COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-7
ARRÊT AU FOND
DU 08 SEPTEMBRE 2022
N° 2022/ 348
N° RG 21/03960 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHD3V
[G] [W]
C/
[C] [Z]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Thierry Laurent GIRAUD
Me Francis COUDERC
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de proximité de BRIGNOLES en date du 05 Mars 2021 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 1120000196.
APPELANT
Monsieur [G] [W]
né le 07 Juillet 1956 à [Localité 4], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Thierry Laurent GIRAUD de la SCP LUCCIARDI BELLEMANIERE WATRIN GIRAUD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant
INTIME
Monsieur [C] [Z]
né le 21 Novembre 1976 à [Localité 5] (83), demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Francis COUDERC, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Mireille CAURIER-LEHOT, Conseillère, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre
Madame Carole MENDOZA, Conseillère
Madame Mireille CAURIER-LEHOT, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Juin 2022 puis les parties ont été avisées que la décision était prorogé au 08 septembre 2022.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 septembre 2022
Signé par Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre et Mme Natacha BARBE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE :
M. [C] [Z] a eu la garde d'un chat et de tortues, suite au décès de Mme [X] [E], sa mère, survenu le 20 novembre 2018, M. [G] [W], son époux, ne pouvant s'en occuper puisqu'il était incarcéré dans le cadre d'une instruction pour meurtre sur la personne de son épouse, puis interdit, pendant le temps du contrôle judiciaire, de se rendre sur la commune où le couple résidait.
Ne pouvant restituer le chat 'Jobar' qui se serait enfui et certaines tortues, selon les affirmations de M. [W], ce dernier a fait assigner, par acte du 29 juin 2020, M. [C] [Z] aux fins de voir notamment :
- condamner le défendeur à lui restituer le chat et les tortues, ainsi que le carnet de santé du chat, sous astreinte d'une somme de 150 euros par jour de retard et par animal,
- en cas d'impossibilité de restitution, condamner le même à lui payer la somme de 5000 euros à titre de dommages-intérêts pour la perte des animaux et réparation du trouble affectif et moral,
- condamner le même à la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement contradictoire du 5 mars 2021, le Tribunal de proximité de Brignoles a statué ainsi:
- rejette la demande de nullité de l'assignation délivrée par M. [G] [W] à M. [C] [Z],
- déboute M. [G] [W] de l'ensemble de ses demandes,
- condamne M. [G] [W] à payer à M. [C] [Z] une somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens,
- rappelle l'exécution provisoire de droit.
Le jugement déféré estime que l'assignation n'est pas nulle faute pour M. [W] de démontrer l'existence d'un grief, ce d'autant plus qu'il a pu développer par l'intermédiaire de son conseil, des moyens de défense.
Sur le fond, le premier juge invoque les dispositions des articles 1915 et 1927 du code civil relatifs au contrat de dépôt ; que le requérant ne rapporte pas la preuve qu'il manque des tortues qui ne lui auraient pas été restituées ; que le défendeur justifie s'être occupé du chat en produisant diverses factures, la fugue du chat ne pouvant lui être imputée ; que le requérant ne prouve pas le préjudice moral et d'affection invoqué.
Selon déclaration du 16 mars 2021, M. [W] a relevé appel de ce jugement en ce qu'il l'a débouté de l'ensemble de ses demandes, l'a condamné à une somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Selon dernières conclusions notifiées par voie électronique le 26 avril 2022, M. [W] demande de voir :
- infirmer le jugement entrepris,
- déclarer la demande de M. [W] recevable et bien-fondée,
- condamner M. [Z] à lui restituer le chat 'Jobar', les tortues et le carnet de santé du chat, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et par animal, astreinte qu'il sera demandé au juge des référés de liquider le cas échéant,
- pour le cas où la cour constaterait l'impossibilité de restitution, condamner le même à lui payer la somme de 5000 euros à titre de dommages-intérêts pour la perte des animaux et réparation du trouble affectif et moral,
- débouter M. [Z] de ses demandes,
- condamner le même à la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, dont distraction au profit de Maître Thierry-Laurent GIRAUD, avocat, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses conclusions, auxquelles il sera référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [W] fait valoir que Mme [E] a institué son mari, comme usufruitier de l'universalité de tous ses biens, mobiliers et immobiliers, sans exception ni réserve, selon testament du 25 août 2010.
Il soutient que M. [Z] était gardien des animaux ; que la responsabilité ne peut dans ce cas n'être combattue que par la preuve d'une force majeure ; qu'il est attaché à ces animaux puisqu'il s'en est toujours occupé, a réglé les frais de vaccination, de castration, de tatouage et la nourriture depuis septembre 2014.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 09 mai 2022, M. [Z] demande de voir :
- révoquer l'ordonnance de clôture du 28 avril 2022 et admettre les présentes aux débats,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,
- débouter M. [W] de ses demandes,
- le condamner à lui payer la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Dans ses conclusions, auxquelles il sera référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [Z] soutient que l'appelant lui a notifié ses dernières écritures le 26 avril
2022 soit 48 heures avant la clôture des débats ; qu'il a sollicité du magistrat en charge de la mise en état le report de la clôture jusqu'à la veille des débats, sa demande étant restée sans réponse; qu'il sollicite donc, par respect du principe du contradictoire, la révocation de l'ordonnance de clôture rendue le 28 avril 2022 et d'admettre ses dernières conclusions aux débats.
Sur le fond, il fait valoir avoir restitué les tortues à M. [W] le 16 octobre 2020 ; que simple dépositaire à titre gratuit des animaux, il ne peut être tenu que dans la limite de l'article 1929 du code civil de sorte qu'il ne répond pas des accidents de force majeure, telle une fuite ; qu'il a apporté tous les soins au chat ; qu'il a tout mis en oeuvre pour le retrouver ; que l'appelant ne justifie d'aucun préjudice.
La procédure a été clôturée le 28 avril 2022.
MOTIVATION :
Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture :
L'article 803 du code de procédure civile prévoit que l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue.
En l'espèce, alors que M. [Z] avait précédemment conclu le 9 mai 2021, l'appellant lui a répondu tardivement par conclusions du 26 avril 2022. Il demande donc la révocation de l'ordonnance de clôture dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 9 mai 2022, n'ayant reçu les dernières conclusions de la partie adverse que deux jours avant l'ordonnance du 28 avril 2022.
De plus, par message électronique du 26 avril 2022, l'intimé a sollicité le conseiller de la mise en état pour demander un report de la clôture pour le mettre en état de conclure mais aucune réponse ne lui a été donnée.
Par respect du principe de la contradiction, il convient donc d'ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture du 28 avril 2022, à laquelle ne s'oppose d'ailleurs pas l'appelant et de prononcer la clôture de la procédure au jour de l'audience du 12 mai 2022.
Ainsi, les conclusions de l'intimé notifiées le 9 mai 2022 doivent être déclarées recevables.
Sur les demandes principales de M. [W] :
Il convient de préciser que les articles 1242 et 1243 du code civil prévoyant la responsabilité du fait des choses ou des animaux que l'on a sous sa garde ne sont pas applicables aux faits de l'espèce puisque n'est pas en cause un dommage causé par une chose ou un animal gardé.
En l'espèce, il convient d'appliquer les dispositions des articles 1919 et suivants du code civil relatives au contrat de dépôt.
En vertu de l'article 1927 du code civil, le dépositaire doit apporter, dans la garde de la chose déposée, les mêmes soins qu'il apparte dans la garde des choses qui lui appartiennent.
Il résulte de ces dispositions que le dépositaire n'est tenu que d'une obligation de moyens.
En l'espèce, il n'est pas constesté par l'intimé que M. [W] soit le propriétaire du chat 'Jobar' et des tortues suite au décès de Mme [X] [E] épouse [W] survenu le 20 novembre 2018.
Il résulte des débats que suite à l'information judiciaire ouverte devant le juge d'instruction du Tribunal de grande instance de DRAGUIGNAN pour meurtre par conjoint, M. [Z] a demandé, par l'intermédiaire de son conseil, au magistrat instructeur l'autorisation de récupérer les tortues restées au domicile de sa mère décédée.
Par soit-transmis du 11 mars 2019, le juge d'instruction a donné instruction eu directeur d'enquête à la brigade de recherches de la gendarmerie de [Localité 3] de briser le scellé constitué par la villa où demeurait Mme [E] afin que les tortues puissent être sauvées.
Par attestation du 8 septembre 2020, Mme [S] [P], voisine de M. [Z], indique avoir restitué, le même jour, les tortues à ce dernier, tortues qui se trouvaient auparavant devant sa propriété, qu'elle a récupérées et qui ont hiberné dans son jardin.
M. [W] prétend n'avoir récupéré que quatre tortues par l'intermédiaire de son avocat et que toutes ne lui ont pas été restituées.
Cependant, alors que cette preuve lui appartient en vertu de l'article 1353 du code civil, il ne justifie pas du nombre de tortues qui avaient été confiées à M. [Z], ni du nombre exact que celui-ci devait lui restituer.
Par conséquent, c'est à bon droit que le premier juge l'a débouté de sa demande de restitution de tortues et le jugement infirmé sera donc confirmé sur ce point.
Concernant le chat 'Jobar', l'intimé invoque que le chat a fugué et il appartient à l'appelant de prouver la faute imputable au dépositaire qui ne peut le restituer.
Si M. [Z] n'établit pas avoir diligenté toutes les démarches nécessaires pour retrouver l'animal perdu, la photocopie d'une affichette, non datée, indiquant la disparition de ce dernier ne pouvant suffire à justifier que toutes les démarches nécessaires ont été mises en oeuvre suite à la perte du chat, aucun élément produit aux débats ne permet d'établir qu'il a commis une faute à l'origine de la disparition de l'animal.
De plus, M. [W] invoque avoir subi un préjudice affectif et moral suite à la perte du chat 'Jobar' sans justifier des frais d'entretien invoqués tels les frais de vaccination, de castration, de tatouaget et de nourriture.
Aucun élément produit aux débats ne permet de prouver le trouble affectif invoqué.
Par conséquent, M. [W] sera débouté de l'ensemble de ses demandes concernant tant la restitution du chat et de son carnet de santé que celle en dommages-intérêts.
Le jugement déféré sera également confirmé sur ces points.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
L'équité commande de faire droit à la demande de M. [Z] fondée sur l'article 700 du code de procédure civile. L'appelant, qui sera débouté de sa demande de ce chef, sera condamné à lui payer la somme visée au dispositif de la présente décision.
L'appelant, partie succombante, sera condamné aux dépens d'appel.
Enfin, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné M. [G] [W] à payer à M. [C] [Z] la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné le même aux dépens.
PAR CES MOTIFS :
La Cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe :
RÉVOQUE l'ordonnance de clôture du 28 avril 2022 :
PRONONCE la clôture de la procédure à la date de l'audience du 12 mai 2022 ;
En conséquence, DÉCLARE recevables les conclusions de M. [C] [Z] notifiées par voie électronique le 9 mai 2022 ;
Sur le fond, CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions dans les limites de l'appel ;
Y AJOUTANT :
CONDAMNE M. [G] [W] à payer à M. [C] [Z] la somme de 1800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel ;
CONDAMNE M. [G] [W] aux dépens d'appel.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,