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16/09/2022 | FRANCE | N°18/12665

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 16 septembre 2022, 18/12665


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 16 SEPTEMBRE 2022



N° 2022/ 179





RG 18/12665

N° Portalis DBVB-V-B7C-BC3LA







SA CONFRATERNELLE D'EXPLOITATION ET DE REPARTITION PHARMACEUTIQUE RHIN RHONE MEDITERRANEE



C/



[B] [S]-[X]

























Copie exécutoire délivrée le 16 Septembre 2022 à :

-Me Catherine BERTHOLET, avocat au barreau de MARSE

ILLE



- Me Frédéric PASCAL, avocat au barreau de MARSEILLE





























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE en date du 12 Juillet 2018 enregistré au répertoire génér...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 16 SEPTEMBRE 2022

N° 2022/ 179

RG 18/12665

N° Portalis DBVB-V-B7C-BC3LA

SA CONFRATERNELLE D'EXPLOITATION ET DE REPARTITION PHARMACEUTIQUE RHIN RHONE MEDITERRANEE

C/

[B] [S]-[X]

Copie exécutoire délivrée le 16 Septembre 2022 à :

-Me Catherine BERTHOLET, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Frédéric PASCAL, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE en date du 12 Juillet 2018 enregistré au répertoire général sous le n° F17/01064.

APPELANTE

SA CONFRATERNELLE D'EXPLOITATION ET DE REPARTITION PHARMACEUTIQUE RHIN RHONE MEDITERRANEE, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Catherine BERTHOLET de la SELARL CAPSTAN - PYTHEAS, avocat au barreau de MARSEILLE, Me Jean-michel MIR de la SELARL CAPSTAN LMS, avocat au barreau de PARIS, Me Laurent GUERDER, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Margaux LOUSTE, avocat au barreau de PARIS

INTIME

Monsieur [B] [S]-[X], demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Frédéric PASCAL, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Estelle DE REVEL, Conseiller, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Estelle DE REVEL, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Agnès BAYLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Septembre 2022.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Septembre 2022

Signé par Madame Estelle DE REVEL, Conseiller et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

M. [B] [S]- [X] a été engagé par la société SA Confraternelle d'Exploitation et de Répartition Pharmaceutique Rhin Rhône Méditerranée (ci après CERP), en qualité de livreur, en vertu d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet du 2 décembre 2013.

Par avenant du 1er juin 2014, le salarié a été affecté en qualité de 'poste relai' de l'établissement de Marseille.

Le contrat de travail s'est trouvé suspendu pour accident du travail entre le 28 décembre 2016 et le 9 avril 2017.

Le salarié a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 7 mars 2017 et a été mis à pied à titre conservatoire.

Le 13 mars 2017, M. [S]-[X] s'est vu notifier son licenciement pour faute grave.

Contestant le motif de la rupture, M. [S]-[X] a, le 2 mai 2017, saisi le conseil des prud'hommes de Marseille aux fins de voir condamner la société au paiement de diverses sommes.

Par jugement du 12 juillet 2018, le conseil des prud'hommes en sa formation de départage, a :

'Dit que la procédure de licenciement engagée à l'égard de [B] [S]-[X] par la SA CONFRATERNELLE D'EXPLOITATION ET DE RÉPARTITION PHARMACEUTIQUE RHIN RHÔNE MÉDITERRANÉE est régulière ;

Dit que le licenciement pour faute grave de [B] [S]-[X] par la SA CONFRATERNELLE D'EXPLOITATION ET DE RÉPARTITION PHARMACEUTIQUE RHIN RHÔNE MÉDITERRANÉE est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamne la SA CONFRATERNELLE D'EXPLOITATION ET DE RÉPARTITION PHARMACEUTIQUE RHIN RHÔNE MÉDITERRANÉE à verser à [B] [S]-[X] la somme de 5.469,74 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 546,97 euros de congés payés y afférents ;

Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 6 juin 2017, et ce jusqu'à parfait paiement ;

Condamne la SA CONFRATERNELLE D'EXPLOITATION ET DE RÉPARTITION PHARMACEUTIQUE RHIN RHÔNE MÉDITERRANÉE à verser à [B] [S]-[X] la somme de 19.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse

Dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du présent jugement, et ce jusqu'à parfait paiement ;

Ordonne la capitalisation annuelle des intérêts à compter du 8 décembre 2017, sous réserve toutefois qu'il s'agisse d'intérêts dus pour une année entière ;

Déboute [B] [S]-[X] de sa demande indemnitaire pour non respect de la réglementation sur le temps de travail ;

Condamne la SA CONFRATERNELLE D'EXPLOITATION ET DE RÉPARTITION PHARMACEUTIQUE RHIN RHÔNE MÉDITERRANÉE à rembourser à POLE EMPLOI les indemnités de chômage perçues par [B] [S]-[X] dans la limite des six premiers mois indemnités;

Dit que le présent jugement sera notifié, à la diligence du Greffe de cette juridiction à POLE EMPLOI ;

Condamne la SA CONFRATERNELLE D'EXPLOITATION ET DE RÉPARTITION PHARMACEUTIQUE RHIN RHÔNE MÉDITERRANÉE à verser à [B] [S]-[X] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne la SA CONFRATERNELLE D'EXPLOITATION ET DE RÉPARTITION PHARMACEUTIQUE RHIN RHÔNE MÉDITERRANÉE aux entiers dépens de la présente procédure;

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision, sous réserve des dispositions qui sont de plein droit exécutoires ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

La société a relevé appel de la décision le 26 juillet 2018.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 15 mars 2019, la société demande à la cour de :

'DECLARER la CERP RHIN RHONE MEDITERRANEE recevable et bien fondée en son appel ;

Y faisant droit,

- INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a :

Dit que le licenciement pour faute grave de [B] [S]-[X] par la SA CONFRATERNELLE D'EXPLOITATION ET DE REPARTITION PHARMACEUTIQUE RHIN RHONE MEDITERRANEE est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamné la SA CONFRATERNELLE D'EXPLOITATION ET DE REPARTITION PHARMACEUTIQUE RHIN RHONE MEDITERRANEE à verser à [B] [S] [X] la somme de 5.469,74 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 546,97 euros de congés payés y afférents ;

Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 6 juin 2017, et ce jusqu'à parfait paiement;

Condamné la SA CONFRATERNELLE D'EXPLOITATION ET DE REPARTITION PHARMACEUTIQUE RHIN RHONE MEDITERRANEE à verser à [B] [S] [X] la somme de 19.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du présent jugement, et ce jusqu'à parfait paiement ;

Ordonné la capitalisation annuelle des intérêts à compter du 8 décembre 2017, sous réserve toutefois qu'il s'agisse d'intérêts dus pour une année entière ;

Condamné la SA CONFRATERNELLE D'EXPLOITATION ET DE REPARTITION PHARMACEUTIQUE RHIN RHONE MEDITERRANEE RHIN RHONE MEDITERRANEE à rembourser à POLE EMPLOI les indemnités de chômage perçues par [B] [S] [X] dans la limite des six premiers mois indemnisés ;

Condamné la SA CONFRATERNELLE D'EXPLOITATION ET DE REPARTITION PHARMACEUTIQUE RHIN RHONE MEDITERRANEE à verser à [B] [S] [X] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SA CONFRATERNELLE D'EXPLOITATION ET DE REPARTITION PHARMACEUTIQUE RHIN RHONE MEDITERRANEE aux entiers dépens de la présente procédure;

Débouté la CERP de sa demande au titre de l'article 700 du CPC.

- CONFIRMER le jugement en ce qu'il a :

Dit que la procédure de licenciement engagée à l'égard de [B] [S]-[X] par la SA CONFRATERNELLE D'EXPLOITATION ET DE REPARTITION PHARMACEUTIQUE RHIN RHONE MEDITERRANEE est régulière ;

Déboute [B] [S]-[X] de sa demande indemnitaire pour non respect de la réglementation sur le temps de travail ;

- Et statuant à nouveau :

DEBOUTER Monsieur [S]-[X] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

CONDAMNER Monsieur [S]-[X] au paiement d'une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.'

Aux termes de ses dernières conclusions, transmises par voie électronique le 12 septembre 2019, M. [S]-[X] demande à la cour de :

'Réformer partiellement le jugement de départage du 12 juillet 2018.

Dire et juger que la lettre de convocation à l'entretien préalable a été adressée plus de deux mois après la connaissance des faits reprochés par l'employeur dans la lettre de licenciement à Monsieur [B] [S]-[X].

Dire que les faits reprochés sont prescrits.

Constater que la société CONFRATERNELLE D'EXPLOITATION ET DE REPARTITION PHARMACEUTIQUE RHIN RHONE MEDITERRANEE (CERP) échoue à rapporter la preuve d'une faute grave à l'encontre de Monsieur [B] [S]-[X].

Dire et juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

Confirmer le jugement déféré sur ce point.

Condamner la société CONFRATERNELLE D'EXPLOITATION ET DE REPARTITION PHARMACEUTIQUE RHIN RHONE MEDITERRANEE à verser à Monsieur [B] [S]-[X] les sommes suivantes :

- Indemnité de préavis : 5 469,74 euros, somme allouée par le jugement de première instance qu'il convient de confirmer sur ce point.

- Indemnité de congés payés sur préavis : 546,97 euros, somme allouée par le jugement de première instance qu'il convient de confirmer sur ce point.

- Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 54 697,40 euros, et subsidiairement la somme de 19 000 euros allouée en première instance

- Indemnité de 2000 euros pour non respect de la réglementation sur le temps de travail.

Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a alloué la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile relativement aux frais irrépétibles de première instance.

Condamner en sus la société CONFRATERNELLE D'EXPLOITATION ET DE REPARTITION PHARMACEUTIQUE RHIN RHONE MEDITERRANEE à verser à Monsieur [B] [S]-[X] la somme de 2 000€ à titre d'indemnité en vertu de l'article 700 du Code de Procédure Civile relativement aux frais irrépétibles exposés en appel.

Dire et juger que le salaire moyen des douze derniers mois normalement travaillés est de 2 734,87 euros brut.

Ordonner le versement des intérêts de droit et la capitalisation des intérêts à compter du dépôt du billet d'avis.

Condamner la société CONFRATERNELLE D'EXPLOITATION ET DE REPARTITION PHARMACEUTIQUE RHIN RHONE MEDITERRANEE aux dépens'.

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile « la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif » et que les 'dire et juger' et les 'constater' ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi ; en conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.

Sur la durée du travail

L'article 70 du code de procédure civile édicte que les demandes additionnelles ou reconventionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.

La société sollicite la confirmation du jugement ayant débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour non respect de la réglementation sur la durée du travail, en faisant valoir, sur le fondement de l'article 70 du code de procédure civile, que la demande est irrecevable comme n'ayant pas été formulée devant le conseil des prud'hommes lors de la saisine mais dans ses premières conclusions, et que la demande n'est pas établie.

M. [S]-[X] ne répond pas au moyen d'irrecevabilité soulevé mais soutient que les temps de repos quotidiens n'étaient pas respectés, de même que les amplitudes de travail qui étaient selon lui quelquefois supérieures à 12h.

Le premier juge, tout en retenant que cette demande indemnitaire n'avait pas de lien suffisant avec les prétentions initiales, n'a pas statué sur sa recevabilité, pourtant régulièrement soulevée en première instance. Il convient de corriger cette omission et de déclarer la demande recevable comme n'étant pas additionnelle, dès lors qu'il ressort du dossier d'appel, qu'après avoir saisi le conseil de prud'hommes le 2 mai 2017 aux fins de contester le licenciement pour faute grave dont il avait été l'objet, M. [S]-[X] a demandé par des conclusions déposées le même jour, soit avant l'audience de conciliation du 6 juin 2017, une somme de 2 000 euros au titre du non respect de la réglementation sur le temps de travail.

Selon l'article K.1 de la convention collective nationale de la répartition pharmaceutique,

chaque salarié à temps complet bénéficie, entre 2 périodes journalières de travail, d'un repos d'une durée minimale de 11 heures consécutives.

L'article K.2 relatif à la répartition de l'horaire hebdomadaire- Amplitude- édicte que

l'amplitude journalière (total des temps de travail et des temps de repos) ne peut pas être supérieure à 12 heures.

La cour constate que les bulletins d'activité des mois de juin 2015 à décembre 2016 produits par le salarié font état à seulement deux reprises de temps de pause inférieurs à la durée conventionnelle (entre le 15 et le 16 avril 2016: 7h50 de temps de pause et entre le 10 et le 11 mai 2016 : 9h09 de temps de pause) et qu'aucun préjudice ne découle de ces seuls dépassements. Par ailleurs, les amplitudes de travail n'ont jamais dépassé 12 heure.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts.

Sur le licenciement pour faute grave

1) Sur la prescription

Selon l'article L.1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

M. [S]-[X] soutient que les faits à l'origine de son licenciement étaient prescrits à la date de l'engagement des poursuites disciplinaires dès lors qu'en raison d'une erreur d'adressage commise sur sa première convocation du 21 février 2017 à l'entretien préalable, l'employeur ne lui a envoyé une seconde convocation que le 28 février 2017 pour des faits qui auraient été commis le 26 décembre 2016, soit au delà du délai de deux mois.

C'est cependant par des motifs justes et pertinents que la cour adopte que le premier juge a relevé qu'aucune erreur d'adressage n'avait été faite par l'employeur dans la convocation du salarié à l'entretien préalable datée du 21 février 2017.

En effet, il convient de constater que si effectivement le corps de la lettre de convocation à l'entretien préalable mentionne une adresse erronée du salariée (située dans le 11e arrondissement de Marseille au lieu du 10e), l'enveloppe contenant cette convocation, ainsi que le bordereau d'envoi du courrier recommandé avec avis de réception (pièce 6 mentionnant le même numéro sur le bordereau et la lettre) indiquent une adresse correcte ([Localité 1]).

Le fait que ce courrier ait été restitué à l'expéditeur pour défaut d'accès ou d'adressage ne saurait être reproché à l'employeur.

Egalement, le fait que la société CERP ait envoyé un second courrier, hors délai, suite à ce retour, n'a aucune incidence sur la régularité de la première convocation, faite dans le délai de deux mois à la bonne adresse.

Il s'ensuit que l'engagement des poursuites disciplinaires n'est pas prescrit et le jugement ayant déclaré la procédure de licenciement régulière doit être confirmé.

2) Sur le bien fondé du licenciement

La faute grave est celle qui résulte d'un fait, ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

L'employeur qui invoque la faute grave doit en rapporter la preuve.

En l'occurrence, la lettre du licenciement qui fixe les limites du litige, est rédigée ainsi:

'(...) Nous avons le regret de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave.

Les motifs invoqués à l'appui de cette décision, tels qu'ils vous ont été exposés à cette occasion, sont, nous vous le rappelons les suivants:

Le 26 décembre 2016, en fin de journée, avec la complicité de M [W] [Y], vous avez volontairement enfermé votre collègue, M. [V] [H] dans la benne cyclamed de récupération des déchets médicaux. Vous avez tapé violemment à plusieurs reprises sur la benne pour l'effrayer avant de prendre la fuite.

Outre l'aspect traumatisant pour M. [H] de cet enfermement, celui-ci aurait pu se blesser puisqu'il se trouvait alors dans le noir à proximité de déchets potentiellement dangereux pour sa santé et son intégrité physique (seringues usagées, produites souillés par du sang...).

De plus, c'est un autre de vos collègues qui a dû délivrer M. [H] puisqu'à aucun moment vous n'aviez envisagé de le libérer.

Sans ce collègue, personne ne sait combien de temps M. [H] serait ainsi resté enfermé.

Suite à ces faits, M. [H] très choqué a dû s'absenter pour raison de santé le 27 décembre 2016.

Il est évident que votre attitude constitue à son égard des faits de violence et de harcèlement, qui plus est en réunion, inadmissibles et de nature à porter atteinte durablement et au quotidien, à ses conditions de travail.

Votre attitude porte également atteinte aux règles de sécurité puisque M. [H] aurait pu se blesser dans la benne et que vous avez pris ce risque volontairement et en toute connaissance de cause.

Ces faits s'ajoutent de plus à d'autres faits préalables et un climat habituellement hostile créé par vous-même et M. [Y] à l'encontre de M. [H].

Votre attitude peut également faire craindre de telles exactions à tous les autres salariés de notre établissement.

Nous vous rappelons que l'article 24-3 de notre règlement intérieur sanctionne d'un licenciement pour faute grave les violences volontaires à l'égard d'un autre salarié mais aussi les infractions graves à l'hygiène et la sécurité.

De même l'article 16-2 du même règlement intérieur prévoit notamment le licenciement pour faute grave à l'encontre de tout salarié se livrant à des faits ou agissements caractéristiques de harcèlement moral à l'encontre d'un autre salarié.

Il est évident que votre attitude a bien eu pour but et pour conséquence d'altérer la santé physique et morale de votre collègue et de porter atteinte à ses droits et à sa dignité.

Il est de plus évident que votre attitude cause un trouble grave au fonctionnement de notre établissement.

Votre attitude est totalement inacceptable et constitue une faute grave.

Votre maintien dans l'entreprise s'avère donc impossible, y compris pendant la durée de votre préavis'.

La société reproche ainsi à l'intéressé des violences commises le 26 décembre 2016 sur un autre salarié, M. [H], violences s'apparentant à des brimades : enfermement dans le noir dans une benne et coups sur celle-ci pour faire peur.

A l'appui des griefs invoqués, la société produit notamment :

- le courrier dactylographié, non daté, signé par M. [H] adressé au Président de la société et au directeur des ressources humaines, (pièce 18) dans les termes suivants :

'Par la présente, je porte à votre connaissance à la demande de mon directeur l'existence de faits qui sont produits au sein de l'agence d'[Localité 3] et pouvait atteindre à mon activité professionnelle.

En effet, le 26 décembre 2016, j'ai été enfermé dans un container sur lequel des coups ont été portés avec des objets lourds avec une résonnance dont je vous laisse juge étant dans l'impossibilité de pouvoir sortir seul. J'ai dû appeler un collègue de travail pour venir m'ouvrir. En outre, les faits cités se sont produits au sein de l'entreprise, le dit container servant à stocker les cyclameds et étant situé sur le parking. Aussi en vue de faciliter l'identification des personnes impliquées, je vous livre les éléments dont j'ai connaissance:

auteur des faits : [B] [S] [X] et [W] [Y]

complice : [C] [O]

Toutes ces personnes sont employées dans l'entreprise au moment des faits.

En vous remerciant de l'attention que vous porterez à ce courrier,(...)'.

- une attestation, conforme aux exigences du code de procédure civile, de M. [H] datée du 20 novembre 2018 dans les termes suivants (pièce 28):

'Par la présente, je confirme que le 26 décembre 2016, en fin de journée, j'ai été enfermé par M. [X] et [Y], dans un container cyclamed sur lequel ils ont porté des coups avec des objets lourds, ce qui a entraîné une forte résonnance.

Je n'ai pas pu sortir seul de la benne qui a été volontairement refermée par Messieurs [X] et [Y] me laissant dans le noir total.

J'ai dû appeler un long moment et c'est un collègue, M. [I] qui est venu m'ouvrir après que je l'ai appelé sur son téléphone portable.

La benne sert à stocket les déchets et les médicaments cyclamed et était située sur le parking de l'entreprise. Je précise que ces faits n'étaient pas isolés et que j'ai subi pendant plus d'un an des moqueries et brimades de la part de ces messieurs.

Par la suite, M. [X] et [Y] m'ont présenté leurs excuses mais le mal était fait et je reste encore aujourd'hui meurtri par leurs agissements'.

- l'attestation de M. [L], directeur de l'établissement, dans les formes requises par le code de procédure civile, comme suit :

' le 26 décembre 2016, il s'est passé les faits suivants : M. [V] [H], chauffeur livreur de l'établissement, a été enfermé dans la benne cyclamed de manière délibérée par Messieurs [B] [S]- [X] et [W] [Y] vers 19h.

Cet événement m'a été rapporté le 27 décembre 2016 au matin. J'ai téléphoné à M [H] qui m'a confirmé les faits et a été arrêté par son médecin le 27 décembre 2016. Le 28 décembre 2016, il est revenu travailler. Messieurs [S]- [X] et [Y] se sont excusés auprès de lui, M. [H] me l'a répété le 28 décembre en fin de journée. En même temps, M. [H] m'a divulgué les agissements de ces deux personnes depuis plus d'un an à savoir moqueries et brimades essentiellement'.

- l'attestation de M. [I] qui déclare avoir sorti M. [H] de la benne cyclamed le 26 décembre 2016 'après qu'il m'ait appelé sur mon portable' alors qu'il travaillait dans l'établissement

- l'attestation de M. [F], dans les formes requises par le code de procédure civile, qui indique avoir lui-même subi des sévices morales et physiques de la part de M. [Y] et [S]-[X], durant sa période dans l'entreprise, de janvier à septembre 2015. Il évoque des pincements du haut de la poitrine jusqu'à en avoir des bleus par les deux individus, le fredonnement répété d'une chanson disant qu'il était 'une tapette'. 'J'en passe, il y en a tellement à dire'. Il indique avoir été témoin de ce que M. [H] a également été maltraité par ces deux individus et notamment avoir 'été filmé en entier comme une momie avec du film plastique pour les palettes et scotchés et ils n'arrêtaient pas de l'appeler Atoche',

- l'attestation de M. [J], livreur, dans les formes requises par le code de procédure civile, indiquant avoir vu M. [S]- [X] et [Y] 'à maintes reprises pincer fortement la poitrine de M. [F] le faisant hurler de douleurs'.

M. [S]- [X] produit notamment :

- les attestations de Messieurs [U], [O], [G] et [Z], tous salariés de la société, indiquant n'avoir constaté aucun harcèlement et aucune violence sur M. [H] de la part de M. [S]- [X],

- l'attestation de M. [U], dans les formes requises par le code de procédure civile, selon lequel M. [S]- [X] se trouvait dans le garage pour garer son véhicule au moment des faits,

- une pétition du 26 mai 2017 signée par une quarantaine de salariés sur le comportement déplacé et anormal de M. [L] (propos dénigrants, dévalorisant, injurieux, entachés de menaces).

La cour relève tout d'abord que la réalité de l'enfermement de M. [H] à l'intérieur d'une benne cyclamed le 26 décembre 2016 en fin de journée n'est pas utilement contestée et ressort notamment de la déclaration de M. [I] qui indique l'avoir délivré.

La cour observe par ailleurs qu'après que le conseil des prud'hommes ait écarté les accusations de M. [H] contre M. [S]- [X] et [Y], car ne répondant pas aux exigences du code de procédure civile, ce dernier les a réitérées et confirmées plusieurs mois après, aux termes d'une attestation solennelle en bonnes et dues formes, dont l'authenticité n'est pas utilement contestée, dans laquelle il maintient que ce sont ces deux hommes qui l'ont enfermé volontairement dans la benne, ont donné des coups sur celle-ci, la faisant résonner, et qui ne lui ont pas ouvert la porte.

M. [H] n'en rajoute pas restant fidèle à ses premières dénonciations, sauf à préciser qu'il subissait les brimades des deux salariés depuis un an.

La cour relève encore qu'elles ont été réitérées le lendemain même des faits par l'intéressé auprès de M. [L], directeur de l'établissement, lequel les a restituées dans les mêmes termes.

Ce faisant, et en l'absence de toute preuve d'un quelconque contentieux entre celui-ci et M. [S]- [X] autre que les faits reprochés, ses déclarations doivent être considérées comme sincères.

L'attestation de M. [L] ne saurait être écartée du seul fait de sa qualité de directeur étant rappelé qu'en tant qu'employeur, il est débiteur d'une obligation de sécurité envers les salariés de l'entreprise et doit être informé des faits qui pourraient mettre en danger celle-ci.

L'existence d'une pétition de salariés en mai 2017 pour dénoncer son comportement dénigrant et inadapté est également sans incidence, en ce que les reproches sont étrangers aux faits et postérieurs à ceux-ci.

M. [L] ne cache pas ne pas avoir été lui-même témoin des faits; il précise qu'il en a eu connaissance car il lui ont été rapportés le lendemain de leur commission, qu'il en a demandé confirmation à M. [H] lui-même lequel a indiqué que les deux mis en cause s'étaient excusés, ce qui est également indiqué par la victime.

Les attestations de quatre salariés déclarant n'avoir constaté aucun fait de harcèlement de la part de M. [S]- [X] à l'encontre de [A] [H] ne peuvent suffire à considérer que l'intéressé n'a pu commettre ce qui a été dénoncé et réitéré.

L'absence de témoin s'explique par la nature des faits et les précautions évidentes prises par le ou les auteurs pour commettre cet acte au sein de l'entreprise, à l'abri des regards ; M. [H] indique d'ailleurs avoir appelé à plusieurs reprises en vain ce qui corrobore qu'il n'y avait personne aux alentours.

Comme justement relevé par le premier juge, M. [S]- [X] échoue à démontrer qu'il était dans le garage au moment des faits, la seule attestation qu'il produit en ce sens, en ce qu'elle a été rédigée plus de trois mois après le jour des faits ne peut suffire à établir le souvenir d'une action aussi banale qu'un collègue qui gare sa voiture. La cour relève par ailleurs que la même attestation a été rédigée dans les mêmes termes par le même auteur au profit de M. [Y]. En outre, aucune pièce ne permet de connaître l'heure exacte et la durée pendant laquelle M. [H] a été enfermé. Ce faisant, la production d'une telle pièce jette la suspicion sur celui qui est supposé en bénéficier.

La cour relève, au vu des déclarations concordantes de deux salariés, que M. [S]- [X] et M. [Y] ont déjà eu un comportement violent, voir sadique avec un autre salarié de l'entreprise à une période contemporaine à celle reprochée.

M. [S]-[X] avait en outre été sanctionné par un avertissement le 12 juillet 2016 pour avoir eu une violente altercation avec un collègue, ce que l'employeur rappelle implicitement dans la lettre de licenciement, sans en faire un grief dans le cadre de la présente procédure, contrairement à ce qu'affirme l'intimé.

S'agissant de la possibilité que la porte de la benne se soit fermée toute seule, sous l'effet du vent, et soit restée bloquée en dehors de toute action manuelle extérieure, comme l'affirme l'intimé qui conteste être à l'origine des faits, la cour relève que les deux attestations de salariés qu'il produit en ce sens, selon lesquels 'la porte de le benne se referme seule ; il arrive que l'on se retrouve enfermé dedans et que l'on risque de glisser quand il pleut ; on doit attendre que quelqu'un nous ouvre pour ressortir', sont insuffisantes à le démontrer en présence des éléments suivants :

- la déclaration du chef des ventes de la société Cyclamed qui affirme qu'il est possible que la benne se ferme à cause du vent 'mais dans tous les cas, la personne pourra sortir en poussant la porte', ajoutant que 'toutes les bennes sont équipées d'un système pour bloquer la porte après fermeture mais quel que soit le système, il faut une intervention humaine pour l'actionner';

- celle du directeur de Cyclamed qui certifie sur l'honneur que l'éventualité d'un enfermement dans un conteneur benne Cyclamed à cause du vent est 'inenvisageable';

- le rapport du déplacement des parties sur site dans le cadre de l'enquête des conseillers prud'homaux sur une benne, qualifiée d''identique mais non similaire' à celle dans laquelle M. [H] s'est trouvé enfermé, et pour laquelle il est relevé que le système de fermeture 'est composée d'un crochet piston latéral bas actionné par ressort qui se bloque lorsque la porte de la benne est fermée entièrement et d'un système frontal manuel par barre verticale nécessitant une action de fermeture par rabat'.

Après analyse de l'ensemble des éléments et pièces susvisés, et sans qu'il ne soit nécessaire de rechercher si la benne pouvait ou pas être fermée sans action extérieure, il est établi que ce sont M. [S]- [X] et M. [Y] qui ont enfermé M. [H] dans le container le 26 décembre 2016 lequel n'a pu être libéré que parce qu'il a fait appel à un collègue, venu lui ouvrir.

Ce seul fait fautif, par sa nature et sa particulière gravité, rendait impossible le maintien dans l'entreprise de M. [S]- [X] dont l'insubordination avait déjà été sanctionnée par l'avertissement disciplinaire dont l'annulation n'a pas été sollicitée.

Il convient par conséquent d'infirmer le jugement et de dire que le licenciement pour faute grave est fondé.

Les demandes indemnitaires subséquentes et relatives au préavis de rupture doivent toutes être rejetées et le jugement infirmé.

III. Sur les autres demandes

Il y a lieu d'infirmer le jugement ayant condamné l'employeur au titre de l'article L.1235-4 du code du travail.

L'équité commande de condamner M. [S]-[X] à verser à la société la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de le condamner aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Déclare recevable la demande pour non respect de la durée du travail,

Infirme le jugement entrepris sauf le rejet de la demande pour non respect de la durée du travail et pour irrégularité de la procédure de licenciement,

Statuant à nouveau et Y ajoutant,

Dit que le licenciement de M. [B] [S]- [X] est fondé sur une faute grave,

Déboute M. [B] [S]- [X] de l'ensemble de ses demandes,

Condamne M. [B] [S]- [X] à verser à la société Confraternelle d'Exploitation et de Répartition Pharmaceutique (CERP) Rhin Rhône Méditerranée la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Le condamne aux dépens d'appel.

LE GREFFIERPour Mme MARTIN empéchée,

Mme De REVEL en ayant délibéré


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 18/12665
Date de la décision : 16/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-16;18.12665 ?
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