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13/09/2022 | FRANCE | N°19/05737

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-1, 13 septembre 2022, 19/05737


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1



ARRÊT AU FOND

DU 13 SEPTEMBRE 2022



N° 2022/275













Rôle N° RG 19/05737 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BECWK







Société TALENT JOB RIVIERA





C/



Syndicat CGT INTERIM





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Marc CONCAS

Me Etienne BERARD









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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 11 Février 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/04481.





APPELANTE



Société TALENT JOB RIVIERA, demeurant [Adresse 1], agissant en la personne de son représentant légal domicilié es-qualités audit s...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1

ARRÊT AU FOND

DU 13 SEPTEMBRE 2022

N° 2022/275

Rôle N° RG 19/05737 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BECWK

Société TALENT JOB RIVIERA

C/

Syndicat CGT INTERIM

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Marc CONCAS

Me Etienne BERARD

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 11 Février 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/04481.

APPELANTE

Société TALENT JOB RIVIERA, demeurant [Adresse 1], agissant en la personne de son représentant légal domicilié es-qualités audit siège

représentée par Me Marc CONCAS, avocat postulant du barreau de NICE et plaidant par Me Vincent LE FAUCHEUR de la SELEURL Cabinet Vincent LE FAUCHEUR, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Geoffroy DAVID, avocat au barreau de PARIS,

INTIMEE

Syndicat CGT INTERIM, ayant son siège [Adresse 2], représentée par son secrétaire général en exercice dûment mandaté par les statuts,

représentée par Me Etienne BERARD de la SCP BERARD & NICOLAS, avocat postulant du barreau de NICE et Me Flavien JORQUERA de la SCP FESSLER JORQUERA & ASSOCIES, avocat au barreau de GRENOBLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 14 Juin 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Danielle DEMONT, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Olivier BRUE, Président

Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller

Mme Danielle DEMONT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Colette SONNERY.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Septembre 2022.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Septembre 2022,

Signé par Monsieur Olivier BRUE, Président et Mme Colette SONNERY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Par exploit du 14 septembre 2018, la CGT intérim a fait assigner la SAS Talent Job Riviera afin de voir déclarer nul et de nul effet l'accord d'entreprise proposé aux salariés par cette société, intitulé "Accord collectif d'entreprise relatif au versement de l'indemnité de fin de mission pour les emplois à caractère saisonnier ou les emplois d'usage constant', et afin d'obtenir le versement de dommages-intérêts.

La CGT intérim faisait valoir que l'accord litigieux, approuvé selon son article 3 par l'unanimité des salariés et entré en vigueur le 21 mars 2018, vise à supprimer le bénéfice de l'indemnité de fin de mission pour les travai1leurs intérimaires engagés pour les emplois à caractère saisonnier et les emplois d'usage constant par référence au 3° de l'article L1251-6 du code du travail, alors que la consultation est intervenue dans le cadre prévu par l'article L2232-21 du code du travail dont les conditions n'étaient et ne sont toujours pas réunies.

Par jugement réputé contradictoire en date du 11 février 2019, le tribunal de grande instance de Nice a :

' déclaré nul et de nul effet l'accord d'entre prise proposé aux salariés par la SAS Talent Job Riviera intitulé 'accord collectif d'entreprise relatif au versement de l'indemnité de fin de mission pour les emplois à caractère saisonnier et les emplois d'usage constant' ;

' débouté la société CGT Intérim de sa demande de dommages-intérêts ;

' et condamné la SAS Talent Job Riviera à payer à la CGT Intérim la somme de 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Le 8 avril 2019 la SAS Talent Job Riviera a relevé appel de cette décision.

Par conclusions du 30 décembre 2019 elle a demandé à la cour :

in limine litis

' de déclarer le tribunal de grande instance de Nice incompétent à se prononcer sur les contestations de la régularité de la consultation des salariés organisée par la société Talent Job Riviera et de déclarer que seul le tribunal d'instance de Nice de compétent et d'inviter la CGT intérim à mieux se pourvoir ;

' de réformer le jugement entrepris, de débouter la CGT Intérim de toutes ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens avec distraction.

La SAS Talent Job Riviera soutient au fond qu'elle est une entreprise de travail temporaire relevant du code APE 78 20 Z été créé le 27 décembre 2017 pour gérer une seule et unique agence de travail temporaire à [Localité 3] ; qu'elle n'emploie pas, contrairement à ce que la CGT affirme, 4000 intérimaires, en la confondant avec le groupe de sociétés Abalone ; que la société a fait adopter à l'unanimité des salariés le 20 mars 2018 un accord collectif d'entreprise relatif au versement de l'indemnité de fin de mission pour les emplois à caractère saisonnier ou les emplois d'usage constant ; que la CGT intérim prétend à tort que l'accord collectif d'entreprise de la société doit être annulé pour recours irrégulier à la négociation collective par référendum, laquelle est réservée aux seules entreprises dont l'effectif est inférieur à 11 salariés ; que le tribunal n'a pas pris en compte les règles de calcul spécifiques qui s'appliquent à une entreprise de travail temporaire ; qu'au moment du vote de l'accord collectif en cause, la société présentait un effectif inférieur à 11 salariés ; que les articles L 1111-2 et L 1251-54 du code du travail définissent les modalités de calcul des effectifs de l'entreprise de travail temporaire ; qu'au jour de la consultation il n'y avait qu'un seul salarié lié à la société par un contrat de travail ; et que l'agissant des salariés intérimaires bénéficiant d'un ou plusieurs contrats de mission, il n'y en avait aucun présentant une ancienneté de plus de trois mois au cours de la dernière année civile, soit au 31 décembre 2017, la société ayant été créé le 26 décembre 2017, puisque c'est l'année N -1 qui doit être prise en compte.

Par conclusions du 6 décembre 2021 la CGT Intérim demande à la cour de confirmer le jugement entrepris sauf le rejet de sa demande de dommages-intérêts, statuant à nouveau de ce chef, de condamner la société Talent Job Riviera à lui payer la somme de 20'000 €, à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé la collectivité des salariés, et en tout état de cause, de la condamner à lui payer la somme de 5 000 €, au titre de l'article 700 du code procédure civile, outre les dépens.

La CGT répond sur le fond du litige qu'effectivement la société Talent job Riviera a produit des pièces permettant de contrôle de ses effectifs ; qu'en toute hypothèse l'accord adopté par voie de référendum doit être annulé compte tenu des manquements dans l'organisation du scrutin ; que la société ne justifie pas de l'ensemble des éléments permettant de vérifier qu'elle a effectivement respecté la procédure légale organisant la consultation des salariés sur le projet d'accord relatif à la suppression de l'indemnité de fin de mission ; qu'aucune pièce n'est produite en ce sens ; que le jour de la consultation, la société ne disposait que d'un seul salarié permanent au sein de son effectif Madame [L] [T] de la même famille que le président de la société ; et qu'à supposer que le scrutin ait eu lieu n'était absolument pas concernée par les dispositions de cet accord.

*

Par arrêt avant-dire droit en date du 8 mars 2022, la cour de ce siège a ordonné la réouverture des débats sur la recevabilité de l'appel formé par la SAS Talent job Riviera.

Les parties ont déposé de nouvelles écritures.

Par dernières conclusions en date du 15 avril 2022 la SAS Talent Job Riviera demande à la cour:

' de déclarer son appel recevable et bien fondé ;

in limine litis

' de déclarer le tribunal de grande instance de Nice incompétent à se prononcer sur les contestations de la régularité de la consultation des salariés organisée par la société Talent Job Riviera ;

' de déclarer que seul le tribunal d'instance de Nice était compétent pour statuer et d'inviter la CGT intérim à mieux se pourvoir ;

' en toute hypothèse, de réformer le jugement entrepris, de débouter la CGT Intérim de toutes ses demandes, et de la condamner à lui payer la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens avec distraction.

La CGT Intérim, par dernières conclusions du 3 mai 2022, demande à la cour :

' dans l'hypothèse où l'application de l'article R 2324-24 du code du travail, par renvoi de l'article R 2232-13 du code du travail seraient retenue, de déclarer l'appel interjeté par la SAS Talent Job Riviera irrecevable et de la condamner à lui payer la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

' si la recevabilité de l'appel était retenue,

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré nul et de nul effet l'accord d'entreprise proposé aux salariés par la société Talent Job Riviera et en ce qu'il l'a condamnée à lui payer la somme de 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la CGT Intérim de sa demande de dommages-intérêts, statuant à nouveau condamner la société Talent Job Riviera à lui payer la somme de 20'000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé à la collectivité des salariés ;

' et en tout état de cause, de condamner la SAS Talent Job Riviera à lui verser la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Motifs

Attendu que la SAS Talent Job Riviera soulève l'incompétence du tribunal de grande instance au profit du tribunal d'instance de Nice, en invoquant les dispositions de l'article R 2232-13 du code du travail et en faisant valoir qu'elle est recevable à opposer cette exception dès lors qu'ayant été défaillante en première instance, elle n'avait présenté aucune défense au fond ;

qu'elle ajoute que le recours de la CGT Interim a été formé hors le délai prévu à l'article R 2334-24 du code du travail qui est de 15 jours à compter du prononcé des résultats, de sorte que la consultation étant intervenue le 20 mars 2018, la contestation était ouverte jusqu'au 5 avril 2018 seulement, et que l'assignation délivrée par la CGT Interim le 14 septembre 2018 est hors délai, et l'action doublement irrecevable ;

Attendu que la CGT lui répond que le litige ne porte pas sur la régularité des élections professionnelles au sens de l'article R2324-24 du code du travail, mais sur la validité d'un accord collectif ; et que la juridiction de droit commun du tribunal de grande instance, devenu tribunal judiciaire, est donc compétente pour connaître de son action en application de l'article R211-3 du code de l'organisation judiciaire qui prévoit que dans toutes les matières pour lesquelles la compétence n'est pas attribuée expréssément à une autre juridiction en raison de la nature de l'affaire ou du montant de la demande, le tribunal de grande instance statue à charge d'appel ;

Mais attendu que l'article R 2232-13 du code du travail dans sa version applicable au litige en vigueur du 29 décembre 2017 au 1er janvier 2020 dispose que :

« Les contestations relatives à la liste des salariés devant être consultés et à la régularité de la consultation sont de la compétence du tribunal d'instance qui statue en dernier ressort.

Elles sont introduites dans les délais prévus à l'article R 2324-24.

La décision est susceptible d'un pourvoi en cassation » ;

Que l'article R 2324-24 du code du travail, dans sa version en vigueur du 26 mai 2016 au 1er janvier 2018 applicable au litige, prévoit que :

« Le tribunal d'instance est saisi des contestations par voie de déclaration au greffe. Lorsque la contestation porte sur l'électorat, la déclaration n'est recevable que si elle est faite est faite dans les trois jours suivant la publication de la liste électorale.

Lorsque la contestation porte sur une décision de l'autorité administrative, la déclaration n'est recevable que si elle est faite par la partie intéressée dans les quinze jours suivant la notification de cette décision, avec mention des voies et délais de recours, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Sur demande du greffe, l'autorité administrative justifie de l'accomplissement de cette formalité auprès de la juridiction saisie.

Lorsque la contestation porte sur la régularité de l'élection ou sur la désignation de représentants syndicaux, la déclaration n'est recevable que si elle est faite dans les quinze jours suivant cette élection ou cette désignation. » ;

Attendu que l'article R 2324-24 du code du travail relatif aux délais de recours n'est donc visé que par un renvoi depuis l'article R 2232-13 du code du travail invoqué par l'appelant au soutien de son exception d'incompétence qui est bien celui qui détermine la juridiction compétente pour juger des contestations relatives à la régularité des consultations de salariés, à savoir le tribunal d'instance ;

Attendu qu'aux termes de l'article 88 du code de procédure civile « Lorsque la cour est juridiction d'appel relativement à la juridiction qu'elle estime compétente, elle peut évoquer le fond si elle estime de bonne justice de donner à l'affaire solution définitive » ;

Que si la présente cour se trouve être à la fois la juridiction d'appel des tribunaux de grande instance et des tribunaux d'instance du ressort, et si la cour pourrait ainsi évoquer le fond du litige nonobstant l'incompétence de la juridiction du tribunal de grande instance qui avait été saisie à tort en première instance, il convient de relever que les décisions du tribunal d'instance en la matière sont rendues en dernier ressort ; et qu'elles ne peuvent pas être frappées d'appel, mais seulement d'un pourvoi en cassation ;

Attendu que ce moyen étant d'ordre public, la cour l'a soulevé d'office par l'arrêt avant dire droit en date du 8 mars 2022 précité, en invitant les parties à présenter leurs observations sur la recevabilité de l'appel formé devant la présente cour par la SAS Talent Job Riviera ;

Attendu que l'appelante ne plaide pas utilement que toutes les dispositions procédurales relatives à l'appel d'un jugement rendu comme en l'espèce par le tribunal de grande instance ont été respectées, et que l'article 543 du code de procédure civile confirme que « La voie de l'appel est ouverte en toutes matières, même gracieuses, contre les jugements de première instance s'il n'en est autrement disposé » ;

Attendu qu'en effet, comme il a été dit supra et comme la société appelante le soutient elle-même par ailleurs, le litige relèvait de la compétence exclusive du tribunal d'instance dont la critique des décisions relève de celle de la Cour de casstion, et non de la présente cour d'appel;

Attendu que l'indication sur le jugement et sa notification, d'une voie de recours en réalité inexistante, est inopérante à cet égard, d'où il suit le rejet du moyen et l'irrecevabilité de l'appel formé par la société Talent job Riviera ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Déclare irrecevable l'appel formé par la SAS Talent Job Riviera,

La condamne aux dépens d'appel,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu de faire application de ce texte.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-1
Numéro d'arrêt : 19/05737
Date de la décision : 13/09/2022
Sens de l'arrêt : Irrecevabilité

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-13;19.05737 ?
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