La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/09/2022 | FRANCE | N°18/18841

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-2, 08 septembre 2022, 18/18841


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-2



ARRÊT AU FOND

DU 08 SEPTEMBRE 2022



N° 2022/401





Rôle N° RG 18/18841 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDNCZ







[O] [L]





C/



[C], [T], [J] [B]

LE COMPTABLE RESPONSABLE DU POLE RECOUVREMENT

Mme LA PROCUREURE GENERALE

SCP [10]

Organisme UNION DE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECURITE SOCIALES ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES [Localité 15]











Copie exécutoire

délivrée

le :

à :



-Me Sandra JUSTON

-Me Martial VIRY

-Me Jean victor BOREL











Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de Salon de Provence en date du 20 Novembre 2018 enregistré(e...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-2

ARRÊT AU FOND

DU 08 SEPTEMBRE 2022

N° 2022/401

Rôle N° RG 18/18841 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDNCZ

[O] [L]

C/

[C], [T], [J] [B]

LE COMPTABLE RESPONSABLE DU POLE RECOUVREMENT

Mme LA PROCUREURE GENERALE

SCP [10]

Organisme UNION DE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECURITE SOCIALES ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES [Localité 15]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

-Me Sandra JUSTON

-Me Martial VIRY

-Me Jean victor BOREL

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de Salon de Provence en date du 20 Novembre 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 2016006149.

APPELANT

Monsieur [O] [L],

né le 20 mai 1955 à [Localité 14], de nationalité française, demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMES

Monsieur [C], [T], [J] [B]

né le 8 novembre 1945 à [Localité 12], de nationalité française, demeurant [Adresse 5]

défaillant

Le Comptable responsable du POLE RECOUVREMENT SPECIALISE D'[Localité 8], désigné contrôleur dans le cadre de la liquidation judiciaire ouverte à l'encontre de la société [7], dont le siège social est sis [Adresse 4] pris en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

représenté par Me Martial VIRY, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me David TRAMIER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Madame LA PROCUREURE GENERALE,

demeurant COUR D'APPEL - [Adresse 2]

défaillante

SCP [10]

représenté par Me [X] [F] et Me [H] [W], agissant en sa qualité de liquidateur de la procédure ouverte à l'encontre de la société [7].

dont le siège social est sis, [Adresse 6]

défaillante

L'UNION DE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECURITE SOCIALES ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES [Localité 15], (URSSAF [Localité 15]) venant aux droits de l'URSSAF des [Localité 9] et de L'URSSAF des Alpes Maritimes, dont le siège social est sis, [Adresse 1], prise en la personne de son directeur en exercice domicilié es qualités audit siège,

Désignée contrôleur dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'encontre de la société [7]. Par ordonnance de M.Denis QUESNEL, juge commissaire, en date du 3 decembre 2013

représentée par Me Jean victor BOREL de la SCP BOREL / DEL PRETE & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 18 Mai 2022 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Michèle LIS-SCHAAL, Président de chambre

Madame Muriel VASSAIL, Conseiller Rapporteur

Madame Agnès VADROT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Chantal DESSI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Septembre 2022.

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.

ARRÊT

Défaut,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Septembre 2022,

Signé par Madame Michèle LIS-SCHAAL, Président de chambre et Monsieur Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS PROCEDURES ET PRETENTIONS DES PARTIES

La société [7] a pour objet social le gardiennage et la sécurité.

A la suite d'un contrôle diligenté par l'URSSAF, elle a fait l'objet d'un redressement portant sur les années 2009 à 2011 et d'un redressement fiscal à hauteur de 6, 2 millions d'euros pour la période du 1er janvier 2009 au 31 octobre 2011.

Postérieurement à ces redressements, les associés uniques de cette société ont cédé la totalité de leurs parts composant le capital social à une personne morale de droit allemand, la société [11] (la société [11]).

Son nouvel associé unique ayant envisagé de procéder à sa dissolution-confusion, par acte du 28 décembre 2011, L'URSSAF des [Localité 9] a fait citer la société [7] devant le tribunal de commerce de SALON DE PROVENCE pour :

-former opposition,

-obtenir sa condamnation à lui payer 3 982 130, 38 euros sous réserve de l'inscription en compte des sommes ayant fait l'objet d'une exécution forcée à hauteur de 119 312, 14 euros.

Par jugement du 5 octobre 2012, le tribunal de commerce de SALON DE PROVENCE a :

-reçu l'opposition de l'URSSAF,

-condamné la société [7] à lui payer 3 460 455 euros.

Par ailleurs, la transmission universelle de la société [7] à la société [11] a été suspendue jusqu'au paiement de la dette.

Par jugement du 21 mai 2013, le tribunal de commerce de SALON DE PROVENCE a ouvert à l'encontre de la société [7] une procédure de redressement judiciaire qui a été convertie en liquidation judiciaire par jugement du 19 juillet 2013.

Mme [F] a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

Par arrêt du 22 octobre 2015, la cour de ce siège a confirmé le jugement du 5 octobre 2012 sauf à dire que la créance de l'URSSAF, à hauteur de 3 460 455 euros était désormais une créance fixée au passif de la société [7] à titre privilégié.

Par ordonnances des 3 décembre 2013 et 7 janvier 2015 rendues par le juge commissaire du tribunal de commerce de SALON DE PROVENCE, l'URSSAF et le POLE DE RECOUVREMENT SPECIALISE D'AIX-EN-PROVENCE ont été désignés contrôleurs de la procédure collective de la société [7].

Par actes des 13, 15 et 18 juillet 2016, l'URSSAF et le comptable du POLE DE RECOUVEMENT SPECIALISE ont fait citer M. [G] [Y], M. [O] [L] et M. [C] [B], en qualité de dirigeants successifs de la société [7], pour obtenir leur condamnation solidaire à supporter l'insuffisance d'actif.

Par jugement du 20 novembre 2018, le tribunal de commerce de SALON DE PROVENCE a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

-déclaré l'action recevable,

-acté le désistement des demandeurs à l'encontre de M. [G] [Y],

-condamné M. [O] [L] à supporter l'insuffisance d'actif de la société [7] à hauteur de 7 167 443, 03 euros,

-condamné M. [C] [B] à supporter l'insuffisance d'actif de la société [7] à hauteur de 10 000 euros,

-débouté les demandeurs de leur demande de condamnation solidaire au titre de l'insuffisance d'actif,

-condamné solidairement M. [L] et M. [B] à payer à l'URSSAF et au comptable du [13] la somme de 5 000 euros du chef de l'article 700 du code de procédure civile,

-employé les dépens en frais privilégiés de la procédure collective de la société [7].

Le premier juge a retenu que :

-l'action des contrôleurs de la procédure collective est recevable,

-l'insuffisance d'actif de la société [7] s'élève à 8 307 421, 79 euros,

-le contrôle de l'URSSAF concerne une période pour laquelle M. [L] était gérant de la société [7],

-ce contrôle a mis en lumière des pratiques volontaires de non déclaration de base entrainant le non-paiement de cotisations sociales,

-ce détournement prive de ressources importantes le système de la solidarité nationale en matière de soins,

-les salariés de la société [7] risquent de perdre des droits à retraite,

-au lieu de régler les cotisations sociales M. [L] a volontairement payé des sommes importantes, à savoir 1 677 444 euros et 730 055 euros à deux sociétés qui ne remplissent pas leurs obligations fiscales,

-l'une de ces deux sociétés a fait usage du système de fusion-absorption transfrontalière avec une société de droit allemand comme la société [7] a tenté de le faire,

-les paiements faits à ces deux sociétés ont été considérés comme fictifs par le service des impôts,

-le procès-verbal dressé par le contrôleur de l'URSSAF fait état de pratiques frauduleuses (falsification de déclarations) à hauteur de 929 079 euros pour le 3ème trimestre 2009,

-l'entourage professionnel de la société [7] a également été redressé en raison de minorations de cotisations sociales,

-ces actes délibérés et répétés constituent des fautes de gestion,

-le contrôle fiscal a mis en lumière une rétention importante de la TVA collectée qui a permis de payer des prestations à deux sociétés,

-l'analyse des documents par les impôts révèle une intention volontaire et constante relevant de la mauvaise foi,

-ces montants importants retracent une pratique qui a perduré pendant toute la gestion de M. [L] alors que dans le même temps l'analyse du grand livre comptable qu'il produit démontre que la société [7] faisait appel à la cession de créance pour se financer,

-les falsifications des bordereaux URSSAF et de déclaration de TVA, l'absence de factures pour des sommes de 1 677 444 et 730 055 euros ne peuvent qu'entacher la comptabilité d'irrégularités,

-la comptabilité de la société [7] n'est donc pas régulière et ne reflète pas la réalité économique de cette société,

-au regard des pièces la majeure partie de l'insuffisance d'actif doit être imputée à M. [L],

-M. [B] a pris ses fonctions le 25 juillet 2012, c'est-à-dire après les contrôles de l'URSSAF et des finances publiques,

-dès sa prise de fonction M. [B] aurait dû déclarer l'état de cessation des paiements de la société,

-faisant état d'une certaine expérience, il ne pouvait ignorer la situation financière catastrophique de la société [7],

-cependant, il n'est pas à l'origine de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire qui est intervenue 8 mois après sa prise de fonction,

-à l'audience, M. [B] reconnaît qu'il a commis une faute en ne déclarant pas l'état de cessation des paiements,

-il apparaît qu'il n'a pas agi avec une intention frauduleuse mais plutôt poussé par la conviction qu'il parviendrait à sauver l'entreprise,

-son attente est quand même répréhensible dans la mesure où les dettes de la société s'élevaient à près de 8 000 000 d'euros,

-un dépôt plus rapide aurait permis de sauver quelques actifs bancaires,

-M. [B] est resté muet à tout courrier émanant de l'URSSAF et du POLE DE RECOUVEMENT SPECIALISE d'[Localité 8],

-M. [B] doit être condamné à supporter l'insuffisance d'actif à hauteur de 10 000 euros.

M. [L] a fait appel de ce jugement le 29 novembre 2018.

Dans ses dernières conclusions, déposées au RPVA le 5 août 2019, il demande à la cour, au visa de l'article L651-2 du code de commerce, de dire et juger un certain nombre de choses qui sont autant de moyens, de réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 20 novembre 2018 par le tribunal de commerce de SALON DE PROVENCE et ;

A titre principal, de débouter l'URSSAF DES [Localité 9] et le comptable du POLE DE RECOUVREMENT SPECIALISE de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire, de constater que les sommes réclamées sont excessives,

En tout état de cause, de condamner l'URSSAF et le comptable du POLE DE RECOUVREMENT SPECIALISE aux dépens et à lui payer 5 000 euros du chef de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures, communiquées par RPVA le 19 avril 2022, l'URSSAF demande à la cour de :

-confirmer le jugement frappé d'appel en ce qu'il a :

-déclaré l'action recevable,

-retenu des fautes à l'encontre de messieurs [L] et [B],

-infirmer pour le surplus le jugement frappé d'appel,

-condamner solidairement messieurs [L] et [B] à payer à la SCP [10] ès qualités de liquidateur judiciaire la somme de 8 307 421, 79 euros au titre de l'insuffisance d'actif de la société [7],

-condamner solidairement messieurs [L] et [B] aux dépens et à lui payer 10 000 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions, notifiées au RPVA le 27 mai 2019, le comptable du POLE DE RECOUVREMENT SPECIALISE D'[Localité 8] demande à la cour de :

-débouter M. [L] de son appel,

-confirmer le jugement frappé d'appel en son principe sur la condamnation de M. [L] et de M. [B] à supporter l'insuffisance d'actif,

-réformer le jugement frappé d'appel en ce qui concerne le montant des condamnations,

-condamner solidairement M. [L] et M. [B] à payer à la SCP [10] ès qualités la somme de 8 307 421, 79 euros au titre de l'insuffisance d'actif,

-condamner M. [L] aux dépens et à lui payer 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières réquisitions, déposées au RPVA le 19 avril 2022, le ministère public demande à la cour de faire droit aux demandes de l'URSSAF et du comptable du POLE DE RECOUVREMENT SPECIALISE.

M.[B], cité en l'étude d'huissier le 7 mars 2019, et la SCP [10], citée à personne habilitée le 5 mars 2019, n'ont pas constitué avocat.

La présente décision sera rendue par défaut en application de l'article 474 du code de procédure civile.

Le 24 février 2022, en application des articles 908 à 910 du code de procédure civile, les parties ont été avisées de la fixation du dossier à l'audience de plaidoiries du 18 mai 2022.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 28 avril 2022.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il conviendra de se référer aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens de fait et de droit.

MOTIFS DE LA DECISION

Observation liminaire

De l'accord unanime des parties, initialement une erreur matérielle s'était glissée dans le chapeau du jugement frappé d'appel concernant sa date.

Cette erreur a été rectifiée d'office par le tribunal de commerce de SALON DE PROVENCE et, en conséquence, la cour précise qu'elle est bien saisie de l'appel du jugement du 20 novembre 2018 et non du jugement du 31 mai 2018.

Sur les limites de l'appel

Aucune des parties ne remet en cause la décision du premier juge en ce qu'elle a déclaré recevable l'action de l'URSSAF et du comptable du POLE DE RECOUVREMENT SPECIALISE.

Elle sera confirmée de ce chef.

Sur les mérites de l'appel

Ainsi que le rappelle l'article L651-2 du code de commerce, le tribunal de commerce peut condamner à supporter l'insuffisance d'actif d'une société placée en liquidation judiciaire tout dirigeant de droit ou de fait responsable d'une faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif.

Pour que l'action initiée par l'URSSAF et le comptable du POLE DE RECOUVREMENT SPECIALISE puisse prospérer il faut donc que soient établis :

-une insuffisance d'actif,

-une ou plusieurs fautes de gestion imputables à messieurs [L] et [B],

-un lien de causalité entre la ou les fautes commises et l'insuffisance d'actif.

Sur l'insuffisance d'actif

Le premier juge a retenu une insuffisance d'actif de 8 307 421, 79 euros pour la société [7].

Aux termes de ses écritures M. [L] ne conteste pas véritablement ce montant, il fait seulement valoir qu'il est supérieur aux créances de l'URSSAF et du POLE DE RECOUVREMENT SPECIALISE, ce qui démontre qu'il commet une confusion entre créances et insuffisance d'actif.

Au demeurant, comme le relève le comptable du POLE DE RECOUVEMENT SPECIALISE, le passif de la société [7] s'élève à 8 360 347, 44 euros représentant les créances déclarées entre les mains du liquidateur judiciaire tandis que son actif est de 0, 40 euros, ce dont il se déduit bien une insuffisance d'actif de 8 360 347, 04 euros.

Pour autant, le jugement frappé d'appel sera confirmé en ce qu'il a arrêté l'insuffisance d'actif de la société [7] à la somme de 8 307 421, 79 dans la mesure où aucune des parties n'en sollicite l'infirmation sur ce point.

Sur l'existence de fautes de gestion imputables à messieurs [L] et [B]

Pour ce que la cour croit pouvoir déduire du jugement frappé d'appel et des écritures de l'URSSAF et du comptable du POLE DE RECOUVREMENT SPECIALISE, les intimés reprochent :

A M. [L] :

-un défaut de déclarations fiscales et sociales,

-un défaut de paiement des dettes sociales et fiscales,

-la tenue d'une comptabilité insincère.

A M. [B]

-la poursuite d'une activité déficitaire par défaut de déclaration de l'état de cessation des paiements.

Sur les fautes imputées à M. [L]

Comme il le revendique dans ses conclusions, M. [L] a été le gérant de droit de la société [7] du 15 octobre 2008 au 25 juillet 2012.

Les contrôles opérés par l'URSSAF (années 2009/2010/2011) et le POLE DE RECOUVREMENT SPECIALISE (du 1er janvier 2009 au 30 juin 2011) durant cette période ont mis en évidence des minorations et/ou des défauts de déclaration qui ont donné lieu à des redressements notifiés à la société [7] pour des montants importants qui n'ont pas été contestés et sont aujourd'hui définitifs (pièces 4 du POLE DE RECOUVREMENT SPECIALISE et 6 et 7 de L'URSSAF).

Comme le premier juge l'a constaté, outre des fautes de dissimulation (de salariés, de TVA et d'impôts sur les sociétés), il en résulte effectivement un défaut de paiement des dettes fiscales et sociales et l'établissement d'une comptabilité insincère.

Sans contester la matérialité de ces éléments et le caractère volontaire des manquements relevés, M. [L] réfute avoir commis le délit de travail dissimulé, faisant de longs développements qui sont hors sujet.

En effet, la faute de gestion caractérisée par le fait de ne pas adresser certaines déclarations aux organismes sociaux et fiscaux ou de minorer ces mêmes déclarations est distincte de l'infraction pénale de travail dissimulé de sorte que M. [L] ne saurait valablement prétendre se dégager de sa responsabilité en tentant de démontrer que l'incrimination n'existait pas au moment des faits.

De ce point de vue, sont d'ailleurs tout aussi inopérants l'ensemble des développements de l'URSSAF concernant l'existence du délit de travail dissimulé.

Dans la mesure où ces faits sont sans incidence pour apprécier l'existence des fautes de gestion qui lui sont reprochées, que le premier juge a retenues à juste titre, M.[L] ne peut pas non plus s'exonérer en :

-soutenant qu'il a conclu un accord de paiement avec l'URSSAF,

-M. [B] a lui-même commis des fautes de gestion.

Par ces motifs et ceux non contraires du premier juge que la cour adopte, le jugement frappé d'appel sera, en conséquence, confirmé et complété en ce qu'il a retenu à l'encontre de M. [L] les trois fautes de gestion suivantes :

-défaut de déclarations fiscales et sociales,

-défaut de paiement des dettes sociales et fiscales,

-tenue d'une comptabilité insincère.

Sur la faute de gestion imputée à M. [B]

Au regard de l'acte introductif d'instance qui a saisi le premier juge, la faute de gestion imputée à M. [B] se limite à la poursuite d'une activité déficitaire par défaut de déclaration de l'état de cessation des paiements.

Il en résulte que la cour ne peut être saisie des fautes de gestion que M. [L] prétend lui faire supporter et qui n'ont été soumises ni au double degré de juridiction ni au contradictoire des parties.

M.[B], défaillant devant la cour, a comparu devant le tribunal de commerce de SALON DE PROVENCE et reconnu qu'il avait commis l'erreur de ne pas avoir déposé de déclaration de l'état de cessation des paiements (P6 de la décision frappée d'appel).

Il a également admis qu'il s'était volontairement abstenu dans l'espoir de redresser l'entreprise dont le passif était pourtant supérieur à 8 000 000 d'euros.

Le premier juge a relevé que la procédure collective de la société [7] a été ouverte sur assignation d'un débiteur alors que M. [B] était gérant de droit depuis 8 mois.

Il en résulte que la faute de gestion de poursuite d'une activité déficitaire par défaut de déclaration de l'état de cessation des paiements est caractérisée à son encontre et que le jugement frappé d'appel doit être confirmé sur ce point.

Sur le lien de causalité qui existe entre les fautes commises et l'insuffisance d'actif

Comme le font valoir les intimés, le défaut et/ou la minoration de déclarations sociales et fiscales a généré des redressements qui représentent une part très importante de l'insuffisance d'actif de la société [7].

Justifient d'une créance définitive au passif de la société [7] :

-l'URSSAF [Localité 15] à hauteur de 3 460 455 euros (ses pièces 15 et 17),

-le POLE DE RECOUVEMENT SPECIALISE à hauteur de 3 521 526, 26 euros (sa pièce 5).

Contrairement à ce que soutien M. [L], ces créances tiennent compte des règlements effectués pour le compte de la société [7].

Elles sont la conséquence directe des fautes commises par l'appelant et responsables de l'insuffisance d'actif de la société [7] à hauteur de 6 981 981, 26 euros et il importe peu que l'URSSAF ait finalement refusé l'accord de paiement un temps négocié entre les parties.

En effet, compte tenu de l'importance des dissimulations et des créances qui en ont résulté et de la tentative d'éviction manifestée par le projet de dissolution/transmission transfrontalier, la cour ne saurait reprocher aux créanciers de la société [7] d'avoir retiré leur confiance aux dirigeants successifs de cette entreprise.

Toutefois, sauf à extrapoler comme le font les intimés, la cour ne dispose pas d'éléments suffisants pour imputer à la gestion de M. [L] l'intégralité de l'insuffisance d'actif de la société [7].

Elle sera, en conséquence, limitée aux montants des sommes dues aux deux intimés, soit à la somme de 6 981 981 euros et le jugement frappé d'appel sera infirmé de ce chef.

Outre que la situation financière et patrimoniale de la société [7] était déjà très largement fixée et obérée lorsqu'il en a pris la direction, ni les intimés ni l'appelant ne soumettent à la cour d'éléments pour établir que M. [B] pourrait être responsable de l'insuffisance d'actif pour une somme supérieure à 10 000 euros telle qu'arrêtée par le premier juge en considérant à juste titre que :

-il a pris ses fonctions postérieurement aux contrôles de l'URSSAF et des FINANCES PUBLIQUES et chaque gérant ne doit répondre que de ses fautes,

-il était aguerri et ne pouvait ignorer la situation de l'entreprise dont la procédure collective a été ouverte plus de 8 mois après sa désignation sur assignation d'un créancier,

-un dépôt plus rapide de l'état de cessation des paiements aurait permis de sauver quelques actifs bancaires.

Il s'ensuit que le jugement frappé d'appel sera confirmé en ce qu'il a condamné M. [B] à payer à la SCP [10], représentée par Mme [F] ès qualités, la somme de 10 000 euros au titre de l'insuffisance d'actif de la société [7].

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement attaqué sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

M. [L] qui succombe à titre principal sera condamné aux dépens d'appel.

Il se trouve, ainsi, infondé en ses prétentions au titre des frais irrépétibles.

Au vu des circonstances de l'espèce, il serait inéquitable de laisser supporter à l'URSSAF [Localité 15] et au comptable du POLE DE RECOUVREMENT SPECIALISE D'[Localité 8] l'intégralité des frais qu'ils ont exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.

M. [L] sera condamné à leur payer à chacun la somme de 4 000 euros du chef de l'article 700 du code de procédure civile.

Il n'est pas équitable de faire application de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de M. [B].

L'URSSAF [Localité 15] sera déboutée de sa demande formée contre lui.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, après débats publics et par arrêt rendu par défaut et mis à disposition au greffe ;

Confirme en toutes ses dispositions, en ce compris celles relatives aux dépens et aux frais irrépétibles, le jugement rendu le 20 novembre 2018 par le tribunal de commerce de SALON DE PROVENCE, sauf en ce que le premier juge a ;

-condamné M. [L] à payer à la SCP [10], représentée par Mme [F] ès qualités, la somme de 7 167 443, 03 euros au titre de l'insuffisance d'actif de la société [7]

Statuant à nouveau du chef d'infirmation, complétant le jugement frappé d'appel et y ajoutant:

Fixe à la somme de 8 307 421, 79 euros l'insuffisance d'actif de la société [7] ;

Retient à l'encontre de M. [L] les fautes de gestion de :

-défaut de déclarations fiscales et sociales,

-défaut de paiement des dettes fiscales et sociales,

-tenue d'une comptabilité insincère,

Retient à l'encontre de M. [B] la faute de gestion de poursuite d'une activité déficitaire par défaut de déclaration de l'état de cessation des paiements ;

Condamne M. [L] à payer à la SCP [10] représentée par Mme [F] ès qualités, la somme de 6 981 981 euros au titre de l'insuffisance d'actif de la société [7] ;

Déboute l'URSSAF [Localité 15] et le comptable du POLE DE RECOUVREMENT SPECIALISE D'[Localité 8] de leur appel incident ;

Déclare M. [L] infondé en ses prétentions au titre des frais irrépétibles ;

Déboute l'URSSAF [Localité 15] de ses prétentions formées du chef de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de M. [B] ;

Condamne M. [L] à payer à l'URSSAF [Localité 15] et au comptable du POLE DE RECOUVREMENT SPECIALISE D'[Localité 8] la somme de 4 000 euros chacun au visa de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [L] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER,LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-2
Numéro d'arrêt : 18/18841
Date de la décision : 08/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-08;18.18841 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award