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07/09/2022 | FRANCE | N°20/00636

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-8, 07 septembre 2022, 20/00636


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-8



ARRÊT AU FOND

DU 07 SEPTEMBRE 2022



N° 2022/ 369









N° RG 20/00636



N° Portalis DBVB-V-B7E-BFN75







[O] [C]





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[W]

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Copie exécutoire délivrée

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Me Geneviève ADER-REINAUD
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Me Daniel LAMBERT















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal d'Instance d'Aix-en-Provence en date du 14 Juin 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 11-19-273.



APPELANT



Monsieur [O] [C]

né le 08 Juillet 1937 à [Localité 4] (TUNISIE), demeurant [Adresse 3]



(bénéficie d'une aide juridictionnelle Par...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-8

ARRÊT AU FOND

DU 07 SEPTEMBRE 2022

N° 2022/ 369

N° RG 20/00636

N° Portalis DBVB-V-B7E-BFN75

[O] [C]

C/

[W]

[N]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Geneviève ADER-REINAUD

Me Daniel LAMBERT

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal d'Instance d'Aix-en-Provence en date du 14 Juin 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 11-19-273.

APPELANT

Monsieur [O] [C]

né le 08 Juillet 1937 à [Localité 4] (TUNISIE), demeurant [Adresse 3]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2019/009351 du 18/10/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)

représenté par Me Geneviève ADER-REINAUD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIME

Monsieur [W] [N]

né le 1er août 1946 à [Localité 5], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Daniel LAMBERT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Philippe COULANGE, Président, chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Philippe COULANGE, Président

Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère

Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Maria FREDON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Septembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Septembre 2022, signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Madame Maria FREDON, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Par acte sous seing privé en date du 1er janvier 2003, Madame [Y] a donné à bail à usage d'habitation à Monsieur [C] un studio situé [Adresse 1]), moyennant un loyer mensuel de 289,65 €. L'appartement a, par la suite, été racheté par Monsieur [N].

Par acte en date du 25 juin 2014, Monsieur [N] a donné congé pour reprise à son locataire, en précisant le reprendre pour l'occuper personnellement, le congé étant donné pour le 31 décembre 2014.

Par acte d'huissier en date du 13 mars 2018, Monsieur [C] a fait assigner Monsieur [N] devant le tribunal d'instance d'Aix-en-Provence aux fins de dire le congé délivré par celui-ci, en date du 25 juin 2014, frauduleux et de le voir condamné au versement de la somme de 10 000 € en réparation du préjudice causé, outre sa condamnation aux dépens de l'instance.

Par jugement rendu le 14 juin 2019, le tribunal d'instance d'Aix-en-Provence a déclaré recevable l'action introduite par Monsieur [C], considéré que le congé pour reprise revêtait bien un caractère frauduleux et condamné Monsieur [N] à payer à Monsieur [C] la somme de 2 000 € en réparation du préjudice subi, outre sa condamnation aux dépens de première instance.

Par déclaration au greffe en date du 15 janvier 2020, Monsieur [C] a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a condamné Monsieur [N] à lui payer la somme de 2 000 € en réparation du préjudice subi. Il demande à la Cour de confirmer le caractère frauduleux du congé délivré le 25 juin 2014, de condamner Monsieur [N] à lui payer la somme de 10 000 € en réparation de son préjudice et celle de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre la condamnation de son adversaire aux dépens d'appel.

Il soutient :

- que son action n'était pas prescrite dans la mesure où le point de départ de la prescription triennale applicable en la matière se situe au jour où il a eu connaissance de la non reprise du logement par Monsieur [N] et a déposé une demande d'aide juridictionnelle dans ce délai.

- qu'il a réellement et de façon continue occupé l'appartement préalablement à son départ, en date du 9 mars 2015.

- que le congé pour reprise revêtait un caractère frauduleux dans la mesure où Monsieur [N] n'a jamais occupé le logement après son départ.

- que ce congé frauduleux lui a causé un préjudice moral résultant de l'atteinte à sa dignité causée par la tromperie de Monsieur [N], de la nécessité de modifier ses habitudes à la suite de son départ du logement et de la dégradation de sa qualité de vie dans la mesure où il n'a pas trouvé à se reloger, justifiant l'octroi de dommages-intérêts à hauteur de 10 000 €.

Monsieur [N] a formé appel incident et sollicite l'infirmation du jugement rendu le 14 juin 2019 par le tribunal d'instance d'Aix-en-Provence. Il demande à la Cour de débouter Monsieur [C] de toutes ses demandes et, à titre principal, de dire l'action, introduite par lui en date du 13 mars 2018, atteinte par la prescription donc irrecevable. Il demande, à titre subsidiaire, de juger son congé pour reprise du 25 juin 2014 exempt de fraude et, en tout état de cause, de condamner Monsieur [C] au paiement de la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre sa condamnation aux dépens de première instance et d'appel.

Il fait valoir que :

- que la demande d'aide juridictionnelle présentée par Monsieur [C] le 20 novembre 2017 n'a pas interrompu la prescription dans la mesure où elle ne visait pas avec une précision suffisante l'objet du recours.

- que Monsieur [C] ne peut pas justifier de son préjudice car il n'a occupé le studio que de manière sporadique et l'a, en réalité, sous-loué à Monsieur [P].

- que le congé pour reprise n'était pas frauduleux puisque lui et son épouse ont occupé le logement repris entre mars 2015 et février 2017 et ce n'est qu'après cette occupation effective qu'ils l'ont donné à bail à Monsieur [M], afin de le reloger en urgence.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 mai 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Attendu que, par acte sous seing privé en date du 1er janvier 2003, Madame [Y] a donné à bail à usage d'habitation à Monsieur [C] un studio situé [Adresse 1]), moyennant un loyer mensuel de 289,65 € ; que l'appartement a, par la suite, été racheté par Monsieur [N] ;

Attendu que, par acte en date du 25 juin 2014, Monsieur [N] a donné congé pour reprise à son locataire, en précisant le reprendre pour l'occuper personnellement, le congé étant donné pour le 31 décembre 2014 ;

Attendu qu'en application des dispositions de l'article 7 - 1 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, toutes actions dérivant d'un contrat de bail sont prescrites par trois ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ;

Attendu que le point de départ du délai de prescription se situe au jour où Monsieur [C] a eu connaissance de la non reprise du studio pour les besoins de la famille du bailleur ce qui ne pouvait être constaté avant qu'il ait lui-même quitté les lieux, en date du 9 mars 2015 ;

Attendu que Monsieur [C] a déposé une demande d'aide juridictionnelle mentionnant "instance de fond, baux d'habitation" en date du 20 novembre 2017 ;

Attendu qu'il n'y pas de confusion ou d'erreur du demandeur quant à la juridiction devant laquelle il entendait engager l'action et que celle-ci constituait bien une action au fond relative à un bail d'habitation ;

Que, dès lors que le motif de la demande d'aide juridictionnelle était suffisamment précis, celle-ci a valablement interrompu le délai de prescription ;

Que, par conséquent, Monsieur [C] n'ayant pu avoir connaissance du caractère frauduleux du congé pour reprise avant le 9 mars 2015 et ayant déposé sa demande d'aide juridictionnelle le 20 novembre 2017, la prescription triennale n'était pas acquise donc sa demande était recevable ;

Attendu qu'en application des dispositions de l'article 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, lorsque le bailleur donne congé à son locataire, ce congé doit être justifié soit par sa décision de reprendre ou de vendre le logement, soit par un motif légitime et sérieux ;

Attendu qu'il résulte des dispositions conjuguées de l'article 1353 du Code civil et 9 du Code de procédure civile que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et que chacune des parties doit établir les faits nécessaires au succès de ses prétentions ;

Qu'il résulte des dispositions précitées qu'il appartient au demandeur de prouver le caractère frauduleux du congé pour reprise ;

Attendu que si le studio et l'appartement des bailleurs se situent dans le même immeuble et au même étage, ils demeurent, au vu des éléments versés au débat, des logements distincts ;

Attendu que l'examen des pièces ne démontre pas que les époux [N], ou leurs enfants, ont habité le studio postérieurement au départ de Monsieur [C] en mars 2015;

Que la souscription d'un contrat d'assurance habitation et d'un contrat de fourniture d'électricité ne suffisent pas à démontrer une occupation effective du studio pour les besoins de la famille [N] ;

Qu'il n'est, en revanche, pas contesté que l'appartement a, par la suite, été loué à Monsieur [M] entre janvier 2017 et août 2018 ;

Attendu qu'il résulte de ce qui précède que le congé pour reprise délivré par Monsieur [N] le 25 juin 2014 à Monsieur [C] revêtait un caractère frauduleux ;

Attendu qu'en application de l'article 1240 du Code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ;

Attendu qu'en vertu du principe de réparation intégrale, les dommages-intérêts alloués à la victime doivent réparer le préjudice subi sans perte ni profit pour aucune des parties ;

Attendu que les pièces produites par Monsieur [C], notamment ses avis d'imposition, ses attestation d'assurance habitation, les quittances de loyer émises à son nom par le bailleur, des factures d'eau et des courriers de la CAF actant qu'il bénéficiait d'une allocation logement pour le studio pris à bail, démontrent suffisamment qu'il a réellement occupé le logement jusqu'à son départ en mars 2015 ;

Qu'il est, dès lors, fondé à demander la réparation du préjudice subi du fait du comportement fautif du bailleur ;

Attendu que Monsieur [C] soutient qu'il a subi un préjudice, dont le montant s'élèverait à 10 000 €, en raison du comportement fautif de son bailleur ;

Attendu que ce préjudice résulterait de l'atteinte à sa dignité causée par la tromperie de Monsieur [N], de la nécessité de modifier ses habitudes à la suite de son départ du logement et de la dégradation de sa qualité de vie dans la mesure où il n'a pas trouvé à se reloger;

Attendu, cependant, que l'ampleur et la nature du préjudice invoqué par Monsieur [C] ne justifient pas de fixer le montant de son indemnisation à une somme supérieure à 2 000 € ;

Qu'il résulte de ce qui précède que le préjudice subi par Monsieur [C] a été intégralement réparé par la somme allouée, par le jugement entrepris, à titre de dommages-intérêts ;

Attendu qu'il sera alloué à Monsieur [C], qui a dû engager des frais irrépétibles pour défendre ses intérêts en justice, la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Attendu que Monsieur [N], qui succombe, supportera les dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe, en dernier ressort,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 14 juin 2019 par le tribunal d'instance d'Aix-en-Provence ;

Y ajoutant,

REJETTE toutes autres demandes,

CONDAMNE Monsieur [N] à payer à Monsieur [C] la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

LE CONDAMNE aux dépens d'appel.

LA GREFFIERELE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-8
Numéro d'arrêt : 20/00636
Date de la décision : 07/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-07;20.00636 ?
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