COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-8
ARRÊT AU FOND
DU 21 SEPTEMBRE 2022
N° 2022/ 401
N° RG 21/16636
N° Portalis DBVB-V-B7F-BIOL4
[X] [Y]
C/
CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me [X] [Y]
Me Catherine JONATHAN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal d'Instance de NICE en date du 20 Juillet 2020 enregistrée au répertoire général sous le n° 1119001177.
APPELANT
Maître [X] [Y]
né le 06 Mars 1951 à [Localité 3] (16), demeurant [Adresse 1]
représenté par Me [X] [Y], avocat au barreau de NICE substitué par Me Brigitte MINDEGUIA, avocat au barreau de NICE
INTIMEE
CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX
représenté par Monsieur [R] [W], Président, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Catherine JONATHAN de la SCP JONATHAN-DUPLAA & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Anaïs DALVERNY, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 07 Juin 2022 en audience publique devant la cour composée de :
Monsieur Philippe COULANGE, Président
Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère
Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Maria FREDON.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Septembre 2022.
ARRÊT
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Septembre 2022, signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Mme Maria FREDON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE ANTÉRIEURE
Suivant ordonnance sur requête rendue le 13 novembre 2018, le président du tribunal d'instance de Nice a enjoint à Maître [X] [Y], avocat inscrit au barreau de Nice, de payer au Conseil national des barreaux la somme principale de 1.590 euros correspondant aux appels de cotisations dues pour les années 2013 à 2017 inclus.
Cette ordonnance a été signifiée à Maître [Y] le 29 novembre 2018, et celui-ci a formé opposition par déclaration reçue au greffe le 27 décembre suivant.
Par jugement contradictoire et en dernier ressort rendu le 20 juillet 2020, le tribunal judiciaire de Nice a :
- déclaré l'opposition recevable et constaté la mise à néant de l'ordonnance d'injonction de payer,
- rejeté les exceptions de nullité invoquées par le défendeur,
- déclaré recevable l'action en paiement du Conseil national des barreaux,
- jugé que la cotisation 2013 n'était pas prescrite,
- condamné Maître [Y] à payer la somme de 1.590 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 12 juillet 2018,
- débouté les parties de toutes demandes plus amples ou contraires, et notamment de la demande reconventionnelle aux fins de publication du jugement dans plusieurs revues juridiques,
- et condamné le défendeur aux dépens.
Maître [X] [Y] a interjeté appel de cette décision par déclaration adressée le 22 juillet 2020 au greffe de la cour.
Par ordonnance du 12 mai 2021, le conseiller de la mise en état a déclaré cette voie de recours irrecevable, comme ayant été exercée contre un jugement rendu en dernier ressort en application des articles R 211-3-24 et 211-3-25 du code de l'organisation judiciaire.
Cette décision a été déférée à la cour et infirmée par un arrêt du 18 novembre 2021 sur le fondement de l'article 40 du code de procédure civile, au motif que la demande reconventionnelle aux fins de publication du jugement constituait une demande indéterminée.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 24 mai 2022, et l'affaire fixée à l'audience des plaidoiries du 7 juin.
Par décision en date du 2 juin 2022, le délégué du premier président de la cour a déclaré irrecevable la requête en récusation déposé par Maître [Y] à l'encontre du président de la chambre appelée à connaître du fond de l'affaire.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses conclusions d'appel signifiées le 27 novembre 2020, Maître [X] [Y] soutient en premier lieu que la requête aux fins d'injonction de payer était irrecevable car présentée par un huissier de justice extérieur au ressort du tribunal de Nice sans justification d'un mandat, et que l'ordonnance portant injonction de payer était elle-même entachée de nullité pour avoir été rendue sans visa des pièces justificatives, de sorte que le demandeur doit être renvoyé à mieux se pourvoir, sans examen du fond du litige.
Subsidiairement, il fait valoir :
- que l'article 17-10° de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de la profession d'avocat réserve au conseil de l'Ordre la mission d'assurer dans son ressort l'exécution des décisions prises par le Conseil national des barreaux,
- que le CNB ne justifie pas avoir rendu une décision à caractère normatif relativement au montant des cotisations et à leurs modalités de paiement, dont l'entrée en vigueur est conditionnée à une notification préalable à chacun des Ordres, puis à l'initiative de ceux-ci à chacun des avocats du barreau,
- que les résolutions produites à l'appui de la demande sont dépourvues de valeur probante faute de revêtir les signatures des personnes habilitées à authentifier les procès-verbaux des assemblées générales,
- et que l'action en recouvrement de la cotisation 2013, exigible depuis le 28 février de l'année considérée, est prescrite.
Il demande à la cour :
- d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- de déclarer irrecevable la requête aux fins d'injonction de payer,
- d'annuler l'ordonnance rendue le 13 novembre 2018, et de renvoyer le Conseil national des barreaux à mieux se pourvoir,
- subsidiairement de le débouter de toutes ses prétentions,
- d'ordonner la publication de l'arrêt aux frais de l'intimé dans La Gazette du Palais, La Semaine Juridique et le Recueil Dalloz hebdomadaire,
- et de condamner l'intimé aux entiers dépens, ainsi qu'au paiement d'une somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions récapitulatives en réplique notifiées le 7 mars 2022, le Conseil national des barreaux soutient en premier lieu que la requête en injonction de payer ne constitue pas un acte introductif d'instance, et que l'opposition a eu pour effet de saisir le tribunal de l'ensemble du litige, le jugement se substituant à l'ordonnance rendue le 13 novembre 2018.
Sur le fond il fait valoir :
- que l'article 37 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 lui attribue compétence pour fixer le montant de la cotisation annuelle due par les avocats inscrits à un tableau, ainsi que ses modalités de paiement, indépendamment des pouvoirs normatifs qu'il tient par ailleurs de la loi,
- que l'article 17-10° de la loi du 31 décembre 1971 précité n'a pas pour objet, ni pour effet, de conférer aux Ordres une compétence exclusive pour agir en recouvrement de ces cotisations, les pratiques suivies à cet égard étant différentes en fonction des barreaux,
- qu'il produit les résolutions adoptées par son assemblée générale portant approbation des budgets prévisionnels et du montant des cotisations individuelles dues pour les années 2013 à 2017, dont un huissier de justice a certifié la conformité avec les procès-verbaux signés par le président et le secrétaire,
- et que la signification de l'ordonnance d'injonction de payer a interrompu la prescription de l'action en recouvrement de la cotisation 2013, exigible au 31 décembre de l'année considérée.
Il ajoute que la publication d'une décision de justice par voie de presse ne peut être ordonnée que dans des cas expressément prévus par la loi.
Il demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et de condamner l'appelant aux entiers dépens, ainsi qu'au paiement d'une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
DISCUSSION
Sur les moyens invoqués à l'encontre de l'ordonnance d'injonction de payer :
En application des articles 1417 et 1420 du code de procédure civile, l'opposition du débiteur a pour effet de saisir le tribunal de la demande en recouvrement, le jugement rendu se substituant à l'ordonnance portant injonction de payer.
La cour n'est donc pas saisie d'un recours contre l'ordonnance rendue le 13 novembre 2018, mais contre le jugement du 20 juillet 2020, de sorte que la question de la régularité de la procédure d'injonction de payer est indifférente à la solution du litige et n'a pas lieu d'être examinée.
Il appartient en revanche à la juridiction de céans de connaître du bien fondé de la demande en paiement, conformément au principe de l'effet dévolutif de l'appel.
Sur le bien fondé de la demande en paiement :
En vertu de l'article 37 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, les ressources du Conseil national des barreaux sont constituées notamment par une cotisation annuelle à la charge de l'ensemble des avocats inscrits à un tableau, dont il lui appartient de fixer le montant et les modalités de paiement.
Cette prérogative doit être distinguée du pouvoir normatif attribué au Conseil par l'article 21-1 de la loi du 31 décembre 1971 afin d'unifier par voie de dispositions générales les règles et usages de la profession d'avocat.
Les résolutions fixant le montant des cotisations ne sont donc pas soumises à notification et publication préalables dans les formes et délais prévus par l'article 38-1 du décret susvisé.
De la même façon l'article 17-10° de ladite loi, confiant à chaque conseil de l'Ordre la mission d'assurer dans son ressort l'exécution des décisions prises par le Conseil national des barreaux, ne concerne que les décisions à caractère normatif, et ne prive pas ce dernier de sa qualité à agir pour recouvrer directement les cotisations qui lui sont dues.
D'autre part, le CNB produit au dossier les copies des résolutions adoptées par son assemblée générale au cours des années 2013 à 2017 portant approbation des budgets prévisionnels ainsi que du montant des cotisations individuelles pour les exercices considérés, et dont un huissier de justice a certifié la conformité avec les originaux, ces documents revêtant une valeur probante suffisante.
Enfin, si la résolution fixant le montant de la cotisation 2013 a été adoptée le 28 février de cette même année, les pièces produites aux débats ne permettent pas de déterminer la date de sa mise en recouvrement, de sorte qu'il y a lieu de fixer le point de départ du délai de prescription au 31 décembre 2013, le cours de celui-ci ayant été valablement interrompu par la signification de l'ordonnance d'injonction de payer intervenue le 29 novembre 2018.
Le jugement doit être en conséquence confirmé en ce qu'il a condamné Maître [X] [Y] à payer au Conseil national des barreaux la somme principale de 1.590 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 12 juillet 2018, date de la réception du courrier de mise en demeure.
Sur la demande reconventionnelle aux fins de publication du présent arrêt :
La publicité par voie de presse d'une décision de justice n'a lieu d'être ordonnée qu'à titre de sanction de la commission d'une infraction, ou de réparation d'un préjudice.
Aucune considération de droit ou de fait ne justifie de la prononcer en l'espèce.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant, condamne Maître [X] [Y] aux dépens de l'instance d'appel, ainsi qu'à payer au Conseil national des barreaux une somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIERELE PRESIDENT