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06/09/2022 | FRANCE | N°19/08481

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-1, 06 septembre 2022, 19/08481


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1



ARRÊT AU FOND

DU 06 SEPTEMBRE 2022

D.D.

N°2022/269













Rôle N° RG 19/08481 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEKN7







SCI EDEN ROC





C/



[O] [Y] épouse [Y]

[M] [Y]





































Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me Elie MUSACCHIA

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Me Ludmilla HEUVIN





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 06 Mai 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 17/03768.





APPELANTE



SCI EDEN ROC Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège C°/ SCI INZOBOL [Adre...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1

ARRÊT AU FOND

DU 06 SEPTEMBRE 2022

D.D.

N°2022/269

Rôle N° RG 19/08481 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEKN7

SCI EDEN ROC

C/

[O] [Y] épouse [Y]

[M] [Y]

Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me Elie MUSACCHIA

Me Ludmilla HEUVIN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 06 Mai 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 17/03768.

APPELANTE

SCI EDEN ROC Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège C°/ SCI INZOBOL [Adresse 2]

représentée par Me Elie MUSACCHIA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assistée par Me Nicolas DEUR de l'ASSOCIATION E.W.D. & ASSOCIES, avocat au barreau de NICE,

INTIMES

Madame [O] [Y]

née le 18 Février 1957, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Ludmilla HEUVIN, avocat au barreau de GRASSE,

assistée par Me Fabrice PAGANELLI, avocat au barreau de CHAMBERY

Monsieur [M] [Y]

né le 27 Août 1954, demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Ludmilla HEUVIN, avocat au barreau de GRASSE,

assisté par Me Fabrice PAGANELLI, avocat au barreau de CHAMBERY

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Juin 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Olivier BRUE, Président, et Mme Danielle DEMONT, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Olivier BRUE, Président

Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller

Mme Danielle DEMONT, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Agnès SOULIER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Septembre 2022..

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Septembre 2022.

Signé par Monsieur Olivier BRUE, Président et Mme Agnès SOULIER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé en date du 11 juillet 2016 M. [M] [Y] et Mme [O] [Y] ont signé un contrat de réservation d'un appartement et d'un parking dans un ensemble immobilier sis à [Localité 3] au prix de 440'000 € auprès de la SCI Eden roc sous la condition suspensive de l'obtention d'un prêt.

La réitération de la vente était prévue au plus tard avant la fin du mois de septembre 2016.

Un dépôt de garantie d'un montant de 22'000 € a été versé entre les mains du notaire chargé de la vente.

La demande de financement a été déposée par les époux [Y] le 21 juillet 2016 et rejetée par la banque le 22 juillet 2016.

Le 13 janvier 2017, les époux [Y] indiquaient à la SCI poursuivre leurs démarches pour trouver un financement et finaliser l'acquisition de l'appartement, ayant obtenu un financement bancaire pour un studio, lequel a donné lieu par ailleurs à un acte de vente en décembre 2016, les réservataires écrivant toutefois « être prêts à se désister de leur contrat de réservation conclu le 11 juillet 2016 » pour le bien immobilier objet du présent litige, si la SCI ne voulait plus attendre pour vendre.

Par exploit en date du 31 juillet 2017, la SCI Eden roc a fait assigner les époux [Y] aux fins de conserver le dépôt de garantie d'un montant de 22 000 €, en leur reprochant de ne pas avoir justifié en temps utile de leurs diligences auprès de l'établissement bancaire et du refus qui leur a été opposé, et de lui avoir fait entreprendre des travaux modificatifs d'un montant de 10'936,80 € TTC dont ils demandaient le remboursement, à titre de dommages-intérêts, ainsi que le versement de la somme de 1200 €, correspondant au montant des honoraires d'architecte acquitté par la SCI Éden roc, pour le suivi des travaux modificatifs, outre la somme de 12'000 €, à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice lié à la perte d'une chance de vendre le bien immobilier objet du contrat de réservation au prix de 440'000 € tel qu'initialement prévu.

Par jugement en date du 6 mai 2019 le tribunal de grande instance de Nice a condamné solidairement M. [M] [Y] et Mme [O] [Y] à payer à la SCI Eden roc la somme de 5000 €, au titre du dépôt de garantie, débouté la SCI Eden roc de ses autres demandes, et condamné solidairement les époux [Y] à payer à la SCI Eden roc la somme de 2000 €, au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Le tribunal retient que la demande est fondée, les époux [Y] ne démontrant pas que la clause prévue à l'annexe 4 serait irrégulière ; qu'en application de l'article 1231-5 du code civil [en réalité cet article n'est en vigueur que depuis le 1er octobre 2016, de sorte qu'il s'agit de l'article 1152 ancien du code civil ], il y a lieu de modérer la pénalité, et de condamner solidairement les époux [Y] à payer à la SCI Eden roc la somme de 5000 €, au titre du dépôt de garantie, et de débouter la SCI Eden roc de ses autres demandes, non justifiées.

Le 23 mai 2019 la SCI Eden roc a relevé appel de cette décision.

Par conclusions 29 avril 2022 elle demande à la cour :

' d'infirmer le jugement entrepris ;

' dire que le dépôt de garantie d'un montant de 22'000 € doit lui être attribué en totalité, et de dire en tant que de besoin que le notaire sera autorisé à se libérer à son profit sur signification de l'arrêt à intervenir ;

' de condamner les époux [Y] à lui payer les sommes suivantes :

- 10'936,81 € au titre des travaux modificatifs ;

- 1 200 € au titre des honoraires d'architecte ;

- 5 000 € en réparation du préjudice financier subi par la SCI Eden roc ;

-12'000 € au titre de la perte de chance ;

' de débouter les époux [Y] de leur appel incident ;

' et de les condamner à lui payer la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens de première instance et d'appel.

Par conclusions du 9 mai 2022, les époux [Y] demandent à la cour de réformer le jugement entrepris, statuant sur leur appel incident, de rejeter la demande de la SCI Eden roc tendant à la conservation de la somme de 22'000 € versée à titre de dépôt de garantie, et de la condamner sous astreinte à lui restituer cette somme, à titre subsidiaire, de modérer la pénalité convenue à un montant purement symbolique, et en tout état de cause, de rejeter toutes les demandes de la SCI Eden roc et de la condamner à leur verser la somme de 3000 € pour procédure abusive et celle de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens avec distraction.

La cour renvoie aux écritures précitées pour l'exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties.

Motifs

Attendu que l'annexe 4 du contrat de réservation, relative à l'obtention d'un prêt auxquels les époux ont déclaré vouloir recourir, stipule :

« CONDITION SUSPENSIVE :

Le RESERVATAIRE déclare qu'au cas où il ferait l'acquisition réalisant le présent contrat préliminaire, le prix devrait en être payé en partie au moyen d'un ou plusieurs prêt(s) régi(s) par le chapitre 1er de la loi n° 79-596 du 13 juillet 1979, de sorte que le contrat préliminaire ne peut être conclu que sous la condition suspensive de l'article 17 de ladite loi.

Le RESERVATAIRE déclare que les caractéristiques précises de ce ou ces prêts restent à déterminer, mais que leur montant unitaire ou global ne saurait être iniërieur à 330.000 € au taux maximum de 1,5 % (. . .) sur une durée de 15 ans.

Il s'oblige, à peine de tous dommages et intérêts envers le RESERVANT et, s'il plaît à celui-ci de l'application des dispositions de l'article 1178 du code civil, à justifier au RESERVANT du dépôt d'une ou plusieurs demandes de prêt pour un montant global correspondant à la somme ci-dessus indiquée, dans les 30 jours du présent contrat préliminaire, au moyen de la notification ou de la remise contre récépissé qu'il lui fera d'un document émanant du ou de chacun des prêteurs sollicités.

Cette obligation remplie, le présent contrat restera soumis à la condition suspensive de l'obtention du ou des prêts demandés pendant une durée de 40 jours francs, à compter de la date des présentes. Cette condition suspensive sera réputée réalisée si, à l'intérieur de ce délai le RESERVATAIRE n'a pas notifié au RESERVANT par lettre recommandée avec accusé de réception ou par acte extrajudiciaire qu'il n'a pu obtenir le ou les prêts prévus par lui. Cette notification devra être accompagnée des justificatifs correspondants.

Faute de cette notification qui rendra le présent contrat nul et de nul effet, et qui donnera lieu à la restitution par le RESERVANT du dépôt de garantie ci-après versé, par dérogation à ce qu'il est dit ci-dessus, le présent contrat sera définitif .

Par suite si une telle notification n'est pas faite au RÉSERVANT et à défaut de réalisation de la vente du fait du RESERVATAIRE, dans les délais et conditions prévus ci-dessus, le dépôt de garantie sera acquis au RÉSERVANT. »

Attendu que les dispositions d'ordre public de l'article L312-16 du code de la consommation (devenu L313-41) interdisent d'imposer à l'acquéreur un délai pour faire une demande de crédit dans un délai plus court que celui prévu d'un mois à compter de la signature du contrat de réservation par la loi pour l'obtention du prêt, cette obligation contractuelle étant de nature à accroître les diligences prévues par ce texte ; qu' au cas d'espèce, la clause impose donc valablement une demande de prêt dans les 30 jours de la signature du contrat de réservation, et que les dispositions de l'annexe n° 4 du contrat de réservation respectent le délai minimum prévu par les dispositions du code de la consommation en fixant un délai de 40 jours à compter de la signature de l'acte pour la durée de validité de la condition suspensive ;

Attendu que le promoteur plaide donc utilement qu'il appartenait aux époux [Y], en leour qualité de réservataires, de faire diligence dans le délai d'un mois de la signature du contrat préliminaire de réservation pour déposer une ou plusieurs demandes de prêt d'un montant ne pouvant être inférieur à 330 000 € amortissable sur 15 ans et à en justifier auprès de la SCI Eden roc ;

Attendu que ce n'est que le 14 février 2017 que la lettre de la Caisse d'épargne datée du 22 juillet 2016 a été communiquée par les réservataires au promoteur, de sorte que les époux [Y] ne sont pas fondés à soutenir qu'ils l'auraient aussitôt avisé ;

Attendu que l'annexe n° 4 du contrat de réservation supra prévoit que le dépôt de garantie sera acquis au réservant en cas de défaut de notification du refus de prêt dans le délai requis et à défaut de réalisation de la vente du fait du réservataire, deux conditions cumulatives dont la seconde doit être retenue, les époux n'ayant pas informé en temps utile le promoteur du refus de prêt dont ils ont eu connaissance dès le 22 juillet 2016 ;

Attendu que la SCI Eden roc prétend justement au bénéfice du dépôt de garantie versé, la clause contractuelle qui le prévoit s'analysant toutefois en une clause pénale pour prévoir une indemnité forfaitairement fixée par les parties ; qu'étant d'un montant manifestement excessif, le tribunal l'a justement réduite au montant de 5 000 € ;

Attendu que le promoteur prétend en outre à bon droit au remboursement du coût des travaux modificatifs commandés par les époux réservataires et des honoraires de l'architecte qui les a supervisés que la SCI Eden roc justifie avoir dû exposer, dans la mesure où, à l'expiration du délai de 40 jours sans notification de refus de prêt, celui-ci était réputé obtenu, tandis qu'à l'inverse, en cas de notification du refus de prêt, le contrat de réservation était stipulé devenir caduc ;

Qu'il ne peut être ainsi fait grief à la SCI Eden roc d'avoir accompli ses diligences au profit des réservataires pour répondre à leurs exigences réitérées par ces derniers, de leur aveu encore le 21 juillet 2016, alors que ces derniers savaient que leurs démarches en vue d'un financement étaient demeurées vaines, et que le réservant était tenu dans l'expectative par les époux [Y] lesquels avaient obtenu le financement pour l'acquisition par ailleurs d'un studio ;

Attendu qu'il sera alloué au promoteur le coût de modifications à hauteur de la somme de 10'936,81 €, selon la facturation de la société Prestige projet, ainsi que la somme de 1200 € TTC, correspondant aux honoraires de l'architecte pour le suivi de ces travaux modificatifs, soit au total la somme de 12'136,89€ que les réservataires seront condamnés à lui verser à titre de dommages-intérêts ;

Attendu que la SCI Eden roc soutient ensuite qu'elle n'a pu revendre l'appartement et le parking qu'elle avait réservés pour les époux [Y] 15 mois seulement après que ces derniers se furent désistés de leur achat et ce, au prix de 424'000 €, soit 16'000 € de moins que ce que les époux s'étaient engagés à payer ;

Mais attendu que les époux [Y] n'étant pas suffisamment solvables, le promoteur ne pouvait pas obtenir d'eux le prix convenu, de sorte qu'il n'a perdu aucune chance de leur vendre, et que la SCI Eden roc ne démontre pas l'existence d'autre acquéreurs plus solvables que ceux qui ont acheté in fine au prix moindre, d'où il suit le rejet de cette demande, ainsi que celle tendant à l'octroi d'une somme supplémentaire de 5 000 € pour préjudice financier, faute de justifier de ce dommage qui serait distinct de celui réparé par la clause pénale susdite ;

Attendu en définitive que le jugement déféré sera partiellement réformé ;

Attendu qu'aucun abus du droit d'ester en justice ne peut être retenu ; qu'il s'ensuit le rejet de la demande reconventionnelle tendant à l'octroi de dommages-intérêts présentée par les époux [Y] de ce chef ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné solidairement M. [M] [Y] et Mme [O] [Y] à payer à la SCI Eden roc la somme de 5000 €, au titre de la clause pénale relative au dépôt de garantie, et condamné solidairement les époux [Y] aux dépens et à payer à la SCI Eden roc la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens,

Infirme le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau et ajoutant

Condamne in solidum les époux [Y] à payer à la SCI Eden roc la somme supplémentaire de 12'136,81 € à titre de dommages-intérêts,

Déboute les époux [Y] de leurs demandes reconventionnelles,

Condamne in solidum M. [M] [Y] et Mme [O] [Y] aux dépens de première instance et d'appel, et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum M. [M] [Y] et Mme [O] [Y] à payer à la SCI Eden roc la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile applicable en cause d'appel.

LE PRESIDENT LE GREFFIER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-1
Numéro d'arrêt : 19/08481
Date de la décision : 06/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-06;19.08481 ?
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