La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/09/2022 | FRANCE | N°18/20162

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-2, 29 septembre 2022, 18/20162


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-2



ARRÊT AU FOND

DU 29 SEPTEMBRE 2022



N° 2022/432













Rôle N° RG 18/20162 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDQTY







Société CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL NICE AVENUE





C/



[R] [S] (MINEUR)

[D] [N]

Société E.V.O.













Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Agnès ERMENEUX



Me Aurore SAGET
<

br>

Me Guillaume EVRARD



















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce d'ANTIBES en date du 07 Décembre 2018 enregistrée au répertoire général sous le n° 2017005051.





APPELANTE



La CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL NICE AVENUE

Société coopérative de créd...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-2

ARRÊT AU FOND

DU 29 SEPTEMBRE 2022

N° 2022/432

Rôle N° RG 18/20162 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDQTY

Société CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL NICE AVENUE

C/

[R] [S] (MINEUR)

[D] [N]

Société E.V.O.

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Agnès ERMENEUX

Me Aurore SAGET

Me Guillaume EVRARD

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce d'ANTIBES en date du 07 Décembre 2018 enregistrée au répertoire général sous le n° 2017005051.

APPELANTE

La CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL NICE AVENUE

Société coopérative de crédit à responsabilité limitée et à capital variable, immatriculée au R.C.S. de NICE sous le N° 322 611 047, dont le siège social est sis, [Adresse 7] - [Localité 1], prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités audit siège

représentée par Me Agnès ERMENEUX de la SCP ERMENEUX-CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Alexia FARRUGGIO, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

INTIMES

Monsieur [R] [S]

Agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la Société EVO, désigné à ses fonctions par jugement du Tribunal de commerce d'ANTIBES en date du 7 décembre 2018

né le [Date naissance 8] 1964 à [Localité 10], demeurant [Adresse 4] - [Localité 2]

représenté par Me Aurore SAGET, avocat au barreau de GRASSE substitué par Me Maïlys LARMET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Monsieur [D] [N]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/004704 du 03/06/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)

né le [Date naissance 6] 1963 à , demeurant [Adresse 9] - [Localité 3]

représenté par Me Guillaume EVRARD, avocat au barreau de GRASSE

SARLU E.V.O.

immatriculée au R.C.S. d'ANTIBES sous le numéro 534 059 225,

dont le siège social est sis, [Adresse 5] - [Localité 3], prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités audit siège

défaillante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Agnès VADROT, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Michèle LIS-SCHAAL, Président de chambre

Madame Muriel VASSAIL, Conseiller

Madame Agnès VADROT, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Chantal DESSI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Septembre 2022.

ARRÊT

réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Septembre 2022

Signé par Madame Michèle LIS-SCHAAL, Président de chambre et Madame Chantal DESSI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Selon acte sous seing privé en date du 10 octobre 2014, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL NICE AVENUE a consenti à la SARL E.V.O un prêt professionnel pour un montant de 25 000€ remboursable en 48 mensualités de 553,36€ au taux d'intérêt de 3,00% l'an assorti d'un taux effectif global de 3,95730% l'an.

Par le même acte, Monsieur [D] [N] s'est engagé en qualité de caution solidaire et indivisible de la société SARL E.V.O dans la limite de la somme de 30 000€ couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard.

Le 18 mai 2017, par lettre recommandée avec accusé de réception, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL NICE AVENUE a mis en demeure la SARL E.V.O ainsi que Monsieur [N] d'avoir à régler 5 échéances du prêt non payées .

Par courriers recommandés avec accusés de réception en date du 8 juin 2017, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL NICE AVENUE, constatant que sa mise en demeure était restée sans effet, a prononcé la déchéance du prêt et a mis en demeure la SARL E.V.O ainsi que Monsieur [N], en sa qualité de caution solidaire et indivisible, d'avoir à rembourser la somme de 15 084,03€.

Par voie d'assignation en date du 25 septembre 2017, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL NICE AVENUE a saisi le tribunal de commerce d'ANTIBES aux fins de condamnation solidaire de la SARL E.V.O et de Monsieur [N], en sa qualité de caution solidaire et indivisible de ladite société, au paiement en principal de la somme de 14 479,38€ à parfaire des intérêts au taux majoré de 6% l'an à compter du 27 juillet 2017 outre la somme de 705€ au titre de l'indemnité de l'exigibilité immédiate de 5% et ce jusqu'à parfait paiement au titre du prêt consenti.

Le 23 janvier 2018, le tribunal de commerce d'ANTIBES a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SARL E.V.O et a désigné Maître [S] en qualité de mandataire judiciaire.

La CAISSE DE CREDIT MUTUEL NICE AVENUE a régulièrement déclaré sa créance le 7 mars 2018 entre les mains de Maître [S] qu'elle a appelé en la cause.

Par dénonce d'assignation et assignation en intervention forcée en date du 29 mars 2018, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL NICE AVENUE a poursuivi Maître [R] [S] en sa qualité de mandataire judiciaire de la SARL E.V.O pour voir fixer sa créance au passif de la procédure collective soit 14 882,56€ échu outre intérêts à courir, 744,12 € au titre de l'indemnité de recouvrement de 5% et 1 041,78€ au titre de l'exigibilité immédiate de 7%.

Le 3 avril 2018, le tribunal de commerce d'ANTIBES a converti en liquidation judiciaire la procédure de redressement ouverte à l'égard de la SARL EVO.

Par jugement en date du 7 décembre 2018, le tribunal de commerce d' ANTIBES a, après avoir constaté la jonction des deux affaires, débouté la CAISSE DE CREDIT MUTUEL NICE AVENUE de toutes ses demandes et l'a en outre condamnée au paiement d'une somme de 500€ au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens.

Le tribunal a retenu l'existence d'une disproportion manifeste entre le montant de l'engagement garanti et le patrimoine et les revenus de la caution au sens de l'article L341-4 du code de la consommation et a prononcé la décharge de Monsieur [D] [N] de ses engagements de caution.

Par déclaration en date du 20 décembre 2018, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL NICE AVENUE a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions déposées et notifiées par le RPVA en date du 16 septembre 2019, auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé des motifs, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL NICE AVENUE demande à la cour de :

REFORMER le jugement rendu le 7 décembre 2018 par le tribunal de commerce d'ANTIBES en toutes ses dispositions

Et statuant à nouveau,

DECLARER recevable la présente action

CONSTATER que la demande de fixation de créance au passif de la société EVO ne fait l'objet d'aucune contestation

DIRE ET JUGER que le cautionnement solidaire de Monsieur [N] n'était pas disproportionné

En conséquence,

FIXER la créance de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL NICE AVENUE au passif de la procédure collective ouverte à l'encontre de la SARL EVO pour le montant des sommes suivantes:

14 882,56€ échu, outre intérêts à courir au taux de 3%, et majoration de trois points pour retard soit 6% l'an, depuis le 23 janvier 2018 (date du redressement judiciaire), jusqu'à parfait paiement

744,12€ au titre de l'indemnité de recouvrement de 5% (page 9 des conditions générales)

1 041,78€ au titre de l'indemnité d'exigibilité immédiate de 7%, (page 8 et 9 des conditions générales)

En conséquence,

CONDAMNER solidairement Monsieur [D] [N] au paiement de la somme de 14 479,38€ à parfaire des intérêts au taux majoré de 6% l'an, à compter du 27 juillet 2017 (date du dernier décompte) et ce jusqu'à parfait paiement au titre du prêt retracé en compte n°00020742102, outre la somme de 744,12€ au titre de l'indemnité de recouvrement de 5%

DEBOUTER Maître [R] [S] es qualité de la SARL EVO et Monsieur [D] [N] de toutes ses demandes, fins et conclusions.

CONDAMNER Monsieur [D] [N] au paiement de 2000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Sur la demande de fixation au passif de la société EVO

La CAISSE DE CREDIT MUTUEL NICE AVENUE fait valoir que le rejet par le tribunal de commerce de la demande de fixation de sa créance au passif de la société E.V.O ne fait l'objet d'aucune motivation tant en droit qu'en fait.

Elle relève, outre le fait que la motivation constitue une obligation légale prescrite à peine de nullité en vertu des articles 455 et 458 du code de procédure civile, que son absence est en contradiction avec les constatations faites par les premiers juges qui, en page 2 de leur jugement, ont indiqué que la CAISSE REGIONALE NICE AVENUE était parfaitement fondée conformément aux dispositions de l'article L622-22 du code de commerce à voir fixer sa créance au passif de la procédure de redressement judiciaire de la SARL EVO.

Elle en déduit que l'infirmation du jugement entrepris s'impose de ce chef et sollicite la fixation au passif de la société EVO de sa créance laquelle n'est contestable ni dans son principe ni dans son montant.

Elle souligne, au regard des conclusions de Maître [S] es qualité, qu'il n'existe aucune contestation quant au principe et à la nature de la créance qu'elle a régulièrement déclarée.

S'agissant de son quantum, elle relève que :

- le décompte communiqué dans le courrier de déchéance du terme du 8 juin 2017 relatif à la créance principale de 14 882,56€ n'a jamais été contesté par le débiteur;

-que la somme de 744,12€ correspond à une indemnité de recouvrement de 5% résultant de l'article 9 des conditions générales; que la jurisprudence citée par Maître [S] à l'appui de son affirmation quant à l'inopposabilité à la procédure collective de cette clause ne tend qu'à s'appliquer aux créances échues;

-que la créance de 1041,78€ au titre de l'indemnité d'exigibilité résulte de l'acte de prêt lequel stipule expressément une indemnité de 7% du capital dû à la date de la déchéance du terme; qu'en l'espèce cette déchéance est intervenue le 8 juin 2017 soit antérieurement à l'ouverture de la procédure collective; que le moyen de Maître [S] qui soutient que cette indemnité constituerait une clause pénale manifestement excessive et demande sa réduction à la somme de 1%, ne saurait prospérer; qu'en effet la réduction de la clause pénale est subordonnée à la preuve du caractère excessif de la pénalité laquelle n'est pas en l'espèce rapportée;

Sur l'engagement de caution de Monsieur [N]

Elle expose qu'en application de l'article L341-4 du code de la consommation visé par le tribunal de commerce et devenu l'article L332-1 du même code que l'engagement de caution doit être apprécié au moment de sa conclusion; qu'à cette date, l'engagement de caution de Monsieur [N] était proportionné à ses revenus; qu'il ressort de la fiche de renseignements remplie par ses soins qu'il disposait d'un salaire mensuel de 1000€, détenait également des parts dans la société EVO qui devait lui verser des dividendes et n'avait que peu de charges seul étant mentionné l'existence d'un prêt moto de 99€ par mois et dont l'échéance était proche; qu'il en résulte que Monsieur [N] pouvait parfaitement assumer des échéances mensuelles de 553,36€.

La CAISSE DE CREDIT MUTUEL NICE MAGNAN précise en outre que la caution est tenue à un devoir d'information et qu'elle ne peut se prévaloir d'informations qu'elle aurait omis de donner.

Elle relève que le moyen développé en défense par Monsieur [N] relatif à la majoration du taux d'intérêt et à l'indemnité de recouvrement de 5% dont il sollicite la réduction, n'a donné lieu à aucune motivation par le tribunal de commerce; que cette carence justifie à elle seule la réformation.

Elle conteste le caractère excessif de ces clauses dont la preuve n'est pas rapportée. Elle expose que le préjudice qu'elle a subi du fait des retards de paiement est indéniable et proportionné aux 3 points de majoration; qu'il en est de même s'agissant de l'indemnité de recouvrement de 5%; qu'elle a été contrainte d'engager cette procédure aux fins d'obtenir le recouvrement de sommes qui lui sont dues; que Monsieur [N] n'a jamais daigné procéder à un quelconque règlement alors que sa créance est en souffrance depuis 2017.

Par conclusions déposées et notifiées par le RPVA en date du 17 juin 2019, auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé des motifs, Maître [S] es qualité de liquidateur judiciaire de la société EVO, demande à la cour de:

Vu l'article L622-22 du code de commerce

Vu l'article 1152 du code civil

Vu les pièces versées aux débats

REFORMER le jugement rendu par le tribunal de commerce d'ANTIBES le 7 décembre 2018 en toutes ses dispositions

Et statuant à nouveau,

ADMETTRE la créance déclarée par la CAISSE DE CREDIT MUTUEL à titre chirographaire au passif de la liquidation judiciaire de la société EVO à la somme de 12 409,08€

DIRE ET JUGER que l'indemnité de recouvrement contrevient aux dispositions concernant la procédure de liquidation judiciaire

REJETER la créance déclarée à la CAISSE DE CREDIT MUTUEL au titre de l'indemnité de recouvrement

DIRE ET JUGER que l'indemnité d'exigibilité immédiate constitue une clause pénale au sens de l'article 1152 du code civil

REDUIRE en conséquence à la somme de 1€ l'indemnité d'exigibilité immédiate

CONDAMNER la CAISSE DE CREDIT MUTUEL NICE AVENUE au paiement de la somme de 2000€ en application des dispositions de l'article 700 du CPC

CONDAMNER la CAISSE DE CREDIT MUTUEL NICE AVENUE aux entiers dépens, de première instance et d'appel.

Sur la demande de fixation de créance

Maître [S], es qualité, relève que le tribunal de commerce saisi de la demande de fixation au passif de la société EVO, laquelle ne pouvait en application de l'article L622-22 faire l'objet d'une condamnation, a débouté la CAISSE DE CREDIT MUTUEL NICE AVENUE sans pour autant analyser le bien fondé de sa demande et motiver sa décision; que cette question doit être tranchée par la cour après infirmation du jugement entrepris.

Il relève que la CAISSE DE CREDIT MUTUEL NICE AVENUE a déclaré sa créance dans le délai de 2 mois prévu à l'article R622-24 du code de commerce par courrier recommandé en date du 7 mars 2018. Il n'en conteste ni le principe ni le caractère chirographaire mais sollicite la réduction de son quantum.

Sur la somme de 14 882,56€ outre intérêts au taux légal de 3% et majoration de trois points pour retard soit 6% l'an, depuis le 23 janvier 2018 jusqu'à parfait paiement.

Il expose qu'il ressort du tableau d'amortissement annexé au contrat de prêt qu'à la date du 8 juin 2017 correspondant à la déchéance du terme, le capital restant dû était de 9 198,70€ et non de 11 080,29€ comme stipulé par la banque dans son courrier; que sauf à démontrer qu'un nouveau tableau d'amortissement a été établi, seule la somme de 12 409,08€ soit 9198,70€ + 3210,38 au titre des échéances impayées, pourra être fixée au passif.

Sur la somme de 744,12€ au titre de l'indemnité de recouvrement

Il relève que l'indemnité de 5% réclamée et qui résulte des conditions générales du contrat de prêt est destinée à indemniser la banque de ses frais de recouvrement ou de production en cas d'ouverture d'une procédure collective; que cette indemnité forfaitaire, calculée sur l'ensemble des obligations, revient à aggraver artificiellement les obligations du débiteur du seul fait de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire; qu'il a été jugé par la cour d'appel de Lyon qu'une telle indemnité était inopposable à la procédure collective en ce qu'elle contrevenait à l'interdiction résultant des articles L622-13 et L631-14 du code de commerce, d'aggraver les obligations du débiteur du seul fait de sa mise en redressement judiciaire.

Sur la somme de 1041,78€ au titre de l'indemnité d'exigibilité immédiate de 7%

Il fait valoir que cette indemnité s'apparente à une clause pénale susceptible d'être réduite en application de l'article 1152 du code civil et s'associe à la position du dirigeant qui estime qu'elle doit être réduite à 1 euro.

Sur l'engagement de cautionnement

La liquidation judiciaire de la société EVO n'étant pas concerné par les conséquences résultant de la validité ou non de l'acte de cautionnement, Maître [S] indique ne pas vouloir s'associer à la thèse de l'une ou l'autre des parties.

Il rappelle cependant que le droit à répartition de la caution qui bénéficierait du recours subrogatoire ne pourrait intervenir que dans la limite de l'acte disponible et suivant l'ordre des créanciers.

Par conclusions déposées et notifiées par le RPVA en date du 14 juin 2019, auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé des motifs, Monsieur [D] [N], demande à la cour, au visa des articles L622-22 et L641-3 du code de commerce, L313-22 et L341-4 du code de la consommation, 1152, 2290 et 2313 du code civil, de:

CONFIRMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions

Et, en tant que de besoin

A TITRE PRINCIPAL

CONSTATER au besoin DIRE ET JUGER que le cautionnement souscrit le 10 octobre 2014 était lors de sa souscription manifestement disproportionné à ses biens et revenus

CONSTATER au besoin DIRE ET JUGER que la CAISSE DE CREDIT MUTUEL NICE AVENUE ne rapporte pas la preuve de ce que son patrimoine lui permettrait de faire face aux demandes présentées en exécution de l'acte de cautionnement souscrit le 10 octobre 2014

DIRE ET JUGER en conséquence que la CAISSE DE CREDIT MUTUEL NICE AVENUE ne peut se prévaloir à son encontre du cautionnement du 10 octobre 2014

DEBOUTER en conséquence la CAISSE DE CREDIT MUTUEL NICE AVENUE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions telles que procédant de l'exécution du cautionnement du 10 octobre 2014

A TITRE SUBSIDAIRE

CONSTATER que si la société EVO a cessé de procéder au règlement de sa créance à la date du 5 décembre 2016, la créance de capital restant dû à fixer au passif de la société EVO ne peut être supérieure à la somme de 12 353,22€

RAPPELER en conséquence qu'en application des dispositions de l'article 2290 du code civil que le cautionnement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur

CONSTATER au besoin DIRE ET JUGER que la CAISSE DE CREDIT MUTUELLE NICE AVENUE ne rapporte pas la preuve d'avoir procéder à l'information annuelle de la caution sur la portée de son engagement

PRONONCER la déchéance du droit aux intérêts conventionnels et aux intérêts majorés de 6%

CONSTATER au besoin DIRE ET JUGER que l'indemnité de résiliation conventionnellement stipulée à hauteur de 5% constitue une clause pénale manifestement excessive

REDUIRE en conséquence à la somme de 1€ la somme due au titre de l'indemnité de résiliation

CONSTATER au besoin DIRE ET JUGER que l'indemnité d'exigibilité immédiate de 7% constitue une clause pénale manifestement excessive

REDUIRE en conséquence à la somme de 1€ la somme due au titre de l'indemnité d'exigibilité immédiate

A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE

CONSTATER au besoin DIRE ET JUGER que la clause de majoration des intérêts contractuels, telles que figurant au prêt du 10 octobre 2014 constitue une clause pénale manifestement excessive

REDUIRE en conséquence à 0,01 point la majoration du taux d'intérêts conventionnel

DANS TOUS LES CAS

CONDAMNER la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE NICE AVENUE au paiement à son profit d'une somme de 3000€ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

LA CONDAMNER aux entiers dépens de l'instance

A titre principal, le rejet des demandes de condamnation

Le caractère disproportionné du cautionnement

Monsieur [N] sollicite la confirmation du jugement entrepris faisant valoir, sur le fondement des dispositions de l'article L341-4 du code de la consommation, que l'engagement de caution qu'il a pris en octobre 2014 était, à la date de sa souscription manifestement disproportionné aux regard de ses biens et revenus; qu'il s'est en effet engagé à garantir une somme de 30 000€ pour une durée de 72 mois; qu'à cette époque ses revenus annuels étaient de 0 euro; qu'il n'était d'ailleurs pas imposable; que la simple consultation des avis d'imposition par la CAISSE DU CREDIT MUTUEL DE NICE AVENUE lui aurait permis de se rendre compte que l'engagement de caution était disproportionné.

Il ajoute que la lecture de la fiche de renseignements aboutit au même constat son engagement représentant 30 fois le revenu mensuel précisé dans l'engagement ainsi que plus du double de son revenu annuel.

Il précise qu'au jour de son engagement il ne disposait d'aucun patrimoine immobilier qui lui aurait permis de faire face à son engagement et ne percevait aucun salaire pour ses fonctions de gérant. Il ajoute qu'aucune distribution de dividendes n'est intervenue en 2013, 2014, 2015 et 2016.

L'impossibilité de faire face à l'engagement

Monsieur [N] soutient qu'il est de jurisprudence constance qu'il incombe au créancier professionnel qui entend se prévaloir d'un contrat de cautionnement manifestement disproportionné lors de sa conclusion aux biens et revenus de la caution, personne physique, d'établir qu'au moment où il l'appelle, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation.

Il indique être à ce jour sans emploi et sans revenu.

A titre subsidiaire, la limitation des condamnations

Sur le montant principal

Il expose qu'il s'évince des dispositions des articles 2290 et 2313 du code civil qu'il est parfaitement fondé à faire état des exceptions inhérentes à la dette appartenant à la société EVO dès lors que la créance déclarée au passif de cette dernière n'a fait l'objet d'aucune décision d'admission dans le cadre de la procédure collective qui n'est d'ailleurs pas clôturée.

Concernant le montant principal de la créance, il indique qu'à la date du 8 juin 2017, date de la déchéance du terme, la somme restant due était selon le tableau d'amortissement de 9 198,70€; que si la société EVO était à cette même date redevable de 6 mensualités, le montant du capital restant dû au 5 décembre 2016 était donc de 12 353,22€.

Sur l'absence de preuve de l'information de la caution

Il fait valoir que la CAISSE DE CREDIT MUTUEL NICE AVENUE ne rapporte pas la preuve qu'elle s'est acquittée de son obligation d'information annuelle sur la portée de l'engagement de la caution conformément aux dispositions de l'article L313-22 du code monétaire et financier ; que dans ses conditions, elle ne pourra qu'être déchue du droit aux intérêts conventionnels.

Sur l'indemnité de recouvrement

Il fait valoir que la clause de recouvrement indemnitaire visée par l'appelante est constitutive d'une clause pénale et se trouve par suite éligible à l'application des dispositions de l'article 1152 du code civil relatives au pouvoir modérateur du juge.

Elle soutient que l'indemnité de résiliation de 5% est manifestement excessive par rapport au préjudice effectivement subi par la banque et sollicite sa réduction à la somme de 1€.

Sur l'indemnité d'exigibilité immédiate

Il fait valoir que la clause d'exigibilité immédiate, outre qu'elle fait double emploi avec l'indemnité de recouvrement, est également constitutive d'une clause pénale manifestement excessive par rapport au préjudice de la banque. Il sollicite sa réduction à la somme de 1€.

A titre infiniment subsidiaire, sur la majoration des intérêts

Il expose que, par application d'une jurisprudence constante, la clause contenue dans le contrat de prêt prévoyant une majoration des intérêts en cas de d'impayé a pour effet de sanctionner le défaut ou le retard de paiement, qui constitue un manquement dans l'exécution de ses obligations par l'emprunteur, a pour finalité de réparer le préjudice causé par ce manquement et constitue une clause pénale susceptible de réduction par le juge si elle est manifestement excessive, ce qui est le cas en l'espèce.

La SARL EVO assignée par remise à personne morale le 5 juillet 2019 n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 mai 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la fixation de la créance au passif de la SARLU E.V.O

Il résulte des dispositions de l'article L622-22 du code de commerce que sous réserve des dispositions de l'article L625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à fixation de leur montant.

La CAISSE DE CREDIT MUTUEL NICE AVENUE, qui avait introduit une action le 25 septembre 2017 aux fins de condamnation solidaire de la SARLU E.V.O et de Monsieur [N], a, en suite de l'ouverture le 23 janvier 2018 d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de ladite société, régulièrement déclaré sa créance le 7 mars 2018 entre les mains de Maître [S] qu'elle a appelé en la cause.

La CAISSE DE CREDIT MUTUEL NICE AVENUE est donc bien fondée à demander la fixation de sa créance au passif de la procédure collective de la société E.V.O.

Il y a lieu de constater que le tribunal de commerce d'ANTIBES, saisi de cette demande, l'a rejetée sans l'examiner.

La décision entreprise sera réformée de ce chef.

La créance déclarée par la CAISSE DE CREDIT MUTUEL NICE AVENUE, qui ne fait l'objet d'aucune discussion quant à son principe et à sa nature, est contestée dans son quantum.

Sur le principal

Il est établi que la déchéance du terme a été fixée au 8 juin 2017.

Il résulte des pièces produites, et notamment du tableau d'amortissement prévisionnel annexé au contrat de prêt, que le capital restant dû au 5 juin 2017 était de 9 198,70 €.

Il n'est pas contesté que les échéances impayées représentent une somme de 3210,38€.

La CAISSE DE CREDIT MUTUEL NICE AVENUE ne justifie pas de sa demande de surplus.

Il en résulte que la somme due par le débiteur défaillant au titre de impayés échus est de 12 409,08€.

Les conditions générales annexées au contrat de prêt et paraphées par le débiteur prévoient, en page 6 sous la rubrique « retards », une majoration du taux d'intérêts de trois points en cas de non respect par l'emprunteur de l'une quelconque des échéances de remboursement ou l'une quelconque des échéances en intérêts, frais et accessoires.

Il convient en conséquence de fixer la créance échue de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL NICE AVENUE au passif de la société E.V.O à la somme de 12 409,08€ outre intérêts à courir au taux de 3% et majoration de trois points de retard, soit 6% l'an, depuis le 23 janvier 2018, date du redressement judiciaire

Sur l'indemnité de recouvrement de 5%

Les conditions générales du contrat de prêt stipulent en page 9 sous la rubrique « indemnité de recouvrement » que si le prêteur se trouve dans la nécessité de recouvrer sa créance par les voies judiciaires ou autres, l'emprunteur aura à payer une indemnité de 5% des montants dus et que cette indemnité sera également due si le prêteur est tenu de produire un ordre de distribution judiciaire quelconque, notamment en cas de redressement judiciaire.

Il n'est pas contestable en l'espèce, du fait de la défaillance du débiteur ayant entraîné la déchéance du terme et ce avant l'ouverture de la procédure collective, que les conditions d'application de la clause relative à l'indemnité de recouvrement étaient réunies.

La CAISSE DE CREDIT MUTUEL NICE AVENUE est donc bien fondée à solliciter la fixation de sa créance au titre de l'indemnité de recouvrement au passif de la procédure collective de la société débitrice.

Par application de la convention, cette somme doit être fixée à 5% du montant du soit

620,45€.

Sur l'indemnité d'exigibilité immédiate de 7%

Les conditions générales annexées au contrat de prêt et paraphées par le débiteur stipulent , en pages 8 et 9 sous l'intitulé «exigibilité immédiate », que dans tous les cas prévus, dont la défaillance du débiteur, le prêteur aura droit à une indemnité de 7% du capital restant dû à la date de déchéance du terme.

Ainsi en application de la convention, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL NICE AVENUE peut prétendre à une indemnité de 868,63€.

Maître [S] soutient que cette indemnité est constitutive d'une clause pénale manifestement excessive et pouvant dès lors être soumise au pouvoir modérateur du juge.

Il appert que la clause objet du litige s'analyse en une clause pénale en ce qu'elle prévoit, dès la signature du contrat, une évaluation forfaitaire et conventionnelle du futur préjudice du prêteur en cas de défaillance du débiteur.

L'article 1152 ancien du code civil, applicable aux faits de l'espèce, pose pour principe que le juge peut toujours, même d'office augmenter ou modérer le montant de la clause pénale si elle est manifestement dérisoire ou excessive.

Il n'apparaît pas en l'espèce que la pénalité prévue soit manifestement excessive au regard du préjudice subi par le créancier.

Il convient en conséquence de fixer au passif de la société E.V.O la somme de 868,63€ au titre de l'indemnité d'exigibilité immédiate.

Sur la caution

Conformément à l'article L341-1 devenu l'article L332-1 du code de la consommation, le créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où elle est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

La charge de la preuve du caractère disproportionné repose sur la caution à laquelle la banque ne peut reprocher sa déloyauté si elle n'a pas pris la précaution de lui faire remplir une fiche patrimoniale attestant qu'elle s'est renseignée sur le caractère proportionné de l'engagement souscrit.

En l'espèce, il est produit un document intitulé « fiche patrimoniale caution » signé par Monsieur [D] [N] le 10 octobre 2014.

Selon cette fiche de renseignements, Monsieur [N] - qui se déclarait locataire n'ayant ni patrimoine immobilier ni financier - percevait un salaire mensuel de 1000€. Il assumait en outre le remboursement d'un prêt moto auprès de la Caisse d'Epargne à hauteur de 99€ par mois. Il n'était fait état d'aucune charge.

Monsieur [N] soutient, nonobstant le fait qu'il a attesté de l'exactitude et de la sincérité des informations portées dans ce document, que ses revenus étaient en réalité inexistants à la date de son engagement.

En tout état de cause, l'engagement de Monsieur [N] à garantir en qualité de caution solidaire un prêt professionnel pour un montant de 25 000€ remboursable en 48 mensualités de 553,36€ au taux d'intérêt de 3,00% l'an assorti d'un taux effectif global de 3,95730% l'an, apparaît disproportionné au regard de son revenu déclaré de 1000€ par mois, de l'existence d'un prêt remboursable par échéances mensuelles de 99€ et de l'absence de patrimoine immobilier.

Il ne résulte pas des éléments produits que le patrimoine actuel de Monsieur [N] lui permette de faire face à son obligation.

C'est donc à juste titre que le tribunal de commerce d'ANTIBES a, après avoir constaté cette disproportion, prononcé la décharge de Monsieur [N] de ses engagements de caution et débouté LA CAISSE DE CREDIT MUTUEL NICE AVENUE de ses demandes à l'encontre de [D] [N].

Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris de ce chef.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dépens seront laissés à la charge de Maître [R] [S] es qualité de liquidateur judiciaire de la société E.V.O.

Compte tenu des circonstances de l'espèce, aucune considération d'équité n'impose de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de l'une quelconque des parties.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et mis à disposition au greffe

CONFIRME le jugement du tribunal de commerce d'ANTIBES du 7 décembre 2018 en ce qu'il a débouté la CAISSE DE CREDIT MUTUEL NICE AVENUE de toutes ses demandes à l'encontre de Monsieur [D] [N]

L'INFIRME pour le surplus

Et statuant à nouveau

FIXE la créance de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL NICE AVENUE au passif de la procédure collective ouverte à l'encontre de la société EVO pour le montant des sommes suivantes:

- 12 409,08€ échu, outre intérêts à courir au taux de 3%, et majoration de trois points pour retard soit 6% l'an, depuis le 23 janvier 2018 (date du redressement judiciaire), jusqu'à parfait paiement

- 620,45€ au titre de l'indemnité de recouvrement de 5%

- 868,63€ au titre de l'indemnité d'exigibilité immédiate de 7%

DIT N'Y AVOIR LIEU à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE Maître [R] [S], es qualité, aux dépens

LA GREFFIERELA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-2
Numéro d'arrêt : 18/20162
Date de la décision : 29/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-29;18.20162 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award