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21/09/2022 | FRANCE | N°20/03985

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-8, 21 septembre 2022, 20/03985


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-8



ARRÊT AU FOND

DU 21 SEPTEMBRE 2022



N° 2022/ 393







N° RG 20/03985



N° Portalis DBVB-V-B7E-BFYHD







[P] [K]





C/





FEDERATION DEPARTEMENTALE DES CHASSEURS DU VAR





































Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Philippe CAM

POLO



Me Elie MUSACCHIA





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal d'Instance de DRAGUIGNAN en date du 28 Juin 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 11-14-797.





APPELANT



Monsieur [P] [K]

né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 5] (83), demeurant [Adresse 4] [Localité 5]



représenté ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-8

ARRÊT AU FOND

DU 21 SEPTEMBRE 2022

N° 2022/ 393

N° RG 20/03985

N° Portalis DBVB-V-B7E-BFYHD

[P] [K]

C/

FEDERATION DEPARTEMENTALE DES CHASSEURS DU VAR

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Philippe CAMPOLO

Me Elie MUSACCHIA

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal d'Instance de DRAGUIGNAN en date du 28 Juin 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 11-14-797.

APPELANT

Monsieur [P] [K]

né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 5] (83), demeurant [Adresse 4] [Localité 5]

représenté par Me Philippe CAMPOLO, membre de la SELAS LLC ET ASSOCIES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIMEE

FEDERATION DEPARTEMENTALE DES CHASSEURS DU VAR (FDC 83)

agissant poursuites et diligences de son Président en exercice domicilié en cette qualité au siège sis [Adresse 2] [Localité 3]

représentée par Me Elie MUSACCHIA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, ayant pour avocat plaidant Me Nathalie COMTET, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 07 Juin 2022 en audience publique devant la cour composée de :

Monsieur Philippe COULANGE, Président

Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère

Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Maria FREDON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Septembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Septembre 2022, signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE ANTÉRIEURE

Monsieur [P] [K], exploitant agricole établi sur le territoire de la commune de [Localité 5] ([Localité 5]), a adressé les 14 juin et 6 août 2014 à la fédération départementale des chasseurs du Var deux déclarations de dégâts occasionnés par des sangliers à ses cultures de triticale et de blé.

Il a contesté les conclusions de l'expert évaluateur commissionné par la fédération, en produisant un contre-rapport établi par son propre expert M. [W] [Y].

Dans sa séance du 15 décembre 2014, la commission départementale d'indemnisation des dégâts de gibier a renoncé à statuer sur la réclamation de l'exploitant, et renvoyé le dossier à la commission nationale, sauf la faculté pour l'intéressé d'exercer un recours judiciaire.

Par déclaration reçue au greffe le 23 décembre 2014, Monsieur [K] a donc saisi le tribunal d'instance de Draguignan afin d'entendre condamner la fédération départementale des chasseurs du Var à lui payer la somme principale de 14.619,60 euros en réparation de ses pertes de récoltes, outre 500 euros au titre de son préjudice moral et ses frais irrépétibles.

Dans sa séance du 16 février 2015, la commission départementale s'est finalement prononcée en rejetant la demande de l'exploitant, considérant que le rendement retenu était beaucoup trop élevé, et en validant l'estimation du premier expert.

De son côté le tribunal a ordonné avant dire droit une expertise judiciaire confiée à Monsieur [I] [V], lequel a déposé son rapport le 17 avril 2018, évaluant le montant de l'indemnité à 2.886 euros par application du barème d'indemnisation fixé par la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage pour l'année 2014.

Par jugement au fond rendu le 28 juin 2019, le tribunal a :

- déclaré irrecevable la demande d'indemnisation des dégâts correspondant à la première déclaration adressée à la fédération le 14 juin 2014, en application de la courte prescription édictée par l'article L 426-7 du code de l'environnement,

- débouté le demandeur de son action en ce qu'elle était dirigée contre la fédération en sa qualité de cessionnaire du droit de chasse,

- condamné en revanche la fédération départementale des chasseurs du Var à payer à Monsieur [K] la somme de 2.637,18 euros sur le fondement des articles L 426-1 et suivants du code de l'environnement,

- débouté le requérant du surplus de ses prétentions,

- et condamné Monsieur [K] aux dépens, ainsi qu'au paiement d'une somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés par la fédération.

Monsieur [K], qui a reçu signification de cette décision le 11 mars 2020, en a relevé appel par déclaration adressée le 16 mars 2020 au greffe de la cour.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par conclusions du 17 avril 2020, M. [P] [K] fait valoir en premier lieu que le tribunal a retenu à tort la prescription d'une partie de ses demandes, alors que les dégâts occasionnés constituaient un dommage continu affectant l'ensemble du cycle cultural 2014.

Il soutient d'autre part que, du fait des missions qui lui sont imparties par la loi, la fédération départementale des chasseurs doit être considérée comme cessionnaire du droit de chasse sur ses terres, par l'intermédiaire de la société de chasse locale.

Il fonde principalement son action sur les dispositions des articles L 426-1 et suivants du code de l'environnement, considérant que ces textes organisent un régime de responsabilité sans faute, mais que les tribunaux ne sont pas tenus d'observer le barème d'indemnisation forfaitaire en vigueur dans le cadre de la procédure amiable.

A titre subsidiaire, il invoque la responsabilité délictuelle de la fédération, soutenant que celle-ci aurait failli à sa mission de régulation de la population de sangliers.

Il demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et de condamner l'intimée à lui payer les sommes suivantes :

- 14.619,60 euros au titre de ses pertes de récoltes (soit 11.439,60 euros pour la perte de grains et 3.180 euros pour la perte de paille),

- 500 euros en réparation de son préjudice moral,

- 754 euros au titre de ses frais de constat et d'expertise pré-contentieux,

- et 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre ses entiers dépens.

Par conclusions en réplique notifiées le 15 juillet 2020, la fédération départementale des chasseurs du Var soutient pour sa part :

- que la demande d'indemnisation des premiers dégâts déclarés le 14 juin 2014 était bien prescrite à la date de la saisine du tribunal d'instance, la mise en oeuvre de la procédure amiable n'étant pas interruptive du délai de prescription,

- qu'elle n'est pas titulaire du droit de chasse sur les terres de M. [K], et ne possède aucun pouvoir en matière de régulation des populations de gibier,

- que l'action contentieuse ouverte à l'exploitant sur le fondement des articles L 426-1 et suivants du code de l'environnement a uniquement pour objet de vérifier qu'il a été fait une exacte application de la réglementation et des barèmes d'indemnisation en vigueur,

- et que l'expert judiciaire s'est justement référé au barème 2014 pour évaluer le montant de l'indemnité, dont il y a lieu cependant de déduire la partie correspondant à la réclamation prescrite, ainsi que l'abattement proportionnel prévu par la loi.

Elle demande à la cour de confirmer le jugement querellé en toutes ses dispositions, et de condamner l'appelant aux dépens, ainsi qu'au paiement d'une somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

DISCUSSION

Le code de l'environnement définit deux régimes d'indemnisation distincts en matière de dégâts occasionnés aux récoltes par le gibier :

1°) une procédure amiable uniquement applicable aux dégâts causés par les grands gibiers, parmi lesquels figure le sanglier, ménageant au réclamant la faculté d'exercer un recours devant les tribunaux de l'ordre judiciaire (articles L 426-1 à L 426-6),

2°) une procédure exclusivement contentieuse applicable aux dégâts causés par toute espèce de gibier quelconque (articles L 426-7 et L 426-8).

La première de ces procédures attribue compétence aux fédérations départementales des chasseurs pour liquider et attribuer les indemnités après désignation d'un expert évaluateur, sur la base de barèmes établis par les commissions départementales de la chasse et de la faune sauvage. Il s'agit d'un mécanisme de réparation forfaitaire fondé sur la mutualisation des risques.

La seconde repose sur le droit commun et peut être exercée contre toute personne responsable du dommage à charge de démontrer l'existence d'une faute. Elle obéit alors au principe de la réparation intégrale du préjudice subi.

Sur le régime de la responsabilité pour faute :

Sur le fondement de l'article 1240 sur code civil, une action judiciaire peut être exercée contre toute personne qui, par sa faute, a contribué à un dommage aux cultures ou aux récoltes causé par le gibier, de quelque espèce qu'il s'agisse.

Il en va notamment ainsi du propriétaire du fonds de provenance qui aurait laissé pulluler les animaux à l'origine des dégâts, ou du détenteur du droit de chasse sur les terrains concernés qui n'aurait pas suffisamment régulé les populations de gibier.

Cependant, il n'entre pas dans les missions des fédérations départementales d'exercer le droit de chasse en lieu et place des sociétés privées ou des associations communales de chasse agréées.

Elles ne sont pas davantage les autorités décisionnaires en matière de plans de chasse, cette compétence étant dévolue au représentant de l'Etat dans le département par les articles L 425-1 et suivants du code de l'environnement.

Plus précisément en l'espèce, il n'est aucunement démontré que la fédération départementale des chasseurs du Var aurait commis une faute en s'abstenant de réguler la population de sangliers ou de conduire les actions nécessaires à la prévention des dégâts de gibier, et Monsieur [K] ne saurait renverser la charge de la preuve en exigeant de l'intimée qu'elle justifie avoir satisfait à toutes ses obligations statutaires à cet égard.

Sur le régime de la réparation forfaitaire :

Suivant l'article L 426-5 du code de l'environnement, la fédération départementale des chasseurs instruit les demandes et propose une indemnité aux réclamants selon un barème départemental d'indemnisation établi par la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage, laquelle est également compétente pour fixer l'indemnité en cas de désaccord entre le réclamant et la fédération.

La faculté ouverte au requérant d'exercer un recours contre cette décision devant les tribunaux de l'ordre judiciaire n'a pas pour conséquence de lui permettre d'échapper à ce cadre juridique, le juge devant seulement vérifier qu'il a été fait une exacte application de la réglementation et des barèmes d'indemnisation en vigueur.

L'article R 426-24 prévoit d'ailleurs que la mission impartie à l'expert judiciaire éventuellement désigné par la juridiction saisie diffère selon que l'action est exercée contre la fédération départementale des chasseurs ou contre le responsable des dommages.

C'est donc à bon droit qu'en l'espèce M. [I] [V] a fait application du barème d'indemnisation adopté par la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage du Var pour l'année 2014.

Aucune autre critique n'étant précisément formulée à l'encontre de son rapport, il convient d'en adopter les conclusions, le contre-rapport de M. [W] [Y] étant pour sa part inopposable à la fédération en raison de son caractère non contradictoire.

En revanche, c'est à tort que le premier juge a retenu que la demande d'indemnisation des dégâts correspondant à la première déclaration adressée à la fédération le 14 juin 2014 était prescrite en application de l'article L 426-7, dans la mesure où le réclamant ne pouvait exercer son recours avant que la commission départementale ne se soit prononcée.

L'indemnité revenant à Monsieur [K] doit donc être fixée à la somme de 2.828,28 euros, correspondant à l'évaluation retenue par l'expert judiciaire diminuée d'un abattement proportionnel de 2 % en application des articles L 426-3 et R 426-11.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Réforme le jugement entrepris en ce qu'il a retenu la prescription d'une partie des demandes et fait application de l'article 700 du code de procédure civile,

Le confirme pour le surplus, et condamne en conséquence la fédération départementale des chasseurs du Var à payer à Monsieur [P] [K] une indemnité de 2.828,28 euros en réparation des dommages causés à ses récoltes,

Condamne Monsieur [K] aux entiers dépens,

Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERELE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-8
Numéro d'arrêt : 20/03985
Date de la décision : 21/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-21;20.03985 ?
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