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02/09/2022 | FRANCE | N°18/16615

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 02 septembre 2022, 18/16615


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 02 SEPTEMBRE 2022



N°2022/ 167



RG 18/16615

N° Portalis DBVB-V-B7C-BDG3S







[G] [M]





C/



Société LOQUESIENNE DE CHARCUTERIE















Copie exécutoire délivrée le 2 Septembre 2022 à :



-Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE





- Me Vanessa MOSCATO, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section E - en date du 03 Décembre 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 14/17.





APPELANT



Monsieur [G] [M], demeuran...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 02 SEPTEMBRE 2022

N°2022/ 167

RG 18/16615

N° Portalis DBVB-V-B7C-BDG3S

[G] [M]

C/

Société LOQUESIENNE DE CHARCUTERIE

Copie exécutoire délivrée le 2 Septembre 2022 à :

-Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

- Me Vanessa MOSCATO, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section E - en date du 03 Décembre 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 14/17.

APPELANT

Monsieur [G] [M], demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Odile-marie LA SADE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

S.A.S SOC LOQUESIENNE DE CHARCUTERIE, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Vanessa MOSCATO, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 26 Avril 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Estelle DE REVEL, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Juin 2022, delibéré prorogé en raison de la survenance d'une difficulté dans la mise en oeuvre de la décision au 2 Septembre 2022.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 2 Septembre 2022

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * * * * * * *

FAITS- PROCEDURE-PRETENTIONS DES PARTIES

M. [G] [M] a été embauché en contrat à durée déterminée à compter du 3 janvier 2000, en qualité de charcutier, par la société Loquesienne de charcuterie, puis à compter du 1er mai 2000, en contrat de travail à durée indéterminée, avec les fonctions de contrôleur hygiène qualité de l'atelier de fabrication, la convention collective applicable étant celle des industries de la charcuterie.

En juillet 2008, le salarié a été promu responsable atelier fabrication, statut cadre niveau VII coefficient 345.

Du 29 novembre 2010 au 28 novembre 2014, M.[M] était élu délégué du personnel (suppléant) du second collège.

Le salarié a été placé en arrêt maladie non professionnelle du 3 octobre 2013 au 15 janvier 2014.

Le 3 janvier 2014, il a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille aux fins notamment de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur.

Selon jugement du 3 décembre 2014 le conseil de prud'hommes a débouté M.[M] de l'ensemble de ses demandes, le condamnant aux dépens et à payer à la société Loquesienne de charcuterie, la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le conseil de M.[M] a interjeté appel par déclaration du 11 décembre 2014.

L'affaire a été radiée par arrêt du 28 octobre 2016.

Le salarié, né le 22 septembre 1952, a décidé de partir en retraite au 1er octobre 2019.

L'affaire a été remise au rôle selon conclusions du 12 octobre 2018 et les parties ont été convoquées pour l'audience du 26 avril 2022.

Aux termes de ses dernières conclusions reprises oralement lors des débats, M.[M] demande à la cour de :

Infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la société.

Dire que cette résiliation emporte les effets d'un licenciement frappé de nullité.

Condamner la société au paiement des sommes suivantes :

- 6 998,82 euros à titre de rappel d'heures de nuit,

- 699,88 euros au titre des congés payés afférents,

- 32 194,56 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires ,

- 3 219,46 euros au titre des congés payés afférents,

- 11 714,10 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 1 171,41 euros au titre des congés payés afférents,

- 24 338,85 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

Dire qu'à titre d 'indemnisation complémentaire, les sommes susvisées produiront intérêts de droit à compter de la demande en justice, avec capitalisation, en application des Articles 1231-7 et 1343-2 du code civil.

Enjoindre à la société intimée, sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, d 'avoir à liquider les droits de Mme [N] au titre des congés payés acquis et non pris à la date de la prise d'effet de la résiliation judiciaire, sauf à ce qu 'il en soit référé à nouveau à la Cour de céans en cas de difficulté du chef du quantum.

Lui enjoindre, sous même astreinte et modalités, d'avoir à établir et délivrer au concluant les documents suivants :

Bulletins de salaire comportant les rappels de rémunération judiciairement fixés,

Certificat de travail mentionnant pour date de cessation de la relation contractuelle le terme du préavis non exécuté du fait de l'employeur,

Attestation destinéeà Pôle Emploi mentionnant, pour motif de la rupture du contrat de travail, une résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur.

Condamner en outre la société Loquesienne de charcuterie au paiement des sommes suivantes :

- 10 080,51 euros à titre de dommages et intérêts compensatoires des contreparties obligatoires en repos non pris du fait de l'employeur,

- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail et violation de l'obligation de sécurité de résultat,

- 60 000 euros à titre de dommages et intérêts rupture du contrat de travail imputable à l'employeur s'analysant en ses effets en un licenciement frappé de nullité,

- 58 570,43 euros à titre de dommages et intérêts pour atteinte au statut protecteur à raison de la perte d'emploi imputable aux agissements fautifs de l'employeur,

- 23 428,20 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé, en application des dispositions de l 'Article L. 8223-1 du Code du Travail,

-1 500, 00 euros à titre d 'indemnité sur le fondement de l 'article 700 du Code de Procédure Civile.

La Condamner aux dépens.

Dans ses dernières écritures développées lors de l'audience, la société Loquesienne de charcuterie demande à la cour de :

CONFIRMER le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Marseille le 3 décembre 2014 dans toutes ses dispositions.

DEBOUTER M.[M] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

CONDAMNER M.[M] au paiement de la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties visées par le greffier à l'audience.

MOTIFS DE L'ARRÊT

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile , elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les «dire et juger» et les «constater» ainsi que les «donner acte» ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi; en conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.

Sur les horaires de travail

Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

Le salarié indique qu'il prenait son service entre 3h20 et 3h30, bénéficiait d'une pause d'une demi-heure environ et quittait son poste entre 12h et 12h30, sauf le vendredi où il pouvait quitter l'usine entre 15h40 et 16h30, et établit son horaire de travail moyen à 44 heures hebdomadaires.

Il déclare n'avoir jamais été payé des heures de nuit de 2011 à 2013 à raison de 12,5 heures par semaine, ni des heures supplémentaires accomplies à raison de 9h en moyenne chaque semaine.

Il produit à l'appui notamment :

- en pièce n°3, les plannings d'entretien des installations frigorifiques de juillet et août 2013 (et non celles du personnel de fabrication comme allégué),

- en pièce n°12, des pièces relatives à la température des frigos et à la pratique de congélation (et non celles du personnel de fabrication comme allégué),

- en pièce n°13, des pièces éparses de plannings sans aucun ordre, et sans indication d'horaires pour le salarié,

- l'attestation de Mme [N] , sa compagne, affirmant «l'avoir vu tous les jours à 4h du matin, l'heure à laquelle j'ai pris mon travail durant des mois pour remplacement (...)»

- l'attestation de Mmes [H], intérimaire «lorsque je prenais mon travail à 5h30 le matin, M.[M] ce trouvait déjà son poste de travail ayant travaillais dans cette entreprise au moi de août en tant qu'intérimaire»,

- l'attestation de M. [I], salarié, rédigée dans les mêmes termes,

- le témoignage de Mme[X] «depuis mon entrée le 16/07/2012 avoir vu M.[M] [G] ouvrir l'usine tous les matins entre 3h30 et 3h45 (...)»,

- le rapport de l'agent de recherches privées ayant mené une mission de trois semaines à compter du 30 juin 2013, indiquant avoir constaté que M.[M] à onze reprises arrive sur son lieu de travail tous les matins entre 3h20 et 3h30, avec des horaires de sortie entre 12h15 et 15h40,

La société indique que les horaires du service fabrication ont été fixés par accord d'entreprise et que si effectivement, certains membres de l'équipe de M.[M] commençaient aux alentours de 5 h du matin, ce dernier n'était pas chargé d'ouvrir l'usine, un des membres de la famille [F] le faisant.

Elle précise que M.[M] n'était pas, en tant que cadre soumis à un planning horaire personnel, disposait d'une grande autonomie, et a signé les fiches de pointage.

Elle considère que M.[M] procède par voie d'affirmation sur la base d'un calcul informatique forfaitaire, sans justifier des heures supplémentaires de jour ou de nuit alléguées.

Elle conteste le contenu du rapport du détective privé mandaté par le salarié, lequel aurait été effectué sur 11 jours mais mentionne des dates postérieures, fait observer que l'entrée visée dans ce rapport est celle de la société Dedeviandes alors que les salariés accèdent à la société Loquesienne de charcuterie au n°[Adresse 1].

Elle émet des réserves sur les attestations, rappelant notamment que Mme [N] est la compagne de M.[M] et que Mme [X] a été en litige avec son employeur sur des heures supplémentaires rejetées par la cour dans son arrêt du 15 mars 2019.

Elle soutient que M.[M] percevait une rémunération bien supérieure aux minima conventionnels englobant éventuellement les heures de nuit, ce pourquoi il n'a jamais sollicité l'employeur à ce titre et relève qu'il quittait son poste aux alentours de midi pour travailler dans une autre entreprise.

Elle produit notamment :

- l'accord d'entreprise du 27/12/1999, instaurant un horaire collectif au service fabrication, commençant au plus tôt à 6h,

- un changement des horaires instauré en 2008 à la demande des salariés dans le but de travailler uniquement le matin,

- la lettre du 27/03/2014 s'inscrivant en faux contre l'allégation de changement de serrures et s'étonnant que M.[M] ait restitué ses clefs,

- les fiches de temps signés par M.[M] jusqu'au mois de mai 2013 (pièces n°17-18-19-20) où figurent en rappel les horaires du service de fabrication et le fait que les heures de nuit finissent à 6h,

- des attestations de salariés indiquant avoir toujours été payés de leurs heures supplémentaires,

- des attestations de salariés ayant vu M.[M] travailler chez un tiers mais sans préciser de date.

En considération de l'ensemble de ces éléments, et en soulignant l'absence manifeste d'outils utilisés par l'employeur pour comptabiliser de façon fiable les heures de travail de son cadre responsable lequel ne bénéficiait pas d'un forfait jours, la cour a la conviction que M.[M] a effectué des heures supplémentaires comme des heures de nuit qui n'ont pas été rémunérées, mais pas dans la proportion affichée, résultant d'une moyenne et d'un calcul linéaire ne pouvant correspondre à des horaires réels.

En conséquence, la cour fixe la créance de M.[M] pour les heures de nuit à la somme de 3359,43 euros outre l'incidence de congés payés et s'agissant des heures supplémentaires, à celle de 6999,04 euros outre l'incidence de congés payés.

Eu égard au montant retenu par la cour, le contingent des heures supplémentaires fixé à 155 heures n'a pas été dépassé, de sorte la demande à titre de dommages et intérêts pour repos compensateurs non pris du fait de l'employeur, doit être rejetée.

Sur l'obligation de sécurité

Le code du travail impose cette obligation à l'employeur par les articles L.4121-1 & suivants, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 22 septembre 2017, en ces termes:

L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1 Des actions de prévention des risques professionnels;

2 Des actions d'information et de formation ;

3 La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

L'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention prévus à l'article L.4121-2 du même code.

Il doit assurer l'effectivité de ces mesures .

Le salarié soutient que la société s'est rendue coupable de multiples atteintes à cette obligation substantielle, en imposant à son personnel des conditions de travail très dangereuses et fait valoir que de nombreux manquements en matière d'hygiène sont également à déplorer.

Il expose avoir lancé de nombreuses alertes en régularisant des tableaux, sans réaction de la part de l'employeur.

Il affirme que ces manquements ont affecté son état de santé, précisant qu'alors qu'il était placé en arrêt de travail du 3 octobre au 20 novembre 2013 à la suite d'une intervention chirurgicale, il a développé un état anxiodépressif.

Il produit à l'appui :

- sa lettre d'alerte du 12/07/2013,

- un document manuscrit du 23/07/2013,

- une nouvelle lettre d'alerte du 29/07/2013,

- la lettre des contrôleurs du travail adressée à la société le14/06/2013 suite à leur visite du 29/05/2013,

- des documents relatifs à la température des frigos de juillet 2013,

- des photographies en pièce n°9 & 30,

- l'enquête du détective privé ayant recueilli des propos de salariés,

- un arrêt de travail initial du 03/10/2013 pour une intervention chirurgicale sous anesthésie générale et sa prolongation jusqu'au 18/12/2013 pour état anxiodépressif et séquelles chirurgicales,

- son courrier concernant l'hygiène adressé à l'employeur le 6 février 2014.

La société indique que M.[M] n'a jamais dénoncé un quelconque manquement de l'entreprise en la matière pendant 13 ans et qu'en quelques jours, courant juillet 2013, le salarié écrivat trois courriers d'alerte.

Elle souligne que la procédure à suivre résulte d'une note de service mais qu'à dessein, le salarié n'a pas suivi le protocole, ayant déjà engagé comme sa compagne une action judiciaire.

Elle observe que M.[M] a continué à travailler pendant plusieurs mois jusqu'à son arrêt de travail, sans aucune réserve.

Elle explique qu'en février 2014, il a à nouveau écrit à la société et que dans le même temps des salariés se sont plaints de son comportement, et qu'étrangement des incidents graves sont survenus.

Elle répond techniquement point par point aux graves accusations de M.[M].

Elle produit notamment :

- la note de service n°77 du 17/02/2009 concernant la procédure à suivre, signée par M.[M],

- des attestations notamment des salariés délégués du personnel titulaires faisant état du comportement perturbateur de M.[M], s'immisçant dans des services, prenant des photos...

- le courrier adressé le 14/02/2014 en réponse au salarié concernant un godet et relevant la négligence grave de M.[M] pour n'avoir pas averti immédiatement l'employeur, tout en prenant des photos visant uniquement à alimenter son dossier judiciaire,

- des attestations d'ouvriers du service de fabrication ayant constaté le changement de caractère du salarié,

- la plainte déposée le 18/02/2014 par Mme [F], directrice générale, suite à la production par M.[M] dans ses pièces judiciaires, d'une photographie montrant une boîte de mort aux rats sur un chariot de transport de viande,

- le certificat de dératisation de SMA du 20/01/2014, le contrat de désinsectisation/dératisation conclu depuis 2009 avec la société SMA'

- le rapport d'incident du 3 mars 2014 (esse de boucherie retrouvé lors du hachage) et les suites de l'intervention de la société AC Froidclim,

- le règlement intérieur sur l'hygiène et la sécurité,

- les consignes générales d'hygiène relative à chaque poste de travail de fabrication, affichées au tableau de l'atelier,

- les factures de la société de nettoyage de l'année 2013,

- l'attestation de l'agence d'intérim sur la remise du livret d'accueil sur la sécurité et la sensibilisation de la délégation des intérimaires à l'hygiène,

- une attestation d'un cabinet conseil en formation indiquant intervenir depuis 1996 auprès du personnel de la société sur différents thèmes ayant trait notamment à l'hygiène,

- des attestations de salariés et intervenants indiquant que les conditions d'hygiène sont parfaitement respectées (pièces n°22-27-28-29-38-43-44-69-86)

- le rapport d'intervention de AP électricité indiquant que les trois réparations effectuées ne relevaient pas de l'urgence, aucun risque n'étant encouru,

- la fiche d'incident concernant une panne le 24/06/2013 et ses suites en termes d'analyse de la marchandise,

- des relevés d'analyse du fromage de tête,

- les visites auxquelles la société a été soumise (inspection du travail 29/05/ 2013, vétérinaire le 12/09/2013, audit hygiène-qualité le 17/02/2014),

- des résultats d'analyse en juillet et août 2013

- des documents concernant l'agrément délivré pour congeler la marchandise datés de juin 2013,

- des réparations effectuées : pièces n°105 à 116.

Ainsi que l'a noté le conseil de prud'hommes, alors que M.[M] n'a jamais fait état de dysfonctionnements pendant plus de douze ans, dans une période très courte consécutive à son action judiciaire, il a soulevé divers problèmes mais d'une part, sans respecter la procédure décrite dans la note de service «en cas de danger» et d'autre part, sans alerter de façon efficace son employeur sur des risques pour les consommateurs.

Au demeurant, les alertes faites par M.[M] pour certaines, sont suspectes alors même que le salarié est décrit comme ayant changé de comportement, «faisant de l'espionnage» par la prise de photos dans l'entreprise, alors que c'est interdit et dans des services où il n'avait pas de tâche à remplir, prononçant des menaces à l'égard de la société et pour d'autres ne reposent sur aucun élément tangible, l'employeur ayant apporté de nombreuses réponses tant par ses lettres que dans le cadre judiciaire sur les contrôles effectués en interne et par les services de tutelle, lesquels n'ont mis au jour que des éléments mineurs dans le rapport du 14 juin 2013 notamment.

Les éléments produits aux débats démontrent que la société n'a pas failli en son obligation tant de façon générale qu'à l'égard de M.[M], étant relevé en outre que les éléments médicaux produits sont inopérants à démontrer un préjudice en lien avec les prétendus manquements.

En conséquence, c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes a rejeté la demande de M.[M] au titre de l'exécution fautive.

Sur la rupture du contrat de travail

Le juge prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur en cas de manquements suffisamment graves de ce dernier à ses obligations, de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.

La résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d'un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse avec toutes ses conséquences de droit.

Le seul fait retenu par la cour est l'absence de règlement de certaines heures de nuit et d'heures supplémentaires de 2011 à 2013 mais ce manquement ne pouvait justifier la rupture aux torts de l'employeur , alors que le salarié n'avait aucunement sollicité un paiement dans un cadre amiable et n'avait pas même chiffré sa demande lors qu'il a saisi le conseil de prud'hommes.

En tout état de cause, ce grief n'était pas suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat, puisque de 2014 à 2019, date de prise de retraite volontaire par M.[M], le salarié n'a émis aucun reproche à l'encontre de son employeur, ni aucune réserve lors de son départ.

En conséquence, la demande de résiliation judiciaire doit être rejetée ainsi que ses conséquences financières, soit l'indemnité compensatrice de préavis, l'indemnité de licenciement et les dommages et intérêts pour rupture nulle, ainsi que la demande d'injonction concernant les congés payés, laquelle n'a plus d'objet, M.[M] ayant été rempli de ses droits par la remise du solde de tout compte en 2019.

Sur la violation du statut protecteur

Dans la mesure où la rupture n'incombe pas à l'employeur et qu'il n'a été établi aucun manquement grave de ce dernier dans la période de protection, M.[M] est mal fondé dans sa demande indemnitaire.

Sur le travail dissimulé

L'article L.8221-5-2° du code du travail dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

En l'espèce, si l'employeur a démontré sa négligence dans le suivi de la charge de travail du salarié il ne peut en être déduit qu'il a entendu dissimuler son activité en ce que le salarié était totalement autonome dans ses fonctions et qu 'il n'a formulé aucune demande en paiement jusqu'à son action judiciaire.

Dès lors, M.[M] doit être débouté de sa demande indemnitaire forfaitaire formée sur le fondement de l'article L.8223-1 du code du travail.

Sur les autres demandes

Les intérêts au taux légal sur les créances salariales allouées doivent courir à compter de la demande faite par voie de conclusions et leur capitalisation demandée sera ordonnée.

Seule la remise d'un bulletin de salaire récapitulatif des sommes visées dans la décision est nécessaire et l'astreinte est inutile.

Succombant même partiellement, la société intimée doit s'acquitter des dépens, être déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Confirme le jugement SAUF dans ses dispositions relatives aux horaires de travail et à l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et Y ajoutant,

Condamne la société Loquesienne de charcuterie à payer à M. [G] [M], les sommes suivantes :

- 3 359,43 euros à titre de rappel de salaire pour les heures de nuit de 2011 à 2013,

- 335, 94 euros au titre des congés payés afférents,

- 6 999,04 euros à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires de 2011 à 2013,

- 699,90 euros au titre des congés payés afférents,

Dit que ces créances porteront intérêts au taux légal à compter du 3 Septembre 2014,

Ordonne la capitalisation des intérêts à condition qu'ils soient dus au moins pour une année entière,

Ordonne à la société Loquesienne de charcuterie de remettre à M.[M] un bulletin de salaire récapitulatif des sommes ci-dessus visées,

Déboute M.[M] du surplus de ses demandes,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Loquesienne de charcuterie aux dépens d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 18/16615
Date de la décision : 02/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-02;18.16615 ?
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