La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/09/2022 | FRANCE | N°18/18148

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-4, 22 septembre 2022, 18/18148


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-4



ARRÊT AU FOND

DU 22 SEPTEMBRE 2022



N° 2022/ 220













Rôle N° RG 18/18148 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDLG2







[G] [E]

[G] [J]





C/



SA BANQUE POPULAIRE MEDITERRANEE



























Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Thierry BENSAUDE





Me Renau

d ESSNER





















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de Grasse en date du 08 Octobre 2018 enregistrée au répertoire général sous le n° 2016J00146.





APPELANTS



Monsieur [G] [E],

né le [Date naissance 2] 1969 à [Localité 9]

demeurant [Adresse 6]

représenté par Me...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-4

ARRÊT AU FOND

DU 22 SEPTEMBRE 2022

N° 2022/ 220

Rôle N° RG 18/18148 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDLG2

[G] [E]

[G] [J]

C/

SA BANQUE POPULAIRE MEDITERRANEE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Thierry BENSAUDE

Me Renaud ESSNER

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de Grasse en date du 08 Octobre 2018 enregistrée au répertoire général sous le n° 2016J00146.

APPELANTS

Monsieur [G] [E],

né le [Date naissance 2] 1969 à [Localité 9]

demeurant [Adresse 6]

représenté par Me Thierry BENSAUDE de la SELARL INTERJURIS FRANCE, avocat au barreau de GRASSE

Monsieur [G] [J],

né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 9]

demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Thierry BENSAUDE de la SELARL INTERJURIS FRANCE, avocat au barreau de GRASSE

INTIMEE

SA BANQUE POPULAIRE MEDITERRANEE, prise en la personne de son représentant légal en exercice, venant aux droits de la BANQUE POPULAIRE COTE D'AZUR, dont le siège est sis [Adresse 5]

représentée par Me Renaud ESSNER de la SELARL CABINET ESSNER, avocat au barreau de GRASSE substituée par Me Muriel MANENT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Laure BOURREL, Président

Madame Françoise PETEL, Conseiller

Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Septembre 2022, après prorogation du délibéré

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le22 Septembre 2022

Signé par Madame Laure BOURREL, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Faits, procédure, moyens et prétentions des parties :

Suivant offre acceptée le 27 avril 2015, la [Adresse 8], a consenti à la société Millesime un prêt pour un montant de 120 000euros aux taux de 2,5% l'an remboursable en 84 mensualités.

Le 23 avril 2015, Monsieur [J] [G] s'en est porté caution solidaire à hauteur 144 000euros ;

Le 20 avril 2015, Monsieur [E] [G] s'en est porté caution solidaire à hauteur de 144 000euros.

La banque a été autorisée par ordonnance du 16 juin 2016 a inscrire une hypothèque judiciaire provisoire d'un montant de 110 000euros sur un appartement situé [Adresse 7] appartenant à Monsieur [G] [E] et une hypothèque judiciaire provisoire pour un montant de 110 000euros sur un terrain à bâtir situé [Adresse 3] appartenant à Monsieur [G] [J]

Par jugement du 2 février 2016, le tribunal de commerce d'Antibes a prononcé le redressement judiciaire de la SARL Millesime, Maître [K] a été désigné en qualité de mandataire judiciaire et la banque a déclaré sa créance à hauteur de 109 453,74euros.

Par jugement du 10 février 2017, le tribunal de commerce d'Antibes a arrêté un plan de cession du fonds de commerce exploité par la SARL Millesium au profit de la société Cantina pour un prix de 425 000euros et par jugement du 5 septembre 2017 a prononcé la liquidation de la société Millesium.

Après les avoir vainement mis en demeure d'exécuter leur engagement par courrier recommandé du 21 mars 2016, la banque a assigné en paiement Monsieur [E] [G] et Monsieur [J] [G], en leur qualité de caution, devant le tribunal de commerce d'Antibes par acte du 1er juillet 2018.

Par jugement du 8 octobre 2018, le tribunal de commerce d'Antibes a condamné solidairement Monsieur [E] [G] et Monsieur [J] [G] au paiement d'une somme de 119 718,29euros outre intérêts de retard postérieurs au 4 septembre 2017 au taux contractuel majoré de 5,50% l'an sur la somme de 113 876,58euros et 1 000euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 16 novembre 2018, Monsieur [E] [G] et Monsieur [J] [G] ont interjeté appel de ce jugement.

Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 09/07/2019 et tenues pour intégralement reprises, Monsieur [E] [G] et Monsieur [J] [G] demandent à la Cour de :

Vu les articles 2037 du code civil et L642-12 du code de la consommation,

Constater que la BPCA a renoncé aux bénéfices des dispositions de l'article L642-12 alinéa 4 du code de commerce garantissant le paiement de sa créance à échoir par le cessionnaire,

Constater que le bénéfice de ces droits attachés au nantissement ne peut s'opérer en faveur de la caution,

Décharger Monsieur [E] [G] et Monsieur [J] [G] de leurs engagements de caution,

Vu les articles L341-4 devenu L332-1 du code de la consommation,

Constater que Monsieur [G] [J] ne dispose d'aucun patrimoine en dehors de sa résidence principale pour laquelle il est endetté à hauteur de 546 000euros soit le prix d'acquisition,

Constater que Monsieur [G] [E] ne dispose d'aucun patrimoine et qu'il ne justifie que de revenus modérés,

Constater que le prêt bancaire a été consenti à la société Millesime alors que celle ci était en état de cessation de paiement,

Constater que le jour de l'engagement de caution, Monsieur [E] [G] et Monsieur [J] [G] étaient déjà caution de divers prêts professionnels pour un montant de 500 000euros pour porter le niveau de leur cautionnement à la somme de 775 000euros,

Constater que les revenus modérés de Monsieur [J] sont de nature à couvrir ses dépenses de la vie courante, en premier lieu les échéances de l'emprunt souscrit pour l'acquisition de sa résidence principale,

En conséquence :

Infirmer le jugement rendu le 8 octobre 2018 par le tribunal de commerce de Grasse,

Dire et juger que l'engagement de cautionnement est manifestement disproportionné au patrimoine de Monsieur [J], notamment au regard de ses engagements de caution préalablement souscrits,

Dire et juger que l'engagement de cautionnement est manifestement disproportionné au patrimoine de Monsieur [E], notamment au regard de ses engagements de caution préalablement souscrits,

Débouter la société BPCA de ses demandes,

La condamner à payer à Monsieur [J] et Monsieur [E] la somme de 3 000euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Dans ses dernières écritures déposées et notifiées le 16 juillet 2020et tenues pour intégralement reprises, la Banque Populaire Méditerranée, venant aux droits de la [Adresse 8], demande à la cour de :

Vu les articles 2298 du code civil, R511-7 du code de procédures civiles d'exécution, L 622-28 du code de commerce,

Confirmer le jugement de première instance,

Débouter les cautions de leurs demandes,

Condamner solidairement les cautions au paiement d'une somme de 119 718,29euros outre intérêts de retard postérieurs au 4 septembre 2017 au taux contractuel majoré de 5,50% l'an sur la somme de 113 876,58euros et la somme de 1 500euros s au titre de l'article 700 en cause d'appel et aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 septembre 2021.

Motifs :

Sur l'article 2037 du code civil :

Il résulte des dispositions de l'article 2037 du code civil que la caution est déchargée lorsque la subrogation aux droits, hypothèque et privilège du créancier ne peut plus par le fait du créancier s'opérer en faveur de la caution.

En l'espèce, l'acte de prêt du 27 avril 2015 mentionne que la banque bénéficie d'un nantissement sur le fonds de commerce exploité par la société Millesime à hauteur de 120 000euros.

En vertu des dispositions de l'article L 642-12 alinéa 4 du code de commerce : 'Lorsque la cession porte sur des biens grevés d'un privilège spécial, d'un gage, d'un nantissement ou d'une hypothèque, le tribunal affecte à chacun de ces biens, pour la répartition du prix et l'exercice du droit de préférence, la quote-part du prix, déterminée au vu de l'inventaire et de la prisée des actifs et correspondant au rapport entre la valeur de ce bien et la valeur totale des actifs cédés.

Le paiement du prix de cession fait obstacle à l'exercice à l'encontre du cessionnaire des droits des créanciers inscrits sur ces biens.

Jusqu'au paiement complet du prix qui emporte purge des inscriptions grevant les biens compris dans la cession, les créanciers bénéficiant d'un droit de suite ne peuvent l'exercer qu'en cas d'aliénation du bien cédé par le cessionnaire.

Toutefois, la charge des sûretés réelles spéciales, garantissant le remboursement d'un crédit consenti à l'entreprise pour lui permettre le financement d'un bien sur lequel portent ces sûretés est transmise au cessionnaire. Celui-ci est alors tenu d'acquitter entre les mains du créancier, qui a régulièrement déclaré sa créance dans les délais prévus à l'article L. 622-24, les échéances convenues avec lui et qui restent dues à compter du transfert de la propriété ou, en cas de location-gérance, de la jouissance du bien sur lequel porte la garantie. Le débiteur est libéré de ces échéances. Il peut être dérogé aux dispositions du présent alinéa par accord entre le cessionnaire et les créanciers titulaires des sûretés.'

Or le jugement du 20 février 2017 du tribunal de commerce d'Antibes a autorisé la cession du fonds de commerce du restaurant exploité par la société Millesime et a fixé le prix de la cession à la somme de 425 000euros en prenant acte de l'accord de la Caisse d'Epargne Côte d'Azur et du CIC Est de renoncer à se prévaloir des dispositions de l'article L642-12 alinéa 4 du code de commerce en contrepartie du versement par le mandataire de sommes prélevées sur le prix de cession.

Toutefois, il convient de relever que la banque populaire, qui n'était pas appelée à la procédure, n'a nullement renoncé au bénéfice de l'article L642-12 du code de commerce et que le jugement du tribunal de commerce a affecté une somme de 139 606euros au profit des créanciers nantis sur le fonds de commerce.

Par courrier du 16 septembre 2019, Maître [N] a informé le conseil de la banque populaire que sa créance ne viendra pas en rang utile puisque primée par les créances fiscales, courrier confirmé le 12 février 2020.

Il est acquis que la banque n'a nullement renoncé au bénéfice de son nantissement.

Sur le caractère disproportionné de l'engagement :

En vertu de l'ancien article L341-4 du code de la consommation applicable au litige, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de la caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Le caractère manifestement disproportionné du cautionnement s'apprécie au regard, d'une part, de l'ensemble des engagements souscrits par la caution et, d'autre part, de ses biens et revenus, sans tenir compte des revenus escomptés de l'opération garantie.

L'ancien article L341-4 précité devenu L 332-1 et L 343-3 du code de la consommation n'impose pas au créancier professionnel de vérifier la situation financière de la caution lors de son engagement. C'est à la caution qu'il incombe de rapporter la preuve de la disproportion qu'elle allègue, et au créancier qui entend se prévaloir d'un contrat de cautionnement manifestement disproportionné, d'établir qu'au moment où il appelle la caution, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation.

Une fiche patrimoniale n'étant pas obligatoire, l'existence d'un tel document certifié exact par son signataire permet simplement à la banque, sauf anomalies apparentes, de s'y fier et la dispense de vérifier l'exactitude des déclarations de son client, lequel ne peut ensuite se prévaloir de leur fausseté pour échapper à ses obligations.

En l'espèce, concernant Monsieur [J], selon la fiche « Renseignements sur caution », par lui certifiée conforme lors de la souscription du cautionnement, il indique exercer la profession de chef d'entreprise depuis 3 ans et 1/2 et percevoir un revenu de 7 000euros ainsi qu'une pension de 200euros, sans que l'acte ne mentionne s'il s'agit d'un revenu annuel ou mensuel, et être propriétaire en commun avec son épouse d'une villa acquise en 2014 d'une valeur de 1 000 000euros et être engagé en qualité d'emprunteur à hauteur de 500 000euros pour une durée de 20 ans. Son patrimoine immobilier s'élève donc à la somme de 250 000euros après déduction de l'emprunt et de la part revenant à son épouse.

Monsieur [J] se prévaut d'autres engagements de caution souscrit auprès de la Caisse d'Epargne mais qu'il ne justifie en avoir avisé la banque lors de la souscription de l'engagement litigieux. Il fait état d'autres prêts souscrit par la société Millesium auprès de la banque HSBC et la banque CIC mais n'établit pas s'être porté caution de ces emprunts.

Enfin, il estime que la valeur de son bien a été surévaluée dans la fiche de renseignements ce que la banque populaire ne pouvait ignorer selon lui puisqu'elle aurait financé le bien mais qu'il n'en est pas justifié.

Monsieur [J] justifie par la production de son avis d'imposition 2015 sur les revenus pour l'année 2014 avoir perçu la somme de 6 995euros.

Il s'évince de l'ensemble de ces éléments qu'aucune disproportion manifeste ne peut être retenue entre d'une part, son cautionnement 144 000 euros et d'autre part, son revenu annuel de 6 995euros et son patrimoine immobilier de 250 000euros.

Concernant Monsieur [E], selon la fiche « Renseignements sur caution », par lui certifiée conforme lors de la souscription du cautionnement, il indique percevoir annuellement des revenus d'un montant de 83 800euros et assumer le remboursement d'un crédit de 200euros par mois soit 2 400euros par an d'où un solde disponible de 81 400euros.

Il mentionne être propriétaire d'un appartement constituant un bien propre d'une valeur de 500 000euros, d'un studio d'une valeur de 110 000euros et d'un terrain nu d'une valeur de 70 000euros et, par le biais de SCI, de locaux professionnels d'une valeur de 100 000euros et d'un studio de 110 000euros et assumer le remboursement d'un prêt immobilier de

280 000euros sur 25 ans générant des mensualités de 2 000euros par an.

Monsieur [E] justifie que ses revenus en 2014 ne se sont élevés qu'à la somme de 23 641 euros ainsi que le mentionne son avis d'imposition.

Il s'évince de l'ensemble de ces éléments qu'aucune disproportion manifeste ne peut être retenue entre d'une part, son cautionnement 144 000 euros et d'autre part, son revenu annuel de 84 400euros et son patrimoine immobilier de 610 000euros.

Monsieur [E] justifie que ses revenus en 2014 ne se sont élevés qu'à la somme de 23 641 euros ainsi que le mentionne son avis d'imposition.

Toutefois en l'absence d'anomalie apparente, la banque était fondée à se fier aux affirmations inscrites sur la fiche de renseignements et qu'au surplus même à retenir la somme de 23 641euros de revenus, la disproportion ne peut être retenue au regard du patrimoine immobilier de l'intéressé.

Il convient de confirmer le jugement de première instance en toutes ses dispositions.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Les appelants, qui succombent, seront condamnés aux dépens sans qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire :

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant :

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamne Monsieur [G] [J] et Monsieur [G] [E] aux entiers dépens d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-4
Numéro d'arrêt : 18/18148
Date de la décision : 22/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-22;18.18148 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award