7213,30 euros payée au titre des créances salariales à compter du 2 mars 2016 jusqu'au 3 mai 2018

Dit que les intérêts dus pour une années entière sur cette somme porteront eux même intérêts , la capitalisation intervenant pour la première fois le 2 mars 2017 ;

Condamne LA SARL [E] à payer à M.[S] les intérêts au taux légal sur la somme de 20297,36 euros du jour du jugement le 19 avril 2018 jusqu'au 7 mai 2018 ;

Se déclare compétente pour juger de la demande de condamnation in solidum présentée par laSARL [E] à l'égard de de la SARL ID'EES INTERIM D et de la SAS INTERIM NATION PACA devenue Groupe Belvedia ;

Déclare recevable la demande de condamnation in solidum présentée à l'encontre de la SAS INTERIM NATION PACA devenue Groupe Belvedia ;

Condamne la SARL ID'EES INTERIM D et de la SAS INTERIM NATION PACA devenue Groupe Belvedia in solidum avec la société [E] au paiement des sommes dues à M [S] en exécution du jugment de première instance et du présent arrêt à l'exception de l'indemnité de requalification et dans la limite de 50% des sommes dues.

Dit que dans leurs rapports entre elles les sociétés ID'EES INTERIM D et de la SAS INTERIM NATION PACA devenue Groupe Belvedia seront tenues de la somme mise à leur charge chacune pour moitié.

Condamne la société [E] qui succombe à payer à M [S] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du CPC.

Deboute les parties du surplus de leurs demandes au titre de l'article 700.

Déboute la SA [E] de sa demande au titre des frais d'éxécution.

Condamne la société [E] , la SARL ID'EES INTERIM D et de la SAS INTERIM NATION PACA devenue Groupe Belvedia aux dépens.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-2
Numéro d'arrêt : 18/08739
Date de la décision : 30/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-30;18.08739 ?
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