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22/09/2022 | FRANCE | N°19/00573

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-6, 22 septembre 2022, 19/00573


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6



ARRÊT AU FOND

DU 22 SEPTEMBRE 2022



N° 2022/317











N° RG 19/00573



N° Portalis DBVB-V-B7D-BDTPR







[Z] [T]





C/



Organisme FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE D OMMAGES FGAO

Organisme CPAM DES BOUCHES DU RHONE





Copie exécutoire délivrée

le :

à :



-Me Marc-David TOUBOUL



-SELARL VIDAPARM

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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 20 Décembre 2018 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 17/04909.





APPELANT



Monsieur [Z] [T]

né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 5...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6

ARRÊT AU FOND

DU 22 SEPTEMBRE 2022

N° 2022/317

N° RG 19/00573

N° Portalis DBVB-V-B7D-BDTPR

[Z] [T]

C/

Organisme FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE D OMMAGES FGAO

Organisme CPAM DES BOUCHES DU RHONE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

-Me Marc-David TOUBOUL

-SELARL VIDAPARM

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 20 Décembre 2018 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 17/04909.

APPELANT

Monsieur [Z] [T]

né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 5]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 4]

représenté et assisté par Me Marc-David TOUBOUL, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Cyril CASANOVA, avocat au barreau de MARSEILLE.

INTIMES

Organisme FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE D OMMAGES FGAO,

demeurant [Adresse 3]

représenté et assisté par Me Louisa STRABONI de la SELARL VIDAPARM, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Laure BARATHON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE.

CPAM DES BOUCHES DU RHONE

Signification de la DA le 12/03/2019, à personne habilitée,

demeurant [Adresse 2]

Défaillante.

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 15 Juin 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président

Madame Anne VELLA, Conseillère

Madame Fabienne ALLARD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Charlotte COMBARET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Septembre 2022.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Septembre 2022,

Signé par Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président et Madame Charlotte COMBARET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Le 05/03/2011, dans le domaine skiable des communes de [Localité 7] et [Localité 6], M. [T] a été victime d'un accident de ski causé par un tiers non identifié. Il a saisi le fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages d'une demande d'indemnisation de son préjudice.

Le docteur [H] a été missionné aux fins d'expertise amiable, effectuée le 16/04/2013. Ses conclusions médico-légales sont les suivantes':

- arrêt temporaire des activités professionnelles': du 05/03/2011 au 31/12/2012

- déficit fonctionnel temporaire total': 3 jours

- déficit fonctionnel temporaire partiel classe IV : 93 jours

- déficit fonctionnel temporaire partiel classe III : 93 jours

- déficit fonctionnel temporaire partiel classe II : 479 jours

- date de consolidation : 31/12/2012

- déficit fonctionnel permanent : 15 % (douleurs de l'épaule droit avec limitation des mouvements d'élévation et postérieurs, gêne fonctionnelle douloureuse de la cheville droite, douleurs intermittentes du poignet droit et du rachis cervical)

- souffrances endurées : 4,5/7

- préjudice esthétique : 0,5/7

- aide humaine : 2 heures / jour pendant 62 jours

- aide humaine : 10 heures / semaine pendant 31 jours

- préjudice d'agrément retenu.

Le fonds de garantie a versé des provisions d'un montant de 35.000,00 €. Les parties ne se sont pas accordées sur une solution amiable du litige.

Par assignation du 20/04/2017, M. [T] a saisi le tribunal de grande instance de Marseille d'une demande d'indemnisation de son préjudice corporel à hauteur de 180.243,00 € en principal et de 2.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de l'instance.

Par jugement du 20/12/2018, le tribunal de grande instance de Marseille a :

- déclaré forclose l'action engagée à l'encontre du fonds de garantie,

- condamné M. [T] à rembourser au fonds de garantie la somme provisionnelle de 35000 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [T] aux entiers dépens de la procédure.

Pour statuer ainsi, le TGI de Marseille a considéré que :

- certes, M. [T] a saisi le fonds de garantie le 26/11/2011, soit moins de trois ans à compter de l'accident du 5 mars 2011, c'est-à-dire conformément au délai de trois ans posé par l'article R.421-12 du code des assurances'applicable lorsque le responsable du dommage est inconnu ;

- cependant, selon ce même texte, il aurait dû assigner dans le délai de cinq ans à compter de l'accident, soit avant le 05/03/2016';

- ayant assigné le 20/04/2017, M. [T] est forclos'et doit rembourser la provision de 35.000,00 € qu'il a reçue du fonds de garantie.

Par déclaration du 11/01/2019, M. [T] a interjeté appel du jugement du tribunal de grande instance de Marseille, en ce que':

- il a déclaré forclose son action contre le FGAO, et

- l'a condamné à rembourser la somme de 35.000,00 € au FGAO.

Saisie aux fins de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la conformité des dispositions de l'article R.421-12 du code des assurances aux articles 1 et 6 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26/08/1789, la cour a déclaré la demande irrecevable par arrêt du 16/01/2020, motif tiré de la nature réglementaire de la disposition contestée.

Saisi d'un recours en excès de pouvoir par requête de M. [T] du 12/02/2020, le président du tribunal administratif de Grenoble statuant par ordonnance du 11/12/2020 a déclaré la requête irrecevable du fait de l'expiration du délai de deux mois pour agir ouvert par la publication au Journal Officiel de la République Française du 17/02/2014 portant promulgation du texte litigieux.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions d'appelant n°2 notifiées par RPVA le 23/02/2022, M. [T] demande à la cour de':

- juger que son appel est recevable et bien fondé,

À titre principal,

- constater que son action de M. [T] n'est pas forclose,

- réformer le jugement du tribunal de grande instance de Marseille du 20/12/2018 en ce qu'il l'a déclaré forclos et l'a condamné au remboursement de la somme provisionnelle de 35.000,00 €,

- lui allouer la somme de 104.107,00 € ventilée comme suit':

' assistance à expertise': 720,00 €

' perte de gains professionnels actuels': 11.087,00 €

' aide humaine': 3.440,00 €

' incidence professionnelle': 50.000,00 €

' déficit fonctionnel temporaire': 9.760,00 €

' souffrances endurées': 25.000,00 €

' déficit fonctionnel permanent': 27.600,00 €

' préjudice esthétique': 1.500,00 €

' préjudice d'agrément': 10.000,00 €

- condamner le fonds de garantie au paiement de la somme de 2.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [T] développe l'argumentation suivante':

' le point de départ du délai de cinq ans prévu par l'article R.421-12 du code des assurances est le dommage, qui s'entend non pas du dommage constaté dans les suites immédiates de l'accident, mais du dommage consolidé';

- en effet, l'article L.114-1 du code des assurances dispose qu'« en matière d'assurance contre les accidents corporels, le sinistre, au sens de l'article L.114-1, alinéa 2, 2°, du code des assurances, réside dans la survenance de l'état d'incapacité ou d'invalidité de l'assuré, et ne peut être constitué qu'au jour de la consolidation de cet état » (Civ. 2, 14 janv. 2016)';

- cette assimilation du dommage au sinistre est encouragée par les dispositions de l'article 2226 du code civil aux termes duquel l'action en responsabilité née à raison d'un événement ayant entraîné un dommage corporel ['] se prescrit par dix ans à compter de la date de la consolidation du dommage initial ou aggravé'; car, de fait, en matière de préjudice corporel, c'est toujours la survenance de la consolidation qui fait courir les délais d'action de la victime';

- en l'occurrence, l'accident de ski a eu lieu le 05/03/2011'; M. [T] a été consolidé le 31/12/2012'; il n'a donc eu connaissance de son état qu'à cette date, et il pouvait agir contre le fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages jusqu'au 31/12/2017 et non jusqu'au 05/03/2016'; or, il a assigné le 20/04/2017';

' les articles R.421-12 et R.421-14 du code des assurances font état d'un accord entre le fonds de garantie et la victime avant un délai de cinq ans': il est clair que cet accord peut n'avoir pour objet que l'octroi d'une provision'; dans cette hypothèse, l'accord intervenu exclut toute forclusion'; en l'occurrence, trois accords ont été formalisés entre la victime et le FGAO (07/12/2012': 30.000,00 € / 26/112013': 12.000,00 € / 14/01/2015': 20.000,00 €) qui portent sur 70'% de l'indemnisation totale proposée par le fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages';

' liquidation du préjudice corporel':

- la perte de gains professionnels actuels s'apprécie par rapport à un salaire de référence de 22.256,00 € en moyenne calculée sur trois ans d'activité comme conseiller en gestion de patrimoine chez Allianz';

- incidence professionnelle':

' à sa reprise d'activité, son salaire de base a été maintenu mais sa part variable a été réduite ; il bénéficiait auparavant d'un fichier clientèle important à [Localité 5], alors que le fichier qui lui a été confié dans le Gers ne l'était pas';

' d'autre part, le 16/12/2013, soit environ un an après sa reprise, il a fait l'objet d'un licenciement pour insuffisance professionnelle'et non pour inaptitude ; il n'a pas été examiné dès sa reprise de son travail et n'a vu le médecin du travail qu'en avril, juillet et décembre 2013'; il a retrouvé du travail chez AXA mais a été arrêté pour dépression et, pour finir, licencié pour inaptitude, cette fois'; il est à présent surendetté';

' sa perte d'une chance professionnelle, sa dévalorisation sur le marché du travail et l'évidente augmentation de la pénibilité de l'emploi justifient une demande de 50.000,00 €';

- préjudice d'agrément': il pratiquait le kite-surf à très haut niveau et a été licencié de la fédération française de vol libre de 2004 à 2009, avec option compétition';

' à titre subsidiaire, en cas de forclusion': la forclusion si elle est admise ne peut avoir d'effet que pour l'avenir et ne frappe que le montant d'indemnisation à percevoir'; en aucun elle ne concerne les sommes déjà versées en vertu d'un accord entre l'assureur et la victime'; par ailleurs, la forclusion est une déchéance, une perte de droit d'ester en justice, qui ne doit pas être confondue avec la notion de prescription'; elle ne sanctionne que la capacité d'ester en justice tandis que la prescription est la sanction liée au fond du droit'; la forclusion éteint l'action du créancier mais pas la créance.

* * *

Aux termes de ses conclusions d'intimé notifiées par RPVA le 13/06/2019, le fonds de garantie demande à la cour de':

- confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,

- juger que l'action de M. [T] n'a pas été exercée dans le délai de cinq ans à compter de la date de l'accident, soit avant le 05/03/2016 et qu'elle est donc atteinte de forclusion.

En conséquence, rejeter toutes les prétentions de M. [T],

- condamner M. [T] à rembourser au fonds de garantie la somme globale de 35.000,00 € correspondant aux provisions versées, augmentée des intérêts au taux légal à compter des différents règlements,

- condamner M. [T] aux entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel.

Le fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages développe l'argumentation suivante':

- l'article R.421-12 du code des assurances est clair': le délai de cinq ans court à compter de l'accident et non de la consolidation du préjudice, et ce délai n'est interrompu que par un accord transactionnel ou, à défaut, par l'exercice de l'action en justice prévue par l'article R.421-14';

- cette interprétation de l'article R.421-12 du code des assurances'est conforme à la jurisprudence la plus constante ;

- M. [T] était assisté d'un conseil et n'avait aucune naïveté quant à l'étendue de ses droits';

- la forclusion emporte obligation de restituer les provisions versées (Civ. 2, 05/04/2007, 05-13.111), le régime des provisions étant indexé sur celui de l'indemnisation globale et définitive du préjudice.

* * *

Citée à personne habilitée par acte d'huissier de justice du 12/03/2019 contenant dénonce de l'acte d'appel, la caisse primaire d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône n'a pas constitué avocat.

* * *

La clôture a été prononcée le 31/05/2022.

Le dossier a été plaidé le 15/06/2022 et mis en délibéré au 22/09/2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nature de la décision rendue':

L'arrêt rendu sera réputé contradictoire, conformément à l'article 474 du code de procédure civile.

Sur l'acquisition de la forclusion de l'article R.421-12 du code des assurances':

L'article R.421-12 du code des assurances dispose de façon non équivoque que lorsque le responsable du dommage est inconnu, la demande des victimes ou de leurs ayants droit tendant à la réparation des dommages qui leur ont été causés, doit être adressée au fonds de garantie dans le délai de trois ans à compter de l'accident.

Lorsque le responsable des dommages est connu, la demande d'indemnité doit être adressée au fonds de garantie dans le délai d'un an à compter soit de la date de la transaction, soit de la date de la décision de justice passée en force de chose jugée. En outre, les victimes ou leurs ayants droit doivent, dans le délai de cinq ans à compter de l'accident :

a) si le responsable est inconnu, avoir réalisé un accord avec le fonds de garantie, ou exercé contre celui-ci l'action prévue à l'article R.421-14';

b) si le responsable est connu, avoir conclu une transaction avec celui-ci ou intenté contre lui une action en justice.

Les délais prévus aux alinéas précédents ne courent que du jour où les intéressés ont eu connaissance du dommage, s'ils prouvent qu'ils l'ont ignoré jusque-là.

Lorsque l'indemnité consiste dans le service d'une rente où le paiement échelonné d'un capital, la demande d'indemnité doit être adressée au fonds de garantie dans le délai d'un an à compter de la date de l'échéance pour laquelle le débiteur n'a pas fait face à ses obligations.

Ces différents délais sont impartis à peine de forclusion, à moins que les intéressés ne prouvent qu'ils ont été dans l'impossibilité d'agir avant l'expiration des dits délais.

En application de ces dispositions, il revenait à M. [T] d'introduire son action contre le fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages dans un délai de cinq ans courant à compter de l'accident survenu le 05/03/2011 et non à compter de la consolidation du dommage fixée au 31/12/2012.

En l'absence d'une part de tout accord transactionnel, et en l'absence d'autre part de toute assignation au fond antérieure au 05/03/2016, M. [T] est forclos.

La forclusion emporte déchéance d'agir au principal. Corrélativement, elle emporte obligation de restituer les sommes versées à titre provisionnel, la provision versée ne diposant d'aucune autonomie juridique par rapport à l'indemnisation du préjudice subi dont elle n'est qu'une modalité possible.

Le jugement entrepris est confirmé.

Sur les demandes annexes':

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles alloués à la victime doivent être confirmées.

M. [T] qui succombe dans ses prétentions supportera la charge des entiers dépens d'appel et ne peut, de ce fait, bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement entrepris dans toutes ses dispositions.

Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne M. [T] aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-6
Numéro d'arrêt : 19/00573
Date de la décision : 22/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-22;19.00573 ?
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