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20/09/2022 | FRANCE | N°21/14272

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-1, 20 septembre 2022, 21/14272


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1



ARRÊT AU FOND

DU 20 SEPTEMBRE 2022



N° 2022/289













Rôle N° RG 21/14272 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BIGIQ







[H] [Y]

[I] [P]





C/



[K] [M]

[R] [A] épouse [M]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Céline GILLET

Me Raoudah M'HAMDI













Sur saisine de la Cour suite à l'arrêt rendu par la Cour de Cassation en date du 20 mai 2021, enregistré au répertoire général sous le n° B20-11.926, lequel casse et annule l'arrêt rendu le 28 novembre 2019 par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence n° RG 18/00052 à l'encontre d'un jugement rendu par le tribunal d...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1

ARRÊT AU FOND

DU 20 SEPTEMBRE 2022

N° 2022/289

Rôle N° RG 21/14272 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BIGIQ

[H] [Y]

[I] [P]

C/

[K] [M]

[R] [A] épouse [M]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Céline GILLET

Me Raoudah M'HAMDI

Sur saisine de la Cour suite à l'arrêt rendu par la Cour de Cassation en date du 20 mai 2021, enregistré au répertoire général sous le n° B20-11.926, lequel casse et annule l'arrêt rendu le 28 novembre 2019 par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence n° RG 18/00052 à l'encontre d'un jugement rendu par le tribunal d'instance de Grasse en date du 30 mai 2017.

DEMANDERESSES SUR RENVOI DE CASSATION :

Madame [H] [Y]

née le 28 Décembre 1963 à [Localité 8]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Raoudah M'HAMDI, avocat au barreau de MARSEILLE

Madame [I] [P]

née le 12 Août 1964 à [Localité 5]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Raoudah M'HAMDI, avocat au barreau de MARSEILLE

DEFENDEURS SUR RENVOI DE CASSATION :

Monsieur [K] [M]

né le 01 Octobre 1941 à [Localité 7], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Céline GILLET, avocat au barreau de GRASSE

Madame [R] [A] épouse [M]

née le 01 Mars 1943 à [Localité 6], demeurant [Adresse 1]

plaidant par Me Céline GILLET, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 21 Juin 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Anne DAMPFHOFFER, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Olivier BRUE, Président

Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller

Mme Danielle DEMONT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Colette SONNERY.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Septembre 2022.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Septembre 2022,

Signé par Monsieur Olivier BRUE, Président et Mme Colette SONNERY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Vu le jugement rendu le 30 mai 2017 par le tribunal d'instance de Grasse ayant statué ainsi qu'il suit :

' rejette l'exception de nullité de l'assignation,

' rejette les demandes de Mme [Y] et de Mme [P] contre M. et Mme [M],

' rejette la demande reconventionnelle de M. et Mme [M],

' dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

' condamne Madame [Y] et Madame [P] aux dépens.

Vu l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 28 novembre 2019, sur le recours exercé par Madame [Y] et par Mme [P] [B], ayant :

' confirmé le jugement, sauf en ce qu'il a rejeté les demandes de Mme [Y] et Mme [P] [B] ,

statuant à nouveau

' rejeté les demandes comme irrecevables,

Y ajoutant :

' rejeté l'appel incident de Mme [M],

' condamné in solidum Madame [Y] et Madame [P] [B] à payer aux intimés la somme de 2500 euros, par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux dépens.

Vu l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 20 mai 2021, cassant l'arrêt de la cour d'appel, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables les demandes de Mme [Y] et Mme [P] [B] en ordonnant le renvoi devant la même cour d'appel, autrement composée.

La Cour de cassation retient que l'action fondée sur le trouble anormal de voisinage constitue une action en responsabilité civile extra contractuelle qui peut être dirigée contre tout voisin auteur des nuisances, quel que soit son titre d'occupation et que pour déclarer irrecevables les demandes, l'arrêt qui retient que M. [M] reconnaît avoir réalisé la construction litigieuse sur le terrain appartenant à la SCI et que l'action sur le trouble anormal de voisinage doit être nécessairement engagée contre le propriétaire du bien à l'origine des nuisances, a violé le principe sus visé.

Vu la déclaration de saisine du 6 août 2021 et celle du 8 octobre 2021.

Vu les conclusions en date du 21 juin 2022 de Mme [Y] et Mme [P] [B], appelantes, demandant de :

' vu l'article 1240 du Code civil, anciennement 1382,

' confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité de l'assignation et rejeté la demande reconventionnelle de M. et Mme [M] à leur encontre,

' infirmer le jugement qui a rejeté leur demande de responsabilité contre M. et Mme [M] et en ses dispositions sur l'article 700 du code de procédure civile et statuant à nouveau,

' dire que M. et Mme [M] ont commis une faute de nature à engager leur responsabilité, que la construction irrégulièrement édifiée cause un trouble anormal de voisinage et les condamner à leur payer les sommes de 5982 € TTC pour les travaux prévus à l'accord transactionnel, subsidiairement celle de 4989 € TTC pour financer le coût de la démolition et de la remise en état,

' à titre infiniment subsidiaire, constater que les intimés produisent un devis du 6 décembre 2015 d'un montant de 2200 € pour une surface de 24 m² et les condamner au paiement de cette somme,

' condamner M. et Mme [M] à verser à Mme [P] la somme de 5000 € pour son préjudice moral,

' condamner M. et Mme [M] à verser à Mme [Y] et à Mme [P], par application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 2500 € au titre de la procédure de première instance et celle de 3000 € au titre de la procédure d'appel, ainsi qu'à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel.

Vu les conclusions de M et Mme [M] en date du 17 juin 2022, demandant de :

' dire que les requérantes ne démontrent pas d'intérêt à agir et rejeter leurs demandes,

' rejeter les demandes contre Madame [M] et confirmer le jugement du tribunal d'instance du 30 mai 2017,

' à titre subsidiaire, prendre acte de l'accord de M. [M] de remettre les lieux en état en comblant les 18 cm qu'il a rabotés sur 2,30 m de large ou en réglant la somme de 2200 € correspondant au devis de M. [T],

' à titre infiniment subsidiaire, désigner un expert,

' condamner Mme [P] et Mme [Y] in solidum à leur payer la somme de 4000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens.

MOTIFS

À titre liminaire, il doit être précisé que les deux procédures, distinctement enrôlées sur les deux déclarations de saisine du 6 août 2021 et du 8 octobre 2021, opposent les mêmes parties sur la même décision et doivent donc être jointes.

Mme [Y] et Mme [P] [B] sont, à la suite d'un partage de l'indivision convenu en mars 2014 entre elles et M. [X], propriétaires indivises d'une parcelle [Cadastre 3] vendue par M. [F], tandis que la société civile immobilière Roudil est propriétaire, pour l'avoir achetée de M [X] le 10 juin 2014, d'une parcelle voisine, [Cadastre 4].

Un protocole d'accord a par ailleurs été précédemment signé le 16 mars 2010 entre M. [J], d'une part, propriétaire d'une parcelle voisine, relativement à une servitude de passage et M. et Mme [X] ainsi que Mme [Y] et Mme [P] [B], d'autre part.

Cet accord prévoit que les dames [Y] et [P] consentent à « l'extension du droit de servitude et de passage en débordement de leur partie privative...' et stipule que M. et Mme [X] acquièscent également à cette concession 'bien que n'étant point touchés personnellement et privativement par le réaménagement de la voie d'accès tandis que Mmes [Y] et [B] consentiraient un retrait de leur droit privatif, pour permettre un débordement de man'uvre et de passage au bénéfice du fonds [J], ce dernier devant procéder aux divers aménagements dans la règle de l'art selon le descriptif détaillé infra'.

Le protocole prévoit une indemnité de réduction du droit de propriété des dames [Y] et [P] [B] de 500€ et précise qu'elles consentent à l'extension de la servitude de passage en débordement de leurs parties privatives sur le chemin existant menant de l'impasse [Adresse 2] à la propriété [J] au respect du plan établi par M. [V], expert choisi par M. [J], dont un original est annexé et visé pour agrément ; que les travaux d'agencement s'effectueront selon le descriptif précis qui est énoncé dans le protocole :'reprise en pente légère de l'entier espace de stationnement actuel depuis le pignon de la villa du fonds servant , en dévers côté voie d'accès , par création d'une nouvelle dalle bétonnée, mais avec réservation de niveau surbaissé à la jonction du trottoir afin d'aménagement d'un dallage futur , lequel serait à la charge de Mesdames [Y] et [B], au ras du relevé de bordures. Le trottoir dont s'agit sera constitué en matériaux de pierres et saillie de 10 cm environ avec ancrage au sol en enfouissement de l'ordre de 20 cm , soit une structure de l'ordre de 30 cm d'épaisseur. Cette bordure se prolongera depuis le pilier gauche à l'entrée du portail de Monsieur [J] en suivant le plan ci-joint établi par le géomètre jusqu'à la projection du garage couvert en amont et fera retour en angle droit et limite dudit garage pour souligner le socle de l'accès à l'auvent de ce même garage. Nécessairement, cet aménagement comportera démolition du socle bétonné surélevé précédent au-devant du garage fermé jouxtant le pilier du portail de Monsieur[J]'.

Le protocole a par ailleurs été homologué par un jugement du tribunal de grande instance et page 8 à l'acte de vente à la société civile immobilière Roudil, dont les porteurs de parts sont M. et Mme [M], mentionne en sa page 8 qu'il existe un protocole transactionnel conclu par le vendeur, M [J] et Mme [Y] dont copie est ci-annexée l'acquéreur y déclarant en avoir connaissance et en faire son affaire personnelle sans recours contre le vendeur .

Cette servitude n'a, selon les dames [Y] et [P] [B], jamais été réalisée par M. [J], mais des travaux ont, en revanche, été exécutés par M. et Mme [M], ce qui les a amenées à se plaindre d'un trouble anormal de voisinage en litige.

La cassation prononcée est limitée aux dispositions de l'arrêt qui ont déclaré irrecevables les demandes de Mme [Y] et de Mme [P].

Il en résulte que l'arrêt est définitif en toutes ses autres dispositions.

Madame [P] et Madame [Y] sont donc irrecevables à solliciter la condamnation de M. et Mme [M] aux dépens et à l'article 700 relativement aux sommes déjà arbitrées de façon définitive par le tribunal et par la cour d'appel.

L'action de Mme [Y] et de Mme [P] est fondée sur le trouble anormal de voisinage.

Elles exposent essentiellement qu'au cours du mois d'août 2014, M. et Mme [M] ont réalisé, sans leur autorisation, des travaux consistant à réduire leur parking et en contravention aux exigences du protocole d'accord signé en 2010, ce qui a eu pour conséquence de rendre l'entrée de leur maison inaccessible en fauteuil roulant et le parking impraticable ; qu'elles ont adressé une lettre recommandée à leurs voisins le 23 décembre 2015 ; que le jugement du tribunal d'instance a retenu que « M. [K] [M] qui reconnaît être l'auteur des travaux litigieux ne justifie pas avoir soumis préalablement aux demanderesses un descriptif détaillé des aménagements envisagés » ; que le protocole prévoyait la reprise en pente légère de l'entier espace de stationnement actuel depuis le pignon de la villa du fonds servant, en dévers côté voie d'accès, par création d'une nouvelle dalle bétonnée, mais avec réservation de niveau surbaissé à la jonction du trottoir afin d'aménagement d'un dallage futur au ras du relevé de

bordure ; que le trottoir devait être en sallie de 10 cm environ et que sur les photographies prises par l'huissier de justice, le trottoir présente un dénivelé qui mesure entre 21 et 32 centimètres; qu'en outre, la bordure qui se devait se prolonger jusqu'au garage ouvert s'arrête bien avant ; que cette construction est donc irrégulièrement édifiée sur leur propriété.

Elles se voient opposer par M. et Mme [M] qu'elles n'ont pas d'intérêt à agir car elles indiquent être propriétaires de la parcelle [Cadastre 4], alors que cette parcelle appartient à la société civile immobilière Roudil ; que la société civile immobilière Roudil n'était pas partie au protocole d'accord ; que les appelantes les ont assignés alors qu'ils ne sont pas plus parties au protocole de 2010 et que c'est la SCI Roudil qui a acheté en 2014 ; qu'il n'est pas démontré que M. [M] ait réalisé ces travaux, même s'il a reconnu avoir fait des menus travaux pour entrer son véhicule sur sa propriété ; que les parties s'étaient mises d'accord dans le cadre de la sortie de l'indivision pour raboter la plate-forme située devant l'entrée de la propriété de Mme [Y] et Mme [P] [B] ; que Mme [Y] et Mme [P] [B] ont introduit l'action plus de deux ans après la réalisation des travaux et après leur départ et qu'ils ont, entre-temps, revendu leur maison ; que les appelantes sont donc irrecevables pour absence d'intérêt à agir dans la mesure où elles ne sont pas propriétaires de la parcelle [Cadastre 4] qui appartient à la société civile immobilière Roudil avant d'être revendue en 2016 et dans la mesure où elles ne précisent pas sur quelle parcelle les travaux ont été réalisés ; qu'en toute hypothèse, ces demandes sont mal dirigées car il n'est pas démontré qu'ils ont réalisé les travaux, car le bien en cause appartient à la société civile immobilière et car ils ne l'ont habité que de septembre à décembre 2014 ; qu'il appartient aux dames [Y] et [P] d'apporter la preuve de la réalisation des travaux sur leur propriété ainsi que de démontrer quels sont précisément les travaux reprochés ; que Madame [M] n'a jamais fait les travaux et que Monsieur [M] n'a pas réalisé les travaux qu'on lui reproche ; que les appelantes, après leur départ, ont, elles-même, fait réaliser des travaux sur la plate-forme ; que M [M] a reconnu avoir réalisé des travaux consistant à raboter la plate-forme, laquelle empiète sur la servitude de 18 cm et sur une largeur de 2,30 m maximum en 2014 ; que les appelantes ne se sont plaintes que deux ans après ; qu'elles ne demandent pas une simple remise en état des lieux, mais la réalisation d'une véritable plate-forme à un endroit où cela n'est pas possible ; que les autres travaux dont elles se plaignent ne sont pas du fait de Monsieur [M] ; que leurs incohérences dans leurs griefs démontrent qu'elles ne peuvent pas démontrer avec exactitude quels sont les travaux réalisés par leurs voisins ; que les travaux qu'elles demandent ne sont matériellement pas réalisables ; qu'en aucun cas, il n'a réalisé les travaux prévus au protocole et qu'il ne peut lui être demandé de les réaliser alors qu'il n'a jamais été partie à cet acte ; qu'il consent, à titre subsidiaire, à remettre les lieux en état et à rajouter 18 cm de plate-forme

Sur la recevabilité de l'action :

M. et Mme [M] persistent à soutenir que l'action est irrecevable.

Ils affirment à cet égard que les dames [Y] [P] ne sont pas, ainsi qu'elles l'affirment, propriétaires de la parcelle [Cadastre 4] qui appartient à la société civile immobilière Roudil .

Ils ajoutent qu'elles ne précisent pas sur quelle parcelle ont été réalisés les travaux, ni leur date de réalisation ; enfin, que l'acte de partage indique que le bien en indivision ne constitue pas le logement de la famille au sens de l'article 215 du Code civil; que 'par conséquent, leurs demandes sont irrecevables'.

Mmes [Y] et [P] sont effectivement propriétaires d'une parcelle [Cadastre 3] concernée par le tracé d'une servitude de passage convenue entre leur auteur et ceux de la SCI Roudil dont M et Mme [M] sont associés. Cette servitude a, en outre, été réitérée dans l'acte de partage du 24 mars 2014, également visé dans la vente à la SCI Roudil.

Elles fondent leur action sur un trouble anormal de voisinage qu'elles prétendent subir en suite de travaux qu'elles imputent à M et Mme [M], ce qui suffit à constituer leur intérêt à agir.

La circonstance qu'elles évoquent au début de leurs écritures la propriété de la parcelle [Cadastre 4] est inopérante, peu important par ailleurs le titre d'occupation de ceux-ci et notamment le fait qu'ils ne soient pas propriétaires de l'immeuble.

Le moyen tiré de ce qu'il n'est démontré ni la localisation de la réalisation des travaux, ni leur date exacte ne concerne pas la question de la recevabilité de l'action, mais son seul bien-fondé.

Le moyen n'est donc pas plus pertinent.

Enfin, le moyen tiré de l'article 215 du Code Civil visé à l'acte de partage est également sans pertinence.

Les époux [M] font, ensuite, valoir, sous le titre de leurs conclusions réservé à la recevabilité, que l'action est 'mal dirigée' en ce qu'ils n'ont jamais été propriétaires et n'ont pas réalisé les travaux en cause, qu'ils n'ont occupé la maison que 4 mois et que le bien est désormais revendu.

Ces moyens sont également sans emport dès lors donc que peu importe la propriété du bien, seule devant être prise en considération l'imputabilité des travaux quel que soit le titre d'occupation et que celui par ailleurs développé, faisant état de ce que les appelantes doivent apporter la preuve de la réalisation des travaux par eux-mêmes et qu'il doit être démontré quels sont les travaux précisément reprochés concerne le bien-fondé de l'action.

Ils seront donc aussi écartés.

Sur le fond :

L'action fondée sur le trouble anormal de voisinage n'étant pas une action réelle immobilière, mais une action en responsabilité civile extra contractuelle qui peut être dirigée contre le voisin, même occasionnel, auteur du trouble, le fondement donné à leur action par les appelantes exige que soit démontré :

1/qui est l'auteur du trouble , peu important donc que seule la SCI Roudil ait été propriétaire du bien en cause,

2/ ainsi que l'existence d'une relation de causalité directe entre les nuisances invoquées et le fait à l'origine du dommage.

La preuve en incombe aux demanderesses à la réparation.

Madame [Y] et Madame [P] affirment à cet égard que les travaux qu'elles imputent aux époux [M] leur causent un trouble anormal de voisinage, consistant dans l'aménagement d'une esplanade aux droits de leur terrain et de l'accès à leur maison qui aurait une tranche franche sur une partie, avec pour conséquence un trottoir d'une hauteur supérieure à 10 cm et une bordure qui ne se prolonge pas jusqu'à la projection du garage couvert en amont constituant un obstacle entravant l'accès à leur immeuble et notamment l'usage d'un fauteuil roulant.

Elles précisent encore qu'elles ont consenti un retrait de leurs droits privatifs pour étendre le servitude de passage de M. [J] à la condition que les aménagements se fassent dans la règle de l'art selon le descriptif prévu au protocole et qu'elles sollicitent donc que les travaux soient conformes à ce protocole ; que M. [M] a reconnu, devant le tribunal d'instance, être l'auteur des travaux en cause; que ceux-ci ne sont pas conformes au protocole d'accord qui avait été régularisé entre les parties et homologué par le tribunal de grande instance, ce qui a conduit à une diminution du parking et à la création d'une pente rendant désormais difficile l'usage d'un fauteuil roulant et le stationnement.

M. et Mme [M] font, pour leur part, valoir qu'ils contestent avoir réalisé les travaux en cause même si M. [M] a réalisé certains travaux dont il affirme que de toute façons ce ne sont pas ceux invoqués, qu'en outre, le constat d'huissier après travaux produit ne permet de déterminer ni l'atteinte prétendument portée à leur propriété, ni la nature des travaux exactement réalisés par les voisins ; ils ajoutent qu'il semblerait que les appelantes, elles-mêmes, aient réalisé des travaux après leur départ en décembre 2014 ; que M. [M] n'a toujours reconnu qu'avoir raboté la plate-forme de 18 cm sur une largeur de 2,30 m maximum en 2014 pour permettre l'accès à la propriété de la SCI, qu'il conteste formellement avoir rétréci la plate-forme de 60 cm et qu'en 2014, leurs voisins ne leur ont pas fait de récriminations; que les appelantes ne sont pas fondées à se garer sur la plate-forme où elles gênent le passage en empiétant sur la servitude et qu'il n'existe aucun trouble de voisinage dans la mesure où elles se prévalent d'un droit qu'elles n'ont pas, ne disposant d'aucun droit de stationnement sur l'esplanade en cause.

Sur ces débats, il sera en premier lieu rappelé que peu importe que les éléments versés par Mme [Y] et Mme [P] ne permettent pas de situer exactement les travaux dans les limites de leur propriété, celle-ci pouvant se prévaloir d'un trouble anormal de voisinage dès lors qu'il est suffisamment démontré qu'il est causé par des travaux susceptibles d'être imputés aux intimés, quelque soit l'endroit de leur réalisation.

Peu importe également :

- que lesdits travaux aient été réalisés en respect ou non du protocole sur l'extension de la servitude, dès lors donc qu'ils causent un trouble anormal de voisinage,

- que seule la SCI Roudil ait été la propriétaire du fonds habité par M et Mme [M],

- que les dames [Y] et [P] disposent aussi d'un garage dont elles auraient changé la destination sans déclaration régulière, dès lors que leur droit à utiliser l'esplanade litigieuse notamment pour stationner n'est pas utilement remis en cause par les intimés qui se contentent à ce sujet d'assertions non prouvées,

- que l'utilisation du fauteuil roulant qui n'est à ce jour pas contestée n'ait pas existé au jour du protocole.

Il n'est par ailleurs pas établi, malgré les allégations de M. et Mme [M], que les dames [Y] et [P] auraient, elles-mêmes, réalisé des travaux à l'origine du trouble dont elles se plaignent, ni qu'elles feraient un usage anormal ou irrégulier de l'espace de stationnement en cause (lequel est d'ailleurs visé comme tel dès le protocole de 2010), ni enfin que l'anéantissement du rabotage de 18 cm dont elles se plaignent et qui a eu pour conséquence d'augmenter le dénivelé, empièterait sur la servitude ou serait contraire aux règles d'urbanisme, leurs écritures, ne contenant pas un tel aveu et les intimés formulant ce grief au mode conditionnel( page 15).

L'attestation produite en pièce 18 par les intimés, relatant que les dames [Y] et [P] avaient donné leur accord aux travaux de M. et Mme. [M] n'est pas suffisamment précise sur la définition de ces travaux pour démontrer l'existence d'une telle approbation.

En ce qui concerne la réalité du trouble anormal, les dames [Y] et [P] produisent un constat d'huissier diligenté à la date du 21 mars 2018 qui permet de retenir l'existence d'une dalle maçonnée à usage de parking sur le profil de leur maison qui se trouve quasiment au niveau du chemin de desserte en son amont et dont la surélévation est de plus en plus prononcée au fur et à mesure de la descente du chemin pour atteindre 19 cm à l'extrémité du plan coupé et devenir 'quasiment verticale' au-delà, avec une hauteur variant entre 19 et 32 centimètres environ .

Il démontre également les difficultés de stationnement de la voiture de Madame [Y] et les difficultés de positionnement du fauteuil roulant du côté passager.

La mise en perspective de ces éléments

' avec d'une part, la reconnaissance de M. [M] de ce qu'il a raboté 18 cm de plate-forme sur une longueur de 2,30 m alors que l'huissier remarque précisément que l'enrobé de la voie de desserte au pied de la plate-forme a un aspect plus grossier et désagrégé et que les photographies, non contestées quant à leur authenticité produites par les appelantes en pièce 7 sur la situation antérieure, confortent l'existence d'une rupture moindre à cet endroit,

' avec d'autre part, l'attestation de l'assistante de vie de Madame [P] relatant avoir constaté, en rentrant de ses congés en août 2014, une modification de la plate-forme dont résultait une nouvelle configuration engendrant des difficultés pour se garer et rapportant que les voisins lui ont alors relaté être à l'origine de ces travaux sur l'espace de stationnement, ainsi que celle du kinésithérapeute, attestant non seulement de la réalité des inconvénients et du trouble subis par Mme [Y] et Mme [P], mais aussi de l'anormalité résultant de la difficulté de ces conditions d'accès, difficulté redoublée pour une personne handicapée, même si l'accès à la maison n'est pas strictement impossible.

L'existence du trouble anormal de voisinage imputable aux travaux de Monsieur [M], seul, et tels qu'il les a reconnus, sera donc retenue.

M. [M] sera, par suite, condamné à réparer les conséquences préjudiciables imputables à ces seuls travaux.

Il en résulte le bien-fondé de la demande de ce chef de Mme [Y] et de Mme [P], mais à concurrence de la seule somme de 2200 € proposée subsidiairement par les intimés et correspondant à un devis établi sur leur demande , les appelantes ne démontrant en effet pas l'imputabilité à M ou Mme [M] des interventions envisagées par les devis plus amples versés à leur dossier alors donc que rien ne démontre que les travaux présentement retenus comme imputables à M. [M], qui n'ont affecté qu'une longueur de 2,30m de la plateforme existante avec un rabotage de 18 cm, nécessitent une plus ample dépense.

La demande infiniment subsidiaire de M et Mme [M] en désignation d'expert est, par suite, sans objet.

Il sera enfin considéré que les difficultés d'accès subis par Mme [Y] et par Mme [P] leur ont occasionné un préjudice moral nécessitant une indemnisation que la cour fixera à la somme de 4000 € compte tenu du temps écoulé dans cette situation.

Par ces motifs

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,

Ordonne la jonction des deux procédures enrôlées sous les numéros 21 ' 1472 et 21 ' 1203 sous ce dernier numéro,

Statuant sur renvoi de la cour de cassation et dans le cadre des limites de la cassation ainsi prononcée limitée aux dispositions de l'arrêt qui a déclaré irrecevables les demandes de Mmes [Y] et [P] [B] et qui a remis les parties sur ce point dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt ,

Infirme le jugement du tribunal d'instance de Grasse du 30 mai 2017, mais seulement en ce qu'il a rejeté les demandes de Mme [Y] et de Mme [P] et statuant à nouveau :

Déclare Mme [Y] et Mme [P] [B] recevables en leurs demandes contre M. et Mme. [M],

Condamne M. [M], seul, à verser à Mme [Y] et à Mme [P] [B] la somme de 2200 €, à titre de dommages et intérêts,

Condamne, au titre de la présente instance, M. [M] à verser la somme de 2500€, à Mme [Y] et à Mme [P] [B] par application de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute demande plus ample,

Condamne M. [M] à supporter les dépens de la présente instance avec distraction en application de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-1
Numéro d'arrêt : 21/14272
Date de la décision : 20/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-20;21.14272 ?
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