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15/09/2022 | FRANCE | N°21/07248

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-6, 15 septembre 2022, 21/07248


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6



ARRÊT AU FOND

DU 15 SEPTEMBRE 2022



N° 2022/302







N° RG 21/07248



N° Portalis DBVB-V-B7F-BHOPN







[T] [P]





C/



Association AS GARLABAN AUBAGNE

Organisme CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHONE

S.A. ALLIANZ IARD















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



-SCP BADIE SIMON-THIBAUD J

USTON



-SCP BBLM AVOCATS



-Me Jean-Marc SOCRATE

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Marseille en date du 09 Avril 2021 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 18/11397.



APPELANT



Mons...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6

ARRÊT AU FOND

DU 15 SEPTEMBRE 2022

N° 2022/302

N° RG 21/07248

N° Portalis DBVB-V-B7F-BHOPN

[T] [P]

C/

Association AS GARLABAN AUBAGNE

Organisme CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHONE

S.A. ALLIANZ IARD

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

-SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON

-SCP BBLM AVOCATS

-Me Jean-Marc SOCRATE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Marseille en date du 09 Avril 2021 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 18/11397.

APPELANT

Monsieur [T] [P]

Assuré [XXXXXXXXXXX02]

né le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 7],

demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, postulant et assisté par Me Patrice CHICHE, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me William TAIEB, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant.

INTIMEES

ASSOCIATION AS GARLABAN AUBAGNE

Signification de la DA le 22/07/2021 à étude,

demeurant [Adresse 5]

Défaillante.

Organisme CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHONE,

demeurant [Adresse 6]

représentée par Me Gilles MARTHA de la SCP BBLM AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE.

S.A. ALLIANZ IARD,

demeurant [Adresse 3]

représentée et assistée par Me Jean-Marc SOCRATE, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Christian MULLER, avocat au barreau de MARSEILLE, postulant et plaidant.

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 31 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président

Madame Anne VELLA, Conseillère

Madame Fabienne ALLARD, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Charlotte COMBARET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Septembre 2022.

ARRÊT

Par défaut,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Septembre 2022,

Signé par Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président et Madame Charlotte COMBARET, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS & PROCÉDURE

Le 01/12/2013, M. [P] a participé sous les couleurs de l'association sportive (AS) FC [8], à un match de football contre l'AS Garlaban Aubagne. Il a été blessé par un joueur de cette dernière, et présentait une fracture double du tibia et du péroné gauche.

Par ordonnance du 25/01/2017, le juge des référés de Marseille a':

- condamné l'AS Garlaban Aubagne et son assureur, la SA Allianz IARD, à lui payer une somme de 5.000,00 € à valoir sur la réparation future de son préjudice corporel,

- commis le docteur [A] aux fins d'expertise médicale,

- condamné l'AS Garlaban Aubagne au paiement d'une somme de 1.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de l'instance de référé.

Le rapport d'expertise médicale a été déposé le 18/08/2018. L'expert judiciaire a fixé la consolidation au 16/02/2016 et a retenu un taux de déficit fonctionnel permanent de 8'%.

Par acte d'huissier de justice des 09/01 et 09/01/2018, M. [P], agissant au visa de l'article 1384 alinéa 1er (devenu 1242 alinéa 1er) du code civil, a saisi le tribunal de grande instance de Marseille en réparation de son préjudice corporel dirigée contre l'AS Garlaban Aubagne et la SA Allianz IARD, au contradictoire de la caisse primaire d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône.

Par jugement réputé du 09/04/2021, le tribunal judiciaire de Marseille a':

- débouté M. [P] de l'intégralité de ses demandes,

- débouté la caisse primaire d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône de ses demandes,

- débouté la SA Allianz IARD du surplus de ses demandes,

- débouté M. [P] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [P] aux dépens de l'instance,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Pour statuer ainsi, le tribunal a estimé en substance que les violences alléguées ont été commises lors d'un tacle, qui ne constitue pas de plein droit une violation des règles du jeu ni un manquement à la loyauté sportive. Le premier juge a considéré que les attestations produites par M. [P] ne caractérisent pas suffisamment les conditions de l'engagement de la responsabilité civile du club de [8] du fait fautif de l'un de ses joueurs.

Par déclaration du 12/05/2021 dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, M. [P] a interjeté appel du jugement du tribunal judiciaire en ce qu'il l'a débouté de toutes ses demandes indemnitaires.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions en réponse notifiées par RPVA le 28/01/2022 auxquelles il est renvoyé par application de l'article 455 du code de procédure civile pour un plus ample exposé des moyens et sur l'évaluation des préjudices, M. [P] demande à la cour de':

- débouter les intimés de leurs demandes, fins, conclusions et appel incident,

- recevoir son appel et le déclarer recevable et bien fondé,

- infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

- fixer le poste de préjudice frais divers à la somme de 400,00 €,

- fixer le poste assistance par tierce Personne à la somme de 2.800,00 €,

- fixer le poste de préjudice déficit fonctionnel temporaire total et partiel à la somme globale de 5.831,00 €,

- fixer le poste de préjudice souffrances endurées à la somme de 20.000,00 €

- fixer le poste préjudice esthétique temporaire à la somme de 4.000,00 €,

- fixer le poste déficit fonctionnel permanent à la somme de 14.800 €

- fixer le poste de préjudice de Préjudice'asthétique Permanent (PEP) à la somme de 4.000,00 €,

- fixer le poste de préjudice de préjudice d'agrément à la somme de 10.000,00 €,

- condamner conjointement et solidairement l'AS Garlaban Aubagne et la SA Allianz IARD au paiement de la somme d'un montant de 56.831 €, déduction faite de l'indemnité provisionnelle judiciairement allouée d'un montant de 5.000,00 € et de la créance définitive de la caisse primaire d'assurance-maladie des caisse primaire d'assurance-maladie, au titre de la réparation de préjudice corporel subi par M. [P],

- condamner conjointement et solidairement l'AS Garlaban Aubagne au paiement de la somme de 4.000,00 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

- condamner l'AS Garlaban Aubagne aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de Maître Roselyne Simon-Thibaud, sur son affirmation de droit, par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Au soutien de ses demandes, M. [P] développe les moyens suivants :

- il a été grièvement blessé lors du match du 01/12/2013'et a subi, au-delà du traumatisme psychologique, une facture double du tibia-péroné nécessitant en particulier une intervention chirurgicale consistant en la mise en place d'un clou médullaire,

- le juge des référés, dont l'ordonnance lui allouant une provision de 5.000,00 € n'a pas été frappée d'appel, indiquait à juste titre qu'un joueur de l'AS Garlaban a effectué un tacle brutal occasionnant à M. [P] une fracture du tiers distal de la jambe gauche, qui a imposé une inten/ention orthopédique ; le juge des référés a relevé d'autre part que des témoignages attestent de l'interruption du jeu par l'arbitre, à telle enseigne que ce dernier a sifflé une faute et expulsé le gardien de but de l'AS Garlaban avant qu'un pénalty ne soit tiré';

- le témoignage de MM. [E] [U], M. [D], M. [N] et M. [V] établit la violence manifestement intentionnelle du tacle, l'absence totale de remords après coup de la part du joueur fautif, et la décision de l'arbitre de l'expulser avant tir au penalty,

- la jurisprudence est claire sur la notion de faute caractérisée par une violation des règles du jeu et y assimile le fait de frapper un adversaire par inadvertance ou par excès de combativité'; de même, est une faute le fait pour un gardien de but de lancer ses pieds en avant en direction des jambes d'un joueur, car cette action brutale et sans discernement ne pouvait pas aboutir à l'interception du ballon.

* * *

Aux termes de ses dernières conclusions en réponse notifiées par RPVA le 22/10/2022 auxquelles il est renvoyé par application de l'article 455 du code de procédure civile pour un plus ample exposé des moyens et sur l'évaluation des préjudices, la SA Allianz IARD demande à la cour de':

À titre principal,

- confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,

À titre subsidiaire, si par impossible, la cour estimait devoir retenir la responsabilité de l'AS Garlaban Aubagne,

- faire droit aux offres satisfactoires de la SA Allianz IARD, et rejeter les demandes non fondées,

- déduire de l'évaluation globale du préjudice la provision non contestée de 5.000,00 € réglée à la suite de l'ordonnance de référé du 25/01/2017,

- condamner M. [P] à verser à la SA Allianz IARD une somme de 2.500,00 € au titre des frais irrépétibles engagés en appel,

- condamner M. [P] aux entiers dépens de l'appeI, avec distraction au pro't de Maître Jean-Marc Socrate, avocat au Barreau, sur son af'rmation de droit.

Au soutien de ses demandes, la SA Allianz IARD développe les moyens suivants :

- alors que la rencontre intervenait sous l'égide d'un arbitre, la feuille de match éditée avant chaque rencontre n'a pas été produite, ce qui corrobore l'absence de faute';

- la blessure de M. [P] est un fait de jeu inssuceptible d'engager la responsabilité de son assuré.

* * *

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 28/10/2021, auxquelles il est renvoyé par application de l'article 455 du code de procédure civile pour un plus ample exposé des moyens et sur l'évaluation des préjudices, la caisse primaire d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône demande à la cour de':

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau :

- fixer la créance définitive de la caisse primaire d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône à la somme de 40.656,96 €, ventilée comme suit :

' dépenses de santé actuelles': 20.834,73 €

' frais divers': 47,98 €

' franchises': - 282,50 €

' perte de gains professionnels actuels': 20.056,75 €

- condamner l'AS Garlaban Aubagne et la SA Allianz in solidum à verser à la caisse primaire d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône la somme totale de 40.656,96 € au titre de ses débours avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,

- condamner l'AS Garlaban Aubagne et la SA Allianz in solidum à verser à la caisse primaire d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône la somme de 1.098,00 € au titre de l'indemnité forfaitaire de l'article L.376-1 alinéa 9 du code de la sécurité sociale,

- condamner l'AS Garlaban Aubagne et la SA Allianz IARD in solidum à verser à la caisse primaire d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône la somme de 900,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'AS Garlaban Aubagne et la SA Allianz IARD in solidum aux entiers dépens de l'instance,

- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir (sic).

Au soutien de ses demandes, la caisse primaire d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône soutient que 'le comportement du joueur de l'AS Garlaban Aubagne constitue une faute caractérisée qui engage la responsabilité du club sportif.

* * *

Assignée à l'étude le 11/08/2021 par acte d'huissier contenant dénonce de l'appel, l'AS Garlaban Aubagne n'a pas constitué avocat.

* * *

La clôture a été prononcée le 17/05/2022.

Le dossier a été plaidé le 31/05/2022 et mis en délibéré au 15/09/2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nature de la décision':

L'arrêt rendu sera par défaut, conformément à l'article 467 du code de procédure civile.

Sur la responsabilité de l'AS Aubagne Garlaban et la garantie due par l'assureur :

En application du principe général posé par l'article 1384 alinéa 1 du code civil (devenu 1242 alinéa 1er postérieurement à la commission des faits) selon lequel on est responsable du fait des personnes dont on doit répondre, une association sportive et son garant, le cas échéant, sont tenus de réparer le préjudice consécutif à une faute de jeu présentant les caractères d'une faute civile.

Le tacle est une man'uvre autorisée destinée à permettre au joueur de football, en lançant le pied en direction du ballon, d'en déposséder le joueur adverse. L'auteur d'un tacle étant susceptible de manquer la cible et d'atteindre en réalité le joueur adverse, l'issue de ce geste est nécessairement placée sous le signe d'un certain aléa. En l'absence de violation délibérée des règles du football, la notion d'acceptation des risques inhérents à toute pratique sportive conduit à écarter la responsabilité de l'auteur du tacle et de son club.

La circulaire 12.05 de juillet 2011 de la Fédération Française de Football dispose néanmoins que la nouvelle rédaction de la loi 12 précise qu'un joueur qui se rend coupable d'une faute grossière doit être exclu du terrain. La FIFA donne la définition suivante de la faute grossière : un joueur se rend coupable d'une faute grossière s'il agit avec excès d'engagement ou brutalité envers un adversaire lorsqu'ils disputent le ballon quand il est en jeu. Un tacle qui met en danger l'intégrité physique d'un adversaire doit être sanctionné comme faute grossière. La règle de l'avantage ne doit pas être appliquée dans des situations impliquant une faute grossière à moins qu'une occasion nette de marquer un but ne se dessine. Ainsi tout joueur effectuant un tacle avec violence doit être exclu du terrain (carton rouge).

La faute grossière ainsi définie constitue une faute civile emportant obligation de réparation. Elle peut être prouvée par tous moyens. La production de la feuille de match, la décision prise par l'arbitre d'expulser un joueur, des témoignages oculaires directs, des enregistrements audiovisuels, constiuent des éléments de preuve utiles sans qu'aucun ne soit indispensable en particulier.

En l'occurrence, M. [P] a indiqué dans la déclaration d'accident qu'il a adressée 05/12/2013 à son club, l'AS FC [8], que le 01/12/2013, le gardien de but de l'AS Garlaban est tombé sur moi pendant le match de football qui opposait le FC [8] à l'AS Garlaban et il m'a cassé le tibia et péroné. Il produit quatre témoignages de MM. [U] [E], [S] [R], [N] [D]'et [F] [V], desquels il résulte que':

- le joueur de foot de l'AS Garlaban s'est jeté sur M. [P] avec violence et lui a cassé la jambe (tibia - péroné). Le joueur n'a montré aucun remords ce qui m'a énormément surpris L'arbitre a arrêté le match et a expulsé le joueur. M. [P] a été transporté à l'hôpital avec les pompiers. Une faute a été sifflée contre le joueur de l'AS Garlaban et c'est moi qui ai tiré le penalty ([U] [E])';

- M. [P] a reçu un violent tacle de la part d'un joueur de foot de l'équipe adverse et M. [P] a eu la jambe cassée. Il a été transporté par les pompiers à l'hôpital. Une faute a été sifflée de la part de l'arbitre. ([S] [R])';

- M. [P] a été victime d'un violent coup au football de la part d'un joueur de l'équipe adverse AS Garlaban et le joueur lui a cassé le tibia-péroné ([N] [D])';

- M. [P] a été victime d'un accident par un joueur (gardien) de l'équipe adverse qui lui a cassé le tibia péroné. L'arbitre a sifflé une faute de la part du gardien de but, un pénalty était tiré. M. [P] a été tranporté à l'hôpital par les pompiers ([F] [V]).

Mises en perspective, ces quatre attestations démontrent':

- que les attestants ont tous ressenti la violence de l'agression subie par M. [P], [U] [E] ajoutant que cette violence était manifestement assumée a posteriori par le gardien de but de l'équipe adverse';

- que la faute a été immédiatement sifflée par l'arbitre, [U] [E] précisant sans être contredit que le match a été arrêté et le joueur expulsé. Précision étant faite, concernant ce dernier point, que l'exclusion du terrain de jeu sanctionne un joueur qui se rend coupable d'une faute grossière (loi 12 point 1 de l'International Football Association Board) ou d'un comportement violent (loi 12 point 2).

Le préjudice corporel dont M. [P] demande réparation trouve sa cause dans une faute excédant notablement les risques normaux liés à la pratique du football. La responsabilité de l'association Garlaban Aubagne est engagée, ainsi que la garantie due par la SA Allianz IARD. Le jugement entrepris sera infirmé en toutes ses dispositions.

Sur l'étendue du préjudice corporel':

Données médico-légales':

Aucune critique médicalement fondée n'est formulée contre le rapport d'expertise médicale du docteur [A] du 18/08/2018. Ce rapport constitue une base valable d'évaluation des préjudice subis par M. [P].

L'expert judiciaire conclut ainsi':

- date de l'accident': 01/12/2013

- déficit fonctionnel temporaire 100'% : (du 01/12/2013 au 06/12/2013) + 04/04/0014 + (du 12/10/2015 au 14/10/2015)

- déficit fonctionnel temporaire 60'% : (du 07/12/2013 au 07/01/2014)

- déficit fonctionnel temporaire 50'% : (du 08/01/2014 au 03/04/2014) + (du 05/04/2014 au 05/06/2014)

- déficit fonctionnel temporaire 25'% : (du 06/06/2014 au 06/08/2014) + (du 15/10/2015 au 15/11/2015)

- déficit fonctionnel temporaire 10'% : (du 07/08/2014 au 11/10/2015) + (du 16/11/2015 au 16/02/2016)

- perte de gains professionnels actuels': imputable du 01/12/2013 au 03/02/2015 (M. [P] a subi les conséquences d'un accident de la voie publique le 04/02/2015) + (du 12/10/2015 au 03/01/2016)

- préjudice esthétique temporaire': 3/7 (du 07/12/2013 au 03/04/2014)

- assistance par tierce personne temporaire': 2 heures par jour (durant la période à 60%) + 1 heure 30 par jour (durant la période à 50%)

- date de consolidation': 16/02/2016

- préjudice esthétique permanent': 1,5/7

- déficit fonctionnel permanent': 8'%

- incidence professionnelle': aucune

- préjudice d'agrément': gêne à la pratique du football

Données chronologiques :

Date de naissance':04/05/1976

Date du fait générateur :01/12/2013

Date de la consolidation':16/02/2016

Date de la liquidation':15/09/2022

Durée en années de la période avant consolidation :2,209

Durée en années de la période consolidation / liquidation':6,579

Age'lors du fait générateur :37

Age'lors de la consolidation :39

Age'lors de la liquidation :46

Sur l'indemnisation du préjudice corporel':

Le propre de la responsabilité civile est de rétablir, aussi exactement que possible, l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit, sans qu'il n'en résulte pour elle ni perte ni profit.

L'évaluation doit intervenir au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime au moment de l'accident (37 ans), de la consolidation (39 ans), de la présente décision (46 ans) et de son activité (auto-entrepreneur BTP, plomberie-électricité), afin d'assurer la réparation intégrale du préjudice et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

L'évaluation du dommage doit être faite au moment où la cour statue. Le juge ne se prononce que sur ce qui est demandé. Il ne peut allouer à la victime une somme supérieure au montant demandé, ou inférieure au montant admis par le responsable. Sous le bénéfice de ces observations, le préjudice corporel de M. [P] doit être évalué comme suit.

I. PRÉJUDICES PATRIMONIAUX

a) préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

Dépenses de santé actuelles (DSA)': 20.600,21 €

Ce poste est constitué des frais médicaux et pharmaceutiques, frais de transport, massages, appareillage pris en charge par la caisse primaire d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône, soit 20.600,21 €, la victime n'invoquant aucun frais de cette nature restés à sa charge.

Frais divers (FD)': 400,00 €

Ils sont représentés par'les honoraires d'assistance à expertise par le docteur [I], médecin conseil. Ces dépenses supportées par la victime sont nées directement de l'accident. Les parties s'accordent sur un chiffrage à la somme de 400,00 €.

Assistance par tierce personne temporaire'(ATPT) : 2.520,00 €

Il est constant que les frais de tierce personne temporaire constituent un poste distinct du poste frais divers de la nomenclature Dintilhac. Ce poste correspond à l'aide périodique nécessaire pour que la victime puisse accomplir les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité et sa dignité, suppléer sa perte d'autonomie.

Les dépenses de tierce personne temporaire que la victime a supportées sont nées directement et exclusivement de l'accident. En application du principe de la réparation intégrale et quelles que soient les modalités choisies par la victime, le tiers responsable est tenu d'indemniser le recours à cette aide humaine indispensable qui ne saurait être réduit en cas d'aide familiale ni subordonné à la production des justificatifs des dépenses effectuées.

La nécessité de la présence auprès de la victime d'une tierce personne n'est contestée ni dans son principe ni dans son étendue mais elle reste discutée dans son coût. Eu égard à la nature de l'aide requise et du handicap qu'elle est destinée à compenser, des tarifs d'aide à domicile en vigueur dans la région, l'indemnisation se fera sur la base d'un taux horaire moyen de 18,00 €.

L'indemnité de tierce personne s'établit à la somme de 2.520,00 €, ventilée comme suit':

- 2 heures / semaine pendant la période de DFT à 60'% = 14 semaines x 4 heures x 18,00 € = 1.008,00 €,

- 1 heure 30 / semaine pendant la période de DFT à 50'% = 8 semaines x 10 heures 30 x 18,00 € = 1.512,00 €.

Perte de gains professionnels actuels (PGPA)': 20.056,75 €

Ce poste vise à compenser les répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime et doit être évalué au regard de la preuve d'une perte effective de revenus. La durée et l'importance, généralement décroissante, de l'indisponibilité temporaire professionnelle sont à apprécier depuis la date du dommage jusqu'à la date de la consolidation.

Des indemnités journalières ont été versées avant consolidation par la caisse primaire d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône pour un montant de 20.056,75 €, aucune perte supplémentaire et personnelle de revenus n'étant invoquée par la victime. L'indemnité revient donc intégralement au tiers payeur.

b) préjudices patrimoniaux permanents après consolidation

['].

II. PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX

a) préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

Déficit fonctionnel temporaire (DFT)': 4.740,66 €

Ce poste inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de l'existence ainsi que le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel pendant l'incapacité temporaire.

Il doit être réparé sur la base d'environ 810,00 € par mois de déficit fonctionnel temporaire total, soit 27,00 € par jour, sauf à proratiser en fonction du taux de déficit fonctionnel temporaire partiel, eu égard à la nature des troubles et de la gêne subie.

L'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire sera évaluée à la somme de 4.740,66 €, ventilée comme suit':

- déficit fonctionnel temporaire 100'% x 8 x jours x 27,00 € = 216,00 €

- déficit fonctionnel temporaire'60 % x 30 jours x 27,00 € = 486,00 €

- déficit fonctionnel temporaire'50'% x 150 jours x 27,00 €= 2.025,00 €

- déficit fonctionnel temporaire 25'% x 90 jours x 27,00 € = 607,50 €

- déficit fonctionnel temporaire 10'% x 521 jours x 27,00 €= 1'406,16 €

Souffrances endurées (SE)': 20.000,00 €

Ce poste prend en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime. Il est évalué à 4/7 par l'expert qui fait état d'une prise en charge orthopédique au centre hospitalier de La Conception au début du mois de décembre 2013. Un enclouage centro-médullaire a été pratiqué, avec verrouillage proximal et distal. Une pseudarthrose du tibia gauche a été diagnostiquée courant octobre 2015 et consolidée. Le docteur [A] évoque par ailleurs un état de stress post-traumatique.

La somme de 9.000,00 € proposée par la SA Allianz IARD est en-deçà de l'étendue du préjudice qui sera apprécié à hauteur de 20.000,00 € conformément à la demande de M. [P].

Préjudice esthétique temporaire (PET)': 2.000,00 €

Ce poste vise à réparer le préjudice né de l'obligation pour la victime de se présenter temporairement avant consolidation au regard des tiers dans une apparence physique altérée en raison de ses blessures.

Il existe un préjudice cicactriciel que l'expert judiciaire apprécie à hauteur de 3/7 du 07/12/2013 au 03/04/2014. M. [P] et la SA Allianz IARD le chiffrent respectivement à 4.000,00 € et à 1.000,00 €. Il sera alloué une somme de 2.000,00 €.

b) préjudices extra-patrimoniaux permanents (après consolidation)

Déficit fonctionnel permanent (DFP)': 14.120,00 €

Ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte anatomo-physiologique à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence personnelle, familiale et sociale.

Les séquelles conservées, le taux d'incapacité et l'âge de la victime déterminent le quantum de l'évaluation du poste déficit fonctionnel permanent. En l'occurrence, le docteur [A] retient un état séquellaire du genou et de la cheville gauche qu'il évalue à 8'% pour un homme âgé de 39 ans à la consolidation.

La SA Allianz IARD propose un montant de 12.400,00 €, M. [P] demande pour sa part un montant de 14.800,00 €. Ce poste de préjudice corporel sera évalué à la somme de 14.120,00 €.

Préjudice esthétique permanent (PEP)': 2.000,00 €

Ce poste de dommage cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l'apparence physique à compter de la consolidation.

L'expert judiciaire retient un préjudice cicactriciel permanent de 1,5/7. M. [P] demande une somme de 4.000,00 €. Ce poste sera évalué à la somme de 2.000,00 €, montant proposé par la SA Allianz IARD.

Préjudice d'agrément (PA)': 10.000,00 €

Ce poste de dommage vise exclusivement l'impossibilité ou la difficulté pour la victime à poursuivre la pratique d'une activité spécifique sportive ou de loisir.

Le préjudice d'agrément ne peut être indemnisé distinctement de la gêne dans les actes de la vie courante, déjà indemnisée au titre du déficit fonctionnel, que si la victime justifie de la pratique antérieure d'une activité sportive ou de loisir exercée régulièrement avant l'accident et dont elle a été privée des suites de celui-ci.

Il est constant que le préjudice d'agrément est constitué par l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer une activité spécifique sportive ou de loisirs dans les mêmes conditions. Ce poste inclut en effet la limitation de la pratique antérieure.

L'expert admet que l'état séquellaire de M. [P] entraînera une gêne permanente à la pratique du football. La SA Allianz conclut néanmoins au rejet de ce poste de préjudice.

La réalité du préjudice d'agrément ne peut qu'être admise, eu égard à la gêne admise par l'expert. Les circonstances de l'accident attestent par elles-mêmes de ce que M. [P] s'adonnait au football et avait été sélectionné par son club pour disputer des matches. Il lui sera alloué la somme demandée de 10.000,00 €.

* * *

Le préjudice corporel global subi par M. [P] s'établit ainsi à la somme de 96.437,62 €. Soit, après imputation des débours définitifs de la caisse primaire d'assurance-maladie, et de la somme de 5.000,00 € déjà réglée à titre provisionnel, un montant d'indemnisation de 50.780,66 € revenant à M. [P]. L'AS Garlaban Aubagne et la SA Allianz IARD seront condamnées in solidum au paiement des sommes dues.

VICTIME TIERS PAYEUR

I ' A Préjudices patrimoniaux temporaires

Dépenses de santé actuelles 0,00 € 20'600,21 €

Frais divers (frais de médecin-conseil) 400,00 €

Assistance par tierce personne temporaire 2'520,00 €

Perte de gains professionnels actuels 20'056,75 €

I ' B Préjudices patrimoniaux permanents

II ' A Préjudices extra-patrimoniaux temporaires

Déficit fonctionnel temporaire 4'740,66 €

Souffrances endurées 20'000,00 €

Préjudice esthétique temporaire 2'000,00 €

II ' B Préjudices extra-patrimoniaux permanents

Déficit fonctionnel permanent (avant imputation)14'120,00 €

Préjudice esthétique permanent 2'000,00 €

Préjudice d'agrément 10'000,00 €

Préjudice corporel de la victime 96'437,62 €

Prestations servies par le tiers payeur 40'656,96 €

Somme revenant à la victime 55'780,66 €

Imputation des provisions versées à la victime 5'000,00 €

Solde revenant à la victime 50'780,66 €

Sur les demandes de la caisse primaire d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône':

La caisse primaire d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône exerce le recours subrogatoire qu'elle tient de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale. L'AS Garlaban Aubagne et la SA Allianz IARD seront condamnées in solidum à lui régler les sommes de 40.656,96 € au titre des prestations versées à la victime, et de 1.080,00 € au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion instituée par l'article L.376-1 précité.

Sur les demandes annexes':

L'AS Garlaban Aubagne et la SA Allianz IARD qui succombent dans leurs prétentions supporteront la charge des entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, et ne peuvent, de ce fait, bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité justifie de condamner in solidum l'AS Garlaban Aubagne et la SA Allianz IARD à payer la somme de 3.000,00 € à M. [P] au titre des frais irrépétibles qu'il a engagés en première instance et en appel.

L'équité justifie de condamner l'AS Garlaban Aubagne et la SA Allianz IARD à payer la somme de 2.000,00 € à la caisse primaire d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône au titre des frais irrépétibles qu'elle a engagés en première instance et en appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris.

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

Fixe le préjudice corporel global subi par M. [P] à la somme de 96.437,62 € (quatre vingt seize mille quatre cent trente sept euros et soixante deux cents).

Condamne in solidum l'AS Garlaban Aubagne et la SA Allianz IARD à payer à M. [P] la somme de 50.780,66 € (cinquante mille sept cent quatre vingt euros et soixante six cents) en réparation de son préjudice corporel, après déduction de la provision de 5.000,00 € (cinq mille euros) versée.

Condamne in solidum l'AS Garlaban Aubagne et la SA Allianz IARD à payer à la caisse primaire d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône la somme de 40.656,96 € (quarante mille six cent cinquante six euros et quatre vingt seize cents) au titre des prestations servies à M. [P].

Condamne in solidum l'AS Garlaban Aubagne et la SA Allianz IARD à payer à à la caisse primaire d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône la somme de 1.080,00 € (mille quatre-vingts euros) au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion instituée par l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale.

Condamne in solidum l'AS Garlaban Aubagne et la SA Allianz IARD à payer à M. [P] la somme de 3.000,00 € (trois mille euros) au titre des frais irrépétibles qu'il a engagés en première instance et en appel.

Condamne in solidum l'AS Garlaban Aubagne et la SA Allianz IARD à payer à la caisse primaire d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône la somme de 2.000,00 € (deux mille euros) au titre des frais irrépétibles qu'elle a engagés en première instance et en appel.

Condamne in solidum l'AS Garlaban Aubagne et la SA Allianz IARD au paiement des dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-6
Numéro d'arrêt : 21/07248
Date de la décision : 15/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-15;21.07248 ?
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