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09/09/2022 | FRANCE | N°21/04498

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 09 septembre 2022, 21/04498


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 09 SEPTEMBRE 2022



N°2022/176



RG 21/04498

N° Portalis DBVB-V-B7F-BHFSF







S.A.R.L. [Localité 3] PROVENCE RESTAUANTS DROMEL





C/



[M] [P]



















Copie exécutoire délivrée

le 9 Septembre 2022 à :



-Me David ZIMMERMANN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE







- Me Nathalie BRU

CHE, avocat au barreau de MARSEILLE





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE en date du 11 Mars 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 18/01449.







APPELANTE



S.A.R.L. [Localité 3] PROVE...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 09 SEPTEMBRE 2022

N°2022/176

RG 21/04498

N° Portalis DBVB-V-B7F-BHFSF

S.A.R.L. [Localité 3] PROVENCE RESTAUANTS DROMEL

C/

[M] [P]

Copie exécutoire délivrée

le 9 Septembre 2022 à :

-Me David ZIMMERMANN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

- Me Nathalie BRUCHE, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE en date du 11 Mars 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 18/01449.

APPELANTE

S.A.R.L. [Localité 3] PROVENCE RESTAURANTS DROMEL, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me David ZIMMERMANN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIME

Monsieur [M] [P], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Nathalie BRUCHE, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Juin 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, et Madame Estelle DE REVEL, Conseiller, chargées du rapport.

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Estelle DE REVEL, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Septembre 2022.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Septembre 2022.

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * * * * * * *

EXPOSE DU LITIGE

Le 20 avril 1995, M. [M] [P] a été embauché par la société [Localité 3] Provence Restaurants DROMEL (ci après MPR), exerçant sous l'enseigne Mac Donald's, par contrat à durée indéterminée.

A compter du 1er mars 2014, et dans le dernier état de la relation contractuelle régie par la convention collective nationale de la restauration rapide, M. [P] occupait les fonctions de directeur adjoint.

Le 27 juin 2017, la société lui a notifié une mise à pied disciplinaire pour avoir quitté son poste de travail sans autorisation.

Le 8 février 2018, M. [P] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 2 mars suivant.

Le 15 mars 2018, M. [P] a été licencié pour faute grave.

Le 11 juillet 2018, M. [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille afin de voir requalifier son licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 11 mars 2021, le conseil de prud'hommes, en sa formation de départage, a statué ainsi :

Annule la mise à pied disciplinaire du 27 juin 2017

Dit le licenciement d'[M] [P] par la SARL [Localité 3] Provence Restaurants DROMEL prononcé le 15 mars 2018 dépourvu de cause réelle et sérieuse

Condamne la SARL [Localité 3] Provence Restaurants DROMEL à verser à M. [P] les sommes suivantes :

- 297,28€ bruts à titre de rappel de salaires pour mise à pied disciplinaire injustifiée, outre 29,73 euros bruts au titre des congés payés afférents

- 9 929,91€ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 992,99€ au titre des congés payés

- 23 167,77€ au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement

- 56 269,49€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Déboute M. [P] de sa demande indemnitaire pour discrimination syndicale, de sa demande de voir dire son licenciement nul au motif d'une discrimination syndicale et de ses demandes indemnitaires et subséquentes

Ordonne à la SARL [Localité 3] Provence Restaurants DROMEL à rembourser à Pôle Emploi les allocations servies à M. [P] dans la limite de six mois

Dit que la présente décision sera notifiée à Pôle Emploi par le greffe du conseil de prud'hommes de Marseille

Condamne la SARL [Localité 3] Provence Restaurants DROMEL à verser à M. [P] la somme de 1 500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne la SARL [Localité 3] Provence Restaurants DROMEL aux entiers dépens de la présente procédure

Ordonne l'exécution provisoire des dispositions du présent jugement à hauteur du tiers des condamnations prononcées

Dit n'y avoir lieu de subordonner cette exécution provisoire à la constitution d'une garantie

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Le 25 mars 2021, le conseil de la société a interjeté appel de la décision.

Aux termes de ses dernières conclusions, transmises par voie électronique le 18 mai 2022, la société demande à la cour de :

'RÉFORMER et infirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes du 11 mars 2021 en ce qu'il a :

Annulé à tort la mise à pied disciplinaire du 27 juin 2017, a dit à tort que le licenciement de M. [P] prononcé le 15/03/2018 était dépourvu de cause réelle et sérieuse, a condamné, à tort, la société MPR DROMEL à payer à M. [P] :

297,28€ brut à titre de rappel de salaire pour mise à pied disciplinaire injustifiée outre, 29,73€ bruts au titre des congés payés

9 929,91€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 992,99 € au titre des congés payés

23 169,77€ au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement

56 269,49€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Ordonné à tort à la société MPR DROMEL de rembourser à Pôle Emploi les allocations servies à M. [P] dans la limite de 6 mois, a condamné à tort la société MPR DROMEL à verser à M. [P] la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du Code Cde Procédure Civile

Condamné à tort la société MPR DROMEL aux entiers dépens de la procédure

Refusé à tort de condamner M. [P] à payer à la société la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

Refusé à tort de condamner M. [P] au paiement des entiers dépens de la procédure,

et, en conséquence,

A titre principal,

DÉBOUTER M. [P] de toutes ses demandes

REJETER en conséquence comme mal fondées les entières demandes de M. [P]

A titre subsidiaire

REQUALIFIER le licenciement prononcé pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse

CONSTATER que le salaire brut mensuel moyen est de 2 978 €

A titre très subsidiaire

CONSIDÉRER que l'erreur dans l'appréciation de la faute reprochée à M. [P] n'est pas fautive ou subsidiairement limiter le remboursement à Pôle Emploi à 15 jours

RECONNAITRE l'application du barème prévu par l'article L1235-3 du code du travail

RAMENER le montant des condamnations éventuelles aux seuls préjudices prouvés

En tout état,

CONDAMNER M. [P] à payer à la société la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNER M. [P] au paiement des entiers dépens de la procédure'.

Aux termes de ses dernières conclusions, transmises par voie électronique le 12 mai 2022, M. [P] demande à la cour de :

'CONFIRMER le jugement déféré en ce qu'il annulé la mise à pied disciplinaire du 27 juin 2017 et condamné la société MPR à verser à Monsieur [P] la somme de 297.28 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied outre 29.73 euros au titre des congés payés afférents, 9 929,97 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 992.99 euros bruts à titre de congés payés afférents, 23 169,77 euros nets à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, 1500 euros au titre de l'article 700 et ordonner le remboursement à POLE EMPLOI des allocations servies au salarié dans la limite de 6 mois

L'INFIRMER pour le surplus,

Ce faisant

A titre principal,

CONSTATER l'existence d'une discrimination syndicale

En conséquence

DIRE le licenciement nul

CONDAMNER la société MPR à verser à Monsieur [P] les sommes de :

40 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale

120 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour nullité du licenciement

A titre subsidiaire,

CONFIRMER le Jugement déféré en ce qu'il a retenu l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement

CONDAMNER la société MPR à verser à Monsieur [P] la somme de :

120 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse

En toute hypothèse,

CONDAMNER la société à verser à Monsieur [P] la somme de 1 600 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

DIRE que les frais d'huissier nécessaire à l'exécution de la décision à intervenir seront supportés par la société en sus de la condamnation à article 700 du CPC.

LA CONDAMNER aux entiers dépens de l'instance.'

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la mise à pied disciplinaire

Le 27 juin 2017, la société a notifié une mise à pied à M. [P] dans les termes suivants:

'Le 9 mai 2017, alors que vous étiez planifié de 12h à 21h, vous avez pris seul l'initiative de dépointer et de quitter votre poste de travail pendant une durée de 1h24 entre 17h08 et 18h32 et cela sans aucune autorisation, ni information de votre hiérarchie.

Pendant ce laps de temps, le restaurant s'est retrouvé sans aucune présence de la direction. Vous n'avez donné aucune consigne à quiconque et avez délibéremment omis d'en informer votre hiérarchie.

Lors de l'entretien, vous avez reconnu les faits en nous indiquant que vous aviez une difficulté personnelle urgente à résoudre qui au final a duré plus longtemps que prévu.

Vous n'avez pas respecté notamment les dispositions du chapitre 1, articles 2 et 3 du règlement intérieur (...) Vous n'avez pas respecté les termes basiques de votre contrat de travail qui prévoit l'exécution d'un travail en fonction d'une organisation interne et d'un planning prédéterminés, avec des procédures internes et une structure hiérarchique que vous avez respecté.

En votre qualité de directeur adjoint, cette attitude inacceptable et contraire à l'essence même de vos responsabilités et à l'attitude professionnelle et exemplaire que vous devez avoir vis à vis des autres membres de l'équipe de gestion et que l'entreprise est en droit d'attendre de vous, compte tenu de votre expérience et de votre ancienneté.

Compte tenu de l'ensemble de ces faits, nous vous notifions, par la présente, conformément au règlement intérieur applicable aux dispositions de l'article R.1332-2 du code du travail, une mise à pied disciplinaire d'une durée de deux jours que vous effectuerez les 7 et 8 août 2017".

A ce titre, la société expose que :

- l'absence du salarié à son poste de travail a duré 1h30,

- le salarié n'a pas informé sa hiérarchie,

- le salarié n'a pas expliqué le motif de son absence,

- le motif n'était pas impérieux, ni suffisamment justifié,

- l'absence de l'intéressé aurait pu désorganiser l'entreprise,

- le règlement intérieur prévoit que les autorisations d'absences exceptionnelles doivent être demandées ce que n'a pas fait le salarié

Pour contester le bien-fondé de cette décision, M. [P] soutient que :

- son absence relevait d'un motif familial impérieux puisqu'il a emmené son fils à un entretien pour une intégration au sein du ballet national de [Localité 3], essentiel pour l'avenir de celui-ci, la mère de l'enfant ayant été empêchée à la dernière minute,

- son absence a été de courte durée et essentiellement sur son temps de pause,

- il n'a pas cherché à dissimuler son absence puisqu'il a pointé en partant et en revenant,

- son absence n'a crée aucune désorganisation : il était joignable sur son téléphone et un second directeur adjoint était présent,

- il était de retour à 18h30 soit 1h30 avant le début du match de basket pouvant entraîner une grande affluence,

- cette affluence était finalement limitée puisqu'il a quitté son poste sans difficulté peu après 21h,

- il n'a pas informé sa hiérarchie car la directrice était en vacances mais a informé son collègue et son homologue, directeur adjoint, lorsqu'il s'est rendu compte que l'entretien dépassait son temps de pause,

- il n'a jamais fait l'objet du moindre reproche durant les 22 années passées au sein de l'entreprise.

L'article L.1333-1 du code du travail dispose qu'en cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.

L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.

En application de l'article L.1333-2 du code du travail, le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

Il n'est pas contesté que M. [P] s'est absenté de l'entreprise alors qu'il était prévu sur le planning de travail, sans avoir informé sa hiérarchie et en dehors de toute autorisation de celle-ci.

Cependant, la société reconnaît que ce soir-là, il n'y a pas eu de désorganisation de sorte que l'absence de M. [P] n'a pas eu de conséquences graves.

En l'absence de moyens nouveaux soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties et qu'il convient en conséquence de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a annulé la sanction disciplinaire et condamné l'employeur au paiement des sommes 297,28 euros à titre de rappel de salaire et 29,73 euros au titre des congés payés afférents.

Sur le licenciement

1) Sur la discrimination syndicale

Aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

L'article L.1134-1 du code du travail, dans sa version applicable à la date du licenciement, prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, le juge formant sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

L'article L.2141-5 alinéa 1er du code du travail dispose qu'il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.

En application de l'article L.1132-4 du code précité, toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance des dispositions du présent chapitre est nul.

En l'espèce, M. [P] soutient qu'il a fait l'objet d'agissements constitutifs de discrimination syndicale dès lors que c'est en raison de son activité syndicale et de l'imminence de sa candidature à l'élection au comité social et économique que son employeur l'a licencié.

Il expose qu'il faisait partie du bureau du syndicat FO restauration 13 (FORR13) implanté au sein de la société en qualité d'archiviste, et qu'avant la reprise du restaurant par la société MPR, il était élu au comité d'entreprise et désigné membre du CHSCT de sorte que le repreneur connaissait l'existence de ses mandats et de son activité.

Il soutient que son licenciement avait pour but de s'assurer de la disparition du syndicat FO (FORR 13) en son sein et de favoriser l'implantation du syndicat maison le CDSL, ce qui a réussi au vu de la disparition du syndicat CGT et du ralliement post-électoral d'un élu FO et d'un élu CFDT au CDSL.

Selon lui, le licenciement de sa compagne, Mme [F], pour faute grave dans la même période, a eu pour but de la dissuader de candidater à sa place. De même, l'autre candidate FO à l'élection au CSE, Mme [K], a fait l'objet d'une procédure disciplinaire.

En considération de l'ensemble de ces éléments, et notamment de la concomitance entre le processus électoral du CSE et la procédure disciplinaire, le salarié apporte à la juridiction les éléments suffisants susceptibles de laisser supposer l'existence d'une discrimination liée à une activité syndicale et il appartient à l'appelant de prouver que le fait d'avoir licencié le salarié était justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

L'employeur objecte que le licenciement pour faute grave de M. [P] était parfaitement motivé et étayé et qu'il a été sanctionné pour n'avoir pas effectué le contrôle des fiches contrôles qualité et pas mis en oeuvre d'opération correctrices, en dépit d'un rappel, afin de respecter les règles d'hygiène et de sécurité sanitaires imposées à l'entreprise.

La société expose que la procédure disciplinaire a été engagée le 8 février 2018 et le licenciement notifié le 15 mars 2018 alors que la candidature de l'intimé aux élections n'a été déposée que le 16 mars 2018 de sorte qu'il n'était pas encore candidat et qu'elle ignorait qu'il le serait.

Elle indique qu'elle n'était pas non plus au courant des engagements externes personnels de M. [P] en tant qu'archiviste au sein de FO et qu'en tout état de cause, il ne s'agit pas d'une activité syndicale au sein de la société. Elle ajoute que le salarié n'a jamais exercé d'activité syndicale en son sein et n'a jamais été candidat sur les listes FO depuis 2014 en dépit des multiples scrutins.

L'employeur explique la mise à pied disciplinaire de Mme [K] pour avoir transmis à la demande de Mme [F], compagne de l'intimé, des documents récupérés illégalement, ajoutant que celle-ci n'a pas contesté sa sanction, a été élue sous l'étiquette FO en avril 2018 et est toujours salariée de la société.

L'employeur réplique encore que le tribunal d'instance d'Aubagne saisi du contentieux électoral a débouté le syndicat FORR 13 de l'ensemble de ses demandes et constaté la régularité du contentieux électoral.

La cour rappelle que tout militant syndicaliste même non investi d'un mandat est protégé.

Au regard de la chronologie rappelée par la société, ce n'est que postérieurement à l'enclenchement de la procédure de licenciement -le 8 février 2018- que le syndicat FORR 13 a déposé le 16 mars 2018, les listes de candidats dont M. [P], pour le premier tour des élections au CSE.

Comme relevé par le juge départiteur, le juge d'instance d'Aubagne, dans une décision du 10 juillet 2018 revêtue de l'autorité de la chose jugée, a constaté la régularité des opérations électorales intervenues au mois d'août 2018 dans la société MPR, de sorte que le salarié ne peut se prévaloir d'une collusion frauduleuse entre le syndicat CDSL et la société et que le déroulement du scrutin a été conforme aux stipulations du protocole préélectoral.

La cour retient par ailleurs qu'en dépit d'un processus électoral initié à la fin de l'année 2017 suite à l'obtention des syndicats d'un accord de réduction des mandats venant à échéance à l'été 2018, à la signature d'un protocole d'accord préélectoral le 2 mars 2018 et à l'information des salariés de l'organisation desdites élections le 14 février 2018, le syndicat FORR 13 n'a fait connaître la candidature de M. [P] que le jour de la date limite de dépôt des candidatures, soit le 16 mars 2018.

Il est encore observé que les procès-verbaux de réunion du comité d'entreprise attestant de l'élection de M. [P] en tant que membre du comité d'entreprise concernent une période antérieure à la reprise de la société MPR et que M. [P] n'a occupé aucun mandat depuis que la société MPR a repris l'exploitation du restaurant en novembre 2014. Il ne s'est en effet pas présenté aux élections des délégués du personnel dont le premier tour a eu lieu le 25 février 2016, et ne figure pas sur la liste des candidats du syndicats FORR13 à l'élection du CHSCT dont le premier tour a eu lieu le 18 avril 2017.

S'agissant de l'activité d'archiviste au sein du bureau du syndicat FORR13, d'une part, la production par le salarié d'une liste des membres du bureau du syndicat FORR 13 non datée ne permet pas de justifier de son appartenance à ce syndicat à la date de la dite procédure; d'autre part et surtout, le salarié ne démontre pas que l'employeur en avait eu connaissance.

L'ensemble de ces éléments établissent qu'à la date de la mise en oeuvre de la procédure disciplinaire, M. [P] n'exerçait pas de mandat électif, syndical ou pas, et que son employeur n'était pas informé d'une quelconque fonction au sein du FORR13.

La cour confirme par ailleurs, au vu des pièces produites, que Mme [K] a bien été sanctionnée pour avoir transmis des documents récupérés illégalement à M. [P], à la demande de Mme [F] et qu'elle est toujours dans la société.

S'agissant du licenciement de Mme [F], il ressort du jugement du conseil des prud'hommes de Marseille du 9 septembre 2021 qu'il a été déclaré sans cause réelle et sérieuse, sans cependant que n'ait été soulevée une quelconque discrimination syndicale, de sorte qu'il ne peut être fait de lien entre le licenciement de M. [P], celui de sa compagne et le militantisme dans un syndicat.

En conséquence, la cour retient que la mesure disciplinaire que l'employeur a prise à l'égard du salarié et qui est dénoncée par ce dernier comme étant discriminatoire est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout lien avec une quelconque activité syndicale. Ainsi, le licenciement est intervenu, motifs pris de son comportement fautif dans l'exécution de sa prestation de travail à savoir des écarts relevés dans les procédures et les contrôles de sécurité alimentaire.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont débouté le salarié de ses demandes au titre de la discrimination syndicale et le jugement est par conséquent confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du licenciement et la demande indemnitaire formée du chef d'une discrimination syndicale.

2) Sur le bien-fondé du licenciement

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Il incombe à l'employeur d'en rapporter la preuve.

L'employeur n'est pas tenu de procéder à une mise à pied conservatoire avant d'engager la procédure de licenciement pour faute grave.

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est rédigée comme suit:

« Nous vous avons convoqué, par lettre recommandée AR envoyée le 08/02/2018, reçue le 14/02/2018 à un entretien préalable à une mesure disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement.

Lors de cet entretien du 02/03/2018, durant lequel vous avez fait le choix d'être assisté par une représentante du personnel, les motifs qui nous ont amenés à envisager une mesure disciplinaire vous ont été exposés comme suit.

Lors d'une première visite de contrôle opérationnel le 20/01/2018 par le Superviseur Opérations, il est relevé de multiples erreurs dans l'archivage des données relatives à la sécurité alimentaire notamment sur la LCQ, sur le classeur de sécurité alimentaire, et touchant les données de cuisson des viandes et ce, sans aucune action corrective.

Ces écarts étant particulièrement importants, car ils ne permettent plus de suivre la traçabilité des produits, la Directrice du restaurant vous a formellement indiqué qu'en votre qualité de Directeur Adjoint, vous étiez responsable du suivi des procédures de sécurité alimentaire auprès de l'ensemble de l'équipe de gestion afin de leur faire appliquer les enregistrements des données de sécurité alimentaire.

Pour autant, lors d'une seconde visite par le Superviseur le 27/01/2018, les mêmes erreurs sont relevées et surtout aucune action corrective n'est mise en oeuvre pour rectifier ces écarts, ce qui indique sans équivoque que vous n'avez pas suivi les consignes données par votre directrice et n'avez pas mis en place les contrôles internes de vérification et les mesures de suivi, pourtant inhérents à votre fonction.

Les quelques explications fournies lors de l'entretien ne nous permettent pas de modifier notre appréciation des faits.

Vous êtes Directeur Adjoint, depuis plusieurs années et connaissez parfaitement les procédure de sécurité alimentaire exigeant l'archivage précis des données permettant la traçabilité des produits tout au long de la chaîne allant de la réception des produits bruts à la production des produits finis vendus aux clients.

Or, les écarts relevés à deux reprises dans ces procédures basiques sont multiples et touchent des produits particulièrement sensibles comme la cuisson des viandes (par exemple temps de cuisson enregistré sur une base « rég » alors que la prise de température est faite sur des viandes 3G ; variations des temps de cuisson et/ou des températures de cuisson sur plusieurs rabats sans action corrective).

Cette accumulation d'informations discordantes dans la sécurité alimentaire et le manque d'action corrective aurait dû vous amener à réagir immédiatement par des mesures de vérification, contrôle et formation « minute » auprès des managers, ce que vous n'avez pas fait malgré les consignes de votre hiérarchie. Les écarts de procédure ont donc été renouvelés, sur plusieurs jours après la première visite, ce qui est inacceptable.

Au regard de votre fonction et de l'annexe à votre contrat de travail précisant les responsabilités :

« Article 2 - Hygiène et Sécurité : le Directeur Adjoint est responsable du respect et de la bonne application de toutes les règles d'hygiène et de sécurité définies dans le Manuel d'Exploitation et de Formation, le Guide de la Qualité, le plan HACCP du manuel de sécurité alimentaire et les procédures définies dans les contrôles et audits Silliker. » ; ces multiples écarts de procédures non conformes aux exigences de la réglementation HACCP et du groupe.

Nous vous rappelons que nous avons déjà eu à vous reprocher une faute professionnelle en vous sanctionnant d'une mise à pied en juin 2017.

C'est pourquoi aujourd'hui cette escalade dans les manquements professionnels basiques devient préjudiciable pour obtenir une gestion conforme du restaurant et répondant aux exigences de sécurité alimentaire. Cette situation ne saurait durer davantage.

En conséquence, et au regard des éléments repris ci-dessus et conformément aux dispositions de l'article L.1232-6 du code du travail, nous ne pouvons poursuivre notre collaboration et vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave sans préavis ni indemnité de licenciement. »

La cour relève que ce qui est reproché au salarié et qui, selon l'employeur, justifiait le licenciement avec cessation immédiate du contrat de travail c'est de ne pas avoir réagi dès le 20 janvier 2018 alors qu'il a été informé des nombreuses anomalies constatées ce jour là et que sa hiérarchie lui a fait un rappel de consigne, en mettant en oeuvre des actions de correction, en sa qualité de responsable du suivi des procédures de sécurité alimentaire.

Il est également fait état de l'accumulation d'informations discordantes dans la sécurité alimentaire sans mettre en place les procédures de contrôle et de vérification qui découlaient de sa qualité.

A l'appui, la société expose que :

- le contrôle de la sécurité alimentaire faisait partie des fonctions du salarié aux termes de son contrat de travail et qu'il avait été expressément désigné responsable de la sécurité alimentaire et du contrôle lors d'une réunion du 12 janvier 2018 (pièce 2b : fiche de poste / attestations pièces 43-44);

- il devait vérifier que l'ensemble des fiches de contrôle étaient correctement remplies et renseignées;

- il avait été informé par la directrice des anomalies relevées le 20 janvier 2018 et été rappelé à l'ordre ;

- il n'avait mis en place aucune opération correctrice, peu important les éventuels bugs informatiques ou autre raison aux écarts constatés;

- le non-respect de ses règles constitue une faute qui peut être dangereuse pour la santé des consommateurs et donc porter atteinte à l'image de l'entreprise en ce qu'elle empêche toute valeur probante des fiches de contrôle et donc toute traçabilité des opérations et des cuissons.

M. [P] soutient que :

- le système informatique relatif à l'enregistrement des analyses de sécurité alimentaire connaissait des dysfonctionnements (attestations : pièces 23 à 26, 39/40);

- la société ne rapporte pas la preuve du fait qu'il aurait manqué volontairement à ses obligations;

- il n'a jamais été informé des anomalies alléguées et n'avait en tout état de cause pas à modifier son attitude conforme aux exigences contractuelles;

- il n'était pas le seul en charge de la sécurité alimentaire et les faits qui lui sont reprochés résultent de manquements de plusieurs membres de son équipe ;

- il a toujours correctement rempli ses obligations durant l'exécution de son contrat de travail et n'a jamais été sanctionné en 23 ans d'ancienneté, sauf la mise à pied qu'il conteste;

- il indique être le seul salarié à avoir été licencié pour les manquements susvisés alors que s'ils étaient justifiés, d'autres salariés en étaient également responsables, engendrant une rupture d'égalité.

Il ressort des pièces produites aux débats que M. [N], superviseur de la société, a, le 20 janvier 2018 procédé à une visite de contrôle des classeurs d'archivage (bon de livraison, classeur liste de contrôle qualité LCQ, classeur sécurité...). Il indique qu' 'au vu de toutes les erreurs', il est remonté jusqu'au 30 novembre 2017, et a pointé 80 anomalies sur la période du 30 novembre 2017 au 20 janvier 2018, essentiellement sur les LCQ concernant principalement les temps de la veille, les températures internes mal notées ou encore les tests de viandes qui n'étaient pas faits.

Il n'y a pas lieu de remettre en cause la réalité et l'authenticité de ces constatations réalisées par le salarié qui en a la charge, dans le cadre d'une visite classique d'archivage, et qui en fait une retranscription objective et chiffrée conforme aux données techniques produites (pièce 29).

Il est par ailleurs établi qu'il a communiqué ce compte rendu à la directrice, Mme [D], par mail du 28 janvier.

M. [N] a ensuite procédé à une nouvelle visite de contrôle le 27 janvier 2018, pour vérifier que les points non conformes en ce qui concerne la LCQ avaient fait l'objet de corrections (pièce 15) et a relevé des anomalies de même nature, s'adressant une nouvelle fois à la directrice, en ces termes : 'A mon grand étonnement, rien n'a été fait, pas de vérification depuis et surtout pas d'action corrective pour rectifier ces écarts' et lui demandant de mettre en place un plan d'action.

La cour relève que la seule attestation de Mme [D] qui affirme que dès le 20 janvier 2018, elle a informé M. [P] 'à sa prise de poste' des écarts constatés lors du 1er contrôle et lui a demandé de corriger les choses, ne peut suffire à démontrer que le salarié s'est effectivement vu rappeler à l'ordre pour mettre en place des opérations correctives, ce qu'il conteste.

S'agissant d'une preuve à soi-même, cette attestation n'a, en tant que telle, aucune valeur probante, comme émanant du supérieur hiérarchique de l'intéressé

M. [N] relatant dans une attestation la chronologie de ses constatations indique avoir informé seulement Mme [D] des anomalies et envoyé à celle-ci les deux comptes rendus, ce qui est corroboré par les deux mails susvisés. Il n'évoque pas avoir lui-même communiqué ses résultats directement à M. [P], ni d'ailleurs avoir eu connaissance d'une telle communication par Mme [D].

L'existence d'une réunion des managers le 12 janvier 2018 au cours de laquelle M. [P] se serait vu confier la sécurité alimentaire par la directrice - ce qu'il conteste - ne permet pas non plus d'établir qu'il avait fait l'objet d'un rappel de consignes concernant les vérifications susvisées dès lors que les anomalies ont été constatées postérieurement à cette réunion et que c'est bien à ce moment que l'employeur affirme lui avoir fait un rappel des consignes.

Dès lors, la cour dit que la société ne démontre pas que M. [P] se soit vu rappeler ses missions et responsabilités après le contrôle du 20 janvier 2018 et qu'il n'aurait, en connaissance de cause, rien fait pour les corriger et pour les éviter à l'avenir.

En tout état de cause, la cour relève également que le laps de temps très court entre les deux contrôles (20 janvier -27 janvier) prétendument laissé au salarié pour 'réagir' ne saurait être regardé comme sérieux et utile pour lui permettre de modifier un fonctionnement remontant à près de deux mois qui n'avait par ailleurs pas inquiété l'employeur autrement.

Le grief n'est en conséquence pas fondé.

S'agissant de l'accumulation d'informations discordantes dans la sécurité alimentaire sans mettre en place les procédures de contrôle et de vérification qui découlaient de sa qualité, en dehors de tout rappel à l'ordre, la cour relève que M. [P] est, aux termes de l'avenant à son contrat de travail du 18 mars 2014, directeur du restaurant adjoint et que 'ses responsabilités sont liées à l'application de normes propres à Mac Donald's ainsi qu'à l'annexe au contrat de travail'.

A ce titre, il est 'responsable du respect et de la bonne application de toutes les règles d'hygiène et de sécurité définies dans le manuel d'exploitation de la formation, le guide de la qualité, le plan HACCP du manuel de la sécurité alimentaire et les procédures définies dans les contrôles et audit SILLIKER'.

La méthode HACCP (pièces 34 et 35) consiste en une méthode préventive pour la sécurité alimentaire. S'agissant de la cuisson des produits grillés, sont prévues des méthodes de contrôle et d'enregistrement, notamment 'vérifier les températures programmées en pré-ouverture et avant l'heure de pointe, et les noter sur la LCQ', ainsi que les actions correctives, notamment 'en pré-ouverture et après l'heure de pointe, changer la programmation et noter les actions correctives sur la LCQ'.

Ainsi, M. [P] avait en charge l'ensemble de ces vérifications et devait, d'initiative, en dehors de tout rappel ou consigne spécifique, procéder aux contrôles et aux actions correctives, le tout devant être noté sur les LCQ y compris les corrections effectuées, dans un but de traçabilité.

Dès lors, l'existence ou pas d'une réunion qui aurait eu lieu le 12 janvier 2018 au cours de laquelle lui aurait été confiée la sécurité alimentaire de façon spécifique comme l'attestent deux salariés (directeur adjoint, et manager) est sans conséquence sur ses missions et responsabilités. Cette mission lui incombait contractuellement depuis 2014 et il en avait la charge et la responsabilité. En tout état de cause, la réunion du 12 janvier ne figure pas dans la lettre de licenciement la quelle fixe les limites du litige.

La cour observe que les contrats de travail des autres directeurs adjoints ne sont pas produits par l'employeur pour connaître leur mission spécifique et leurs attributions en matière de sécurité alimentaire. Cependant, s'agissant d'une entreprise de restauration rapide, l'ensemble des directeurs, directeurs adjoints et managers devait classiquement faire appliquer les règles d'hygiène et de sécurité alimentaire, à l'instar de l'intimé, qui, alors qu'il n'était que premier assistant de direction jusqu'en 2014, se voyait appliquer un article 3 Hygiène et Sécurité, en ces termes : 'il fait appliquer les règles d'hygiène et de sécurité présentées dans le guide de la Qualité, il applique et fait appliquer le plan HACCP défini dans le manuel de sécurité alimentaire et il contrôle et fait respecter les règles de sécurité définies dans le Manuel d'Exploitation et de Formation ainsi que les procédures concernant la manipulation des dépôts et du coffre-fort'. Il s'ensuit que bien que l'hygiène et la sécurité incombait à plusieurs salariés de l'entreprise - et était sans doute l'affaire de tous-, M. [P] avait une mission et des responsabilités en cette matière, sans qu'elle ne puisse être diminuée, diluée ou divisée avec d'autres salariés éventuellement également investis d'une telle mission.

Certes, il ne peut lui être reproché des erreurs qui auraient été commises par d'autres salariés durant ses jours d'absence ou de congés. Pour autant, la cour relève que les anomalies ont eu lieu sur une période de près de deux mois (30 novembre 2017 au 27 janvier 2018) alors que M. [P] travaillait à plein temps, sans qu'il ne soit établi ni même allégué que son contrat de travail ait été suspendu durant cette période ou qu'il ait été absent durablement.

Le salarié explique dans ses conclusions que les restaurants Mac Donald's sont équipés de grills de cuisson qui sont programmés pour un temps de cuisson variable en fonction de la qualité de la viande à cuire. Ainsi, par exemple, la viande REG de petite taille doit subir un temps de cuisson avoisinant les 45 secondes tandis que le viande charolaise doit cuire environ 116 secondes.

Or, ont été relevées de nombreuses anomalies sur les archivages, telles que:

'- le 18 décembre 2017: pas d'actions correctives sur l'après rush, il manque également la température du disque ainsi que le tracé sur le positif

- le 19 décembre : sur le grill 1 rabat 2, le temps de cuisson passe de 74 secondes à 45 sans aucune action corrective; sur le grill 3 rabat 5, le temps de cuisson est enregistré en REG et la prise de température se fait sur des viandes 3G charolais

- le 20 décembre : le temps de cuisson passe de 45 secondes à 74 secondes sans action corrective;

- le 24 décembre : pas d'action corrective pour la température du frigo comptoir à + 20° C (...)'

L'existence de bug informatiques, dont la réalité n'est pas établie durant la période litigieuse, qui viendraient fausser les relevés est sans incidence sur la responsabilité de M. [P] dont la mission consistait notamment à vérifier les températures et temps de cuisson et qui aurait dû corriger les écarts, y compris s'il venaient d'un bug.

Le manquement à ses obligations contractuelles en matière de sécurité alimentaire est donc constitué.

Cependant, la cour relève que ce n'est que le 8 février 2018 que l'employeur a initié la procédure de licenciement bien que connaissant dès le 20 janvier 2018, les manquements de M. [P] remontant au moins au 30 novembre 2017.

Il s'ensuit que l'employeur n'a pas considéré ceux ci comme suffisamment graves pour empêcher toute poursuite du contrat et n'a retenu comme cause de cessation immédiate du contrat que le fait que des anomalies aient perduré en dépit du rappel à l'ordre du 20 janvier, lequel n'a pas été retenu par la cour.

Le licenciement pour faute grave n'est donc pas justifié dès lors que la seule faute démontrée ne revêt pas de caractère de gravité.

La cour dit que la sanction disciplinaire est disproportionnée à la faute commise au regard du contexte et particulièrement de l'absence totale de mise en garde faite au salarié pour attirer son attention sur les manquements constatés et lui demander de réagir. A aucun moment, M. [P] n'a été mis en mesure de rectifier ses erreurs qui ont été relevées le 20 janvier puis le 27 janvier, l'employeur décidant d'enclencher d'emblée une procédure de licenciement le 8 février, soit seulement 12 jours après, pour des erreurs pourtant existantes depuis le 30 novembre précédant.

Le salarié avait 23 ans d'ancienneté, était exempt de toute sanction disciplinaire, - la mise à pied du 27 juin 2017 ayant été annulée par la cour -, et donnait satisfaction à son employeur au regard de sa nomination en qualité de directeur adjoint, trois ans auparavant.

Par conséquent, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences financières du licenciement

1) Sur les indemnités de rupture

Les sommes allouées tant au titre de l'indemnité compensatrice de préavis que de l'indemnité légale de licenciement par les premiers juges ne sont pas autrement discutées et doivent dès lors être confirmées.

2) Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Le salarié demande à la cour d'écarter le montant maximal de l'indemnisation prévue par l'article L.1235-3 du code du travail en raison de son inconventionnalité, ce plafond violant les dispositions de l'article 24 de la Charte sociale européenne, les articles 4 et 10 de la convention 158 de l'OIT et le droit au procès équitable, dès lors que les barèmes prévus par ce texte ne permettent pas d'indemniser intégralement son préjudice.

Selon l'article L.1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux de salaire pour une ancienneté acquise.

Les stipulations de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail (OIT), qui créent des droits dont les particuliers peuvent se prévaloir à l'encontre d'autres particuliers et qui, eu égard à l'intention exprimée des parties et à l'économie générale de la convention, ainsi qu'à son contenu et à ses termes, n'ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requièrent l'intervention d'aucun acte complémentaire, sont d'effet direct en droit interne.

Aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse.

Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, qui permettent raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi et assurent le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur, sont de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail (OIT).

Il en résulte que les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention précitée.

Dès lors, il y a lieu de confirmer la décision du premier juge lequel, ayant apprécié la situation concrète du salarié à savoir son ancienneté, son salaire mensuel brut de 3 309,97 euros, son âge et ses difficultés à retrouver un emploi stable, pour déterminer le montant de l'indemnité due entre les montants minimaux et maximaux déterminés par l'article L. 1235-3 du code du travail, a alloué à M. [P] une indemnité correspondant à 17 mois de salaires s'établissant à la somme de 56 269,49 euros, indemnisation adéquate et appropriée du préjudice subi compatible avec les exigences de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail.

3) Sur les indemnités de chômage

Il y a lieu de confirmer le jugement quant à l'application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la société [Localité 3] Provence Restaurants Dromel à payer à M. [M] [P] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société aux dépens d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 21/04498
Date de la décision : 09/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-09;21.04498 ?
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