La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/09/2022 | FRANCE | N°18/14412

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 02 septembre 2022, 18/14412


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 02 SEPTEMBRE 2022



N°2022/ 164



RG 18/14412

N° Portalis DBVB-V-B7C-BDALG







[P] [O]





C/



Association LES TAXIS MARSEILLAIS ET DE PROVENCE

























Copie exécutoire délivrée le 2 septembre 2022 à :



-Me Pascale MAZEL, avocat au barreau de MARSEILLE



- Me Jean-eymeric BLANC,

avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE











Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section AD - en date du 11 Mai 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 14/805.





APPELANT



Monsieur [P] ...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 02 SEPTEMBRE 2022

N°2022/ 164

RG 18/14412

N° Portalis DBVB-V-B7C-BDALG

[P] [O]

C/

Association LES TAXIS MARSEILLAIS ET DE PROVENCE

Copie exécutoire délivrée le 2 septembre 2022 à :

-Me Pascale MAZEL, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Jean-eymeric BLANC, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section AD - en date du 11 Mai 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 14/805.

APPELANT

Monsieur [P] [O], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Pascale MAZEL, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

Association LES TAXIS MARSEILLAIS ET DE PROVENCE, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Jean-eymeric BLANC, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 10 Mai 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Estelle DE REVEL, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Septembre 2022.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Septembre 2022

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * * * * * * *

FAITS- PROCEDURE-PRETENTIONS DES PARTIES

Selon contrat de travail à durée indéterminée à effet du 7 mai 2012, M. [P] [O] a été embauché par l'association Les Taxis Marseillais et de Provence en qualité de standardiste (speaker).

La rémunération était fixée à 883,77 euros pour 75 heures de travail mensuel.

Le 18 mars 2014, M. [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille notamment aux fins d'obtenir la requalification de son contrat de travail à temps partiel en temps plein, la résiliation judiciaire de son contrat ainsi que diverses indemnités et rappels de salaire.

Le 11 mai 2015, le conseil de prud'hommes rendait son jugement en ces termes :

Déboute M. [O] de sa demande relative à la résiliation judiciaire de son contrat de travail

Condamne l'association les taxis marseillais et de Provence à lui verser 250 € au titre du défaut de visite médicale de travail périodique outre 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'affaire a été radiée par arrêt du 22 septembre 2017.

Le 21 novembre 2017, le salarié a été licencié pour inaptitude physique non professionnelle avec impossibilité de reclassement.

L'affaire a été remise au rôle selon conclusions du 24 août 2018 et les parties convoquées pour l'audience du 10 mai 2022.

Aux termes de ses dernières écritures développées oralement lors des débats, M. [O] demande à la cour de :

«A titre principal,

Sur l'absence de visite médicale périodique

Confirmer le jugement intervenu et constater que l'employeur violait son obligation de sécurité de résultat en n'organisant pas de visite médicale dans les délais légaux.

Constater le préjudice du salarié.

En conséquence,

Condamner l'employeur à verser au salarié la somme de 2.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut d'organisation de la visite médicale périodique.

Réformer le jugement du 11.05.2015 et :

Sur la violation de l'obligation de sécurité

Constater la violation par l'employeur des prescriptions du médecin du travail entre le 17.03.15 et le 31.07.2015.

Condamner, à ce titre à verser au salarié une somme de 5.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité.

Sur les heures complémentaires

Constater que l'employeur violait les dispositions de l'article L. 3123-17 du Code du Travail.

Constater que l'employeur violait les règles applicables au dépassement horaire d'un contrat à temps partiel en imposant des heures complémentaires sans que le contrat le prévoie, et dépassant la limite légale de 10 % du temps de travail.

Constater, à la simple lecture des bulletins de salaires, qu'aucune de ces heures complémentaires n'était majorée par l'employeur.

En conséquence,

Condamner l'employeur à verser au salarié la somme de 1.010,35 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur l'absence de délai de prévenance

Constater que les dispositions du contrat de travail relatives aux horaires étaient illicites.

Constater que l'employeur ne rapporte pas la preuve d'un délai de prévenance suffisant de la répartition des horaires.

Sur la mise à disposition permanente

Constater que le salarié était dans l'incapacité d'exercer une autre activité en raison des modifications constantes de la répartition et de la durée de son temps de travail.

Constater que les bulletins de salaires établissent la mise à disposition du salarié.

En conséquence,

Dire et juger que Monsieur [O] était à la disposition permanente de son employeur.

Sur la requalification en contrat à temps plein

Prononcer la requalification du contrat de travail du salarié en un contrat à temps plein à compter du 7.05.2012.

Condamner l'employeur à verser au salarié la somme de 24.381,00 euros à titre de rappels de salaires sur la base d'un temps plein entre le 7.05.2012 et le 31.08.2014 et 2.438,10 €uros à titre de congés payés y afférent.

Condamner l'employeur à verser au salarié la somme de 23.478,00 euros à titre de rappels de salaires sur la base d'un temps plein entre le 1.09.2014 et le 8.12.2016 (jour de la communication) et 2.347,80 €uros à titre de congés payés y afférent.

Parfaire pour le surplus au jour du délibéré à intervenir.

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail

Constater que les manquements de l'employeur sont suffisamment graves pour fonder la résiliation judiciaire du contrat de travail.

Constater la mauvaise foi de l'employeur.

En conséquence,

Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail au jour de la décision à intervenir.

Condamner l'employeur à verser au salarié les sommes suivantes :

3.573,34 €uros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

353,34 €uros à titre de congés payés y afférents,

1.786,67 €uros à titre d'indemnité légale de licenciement

16.080,03 €uros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail

A titre subsidiaire,

Constater que l'employeur a méconnu ses obligations au titre de son obligation de reclassement loyale et ce faisant a violé les dispositions relatives à l'article L.1226-2 du Code du Travail.

Dire et juger le caractère parfaitement abusif du licenciement prononcé.

Condamner l'employeur à verser à la salariée une somme de 16.080,03 €uros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail.

En tout état de cause,

Condamner l'employeur à verser une somme de 2.500,00 €uros au titre de l'article 700 du CPC.

Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Ordonner les intérêts légaux à compter du jour de la demande en justice et leur capitalisation.

Condamner aux entiers dépens.»

Dans ses dernières conclusions reprises oralement lors de l'audience, l'association demande à la cour de :

« CONFIRMER le jugement sauf en ce qu'il a condamné l'association Les taxis marseillais et de Provence à verser 250€ au titre de défaut de visite médicale de travail périodique et 500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Et statuant à nouveau

DEBOUTER M. [O] de l'ensemble de ses demandes, visant à obtenir la condamnation de l'association Les taxis marseillais et de Provence pour :

Absence de visite médicale périodique

Violation de l'obligation de sécurité

Heures complémentaires

Absence de respect du délai de prévenance

Mise à disposition permanente

Requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein

REJETER la demande de M. [O] relative à la résiliation judiciaire de son contrat de travail

DIRE ET JUGER que le licenciement de M. [O] intervenu le 21 novembre 2017 repose sur un motif réel et sérieux

CONDAMNER M. [O] aux entiers dépens et au paiement d'une somme de 2000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.»

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties visées par le greffier à l'audience.

MOTIFS DE L'ARRÊT

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile , elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les «dire et juger» et les «constater» ainsi que les «donner acte» ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi; en conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.

Sur l'exécution du contrat de travail

A- Sur les visites médicales périodiques

M. [O] soutient que :

- il travaillait de nuit de sorte que sur le fondement de l'article L.3122-42 du code du travail il aurait dû bénéficier d'une surveillance médicale renforcée avec une visite médicale tous les six mois

- sa visite médicale d'embauche a eu lieu le 26 juillet 2012 et la seconde a eu lieu le 7 novembre 2013 soit 15 mois plus tard,

- le médecin du travail précisait qu'il souhaitait revoir le salarié dans les 6 mois suivants la visite médicale ce qui ne sera jamais fait,

- son état de santé s'est dégradé ce que la médecine du travail n'a pas pu voir du fait de l'absence de visites,

- ce n'est que suite à une initiative de sa part qu'il a pu obtenir une visite auprès de la médecine du travail qui a préconisé une adaptation de son poste compte-tenu de son état de santé.

L'association fait valoir que le salarié a bénéficié de 8 visites auprès de la médecine du travail en 4 ans soit en moyenne une visite tous les 6 mois, que le salarié ne rapporte pas la preuve que son état de santé se serait aggravé en raison des tensions vécues sur son lieu de travail, soulignant que les certificats médicaux ne visent jamais le caractère professionnel des affections.

Il résulte des pièces versées aux débats que le salarié, soumis à un travail de nuit, devait bénéficier d'une visite médicale tous les six mois au titre du suivi médical renforcé, au demeurant rappelé par la médecine du travail dans la première fiche d'aptitude du 26 juillet 2012.

Or, il est constant que la visite suivante n'est intervenue que le 7 novembre 2013, soit

plus de six mois après, avec un complément le 19 décembre 2013 mais il n'y a pas eu non plus de visite programmée en juin 2014.

Par la suite, le salarié a été en arrêt maladie à compter de septembre 2014 jusqu'en février 2015 et a été soumis à une visite de reprise le 17 mars 2015 puis le 27 avril 2015.

En conséquence, c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes a considéré que le manquement sur ce point était avéré et qu'il existait un préjudice pour M. [O] que la cour décide de porter à la somme de 1 000 euros.

B- Sur le respect des prescriptions du médecin du travail

M. [O] expose que :

- suite à sa visite médicale de reprise du 17 mars 2015, le médecin du travail l'a déclaré apte avec une adaptation de son poste (temps partiel et poste de jour uniquement)

- ses bulletins de salaire des mois de mars à juillet 2015 démontrent un temps de travail fixé à 40 heures par mois soit au-delà du mi-temps thérapeutique fixé.

L'association soutient que les arrêts maladie ainsi que l'avis rendu par le médecin du travail n'indiquait pas ce qu'il fallait entendre par temps partiel dans la mesure où la durée mensuelle de travail de M. [O] était déjà de 75 heures.

Elle indique que les parties sont convenues de réduire cette durée à 40 heures, précisant que le salarié n'occupait plus un poste de nuit mais un poste de jour.

Le salarié ne disconvient pas que suite à la restriction émise par la médecine du travail ci-dessus rappelée, il prenait son poste uniquement la journée.

Le temps partiel préconisé pour raison médicale n'a pas été précisé en pourcentage ni par le médecin traitant ni par le médecin du travail, de sorte qu'en réduisant la durée du temps de travail déjà partiel de 75 % à 40 %, l'employeur a satisfait à son obligation, le salarié ne démontrant pas que la mesure préconisée avait pour but de diviser en deux son temps de travail, et M. [O] n'en ayant d'ailleurs jamais fait la demande.

C- Sur les heures complémentaires

Il est constant que le salarié a exécuté des heures complémentaires dont la réalité n'est pas contestée par l'employeur et dont le détail figure dans un tableau établi par M. [O] pages 9 & 10 de ses conclusions pour les années 2012, 2013.

Le non règlement de ces heures majorées a été à l'origine d'un échange de mails et lettres à compter de fin novembre 2013, mais il convient de constater que l'association a procédé à un versement partiel en décembre 2013 - comme l'indique le salarié dans son mail du 3 février 2014- et sur le bulletin de salaire de février 2014, figurent plusieurs lignes concernant la régularisation de mai 2012 à décembre 2013.

Le salarié ne se livre à aucun calcul et ne réclame aucune somme supplémentaire à ce titre, et eu égard à la date de saisine de la juridiction prud'homale - soit plus d'un après- il y a lieu de dire qu'il ne subsistait pour M. [O] aucun préjudice susceptible d'être indemnisé, de sorte qu'il doit être débouté de sa demande à ce titre.

D- Sur la requalification du contrat à temps complet

A l'appui, M. [O] fait valoir que :

- son contrat de travail ne prévoyait ni la réalisation d'heures complémentaires ni la répartition de sa durée de travail, laquelle variait tous les mois,

- les heures complémentaires effectuées dépassaient la limite légale de 10% du temps de travail,

- la durée légale du travail a été dépassé la semaine du 25 au 31 août 2014,

- l'employeur lui remettait des plannings sans respecter aucun délai de prévenance et modifiait parfois les plannings en cours de mois,

- les modifications répétées de ses horaires l'empêchaient d'exercer son activité d'artiste-auteur en parallèle de ses fonctions,

- il se trouvait à la disposition permanente de son employeur.

L'association indique que :

- il n'est pas interdit que la durée du travail puisse varier tous les mois,

- la réalisation d'heures complémentaires par le salarié a donné lieu à une régularisation,

- le dernier dépassement des 10% d'heures complémentaires date du mois de décembre 2013 soit il y a plus de 3 ans,

- chaque début de mois, elle remettait un planning à M. [O] lui permettant de connaître à l'avance ses heures de travail,

- le salarié n'était pas à sa disposition permanente dans la mesure où il occupait une autre activité au titre de laquelle il s'est inscrit comme chef d'entreprise au registre du commerce et des sociétés.

En application de l'article L. 3123-14 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige soit celle antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, le contrat de travail à temps partiel est un contrat écrit. Il mentionne la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.

Il en résulte que, sauf exceptions prévues par la loi concernant notamment les aides à domicile, il ne peut être dérogé par l'employeur à l'obligation de mentionner, dans le contrat de travail à temps partiel, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue, et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.

En l'espèce, le contrat initial prévoyait en son article 5 : « les horaires de travail de M. [O] seront ceux dont il déclare avoir pris connaissance au moment de l'embauche : par quart de 8 heures, de jour comme de nuit, sept jours sur sept. Les vacations du dimanche et jours fériés sont majorées de 20%. Ces horaires pourront toutefois être modifiés en raison des nécessités ce que M. [O] déclare accepter par avance expréssement ».

Dès lors que le contrat dont la durée était fixée à 75 heures mensuelles ne prévoyait pas de répartition sur les semaines du mois, puisque il était prévu un travail 7j/7, de nuit comme de jour, l'employeur a commis un manquement.

En conséquence, la demande en requalification du contrat de travail à temps plein est justifiée et doit s'appliquer à compter du 7 mai 2012.

E- Sur la demande de rappels de salaire

Le contrat ne prévoyait pas l'accomplissement d'heures complémentaires et il est établi par le salarié qu'en 2012 et 2013, il a accompli de telles heures et ce au-delà des 10 % prévus par l'article L.3123-17 du code du travail dans sa version résultant de la Loi de 2008, notamment dans les périodes de juillet et août, peu important son acceptation.

En outre, le planning du mois d'août 2014 permet de constater que sur la seule semaine

du 25 au 31, M. [O] a effectué 40 heures de travail, soit une durée supérieure à la durée légale, étant précisé que le dépassement de la durée légale du travail s'apprécie sur la semaine quand bien même le salarié est en temps partiel mensuel.

L'employeur échoue à renverser la présomption de temps plein puisque sur la période de 2012 à 2013 et jusqu'à fin août 2014, la demande d'effectuer des heures complémentaires comme l'absence de répartition fixée sur les jours et les semaines, outre le travail de jour comme de nuit, obligeait M. [O] à être à disposition permanente de son employeur, ce qui est à l'origine du différend intervenu par courriers à la fin de l'année 2013.

Dès lors, la demande de rappels de salaire au titre de la période du 7 mai 2012 au 31 août 2014 est fondée en son principe.

La cour constate qu'aucune des parties ne produit les bulletins de salaire des années 2012 et 2013, de sorte qu'il est ignoré le taux horaire ; par ailleurs, le salarié ne justifie par aucun document du calcul concernant la rémunération mensuelle de 1 786,67 euros dont il se prévaut ni de celui de sa demande à hauteur de 24 381 euros outre les congés payés afférents, de sorte qu'il est ignoré si les salaires perçus ont été déduits.

A défaut de contestation de la part de l'employeur sur le montant, mais sous cette réserve de déduction, il doit être fait droit à la demande.

Les intérêts au taux légal sont dûs sur la somme de 16 957,78 euros et 1 695 euros au titre des congés payés afférents, à compter de la date de convocation de l'employeur (présentation de la lettre recommandée) à l'audience de tentative de conciliation valant mise en demeure, soit le 20 mars 2014, et pour le solde à compter du 24 août 2018.

La capitalisation doit etre ordonnée dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil.

 

S'agissant de la période postérieure soit du 1er septembre 2014 au 8 décembre 2016, la cour constate que :

- le salarié a été en arrêt maladie de fin septembre 2014 à février 2015,

- aucune heure complémentaire ne lui a plus été demandée,

- le temps de travail était exclusivement de jour à compter de mars 2015,

- la durée du travail a été réduite à 40 heures par mois.

Alors que l'employeur a justifié qu'il envoyait ses plannings à l'avance et qu'il n'est pas fait état de difficultés sur cette période , il renverse ainsi la présomption simple, aucun élément ne permettant à M. [O] de dire qu'il était à la disposition permanente de l'employeur et ce d'autant qu'il a développé une autre activité.

En conséquence, la cour rejette la demande de rappels de salaire au titre de la deuxième période visée dans les conclusions.

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail

Lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée. C'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.

En l'espèce, M. [O] invoque à l'appui de sa demande, les manquements suivants :

- violation de son obligation de sécurité de résultat par l'employeur, en n'organisant pas les visites médicales périodiques,

- illicéité du contrat de travail à temps partiel,

- absence de majoration des heures complémentaires,

- non-respect du délai de prévenance dans la répartition du temps de travail,

- variation du temps de travail tous les mois

- mise à disposition permanente de son employeur.

Selon l'association, ces manquements sont injustifiés, bénins, anciens ou encore régularisés et ne peuvent venir asseoir la résiliation du contrat de travail.

La cour constate que l'employeur a failli dans l'organisation des visites médicales en 2013 et juin 2014 mais il ne peut être fait aucun lien avec l'affection subie par M. [O] ultérieurement, sans relation avec son activité professionnelle, les seules tensions ayant existé datant de la fin de l'année 2013.

L'employeur a régularisé le paiement de la majoration des heures complémentaires dès la fin février 2014, sans que ne subsiste aucune difficulté postérieurement.

A compter du mois de septembre 2014, le temps de travail prévu contractuellement a été respecté par l'employeur, et le salarié ne justifie par aucun document que le délai de prévenance quant à l'envoi des plannings n'était pas respecté, la cour ayant considéré qu'à compter de cette date, son temps de travail ne variait plus et qu'il n'était pas à la disposition permanente de l'employeur ; en outre, à compter du mois de mars-avril 2015, l'association tenant compte des préconisations de la médecine du travail, a établi des plannings ne comportant plus d'heures de nuit et a réduit le temps de travail à 40 heures mensuelles.

Dès lors, même si les mentions du contrat à temps partiel n'étaient pas conformes aux règles édictées, ce seul manquement persistant n'a eu aucune incidence sur la relation de travail, laquelle s'est poursuivie jusqu'au licenciement pour inaptitude en 2017, et ne peut donc être qualifié de suffisamment grave pour justifier la rupture.

En conséquence, la cour estime que la demande de résiliation judiciaire n'était pas justifiée.

Sur le licenciement

L'article L. 1226-2 du code du travail, dans sa rédaction applicable jusqu'au 1er janvier 2017, édicte que lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail, consécutive à une maladie non professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte les conclusions du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutation, transformation de postes de travail ou aménagement du temps du travail.

L'avis de la médecine du travail est ainsi rédigé : «Inapte au poste actuel de speaker (article R.4624-42 du code du travail).

Pourrait occuper un poste de type administratif, à temps partiel, en horaires de jour, sur un autre site.

Envisager une formation professionnelle.

Etude de poste réalisée le 11/07/2017; étude des conditions de travail réalisée le 11/07/2017; échange avec l'employeur réalisé le 11/07/207.»

M. [O] soutient qu'aucune recherche de reclassement loyale n'a été faite, qu'aucune recherche de mutation, de transformation du poste ou d'aménagement du temps de travail n'a été envisagée ni de formation adaptée.

L'association fait valoir qu'elle a pris contact avec la médecine du travail concernant les possibilités de reclassement du salarié le 22 août 2017, qu'elle a sollicité ce dernier afin de savoir s'il serait intéressé par le suivi d'une formation professionnelle, lequel a répondu en transmettant son CV et en fournissant des devis de formation à l'utilisation des imprimantes 3D et à un logiciel de conception 3D, ne correspondant ni à une formation dans le domaine administratif mentionné par le médecin du travail ni à l'objet social de l'association.

Dans la mesure où la médecine du travail a conclu à l'inaptitude au poste, aucun aménagement n'était possible ; l'avis a aussi exclu que M. [O] travaille sur le même site, de sorte que l'association - qui déclare sans être contredite, n'avoir qu'un seul site et ne pas faire partie d'un groupe -, n'était pas tenue de faire une recherche interne qui se serait révélée vaine.

Comme elle le souligne la formation sollicitée par M. [O] ne pouvait s'inscrire dans le cadre d'un reclassement sur un poste administratif et ne correspondait pas à un besoin dans l'entreprise.

En conséquence, le licenciement doit être déclaré comme fondé sur une cause réelle et sérieuse et le salarié débouté de ses demandes liées à la rupture.

Sur les frais et dépens

L'association qui succombe même partiellement doit supporter les dépens de la procédure, être déboutée de sa demande faite sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à ce titre payer à M. [O] la somme de 1 500 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Infirme le jugement entrepris SAUF en ce qu'il a rejeté la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail,

Statuant à nouveau et Y ajoutant,

Requalifie la relation contractuelle à compter du 7 mai 2012 en temps complet,

Condamne l'association Les Taxis Marseillais et de Provence à payer à M. [P] [O], un rappel de salaire du 7 mai 2012 au 31 août 2014 inclus, d'un montant brut de 24 381 euros outre 2 438,10 euros au titre des congés payés afférents, sous déduction s'il y a lieu des salaires bruts déjà perçus sur la période,

Dit que les intérêts au taux légal sur cette créance salariale sont dûs sur la somme principale de 16 957,78 euros et 1 695 euros au titre des congés payés afférents, à compter du 20 mars 2014, et pour le solde à compter du 24 août 2018,

 

Ordonne la capitalisation des intérêts à condition qu'ils soient dûs pour une année entière,

Condamne l'association Les Taxis Marseillais et de Provence à payer à M. [P] [O] :

- la somme de 1 000 euros à titre d'indemnité pour défaut de visites médicales périodiques,

- celle de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette le surplus des demandes de M. [O],

Condamne l'association Les Taxis Marseillais et de Provence aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 18/14412
Date de la décision : 02/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-02;18.14412 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award