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29/09/2022 | FRANCE | N°18/17321

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-2, 29 septembre 2022, 18/17321


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-2



ARRÊT AU FOND

DU 29 SEPTEMBRE 2022



N° 2022/443













Rôle N° RG 18/17321 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDI2X







[S] [X] épouse [H]





C/



[V] [C]

[F] [O]















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Philippe BRUZZO



Me Alexandra BOISRAME











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Décision déférée à la Cour :



Ordonnance du Juge commissaire de FREJUS en date du 29 Octobre 2018 enregistrée au répertoire général sous le n° 2008001433.





APPELANTE



Madame [S] [X] épouse [H]

Prise en sa qualité de gérante de la société SARL 36 NEUF, société faisant l'objet d'une liquidation jud...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-2

ARRÊT AU FOND

DU 29 SEPTEMBRE 2022

N° 2022/443

Rôle N° RG 18/17321 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDI2X

[S] [X] épouse [H]

C/

[V] [C]

[F] [O]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Philippe BRUZZO

Me Alexandra BOISRAME

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du Juge commissaire de FREJUS en date du 29 Octobre 2018 enregistrée au répertoire général sous le n° 2008001433.

APPELANTE

Madame [S] [X] épouse [H]

Prise en sa qualité de gérante de la société SARL 36 NEUF, société faisant l'objet d'une liquidation judiciaire

née le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 5], demeurant [Adresse 9]

représentée par Me Philippe BRUZZO de la SELAS BRUZZO / DUBUCQ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Etienne FEILDEL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant

INTIMES

Monsieur [V] [C]

né le [Date naissance 2] 1965 à [Localité 8] (Algerie), demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Alexandra BOISRAME, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Johanna CANO, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée de Me Juliette BAYLE, avocat au barreau de PARIS, plaidant

Maître [F] [O]

Es qualité de « Mandataire liquidateur » de la « SARL 36 NEUF »

demeurant [Adresse 3]

défaillante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Agnès VADROT, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Michèle LIS-SCHAAL, Président de chambre

Madame Muriel VASSAIL, Conseiller

Madame Agnès VADROT, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Chantal DESSI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Septembre 2022.

ARRÊT

réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Septembre 2022

Signé par Madame Michèle LIS-SCHAAL, Président de chambre et Madame Chantal DESSI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

La SARL 36 NEUF a été constituée le 29 novembre 2007 entre Monsieur [G] [H] et Madame [S] [X] épouse [H], chacun d'eux détenant 45% du capital social, et Monsieur [V] [C] détenant les 10% restants.

Elle avait pour activité l'acquisition des parcelles de terrain à construire, la construction sur ces terrains de villas, la vente en totalité ou fractionnée des villas construites, avant et/ou après leur achèvement et la location des villas.

Selon promesse de vente du 7 novembre 2007, la société Champ de la Foux s'est engagée à vendre à la société 36 NEUF , 6 terrains à bâtir dépendant du lotissement dénommé « [Localité 7] » situé à [Localité 6] au prix de vente de 2 300 000€.

Monsieur [C] a versé sur son compte courant d'associé la somme de 1 550 000€.

Par acte authentique du 15 janvier 2008, la société 36 NEUF a acquis les terrains concernés et s'est engagé à y réaliser 6 villas dans les 4 ans de la signature de l'achat soit avant le 15 janvier 2012.

Le programme de construction n'a pas été finalisé dans les délais, trois des constructions projetées sur les terrains acquis n'ayant pas été édifiées.

Entre autres procédures, Monsieur [V] [C] a, par acte du 18 avril 2014, fait assigner la société 36 NEUF devant le juge des référés du tribunal de commerce de Fréjus aux fins notamment de la voir condamner à lui rembourser la somme de 1 550 000€ au titre de son compte courant et la somme de 240 280€ au titre des intérêts.

Par arrêt en date du 24 septembre 2015, la cour d'appel d'Aix en Provence, saisie de l'appel formé par Monsieur [V] [C] de l'ordonnance du juge des référés qui l'avait invité à mieux se pourvoir, a notamment condamné la société 36 NEUF à payer à ce dernier la somme de 1 550 000€ à titre provisionnel en remboursement de son compte courant d'associé, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 4 décembre 2013, et a ordonné la capitalisation des intérêts par application de l'article 1154 du code civil.

Les commandements de payer que Monsieur [C] a fait délivrer les 27 novembre 2015, 26 février 2016 et 27 juin 2016 à la société 36 NEUF sont restés sans effet.

Par jugement en date du 16 janvier 2017, le tribunal de commerce de Fréjus a ouvert à l'égard de la société 36 NEUF une procédure de redressement judiciaire suivie, le 20 mars 2017, d'une procédure de liquidation judiciaire.

En date du 20 février 2017, Monsieur [C] a déclaré une créance d'un montant de 1 791 055,66€ auprès de Maître [O], mandataire judiciaire.

Par courrier daté du 22 février 2018, Maître [O] a informé Monsieur [C] de la contestation de sa créance par la société débitrice.

Par ordonnance en date du 29 octobre 2018, le juge commissaire du tribunal de commerce de FREJUS, saisi de la contestation, a admis la créance déclarée par Monsieur [C] à titre chirographaire à hauteur de 1 550 000€, rejetant la demande du débiteur de surseoir à statuer dans l'attente que soit fixé le montant de sommes demandées en réparation du préjudice de la société et devant faire l'objet d'une compensation, au motif qu'il ne peut y avoir de compensation entre une somme certaine, liquide et exigible et une somme par ailleurs non connexe, non certaine et non exigible.

Par déclaration en date du 31 octobre 2018, Madame [S] [X] épouse [H] a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions déposées et notifiées par le RPVA en date du 6 mai 2022, auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé des motifs, Madame [S] [X] épouse [H] demande à la cour de :

Vu les dispositions des articles L622-27, L624-2, L624-3, L631-18, L641-14, L643-1 et R624-4, R624-5 du code de commerce

Vu les dispositions de l'article 488 du code de procédure civile

Vu les dispositions de l'article 1134 alinéa 3 ancien du code civil

Vu le théorie de l'abus de droit

Vu les pièces versées aux débats

DIRE ET JUGER recevable sa contestation de créance en qualité de gérante de la SARL 36 NEUF

Partant sur le fond

A titre principal

Sur l'absence de créance détenue par Monsieur [C]

DIRE ET JUGER que Monsieur [C] ne justifie pas avoir effectué le virement

d'une somme d'argent d'un montant de 1 500 000 euros au profit de la société 36 NEUF, les éléments démontrant au contraire que ce serait le fonds de pension MONTPELLIER TAX PLANNING qui aurait versé les fonds;

DIRE ET JUGER que Monsieur [V] [C] n'est titulaire d'aucune créance à l'encontre de la société 36 NEUF

Sur le caractère erroné de la déclaration de créance

DIRE ET JUGER en tout état de cause que Monsieur [C] ne pourrait tout au plus qu'être titulaire d'une créance d'obligation de faire, en ce qu'il était prévu entre les parties que le remboursement se ferait par une dation en paiement, via le transfert de propriété d'une villa

CONSTATER en l'espèce que Monsieur [C] ne précise pas dans sa déclaration de créance que la créance déclarée serait fondée sur des dommages et intérêts en raison de l'inexécution d'une obligation de faire.

DIRE ET JUGER qu'en raison du comportement fautif de Monsieur [C], la société 36 NEUF se trouve titulaire d'une créance à son encontre d'une créance de dommages-intérêts d'un montant minimal de 2 112 628€, eu égard notamment à la dégradation de la valeur des actifs ce qui justifierait a minima une compensation a due concurrence de la créance déclarée.

En conséquence,

INFIRMER l'ordonnance rendue le 29 octobre 2018 par Monsieur le juge commissaire près le tribunal de commerce de FREJUS en ce qu'il a admis la crance déclarée par Monsieur [V] [C] au passif de la SARL 36 NEUF à titre chirographaire pour un montant de 1 550 000€

Statuant à nouveau

REJETER du passif de la société 36 NEUF la créance déclarée par Monsieur [V] [C] à hauteur de 1 500 000€

A titre reconventionnel

Sur les fautes commises par Monsieur [C] et la compensation à retenir

DIRE ET JUGER que Monsieur [C] a commis un abus de droit dans l'exécution du contrat de société

DIRE ET JUGER que Monsieur [C] a commis un abus de minorité en adoptant une attitude contraire à l'intérêt de la société et ce dans le seul objectif de prendre le contrôle de celle-ci caractéristique d'un abus de minorité

DIRE ET JUGER que Monsieur [C] a, du fait de son comportement fautif, fait perdre une chance à la société 36 NEUF d'avoir pu valoriser les biens immobiliers lui appartenant à un meilleur prix

En conséquence

CONDAMNER Monsieur [V] [C] à payer à la société 36 NEUF la somme de 2 462 628€ au titre du préjudice du fait des agissements précités

ORDONNER le cas échéant la compensation entre les créances

A titre subsidiaire

DIRE ET JUGER qu'il existe des contestations sérieuses portant sur la créance déclarée par Monsieur [V] [C] au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société 36 NEUF, et qu'en conséquence, la discussion qui s'élève dépasse l'office du juge juridictionnel du juge commissaire statuant en matière de vérification et d'admission des créances et partant, dépasse l'office de la Cour de Céans

CONSTATER à ce titre qu'une instance est en cours devant le tribunal de commerce de FREJUS enrôlée sous le numéro 2019 000920, laquelle a vocation à trancher la problématique des créances entre les parties

En conséquence

SURSEOIR A STATUER sur l'admission de la créance dans l'attente de l'issue de la procédure devant le tribunal de commerce de FREJUS enrôlée sous le numéro 2019 000920

En tout état de cause

DEBOUTER Monsieur [C] de toutes ses demandes, fins et conclusions

CONDAMNER Monsieur [V] [C] à payer à Madame [S] [H] es qualités de gérante de la société 36 NEUF la somme de 10 000€ de dommages et intérêts pour abus de droit d'agir

CONDAMNER Monsieur [V] [C] aux entiers dépens

A titre principal, sur le rejet de la créance pour défaut de qualité de créancier de Mousieur [V] [C]

L'appelante fait valoir qu'ayant la charge de la preuve, Monsieur [C] ne pourra être dispensé de produire les justificatifs prouvant l'existence et le montant de sa créance rappelant qu'une simple ordonnance de référé ou un arrêt rendu sur appel d'une ordonnance de référé ne peut constituer un titre dispensant le créancier de ces justifications dès lors que ces décisions n'ont pas autorité de la chose jugée au principal.

Elle relève que Monsieur [C] s'obstine à refuser la production de tels justificatifs en dépit des indices laissant à penser que le prêt en cause émanerait en réalité de la société MONTPELLIER TAX PLANNING et soutient que Monsieur [C] a constitué un trust géré par son conseiller Monsieur [Y] à qui il a ordonné de virer une somme de 1 550 000€ de son compte personnel à la fiducie, vers à nouveau son compte personnel pour être ensuite reversé sur le compte de la SARL 36 NEUF.

Elle fait valoir qu'aucun élément adressé par Monsieur [C] ne permet de s'assurer qu'il a directement versé à la société 36 NEUF une somme en compte courant d'associé; que ce dernier étant incapable de justifier de l'origine des fonds dont il se dit créancier ne pourra qu'être débouté de sa demande.

Sur le rejet de la créance en raison du caractère erroné de la déclaration

Madame [S] [X] épouse [H] indique qu'il est de jurisprudence ancienne que le créancier d'une obligation de faire doit déclarer, en cas d'ouverture d'une procédure collective à l'égard de son débiteur, au passif de la procédure une somme correspondant aux dommages et intérêts dus en raison de l'inexécution de ladite obligation de faire.

Elle affirme qu'en l'espèce les associés s'étaient entendus sur les conditions de fonctionnement de l'apport en compte courant et avaient passé une convention, constatée par procès verbal d'assemblée générale du 15 décembre 2007, prévoyant expressément qu'une fois l'activité immobilière réalisée, à savoir la construction des six villas, la propriété de la villa n°5 serait transférée à Monsieur [C] par la société 36 NEUF; qu'il s'agissait donc d'un remboursement de compte courant d'associé par voie de dation en paiement.

Elle ajoute que la réalité de cet accord ne peut être contesté par Monsieur [C] qui en a fait état dans plusieurs courriels ainsi que dans ses écritures devant le juge des référés, et qui a toujours et de façon sournoise refusé de communiquer cette convention en dépit des nombreuses demandes qui lui ont été adressées en ce sens.

Elle soutient que faute d'avoir déclaré au passif une créance de dommages et intérêts, la déclaration de créance de Monsieur [C] ne pourra qu'être rejetée.

A titre reconventionnel, sur la responsabilité de Monsieur [C]

Madame [S] [X] épouse [H] soutient que Monsieur [C] a eu une attitude contraire à l'intérêt de la société, mettant en place une stratégie ayant pour seul objectif la prise de contrôle de celle-ci constitutive d'un abus de minorité.

Elle fait valoir que cette attitude a eu pour conséquence directe d'entraîner le prononcé de la liquidation judiciaire de la société 36 NEUF; que la vente de ses biens qui interviendra dans le cadre de la procédure collective, se fera à un prix inférieur à celui du marché; que la société subit donc un grave préjudice du fait de la perte de chance de valoriser son patrimoine à meilleur prix.

Elle précise que la société 36 NEUF a assigné Monsieur [C] devant le tribunal de commerce de FREJUS aux fins d'obtenir l'indemnisation de son préjudice lequel peut d'ores et déjà être fixé à la somme de 2 462 628€ soit 670 000€ et 1 100 000€ au titre de la décote de prix de vente des terrains et de la villa du fait de l'ouverture de la liquidation judiciaire provoquée par les agissements de Monsieur [C], 353 868€ au titre des frais liés à la procédure collective et 338 760€ au titre du préjudice moral.

Elle demande à la cour, au regard du lien de causalité existant la faute de Monsieur [C] et le préjudice subi par la société, de condamner ce dernier à payer à la société 36NEUF la somme de 2 462 628€.

Subsidiairement, sur le dépassement de l'office juridictionnel du juge commissaire et de la cour d'Appel

L'appelante fait valoir que si par extraordinaire la cour venait à reconnaître la qualité de créancier de Monsieur [C], elle ne pourra que se déclarer incompétente pour trancher les questions qui lui sont soumises dans la mesure où elles dépassent son office juridictionnel, le juge commissaire ne pouvant connaître des contestations sérieuses qui s'élèvent à l'occasion de la vérification du passif.

Elle rappelle que Monsieur [C] est dans l'impossibilité de rapporter la preuve de l'existence d'une quelconque créance à l'égard de la société 36 NEUF; que c'est en définitive le fonds de pension MONTPELLIER TAX PLANNING qui doit être regardé comme ayant investi la somme de 1 550 500€ dans la société 36 NEUF; qu'il existe donc une contestation sérieuse portant sur l'existence même de la créance et de sa titularité.

Elle ajoute que la demande reconventionnelle qu'elle a formée de voir Monsieur [C] condamné au paiement de dommages et intérêts va indéniablement impacter le montant de la créance, objet de la contestation et constitue une contestation sérieuse.

Elle en déduit que le juge commissaire aurait du surseoir à statuer eu égard à la contestation sérieuse portant sur l'existence et sur le montant de la créance.

Elle rappelle que le tribunal de commerce de FREJUS a été saisi par la société 36 NEUF d'une demande d'indemnisation de son préjudice et précise qu'il a, par jugement du 20 janvier 2020, ordonné un sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure devant la cour d'appel de céans.

Elle sollicite un sursis à statuer dans l'attente de la procédure initiée devant le tribunal de commerce de FREJUS.

Par conclusions déposées et notifiées par le RPVA en date du 25 mai 2022, auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé des motifs, Monsieur [V] [C] demande à la cour de :

Vu l'article L624-2 du code de commerce

Vu les articles 480 et 700 du code de procédure civile

Vu la jurisprudence citée

Vu les pièces versées aux débats

A TITRE PRINCIPAL

DEBOUTER Madame [S] [H] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions et notamment de la demande d'incompétence du juge commissaire

JUGER qu'il est créancier de la SARL 36 NEUF au titre de son apport en compte courant

CONFIRMER l'ordonnance rendue le 29 octobre 2018 par Monsieur le Juge commissaire de la procédure collective de la société 36 NEUF près le tribunal de commerce de FREJUS en ce qu'il a admis la créance qu'il a déclarée au passif de la SARL

INFIRMER quant au quantum de la créance allouée

ET STATUANT A NOUVEAU

JUGER que l'intégralité de la créance d'un montant de 1 791 055,66€ qu'il a déclarée doit être admise, en ce compris les intérêts et le caractère privilégié de la créance

JUGER que la créance d'un montant de 1 791 055,66€ qu'il a déclarée est certaine, liquide et exigible et a été ratifiée par un arrêt rendu le 24 septembre 2015 par la cour d'appel d'Aix en Provence devenu définitif

CONSTATER le caractère exécutoire de l'arrêt rendu le 24 septembre 2015 par la cour d'appel d'Aix en Provence

JUGER qu'il n'y a en conséquence aucune contestation sérieuse dans l'admission de la créance d'un montant de 1 791 055,66€ déclarée par Monsieur [C] au passif de la procédure collective ouverte à l'encontre de la société 36 NEUF

En conséquence

ORDONNER l'admission de la créance déclarée suivant déclaration de créance du 20 février 2017 pour un montant de 1 791 055,66€ à titre privilégié au passif de la procédure de redressement judiciaire convertie en liquidation judiciaire le 20 mars 2017 à l'encontre de la société 36 NEUF

En tout état de cause

CONDAMNER Madame [S] [H] à lui payer la somme de 10 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Sur sa qualité de créancier

Monsieur [C] expose avoir versé en compte courant à la société 36 NEUF la somme de 1 550 000€ selon deux virements en date des 14 novembre 2007 et 8 janvier 2008, effectués à sa demande par la société générale Private Banking au sein de laquelle étaient hébergés ses comptes.

Il expose que la société MONTPELLIER TAX PLANNING est un fonds de pension choisi par la société GFI, son ancien employeur, dans l'intérêt de ses employés anglais et extra territoriaux et qu'il a choisi de récupérer cet argent dont il était le bénéficiaire et de le transmettre sur son compte bancaire auprès de la société générale dont la société générale Hambros est la banque privée.

Il relève qu'au moment du versement des fonds, aucune contestation n'a été émise quant à leur provenance et qu'en tout état de cause si une infraction de fraude fiscale ou de blanchiment était constituée elle relèverait de la juridiction pénale.

Il demande à la cour de reconnaître sa qualité de créancier.

Sur le caractère infondée de l'argument tenant au non respect de ses engagements d'associés

Il conteste l'affirmation de l'appelante selon laquelle sa créance ne serait pas exigible en raison d'un accord conclu entre les parties prévoyant le remboursement de son compte courant par voie d'une dation en paiement, ce qui le rendrait seulement titulaire d'une créance d'une obligation de faire à l'encontre de la société 36 NEUF.

Il soutient qu'aucune convention de cette nature n'a été régularisée entre les associés soulignant non seulement que le PV de l'AG du 15 septembre 2007 produit par Madame [H] n'est pas revêtu de sa signature mais encore que la condition qui y était visée à savoir l'achèvement des travaux de construction des villas n'a jamais été remplie.

Il demande à la cour d'écarter cet argument.

Sur l'autorité de la chose jugée attachée à la créance déclarée au passif de la procédure

Il rappelle que sa créance a été reconnue judiciairement par un arrêt rendu par la cour d'appel d'Aix en Provence du 24 septembre 2015; que le caractère exécutoire de droit des décisions rendues en référé oblige le mandataire liquidateur et le juge commissaire, en l'absence de recours suspensif d'exécution, à admettre la créance.

Sur l'ineffectivité de l'argumentation relative à sa responsabilité

Monsieur [C] relève la mauvaise foi de l'appelante qui tente d'invoquer l'existence d'un abus de droit lequel justifierait le refus de remboursement complet et immédiat de son apport et une condamnation à des dommages et intérêts.

Il rappelle à cet égard qu'il a été jugé que les époux [H] avaient commis un abus de majorité en refusant de voter l'augmentation de capital indispensable à la survie de la société et qu'ils ont été condamnés à payer à la société 36 NEUF la somme de 468 716€ au titre des salaires illégalement prélevés sans autorisation et ayant abouti à la faillite.

Il soutient que ce débat sur sa responsabilité est non fondé mais également en dehors du sujet de la présente procédure.

Subsidiairement, sur la compétence du juge commissaire et de la cour d'appel

Il soutient qu'il n'existe aucune contestation sérieuse puisque la créance déclarée au passif de la procédure a été ratifiée et validée par un arrêt de la cour d'appel d'Aix en Provence le 24 septembre 2015 devenu aujourd'hui définitif, ce qui implique qu'aucun débat au fond ne s'élève sur l'exigibilité de cette créance.

Subsidiairement, sur le caractère exécutoire de l'arrêt du 24 septembre 2015

Il expose que le fait qu'une ordonnance de référé soit une décision provisoire et n'ait donc pas, au principal, autorité de la chose jugée implique que le juge, au principal, n'est pas lié par l'ordonnance de référé. Il relève qu'en l'espèce aucune action n'a été engagée devant les juges du fond par les époux [H] ou par la société 36 NEUF, représentée par son mandataire liquidateur pour voir rejugées les demandes qui ont été formulées dans le cadre de l'instance ayant abouti à l'arrêt de la cour d'appel d'Aix en Provence le 24 septembre 2015.

A titre reconventionnel, sur l'admission de l'intégralité de la créance, intérêts et privilèges compris

Il relève que le juge commissaire a omis de statuer sur l'admission des intérêts, accessoires de la créance déclarée pour un montant total de 1 791 055,66€.

Il indique que la déclaration de créance au passif d'un débiteur équivaut à une demande en justice saisissant le juge commissaire qui doit statuer sur toutes les créances déclarées et qu'en l'espèce la créance, augmentée de ses intérêts a été déclarée comme telle dans la déclaration de créance à hauteur de la somme de 1 791 055,66€.

Sur le caractère privilégié de la créance

Il expose que par ordonnance sur requête du 28 février 2014, le président du tribunal de grande instance de DRAGUIGNAN l'a autorisé à pratiquer des inscriptions d'hypothèques judiciaires provisoires sur les biens immobiliers de la société 36 NEUF en garantie de sa créance ; que par acte du 27 mars 2014, il a fait dénoncer à la société 36 NEUF le bordereau des inscriptions hypothécaires prises le 20 mars 2014; qu'aucun recours n'a été entrepris sur cette inscription; que l'inscription hypothécaire est donc devenue définitive et doit être prise en compte.

Signification de la déclaration d'appel et assignation devant la cour d'appel d'Aix en Provence ont été faites à Maître [F] [O], es qualité de liquidateur judiciaire de la SARL 36 NEUF, par remise à personne habilitée le 18 décembre 2018. Elle n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 02 juin 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la créance

Il résulte des dispositions de l'article L624-2 du code de commerce qu'au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge commissaire, si la demande d'admission est recevable, décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l'absence de contestation sérieuse, le juge commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l'a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d'admission.

Il résulte des éléments de la procédure, notamment des documents émanant de la Société Générale Private Banking Hambros que Monsieur [V] [C] a apporté sur son compte courant d'associé la somme totale de 1 550 000€ en deux versements:

-le premier d'un montant de 50 000€ en date du 14 novembre 2007 par virement bancaire sur un compte courant à la Banque Populaire Nice Côte d'Azur dont étaient titulaires les époux [H]

-le second d'un montant de 1 500 000€ en date du 8 janvier 2008 par virement bancaire sur un compte ouvert à la HSBC Saint Tropez dont la SARL 36 NEUF était titulaire.

La somme de 1 500 000€ figure par ailleurs dans les comptes annuels (détail du passif) de la SARL 36 NEUF pour les exercices 2008 et 2009 dans la rubrique « Emprunts et dettes financière » sous l'intitulé 4551000 MR [C] ASSOCIE.

Les allégations de l'appelante quant à un supposé montage financier frauduleux ne sont corroborées par aucun élément probant.

En tout état de cause, et indépendamment de la provenance des fonds, il est établi que le compte courant d'associé de Monsieur [V] [C] a été approvisionné par ses soins d'une somme de 1 550 000€ dont la SARL 36 NEUF a bénéficié et dont elle se trouve débitrice.

L'apport en compte courant d'associé s'analyse juridiquement comme un prêt de somme d'argent fait par un associé à la société. En l'absence de convention particulière régissant les modalités de remboursement du compte courant, celui-ci est exigible à tout moment par l'associé prêteur.

L'appelante soutient qu'une convention ' qu'elle accuse Monsieur [C] de dissimuler - prévoyant le remboursement du compte courant de ce dernier par voie d'une dation en paiement a été conclue.

Il appert que si les documents versés aux débats laissent à penser que les associés ont envisagé cette possibilité, aucun ne permet d'établir la réalité et l'existence de cette convention .

Il s'en déduit que les contestations de Madame [H] sont dépourvues de caractère sérieux et ne sauraient en conséquence entraîner l'incompétence du juge commissaire et donc de la cour statuant sur appel de sa décision rendue en matière de vérification des créances.

Sur la demande reconventionnelle

Madame [X] épouse [H] demande à la cour de condamner Monsieur [V] [C] à payer à la société 36 NEUF la somme de 2 462 628€ au titre d'indemnisation de son préjudice résultant des agissements fautifs de ce dernier et d'ordonner le cas échéant compensation entre les créances.

Si l'article 564 du code de procédure civile permet aux parties de soumettre à la cour de nouvelles prétentions pour opposer compensation, il n'entre pas dans les compétences de la cour dans le cadre d'un appel d'une décision rendue par le juge commissaire en matière de vérification des créances de statuer sur ces demandes lesquelles ont par ailleurs été portées devant le tribunal de commerce de FREJUS.

Sur la demande de sursis à statuer

Madame [X] épouse [H] demande à la cour, à titre subsidiaire, de surseoir à statuer sur l'admission de la créance dans l'attente de l'issue de la procédure devant la tribunal de commerce de FREJUS enrôlée sous le numéro 2019 000920.

Il sera relevé que par jugement en date du 20 janvier 2020 le tribunal de commerce de FREJUS a ordonné un sursis à statuer jusqu'au jour du rendu de la décision de la décision par la cour d'appel d'Aix en Provence du litige opposant les parties.

En tout état de cause, l'exception de procédure tendant à faire suspendre le cours de l'instance doit à peine d'irrecevabilité être soulevée avant toute défense au fond.

Sur le montant et la nature de la créance

Il résulte de ce qui précède que c'est à juste titre que le juge commissaire du tribunal de commerce de FREJUS a fixé la créance de Monsieur [V] [C] au passif de la procédure collective de la SARL 36 NEUF.

Il convient cependant de l'infirmer en ce qu'il a fixé cette créance à la somme de 1 550 000€ sans prendre en compte les intérêts.

S'agissant de la nature de la créance, il convient de constater que Monsieur [V] [C] sollicite son admission à titre privilégié en se prévalant d'une ordonnance sur requête du président du tribunal de grande instance de DRAGUIGNAN en date du 28 février 2014 devenue définitive dont il ne justifie cependant pas, la pièce de référence numérotée 23 correspondant à une ordonnance de renvoi des époux [H] devant le tribunal correctionnel en date du 30 mars 2021 pour abus des biens ou du crédit d'une SARL par un gérant à des fins personnelles. C'est donc à juste titre que la créance a été admise à titre chirographaire.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Madame [X] [S] épouse [H] qui succombe sera condamnée aux dépens

Elle se trouve ainsi infondée en ses prétentions au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Au vu des circonstances de l'espèce, il serait inéquitable de laisser supporter à Monsieur [V] [C] l'intégralité des frais qu'il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.

Madame [X] [S] épouse [H] sera condamnée à lui verser la somme de 5000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile .

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et mis à disposition au greffe

CONFIRME l'ordonnance rendue par le juge commissaire de FREJUS en date du 29 octobre 2018 en ce qu'elle a fixé la créance de Monsieur [V] [C] au passif de la procédure collective de la SARL 36 NEUF à titre chirographaire à la somme de 1 550 000€ ,

Y AJOUTANT,

Dit que la créance portera intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 4 décembre 2013,

DEBOUTE Madame [X] [S] épouse [H] de toutes ses demandes.

DECLARE Madame [X] [S] épouse [H] infondés en ses prétentions au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LA CONDAMNE à verser à Monsieur [V] [C] la somme de 5000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LA CONDAMNE aux entiers dépens

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-2
Numéro d'arrêt : 18/17321
Date de la décision : 29/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-29;18.17321 ?
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