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16/09/2022 | FRANCE | N°18/12671

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 16 septembre 2022, 18/12671


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 16 SEPTEMBRE 2022



N° 2022/ 180



RG 18/12671

N° Portalis DBVB-V-B7C-BC3LQ







SA CONFRATERNELLE D'EXPLOITATION ET DE REPARTITION PH ARMACEUTIQUE RHIN RHONE MEDITERRANEE



C/



[S] [A]

















Copie exécutoire délivrée le 16 Septembre 2022 à :

-Me Catherine BERTHOLET, avocat au barreau de MARSEILLE



- Me Frédéric PASCAL,

avocat au barreau de MARSEILLE

































Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE en date du 12 Juillet 2018 enregistré au répertoire général sous ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 16 SEPTEMBRE 2022

N° 2022/ 180

RG 18/12671

N° Portalis DBVB-V-B7C-BC3LQ

SA CONFRATERNELLE D'EXPLOITATION ET DE REPARTITION PH ARMACEUTIQUE RHIN RHONE MEDITERRANEE

C/

[S] [A]

Copie exécutoire délivrée le 16 Septembre 2022 à :

-Me Catherine BERTHOLET, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Frédéric PASCAL, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE en date du 12 Juillet 2018 enregistré au répertoire général sous le n° F17/01065.

APPELANTE

SA CONFRATERNELLE D'EXPLOITATION ET DE REPARTITION PHARMACEUTIQUE RHIN RHONE MEDITERRANEE, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Catherine BERTHOLET de la SELARL CAPSTAN - PYTHEAS, avocat au barreau de MARSEILLE, Me Jean-michel MIR de la SELARL CAPSTAN LMS, avocat au barreau de PARIS, Me Laurent GUERDER, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Margaux LOUSTE, avocat au barreau de PARIS

INTIME

Monsieur [S] [A], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Frédéric PASCAL, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Estelle DE REVEL, Conseiller, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Estelle DE REVEL, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Agnès BAYLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Septembre 2022.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Septembre 2022

Signé par Madame Estelle DE REVEL, Conseiller et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

M. [S] [A] a été engagé en qualité de livreur par la société SA Confraternelle d'Exploitation et de Répartition Pharmaceutique Rhin Rhône Méditerranée (ci après CERP), en vertu d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet du 8 février 2010.

Le 20 février 2017, M. [A] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 7 mars suivant avec mise à pied à titre conservatoire.

Le 13 mars 2017, il s'est vu notifier son licenciement pour faute grave.

Contestant le motif de la rupture, M. [A] a, le 2 mai 2017, saisi le conseil des prud'hommes de Marseille aux fins de voir condamner la société au paiement de diverses sommes.

Par jugement du 12 juillet 2018, le conseil des prud'hommes en sa formation de départage, a :

'Dit que le licenciement pour faute grave de [S] [A] par la SA CERP est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamne la SA CERP à verser à [S] [A] la somme de 4.284,50 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 428,45 euros de congés payés y afférents ;

Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 9 mai 2017, et ce jusqu'à parfait paiement ;

Condamne la SA CERP à verser à [S] [A] la somme de 21.500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du présent jugement, et ce jusqu'à parfait paiement ;

Ordonne la capitalisation annuelle des intérêts à compter du 8 décembre 2017, sous réserve toutefois qu'il s'agisse d'intérêts dus pour une année entière ;

Condamner la SA CERP à rembourser à POLE EMPLOI les indemnités de chômage perçues par [S] [A] dans la limite des six premiers mois indemnisés ;

Dit que la présent jugement sera notifié, à la diligence du Greffe de cette juridiction, à POLE EMPLOI ;

Condamne la SA CERP à verser à [S] [A] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SA CERP aux entiers dépens de la présente procédure ;

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision, sous réserve des dispositions qui sont de plein droit exécutoires ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires'.

La société a relevé appel de la décision le 26 juillet 2018.

Aux termes de ses dernières conclusions, transmises par voie électronique le 15 mars 2019, la SA CERP demande à la cour de :

'- INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a :

Dit que le licenciement pour faute grave de [S] [A] par la société est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamné la société à verser à [S] [A] la somme de 4.284,50 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 428,45 euros de congés payés y afférents ;

Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 9 mai 2017, et ce jusqu'à parfait paiement;

Condamné la société à verser à [S] [A] la somme de 21.500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du présent jugement, et ce jusqu'à parfait paiement ;

Ordonné la capitalisation annuelle des intérêts à compter du 8 décembre 2017, sous réserve toutefois qu'il s'agisse d'intérêts dus pour une année entière ;

Condamné la société à rembourser à POLE EMPLOI les indemnités de chômage perçues par [S] [A] dans la limite des six premiers mois indemnisés ;

Condamné la société à verser à [S] [A] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamné la société aux entiers dépens ;

Débouté la société de sa demande au titre de l'article 700 du CPC.

- Et statuant à nouveau :

DEBOUTER Monsieur [A] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

CONDAMNER Monsieur [A] au paiement d'une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens'.

Aux termes de ses dernières conclusions, transmises par voie électronique le 17 Décembre 2018, M. [A] demande à la cour de :

'Réformer partiellement le jugement du Conseil de prud'hommes du 12 juillet 2018.

Condamner la société à verser à Monsieur [S] [A] les sommes suivantes :

- 4 254,50€ bruts à titre d'indemnité de préavis, somme allouée par le jugement première instance qu'il convient de confirmer sur ce point.

- 428,45€ bruts à titre d'indemnité de congés payés sur préavis somme allouée par le jugement première instance qu'il convient de confirmer sur ce point.

- 64 267,50€ à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (article L. 1235-3 du Code du Travail) et subsidiairement la somme de 21500 euros, allouée par le Conseil de prud'hommes.

Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a alloué la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile relativement aux frais irrépétibles de première instance.

Condamner en sus la société à verser à Monsieur [S] [A] la somme de 2 000€ à titre d'indemnité en vertu de l'article 700 du Code de Procédure Civile relativement aux frais irrépétibles exposés en appel.

Dire que les condamnations porteront intérêts à compter de la date de la demande en justice.

Ordonner la capitalisation des intérêts à compter de la demande en justice.

Condamner la société aux dépens.'

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile « la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif » et que les 'dire et juger' et les 'constater' ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi ; en conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués .

Sur le licenciement pour faute grave

La faute grave est celle qui résulte d'un fait, ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

L'employeur qui invoque la faute grave doit en rapporter la preuve.

La lettre du licenciement qui fixe les limites du litige, est rédigée ainsi:

'(...) Nous avons le regret de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave.

Les motifs invoqués à l'appui de cette décision, tels qu'ils vous ont été exposés à cette occasion, sont, nous vous le rappelons les suivants:

Le 26 décembre 2016, en fin de journée, avec la complicité de M [X], vous avez volontairement enfermé votre collègue, M. [W] [N] dans la benne cyclamed de récupération des déchets médicaux. Vous avez tapé violemment à plusieurs reprises sur la benne pour l'effrayer avant de prendre la fuite.

Outre l'aspect traumatisant pour M. [N] de cet enfermement, celui-ci aurait pu se blesser puisqu'il se trouvait alors dans le noir à proximité de déchets potentiellement dangereux pour sa santé et son intégrité physique (seringues usagées, produites souillés par du sang...).

De plus, c'est un autre de vos collègues qui a dû délivrer M. [N] puisqu'à aucun moment vous n'aviez envisagé de le libérer.

Sans ce collègue, personne ne sait combien de temps M. [N] serait ainsi resté enfermé.

Suite à ces faits, M. [N] très choqué a dû s'absenter pour raison de santé le 27 décembre 2016.

Il est évident que votre attitude constitue à son égard des faits de violence et de harcèlement, qui plus est en réunion, inadmissibles et de nature à porter atteinte durablement et au quotidien, à ses conditions de travail.

Votre attitude porte également atteinte aux règles de sécurité puisque M. [N] aurait pu se blesser dans la benne et que vous avez pris ce risque volontairement et en toute connaissance de cause.

Ces faits s'ajoutent de plus à d'autres faits préalables et un climat habituellement hostile créé par vous-même et M. [X] à l'encontre de M. [N].

Votre attitude peut également faire craindre de telles exactions à tous les autres salariés de notre établissement.

Nous vous rappelons que l'article 24-3 de notre règlement intérieur sanctionne d'un licenciement pour faute grave les violences volontaires à l'égard d'un autre salarié mais aussi les infractions graves à l'hygiène et la sécurité.

De même l'article 16-2 du même règlement intérieur prévoit notamment le licenciement pour faute grave à l'encontre de tout salarié se livrant à des faits ou agissements caractéristiques de harcèlement moral à l'encontre d'un autre salarié.

Il est évident que votre attitude a bien eu pour but et pour conséquence d'altérer la santé physique et morale de votre collègue et de porter atteinte à ses droits et à sa dignité.

Il est de plus évident que votre attitude cause un trouble grave au fonctionnement de notre établissement.

Votre attitude est totalement inacceptable et constitue une faute grave.

Votre maintien dans l'entreprise s'avère donc impossible, y compris pendant la durée de votre préavis'.

A l'appui des griefs invoqués, la société produit notamment :

- le courrier dactylographié, non daté, signé par M. [N] adressé au Président de la société et au directeur des ressources humaines, (pièce 20) dans les termes suivants :

'Par la présente, je porte à votre connaissance à la demande de mon directeur l'existence de faits qui sont produits au sein de l'agence d'[Localité 3] et pouvait atteindre à mon activité professionnelle.

En effet, le 26 décembre 2016, j'ai été enfermé dans un container sur lequel des coups ont été portés avec des objets lourds avec une résonnance dont je vous laisse juge étant dans l'impossibilité de pouvoir sortir seul. J'ai dû appeler un collègue de travail pour venir m'ouvrir. En outre, les faits cités se sont produits au sein de l'entreprise, le dit container servant à stocker les cyclameds et étant situé sur le parking. Aussi en vue de faciliter l'identification des personnes impliquées, je vous livre les éléments dont j'ai connaissance:

auteur des faits : [C] [X] et [S] [A]

complice : [V] [G]

Toutes ces personnes sont employées dans l'entreprise au moment des faits.

En vous remerciant de l'attention que vous porterez à ce courrier,(...)'.

- une attestation de M. [N] datée du 20 novembre 2018 dans les termes suivants (pièce 29):

'Par la présente, je confirme que le 26 décembre 2016, en fin de journée, j'ai été enfermé par M. Benchaid et [A], dans un container cyclamed sur lequel ils ont porté des coups avec des objets lourds, ce qui a entraîné une forte résonnance.

Je n'ai pas pu sortir seul de la benne qui a été volontairement refermée par Messieurs Benchaid et [A] me laissant dans le noir total.

J'ai dû appeler un long moment et c'est un collègue, M. [F] qui est venu m'ouvrir après que je l'ai appelé sur son téléphone portable.

La benne sert à stocket les déchets et les médicaments cyclamed et était située sur le parking de l'entreprise. Je précise que ces faits n'étaient pas isolés et que j'ai subi pendant plus d'un an des moqueries et brimades de la part de ces messieurs.

Par la suite, M. Benchaid et [A] m'ont présenté leurs excuses mais le mal était fait et je reste encore aujourd'hui meurtri par leurs agissements'.

- l'attestation de M. [E], directeur de l'établissement comme suit :

' le 26 décembre 2016, il s'est passé les faits suivants : M. [W] [N], chauffeur livreur de l'établissement, a été enfermé dans la benne cyclamed de manière délibérée par Messieurs [C] [X] et [S] [A] vers 19h.

Cet événement m'a été rapporté le 27 décembre 2016 au matin. J'ai téléphoné à M [N] qui m'a confirmé les faits et a été arrêté par son médecin le 27 décembre 2016. Le 28 décembre 2016, il est revenu travailler. Messieurs [X] et [A] se sont excusés auprès de lui, M. [N] me l'a répété le 28 décembre en fin de journée. En même temps, M. [N] m'a divulgué les agissements de ces deux personnes depuis plus d'un an à savoir moqueries et brimades essentiellement'.

- l'attestation de M. [F] qui déclare avoir sorti M. [N] de la benne cyclamed le 26 décembre 2016 'après qu'il m'ait appelé sur mon portable' alors qu'il travaillait dans l'établissement

- l'attestation de M. [R] qui indique avoir lui-même subi des sévices morales et physiques de la part de M. [A] et [X], durant sa période dans l'entreprise, de janvier à septembre 2015. Il évoque des pincements du haut de la poitrine jusqu'à en avoir des bleus par les deux individus, le fredonnement répété d'une chanson disant qu'il était 'une tapette'. 'J'en passe, il y en a tellement à dire'. Il indique avoir été témoin de ce que M. [N] a également été maltraité par ces deux individus et notamment avoir 'été filmé en entier comme une momie avec du film plastique pour les palettes et scotchés et ils n'arrêtaient pas de l'appeler Atoche',

- l'attestation de M. [J], livreur, indiquant avoir vu M. [X] et [A] 'à maintes reprises pincer fortement la poitrine de M. [R] le faisant hurler de douleurs'.

M. [A] conteste ce qui lui est reproché et produit notamment :

- les attestations de Messieurs [K], [M] et [U], tous salariés de la société, indiquant n'avoir constaté aucun harcèlement et aucune violence sur M. [N] de la part de M. [A],

- l'attestation de M. [Y], dans les formes requises par le code de procédure civile, selon lequel M. [A] se trouvait dans le garage pour garer son véhicule au moment des faits,

- une pétition du 26 mai 2017 signée par une quarantaine de salariés sur le comportement déplacé et anormal de M. [E] (propos dénigrants, dévalorisant, injurieux, entachés de menaces).

La cour relève tout d'abord que la réalité de l'enfermement de M. [N] à l'intérieur d'une benne cyclamed le 26 décembre 2016 en fin de journée n'est pas utilement contestée et ressort notamment de la déclaration de M. [F] qui indique l'avoir délivré.

La cour observe par ailleurs qu'après que le conseil des prud'hommes ait écarté les accusations de M. [N] contre M. [X] et [A], car ne répondant pas aux exigences du code de procédure civile, ce dernier les a réitérées et confirmées plusieurs mois après, aux termes d'une attestation solennelle en bonnes et dues formes, dont l'authenticité n'est pas utilement contestée, dans laquelle il maintient que ce sont ces deux hommes qui l'ont enfermé volontairement dans la benne, ont donné des coups sur celle-ci, la faisant résonner, et qui ne lui ont pas ouvert la porte.

M. [N] n'ajoute rien à ses premières dénonciations et y reste fidèle, sauf à préciser qu'il subissait les brimades des deux salariés depuis un an.

La cour relève encore qu'elles ont été réitérées le lendemain même des faits par l'intéressé auprès de M. [E], directeur de l'établissement, lequel les a restituées dans les mêmes termes.

Ce faisant, et en l'absence de toute preuve d'un quelconque contentieux entre celui-ci et M. [A] autre que les faits reprochés, ses déclarations doivent être considérées comme sincères.

L'attestation de M. [E] ne saurait être écartée du seul fait de sa qualité de directeur étant rappelé qu'en tant qu'employeur, il est débiteur d'une obligation de sécurité envers les salariés de l'entreprise et doit être informé des faits qui pourraient mettre en danger celle-ci.

L'existence d'une pétition de salariés en mai 2017 pour dénoncer son comportement dénigrant et inadapté est également sans incidence, en ce que les reproches sont étrangers aux faits et postérieurs à ceux-ci.

Les attestations de quatre salariés déclarant n'avoir constaté aucun fait de harcèlement de la part de M. [A] à l'encontre de [W] [N] ne peuvent suffire à considérer que l'intéressé n'a pu commettre ce qui a été dénoncé et réitéré.

L'absence de témoin s'explique par la nature des faits et les précautions évidentes prises par le ou les auteurs pour commettre cet acte au sein de l'entreprise, à l'abri des regards ; M. [N] indique d'ailleurs avoir appelé à plusieurs reprises en vain ce qui corrobore qu'il n'y avait personne aux alentours.

Comme justement relevé par le premier juge, M. [A] échoue à démontrer qu'il était dans le garage au moment des faits, la seule attestation qu'il produit en ce sens qui a été rédigée plus de trois mois après le jour des faits ne peut suffire à établir le souvenir d'une action aussi banale qu'un collègue qui gare sa voiture. La cour constate que la même attestation a été rédigée dans les mêmes termes au profit de M. [X]. En outre, aucune pièce ne permet de connaître l'heure exacte et la durée pendant laquelle M. [N] a été enfermé.

Ce faisant, la production d'une telle pièce jette la suspicion sur celui qui est supposé en bénéficier.

Il résulte des déclarations concordantes de deux salariés, que M. [A] et M. [X], ont déjà eu un comportement violent, voir sadique avec un autre salarié de l'entreprise à une période contemporaine à celle reprochée.

S'agissant de la possibilité que la porte de la benne se soit fermée toute seule, sous l'effet du vent, et soit restée bloquée en dehors de toute action manuelle extérieure, comme l'affirme l'intimé qui conteste être à l'origine des faits, la cour relève que les deux attestations de salariés qu'il produit en ce sens, selon lesquels 'la porte de le benne se referme seule ; il arrive que l'on se retrouve enfermé dedans et que l'on risque de glisser quand il pleut ; on doit attendre que quelqu'un nous ouvre pour ressortir', sont insuffisantes à le démontrer en présence des éléments suivants :

- la déclaration du chef des ventes de la société Cyclamed qui affirme qu'il est possible que la benne se ferme à cause du vent 'mais dans tous les cas, la personne pourra sortir en poussant la porte', ajoutant que 'toutes les bennes sont équipées d'un système pour bloquer la porte après fermeture mais quel que soit le système, il faut une intervention humaine pour l'actionner';

- celle du directeur de Cyclamed qui certifie sur l'honneur que l'éventualité d'un enfermement dans un conteneur benne Cyclamed à cause du vent est 'inenvisageable';

- le rapport du déplacement des parties sur site dans le cadre de l'enquête des conseillers prud'homaux sur une benne, qualifiée d''identique mais non similaire' à celle dans laquelle M. [N] s'est trouvé enfermé, et pour laquelle il est relevé que le système de fermeture 'est composée d'un crochet piston latéral bas actionné par ressort qui se bloque lorsque la porte de la benne est fermée entièrement et d'un système frontal manuel par barre verticale nécessitant une action de fermeture par rabat'.

Après analyse de l'ensemble des éléments et pièces susvisés, et sans qu'il ne soit nécessaire de rechercher si la benne pouvait ou pas être fermée sans action extérieure, il est établi que ce sont M. [X] et M. [A] qui ont enfermé M. [N] dans le container le 26 décembre 2016 lequel n'a pu être libéré que parce qu'il a fait appel à un collègue, venu lui ouvrir.

Ce seul fait fautif, par sa nature et sa particulière gravité, rendait impossible le maintien de M. [A] dans l'entreprise.

Il convient par conséquent d'infirmer le jugement et de dire que le licenciement pour faute grave est fondé.

Les demandes indemnitaires subséquentes et relatives au préavis de rupture doivent toutes être rejetées et le jugement infirmé.

III. Sur les autres demandes

Il y a lieu d'infirmer le jugement ayant condamné l'employeur au titre de l'article L.1235-4 du code du travail.

L'équité commande de condamner M. [A] à verser à la société la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de le condamner aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et Y ajoutant,

Dit que le licenciement de M. [S] [A] est fondé sur une faute grave,

Déboute M. [S] [A] de l'ensemble de ses demandes,

Condamne M. [S] [A] à verser à la société Confraternelle d'Exploitation et de Répartition Pharmaceutique (CERP) Rhin Rhône Méditerranée la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Le condamne aux dépens d'appel.

LE GREFFIERPour Mme MARTIN empéchée,

Mme De REVEL en ayant délibéré


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 18/12671
Date de la décision : 16/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-16;18.12671 ?
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