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02/09/2022 | FRANCE | N°18/16441

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 02 septembre 2022, 18/16441


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 02 SEPTEMBRE 2022



N°2022/ 166



RG 18/16441

N° Portalis DBVB-V-B7C-BDGL2







[S] [C]





C/



S.E.L.A.R.L. [M]

Association AGS - CGEA D'[Localité 3]



















Copie exécutoire délivrée le 2 Septembre 2022 à :



- Me Odile-marie LA SADE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE





- Me LARCENAr>


- AGS - CGEA D'[Localité 3]















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ARLES - section - en date du 11 Septembre 2013, enregistré au répertoire général sous le n° F12/00164.





APPELANT



Monsieu...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 02 SEPTEMBRE 2022

N°2022/ 166

RG 18/16441

N° Portalis DBVB-V-B7C-BDGL2

[S] [C]

C/

S.E.L.A.R.L. [M]

Association AGS - CGEA D'[Localité 3]

Copie exécutoire délivrée le 2 Septembre 2022 à :

- Me Odile-marie LA SADE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

- Me LARCENA

- AGS - CGEA D'[Localité 3]

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ARLES - section - en date du 11 Septembre 2013, enregistré au répertoire général sous le n° F12/00164.

APPELANT

Monsieur [S] [C]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2013/12298 du 25/10/2013 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE), demeurant [Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me Odile-marie LA SADE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEES

S.E.L.A.R.L. [M], prise en la personne de Me [Y], Mandataire ad'hoc de l'Association UNE IDEE DERRIERE L'ECRAN (UIDE), demeurant [Adresse 1]

non comparante

Association AGS - CGEA D'[Localité 3], demeurant [Adresse 5]

non comparante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 26 Avril 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Estelle DE REVEL, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Juin 2022, delibéré prorogé en raison de la survenance d'une difficulté dans la mise en oeuvre de la décision au 2 Septembre 2022.

ARRÊT

REPUTE CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 2 Septembre 2022

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * * * * * * *

FAITS - PROCEDURE - PRETENTIONS DES PARTIES

Soutenant avoir exercé une prestation de travail pour le compte de l'association Une Idée Derrière l'Ecran dite UIDE, par requête du 18 avril 2012, M. [C] a saisi le conseil de prud'hommes d'Arles, aux fins d'obtenir le versement de salaires outre des créances indemnitaires liées à la rupture.

Selon jugement du 11 septembre 2013, le conseil de prud'hommes a débouté M. [C] de ses demandes et l'a condamné aux dépens.

Le conseil de M. [C] a interjeté appel par déclaration du 14 octobre 2013.

L'affaire a été radiée par arrêt du 7 octobre 2016.

Selon procès-verbal d'assembée générale extraordinaire du 4 juin 2014, l'association UIDE a été dissoute et par ordonnance du 8 octobre 2018, le président du TGI de Tarascon a désigné en qualité d'administrateur ad hoc la Selarl [M], prise en la personne de Me [Y].

L'affaire a été remise au rôle de la cour selon conclusions du 5 octobre 2018, et les parties convoquées pour l'audience du 26 avril 2022.

Aux termes de ses dernières conclusions reprises oralement à l'audience, M. [C] demande à la cour de :

«Réformer le jugement du 11 septembre 2013.

Constater que le concluant était bien salarié de l'association UNE IDEE DERRIÈRE L'ECRAN et en conséquence,

Fixer la créance de M. [C] comme suit :

- 100 000 euros brut à titre de salaire du 1er mars 2008 au 31 mars 2010 et 10 000 uros brut au titre des congés payés, outre la délivrance des bulletins de salaire , certificat de travail et attestation Pôle Emploi,

- 100 000 euros brut au titre des salaires qu'il aurait dû percevoir pendant encore 2 ans (sub 138.240 euros (2 880 euros de salaire net x 48 mois) tels que prévu par la convention CDN signée avec la Région).

- 24 000 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

- 96 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,

- 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral.

Subsidiairement :

Constater l'existence d'une promesse d'embauche de M. [C] par l'association et en conséquence fixer la créance du concluant à 250 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à la rupture de la promesse d'embauche et au préjudice subi par l'absence de salaire pendant 4 ans.

Accorder à M. [C] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour frais irrépétibles, l'appelant s'engageant à renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Statuer ce que de droit sur les dépens.»

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, au jugement et aux conclusions visées par le greffier à l'audience.

MOTIFS DE L'ARRÊT

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile , elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les «dire et juger» et les «constater» ainsi que les «donner acte» ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi; en conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.

Sur la procédure

L'administrateur ad hoc a été dûment convoqué pour l'audience (accusé de réception signé le 22 décembre 2021) et n'a pas constitué avocat.

En réponse à sa convocation, par lettre du 23/12/2021, l'Unedic délégation AGS CGEA d'[Localité 3] a indiqué ne pas se constituer, ne s'agissant pas d'une procédure collective.

L'arrêt doit être qualifié de réputé contradictoire.

Sur l'existence d'un contrat de travail

En l'absence d'écrit ou d'apparence de contrat, il appartient à celui qui invoque un contrat de travail d'en rapporter la preuve.

Il résulte des articles L.1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d'autrui moyennant rémunération.

Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

Il résulte des éléments produits par l'appelant que :

- le 13 janvier 2008, il a signé au nom de l'association Emergence d'activité dont il était le président une convention de partenariat avec l'association UIDE, présidée par M. [G] [P] en vue d'une mutualisation des ressources et moyens aux fins de développer divers projets et procéder à la création de deux emplois (une secrétaire et un technicien),

- le 23 octobre 2008, il a reçu mandat du bureau de l'association UIDE d'accomplir des démarches en vue d'obtenir diverses subventions dans le cadre du projet «Libres Territoires»,

- il a effectué de nombreuses démarches au nom de l'association pour obtenir le label Eric, un local par la mairie d'[Localité 4] et justifie avoir été désigné comme responsable de l'ERIC dans le dossier de candidature de l'AS TIC à compter du mois de mars 2009, date à laquelle il a également signé le contrat à durée déterminée de la secrétaire,

- le conseil d'administration le 10 mars 2009 a approuvé l'opération d'appel à candidature pour la création d'un poste de chargé du développement numérique (CDN) dont le démarrage était prévu au 1er juillet 2009,

- il est déclaré dans plusieurs documents comme le futur directeur et CDN, notamment dans la demande de subvention du 16 mars 2009,

- cette même qualité lui est attribuée dans le dossier de candidature de septembre 2009 pour le projet Pôles Régionaux ORDI 2.0,

- il est prévu comme directeur dans un organigramme et signe dès le 26 juin 2009 des mails avec cette mention.

Ces éléments démontrent que dans un premier temps, M. [C] s'est impliqué dans ces projets de façon bénévole mais qu'il était convenu pour son embauche que l'obtention de la subvention de la Région était déterminante, laquelle résulte d'un courrier du 10 juillet 2009, étant précisé que M. [C] justifie par de multiples pièces qu'il est à l'origine du montage des dossiers ayant permis à l'association d'obtenir diverses aides financières.

L'accomplissement d'une prestation de travail à compter du mois de mars 2009, dans l'intérêt de l'association, ne fait pas de doute, eu égard aux nombreux échanges mails produits mais aussi dans des pièces dont le président de l'UIDE est l'auteur ou dont il a été destinataire sans élever de protestation : «le CDN concerne le financement du poste de directeur qui travaille déjà depuis un an à temps plein sur ce projet» (pièces n°7, A24, 71-5).

Concernant le lien de subordination, il est produit de nombreux mails de M. [C] datant de 2009 avec l'adresse mail de l'association à destination des administrateurs soit le président, le trésorier notamment, les sollicitant ou rendant compte (notamment pièces 71-9, 72-12, 71-7, 44) et dans les mêmes périodes, M. [P], soit directement soit indirectement en s'adressant à des tiers partenaires lui donne des directives en lui attribuant la qualité de directeur (principalement pièces 72-13, 72-14, 72-15, 72-18, 72-19, 72-32, 72-34, 72-40), en ces termes «je vous fais poster les documents par mon directeur», «[S], le directeur est à votre disposition sur le suivi du dossier».

Il convient d'ajouter que dès le 3 janvier 2010, l'adresse mail directeur était créée au profit de M. [C] et que sur demande du 1er décembre 2009 auprès des administrateurs, M. [C] recevait le 16 décembre la somme de 1 500 euros au titre d'une avance sur salaire du mois de décembre 2009 de la part du trésorier (pièces 71-10 et 14).

La cour constate que l'appelant fait bien la preuve d'une relation salariée à compter du 10 juillet 2009, se poursuivant sur le 1er trimestre 2010, par de nombreux échanges de mails avec la secrétaire en janvier et février 2010, par la réponse en copie à «[S] [C], directeur» de la part du président le 1er février 2010, par la publication d'articles de presse en mars 2010 avec photos où il apparaît comme directeur aux côtés du président.

En conséquence, M. [C] est bien fondé en sa demande d'un rappel de salaires jusqu'au 31 mars 2010, date à laquelle l'association lui a demandé de stopper toute activité et de lui restituer le véhicule mis à disposition, les documents et la carte bleue de l'association.

Il convient de retenir le salaire visé par l'appelant soit 3 980 euros bruts comme correspondant aux pourparlers dont fait état M. [C] et les prévisions inscrites dans la demande de subvention, étant précisé que la promesse d'embauche du 11 mars 2010 à raison de 2 815 euros bruts pour un cadre dirigeant faite par l'association n'est pas sérieuse.

Dès lors, M. [C] est en droit d'obtenir la somme de 35 687, 33 euros bruts outre l'incidence de congés payés, mais sa demande de deux ans supplémentaires de salaire ne saurait prospérer, ne correspondant à aucune contrepartie d'un travail fourni.

Sur la rupture du contrat de travail

La rupture de la relation contractuelle est intervenue à l'initiative de l'employeur, de façon abusive et dès lors, M. [C] est en droit d'obtenir, compte tenu de son peu d'ancienneté, de sa situation postérieure et de son âge, la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour la perte de son emploi et celle de 6 000 euros au titre de son préjudice moral, au regard des circonstances de la rupture.

Il convient de faire droit à la demande de délivrance des bulletins de salaire, d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle Emploi conformes au présent arrêt.

Sur le travail dissimulé

L'article L.8221-5 du code du travail prévoit: 'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales'.

L'article L. 8223-1 du même code, relatif aux droits des salariés en cas de recours par l'employeur au travail dissimulé, dispose qu' 'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire'.

En l'espèce, l'intention frauduleuse est caractérisée et dès lors, le salarié doit être reçu en sa demande indemnitaire forfaitaire à hauteur de la somme de 23 880 euros.

Sur la demande de fixation des créances

La cour rappelle que, quoique le procès-verbal de dissolution de l'association fasse état d'un passif, la structure n'a pas été mise en liquidation judiciaire, de sorte que la demande de «fixation» (même pas au passif) est peu appropriée mais la présente juridiction ne peut statuer

ultra petita par une condamnation.

En tout état de cause, comme indiqué oralement à l'appelant comparant en personne à l'audience, l'AGS CGEA ne doit pas sa garantie, ne s'agissant pas d'une procédure collective, comme elle l'a écrit à la cour pour justifier l'absence de constitution d'avocat.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt réputé contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Dit que M. [S] [C] était salarié de l'association «UNE IDEE DERRIÈRE L'ECRAN» dite UIDE du 10 juillet 2009 au 31 mars 2010,

Fixe les créances de M. [C] à l'égard de l'association «UNE IDEE DERRIÈRE L'ECRAN» dite UIDE, ainsi :

- 35 687,33 euros à titre de rappel de salaires du 10/07/2009 au 31/03/2010,

- 3 568,73 euros au titre des congés payés afférents,

- 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

- 6 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- 23 880 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

Ordonne s'il y a lieu, à la Selarl [M], prise en la personne de Me [Y], désignée en qualité d'administrateur ad hoc de l'association UIDE, de délivrer à M. [C] les bulletins de salaire, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes au dispositif du présent arrêt,

Déboute M. [C] du surplus de ses demandes,

Met à la charge de l'association UIDE représentée par l'administrateur ad hoc désigné, les dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 18/16441
Date de la décision : 02/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-02;18.16441 ?
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