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16/09/2022 | FRANCE | N°18/08944

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 16 septembre 2022, 18/08944


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 16 SEPTEMBRE 2022



N° 2022/ 177



RG 18/08944

N° Portalis DBVB-V-B7C-BCQIA







Société NAT TRANS





C/



[N] [R]

























Copie exécutoire délivrée le 16 septembre 2022 à :



- Me Maud DAVAL-GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE





- Me Djaouida KIARED, avocat au ba

rreau de MARSEILLE































Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 07 Mai 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 17/00688.





APPELANTE



Société NAT TRANS, demeurant [A...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 16 SEPTEMBRE 2022

N° 2022/ 177

RG 18/08944

N° Portalis DBVB-V-B7C-BCQIA

Société NAT TRANS

C/

[N] [R]

Copie exécutoire délivrée le 16 septembre 2022 à :

- Me Maud DAVAL-GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

- Me Djaouida KIARED, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 07 Mai 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 17/00688.

APPELANTE

Société NAT TRANS, demeurant [Adresse 4] - [Localité 2]

représentée par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Christian SALORD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Florent HERNECQ de la SELARL SELARL FLORENT HERNECQ, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME

Monsieur [N] [R], demeurant [Adresse 1] - [Localité 3]

représenté par Me Djaouida KIARED, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Estelle DE REVEL, Conseiller, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Estelle DE REVEL, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Agnès BAYLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Septembre 2022.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Septembre 2022

Signé par Madame Estelle DE REVEL, Conseiller et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Le 21 juin 2010, M. [N] [R] a été engagé par la société Nat Trans en qualité de conducteur routier par contrat à durée indéterminée, avec reprise d'ancienneté depuis le 25 octobre 2004.

Le 14 mars 2014, il a été victime d'un accident du travail.

Lors de la première visite de reprise le 26 février 2016, le salarié a été déclaré 'inapte temporaire. Serait apte à un poste de télétravail à son domicile. A revoir.'

Lors de la seconde visite de reprise du 15 avril 2016, le médecin du travail l'a déclaré apte à la conduite de poids lourds mais inapte à toute manutention.

Le 14 septembre 2016, M. [R] était à nouveau victime d'un accident du travail.

Lors de la visite de reprise le 20 décembre 2016, le médecin du travail l'a déclaré inapte temporaire; 'serait apte à un poste de télétravail à son domicile. A revoir le 3 janvier 2017".

Le 3 janvier 2017, il était déclaré inapte définitif et 'apte à un poste de télétravail à son domicile'.

Le 6 janvier 2017, M. [R] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

Le 20 janvier 2017, il a été licencié pour inaptitude professionnelle consécutive à un accident du travail.

Contestant son licenciement, le salarié a, le 15 mars 2017 saisi le conseil des prud'hommes de Marseille.

Par jugement du 7 mai 2018, le conseil des prud'hommes a :

'DIT QUE le licenciement intervenu à l'encontre de M. [N] [R] est irrégulier et abusif

CONDAMNE la Sté Nat Trans, prise en la personne de son représentant légal, en exercice, à payer à M. [N] [R] les sommes suivantes :

- 35.550€ au titre de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier et abusif,

- 6.000€ au titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat,

- 2.000€ au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

DIT QUE ces sommes produiront intérêts au taux légal à partir de la date du présent jugement.

ORDONNE la capitalisation annuelle des intérêts

ORDONNE l'exécution provisoire, en application des dispositions de l'Article 515 du Code de Procédure Civile sur la totalité des sommes de la condamnation.

ORDONNE le remboursement par la Sté Nat Trans, prise en la personne de son représentant légal, aux organismes concernés, des indemnités de chômages versés au salarié dans la limite de six mois, dit qu'une copie certifiée conforme du présent jugement sera adressée par le greffe aux dits organismes en application de l'article L.1235-4 du Code du travail.

DEBOUTE M. [N] [R] du surplus de ses demandes.

DEBOUTE la Sté Nat Trans de toutes ses demandes.

CONDAMNE la Sté Nat Trans aux entiers dépens.'

La société a relevé appel de la décision le 28 mai 2018.

Aux termes de ses dernières conclusions, transmises par voie électronique le 15 février 2019, la société Nat Trans demande à la cour de :

'Déclarer régulier, recevable et bien fondé l'appel interjeté par la SARL NAT TRANS à l'encontre du jugement du Conseil de Prud'hommes de Marseille du 7 mai 2018,

Infirmer ledit jugement en toutes ses dispositions,

En conséquence,

IN LIMINE LITIS,

Dire et juger in limine litis que la demande de Monsieur [N] [R] au titre d'un prétendu manquement de l'employeur à son obligation de sécurité relève de la compétence exclusive du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale des Bouches du Rhône,

Dire et juger en conséquence que la demande de Monsieur [R] est irrecevable et nécessite la mise en cause de la CPAM,

SUR LE FOND,

Débouter Monsieur [N] [R] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

Condamner Monsieur [N] [R] à payer à la SARL NAT TRANS la somme de 2 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du CPC, ainsi qu'à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel.'

Aux termes de ses dernières conclusions, transmises par voie électronique le 15 novembre 2018, M. [R] demande à la cour de :

'CONFIRMER LA DECISION RENDUE LE 7 MAI 2018 PAR LE CPH DE [Localité 5] MAIS RECEVANT M [R]

EN SON APPEL INCIDENT, Y AJOUTANT :

CONDAMNER la société Nat Trans à lui payer :

Dommages et intérêts pour licenciement irrégulier art. L1126-12 : 5 000.00 €

Dommages et intérêts pour licenciement irrégulier et abusif art.L1226-15: 44 334 €

Dommages et intérêts pour manquements à l'obligation de sécurité résultat : 10 000.00 €

Entiers dépens et Article 700 CPC en cause d'appel : 2000.00 €'

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties.

MOTIFS DE LA DECISION

I. Sur l'obligation de sécurité

M. [R] fait valoir que l'employeur n'a pas respecté son obligation de sécurité en l'affectant à un poste de chauffeur livreur en remplacement d'un salarié absent impliquant des manutentions contrairement aux prescriptions du médecin du travail, ce qui a engendré un nouvel accident du travail et son inaptitude professionnelle.

La société Nat Trans conclut à l'irrecevabilité de la demande considérant que s'agissant d'une demande d'indemnisation d'un dommage résultant d'un accident du travail, seul le tribunal des affaires de sécurité sociale (désormais tribunal judiciaire) était compétent pour en connaître.

Elle soutient par ailleurs que l'ensemble de la flotte de véhicules était équipé de transpalette électrique de sorte que les salariés n'effectuaient aucune manutention.

L'article L. 1411-1 du code du travail confère compétence exclusive au conseil de prud'hommes pour trancher les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail entre les employeurs et leurs salariés, notamment lorsqu'est formée une demande indemnitaire pour manquement de l'employeur à l'une de ses obligations dans l'exécution du contrat de travail.

Aux termes de l'article L. 1411-4 du code du travail, le conseil de prud'hommes est seul compétent, quel que soit le montant de la demande, pour connaître des différends mentionnés au présent chapitre. Toute convention contraire est réputée non écrite.

Le conseil de prud'hommes n'est pas compétent pour connaître des litiges attribués à une autre juridiction par la loi, notamment par le code de la sécurité sociale en matière d'accidents du travail et de maladies professionnelles.

L'article L. 451-1 du code de la sécurité sociale exclut quant à lui toute action en réparation des accidents du travail et maladies professionnelles conformément au droit commun par la victime ou ses ayants droit. Ce contentieux comprend la réparation des préjudices résultant de tout accident du travail, tels qu'ils sont limitativement couverts par le Livre IV du code de la sécurité sociale.

Au-delà de la réparation forfaitaire prévue par les dispositions du Livre IV, en vertu de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, la reconnaissance d'une faute inexcusable de l'employeur à l'origine de l'accident permet à la victime d'obtenir une indemnisation complémentaire devant la juridiction de sécurité sociale, consistant en une majoration de la rente (article L.452-2) et, au-delà des dommages visés par l'article L. 452-3, en la réparation de l'ensemble des dommages non couverts par le Livre IV.

Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le tribunal des affaires de sécurité sociale a compétence exclusive pour trancher les litiges relatifs à la réparation des conséquences d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, y compris lorsqu'ils portent sur l'indemnisation complémentaire prévue en cas de faute inexcusable.

En vertu de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs et doit les mettre en oeuvre suivant les principes généraux de prévention mentionnés à l'article L. 4121-2 de ce même code.

L'obligation générale de sécurité se traduit par un principe de prévention au titre duquel les équipements de travail doivent être équipés, installés, utilisés, réglés et maintenus de manière à préserver la santé et la sécurité des travailleurs .

L'employeur, tenu d'une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité en prenant en considération les propositions de mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs que le médecin du travail est habilité à prendre en application de l'article L. 4624-1 du code du travail dans sa version en vigueur jusqu'au 19 août 2015.

Il incombe à l'employeur de démontrer qu'il a pris toutes les mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer la sécurité du salarié.

En l'espèce, la cour relève que ce qui est reproché à l'employeur c'est de ne pas avoir respecté les préconisations faites par le médecin du travail le 15 avril 2016, dans le cadre de la seconde visite de reprise suite à l'accident du travail du 14 mars 2014, à savoir 'apte à la conduite de poids lourds mais inapte à toute manutention' et de considérer que le second accident survenu le 14 septembre 2016 et l' inaptitude qui en est résultée ne sont que la conséquence de cette violation.

Les préconisations du médecin du travail s'imposent à l'employeur dans le cadre de l'obligation de sécurité de celui-ci.

Il en résulte que contrairement à ce qui est soutenu, la demande n'est pas fondée sur la réparation des conséquences d'un accident du travail mais bien sur la mauvaise exécution ou l'inexécution par l'employeur du contrat de travail et plus précisément de son obligation de sécurité.

La juridiction prud'homale était par conséquent compétente pour connaître de la demande étant rappelé en tout état de cause que par l'effet dévolutif de l'appel de l'ensemble du litige que le premier juge avait tranché au fond, la cour, investie de la plénitude de juridiction tant en matière prud'homale qu'en matière de sécurité sociale, a le devoir de garder la connaissance de l'affaire et d'apporter à celle-ci sa solution au fond.

Le 15 avril 2016, lors de la visite de reprise à la suite de son premier accident du travail, le salarié a été déclaré apte à la conduite de poids lourd mais inapte à toute manutention.

L'employeur justifie que M. [R] a suivi une formation à la conduite de semi-remorque en mai-juin 2016 et a obtenu un permis CE; il n'en demeure pas moins que M. [R] a été affecté à un poste de chauffeur livreur.

La société Nat Trans affirmant que tous ses véhicules sont équipés de transpalette électrique n'en apporte cependant pas la preuve par la production de deux attestations de salariés qui indiquent seulement avoir 'vu' M. [R] travailler avec un transpalette électrique lors des chargements aux Marché d'intérêt national des Arnavaux.

En tout état de cause, la société Nat Trans ne démontre pas non plus que l'équipement de transpalette électrique supprimait toute manutention de la part de M. [R] faute pour celle-ci de produire aux débats la fiche de poste précise du salarié et les tâches qui lui incombaient alors pourtant que les premiers juges avaient relevé que le salarié continuait à faire des opérations de manutention.

N'étant pas contesté que le salarié a souffert d'une hernie hiatale, il en résulte une violation de son obligation de sécurité par l'employeur qui a été intégralement et justement évaluée par les premiers juges, de sorte que la décision est confirmée.

II. Sur le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement

Aux termes de l'article L. 1226-10 du code du travail, le licenciement qui repose sur une inaptitude d'origine professionnelle n'est légitime que si l'employeur a préalablement satisfait à l'obligation de reclassement mise à sa charge par ce texte, après avis des délégués du personnel.

Les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.

L'obligation qui pèse sur l'employeur de rechercher un reclassement au salarié déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment naît à la date de la déclaration d'inaptitude par le médecin du travail.

En l'espèce, l'avis d'inaptitude a été rendu postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 8 août 2016, soit après le 1er janvier 2017, de sorte que les dispositions de l'article L.4624-4 du code du travail, dans sa rédaction issue de ce texte, s'appliquent.

La société Nat Trans soutient qu'elle n'était pas soumise à l'obligation de consultation des délégués du personnel avant de procéder au licenciement du salarié dès lors qu'elle ne disposait pas de tels délégués en son sein et qu'en tout état de cause, le salarié ayant été déclaré inapte par le médecin du travail, n'a pas subi de préjudice du fait de cette carence.

Elle fait par ailleurs valoir qu'elle a satisfait à son obligation de reclassement ne disposant pas de poste de télétravail.

M. [R] réplique qu'il n'y a pas de délégué du personnel dans l'entreprise en raison de l'absence d'organisation d'élection de tels représentants alors qu'aucun procès-verbal de carence n'est produit.

Il soutient par ailleurs que les démarches tendant à son reclassement ont été inexistantes.

Il résulte de l'article L. 1226-10 du code du travail que l'avis des délégués du personnel (désormais du comité social et économique) doit être recueilli antérieurement aux éventuelles propositions de reclassement et à l'engagement de la procédure de licenciement d'un salarié inapte à son emploi en conséquence d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle. L'employeur ne saurait se soustraire à cette obligation dès lors que la mise en place de tels délégués est obligatoire en application de l'article L. 2312-2 du code du travail et qu'aucun procès-verbal de carence n'a été établi.

Aux termes de l'article L. 2312-2 du code du travail, la mise en place des délégués du personnel n'est obligatoire que si l'effectif d'au moins onze salariés est atteint pendant douze mois, consécutifs ou non, au cours des trois années précédentes.

Conformément aux dispositions de l'article L.2314-5 du code du travail, lorsque l'institution n'a pas été mise en place ou renouvelée, un procès verbal de carence est établi par l'employeur.

Il appartient à l'employeur qui soutient ne pas être tenu de procéder à la consultation des délégués du personnel prévue à l'article L.1226-10 du code du travail, d'établir la réalité des effectifs de son entreprise.

Le défaut de consultation des délégués du personnel est sanctionné par l'indemnité prévue par l'article L. 1226-15 du code du travail, à savoir, dans sa version en vigueur au moment du litige, par une indemnité qui ne peut être inférieure à 12 mois de salaire.

En l'espèce, M. [R] a été déclaré inapte le 3 janvier 2017 dans les termes suivants : 'inapte définitif; serait apte à un poste de télétravail à son domicile'.

Il n'est pas contesté que l'inaptitude du salarié a, au moins partiellement, pour origine l'accident du travail et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.

Il est constant que la procédure de licenciement n'a pas été précédée du recueil de l'avis des délégués syndicaux sans que la société Nat Trans ne démontre qu'elle n'y était pas soumise en raison de son effectif. La cour ne relève par ailleurs aucun élément du dossier en ce sens.

Contrairement à ce qui est invoqué, aucun préjudice découlant de l'absence de consultation n'est exigé et la consultation doit être faite même si l'employeur n'identifie aucun poste de reclassement.

En conséquence, la société Nat Trans a manqué à son obligation de consulter les délégués du personnel et pour ce seul motif, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, sans qu'il n'y ait lieu d'examiner les autres moyens, la cour rappelant que l'omission de la formalité substantielle de consultation des délégués du personnel et l'éventuelle méconnaissance par l'employeur des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte ne peuvent être sanctionnées que par une seule et même indemnité au titre de l'article L. 1226-15 du code du travail.

III. Sur les conséquences du licenciement

1) Sur la régularité de la procédure

L'article L.1226-12 du code du travail dispose que lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement.

M. [R] fait valoir que l'employeur ne lui a pas notifié les motifs qui s'opposaient au reclassement et qu'au vu de l'article précité ces motifs doivent en tout état de cause être donnés avant l'engagement de la procédure de licenciement, ce qui justifie l'octroi d'une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts.

La lettre de convocation du 6 janvier 2017 énonce : « A la suite de votre accident du travail dont vous avez été victime le 14 septembre 2016, le médecin du travail a constaté votre inaptitude définitive à votre poste de travail en date du 3 janvier 2017 et a formulé une proposition de reclassement pour un poste de télétravail à domicile. Comme nous en avions discuté, nous n'avons pas cette possibilité de reclassement, et ce même chez nos confrères, alors nous vous avions proposé jusqu'à présent un poste de conducteur sans aucune manutention. Notre société envisage alors de procéder à votre licenciement.(...)'.

Par ailleurs, la lettre de licenciement est ainsi rédigée : 'Lors de l'entretien préalable du 16 janvier 2017, nous vous avons informé de l'impossibilité de vous reclasser conformément à la demande du médecin du travail (aucune possibilité de télétravail à domicile), nous nous voyons dans l'obligation de vous licencier.'

La cour considère à l'examen des dits courriers que l'employeur a satisfait à son obligation d'informer le salarié des motifs qui s'opposent à son reclassement, ce dernier ne justifiant du reste d'aucun préjudice, alors que ces motifs ont été indiqués dans la lettre de licenciement.

Sa demande de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement sera en conséquence rejetée.

La cour observe au préalable que le conseil des prud'hommes a dit, dans son dispositif, le licenciement 'irrégulier et abusif' tout en rejetant dans la discussion la demande faite au titre de l'irrégularité de procédure; de sorte qu'il y a lieu de rectifier l'erreur matérielle ainsi commise en infirmant le jugement.

2) Sur les dommages et intérêts pour licenciement abusif

Il convient d'accorder à M. [R] une indemnité qui ne peut être inférieure à 12 mois de salaire en application de l'article L.1226-15 du code du travail, dans sa version applicable au présent litige.

M. [R] a perçu, au titre des 12 derniers mois de salaire précédant son arrêt de travail, une rémunération moyenne mensuelle brute de 2 463 euros, montant non discuté par les parties.

En tenant compte de l'ancienneté du salarié de 12 années dans l'entreprise et de sa situation professionnelle après le licenciement, la cour accorde à M. [R] la somme de 30 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

IV. Sur le remboursement des indemnités de chômage

Les dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail ne sont pas applicables au licenciement intervenu en violation des règles particulières aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle prévues par les articles L.1226-10 et L.1226-15 du code du travail (dans leur version applicable en l'espèce).

Il convient donc d'infirmer le jugement en ce qu'il a ordonné le remboursement par la SARL Nat Trans d'une partie des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de six mois.

V. Sur les autres demandes

Il convient de condamner la société Nat Trans à payer à M. [R] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société doit supporter la charge des dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Déclare recevable la demande au titre de l'obligation de sécurité,

Confirme le jugement SAUF en ses dispositions relatives aux dommages et intérêts pour licenciement irrégulier et abusif, au remboursement des indemnités de chômage, et à l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et Y ajoutant:

Condamne la société Nat Trans à payer à M. [R] les sommes suivantes :

- 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette les autres demandes,

Condamne la société Nat Trans aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERPour Mme MARTIN empéchée,

Mme De REVEL en ayant délibéré


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 18/08944
Date de la décision : 16/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-16;18.08944 ?
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