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01/09/2022 | FRANCE | N°20/09295

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-2, 01 septembre 2022, 20/09295


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2



ARRÊT

DU 01 SEPTEMBRE 2022



N°2022/534













Rôle N° RG 20/09295 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGKQS







S.C.I. ABITA





C/



S.A.S. LE VIEUX PORT



SDC de la résidence [Adresse 7]



S.C.P. BTSG²



































Copie exécutoire délivrée

l

e :

à :





Me Joseph MAGNAN



Me Philippe MILLET



Me Alexandra BOISRAME





Décision déférée à la Cour :



Ordonnances de référé rendues par Monsieur le Président du tribunal judiciaire de GRASSE en date du 10 Septembre 2020 enregistrée au répertoire général sous le n° 20/00911 et en date du 24 Juin 2021 enregistrée ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2

ARRÊT

DU 01 SEPTEMBRE 2022

N°2022/534

Rôle N° RG 20/09295 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGKQS

S.C.I. ABITA

C/

S.A.S. LE VIEUX PORT

SDC de la résidence [Adresse 7]

S.C.P. BTSG²

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Joseph MAGNAN

Me Philippe MILLET

Me Alexandra BOISRAME

Décision déférée à la Cour :

Ordonnances de référé rendues par Monsieur le Président du tribunal judiciaire de GRASSE en date du 10 Septembre 2020 enregistrée au répertoire général sous le n° 20/00911 et en date du 24 Juin 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 20/001902.

APPELANTE

S.C.I. ABITA

dont le siège social est situé [Adresse 5]

représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et assistée de Me Olivier TRASTOUR, avocat au barreau de GRASSE

INTIMEES

S.A.S.U. LE VIEUX PORT

dont le siège social est situé [Adresse 4]

représentée et assistée par Me Philippe MILLET de la SELARL ABM ET ASSOCIES, avocat au barreau de NICE

Syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 7]

sise [Adresse 3] représenté par son syndic la SAS VOLCANIC IMMO dont le siège social est situé [Adresse 1]

représentée par Me Alexandra BOISRAME de la SELARL AV AVOCATS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et assisté de Me Alexandre MEYRONET, avocat au barreau de GRASSE, plaidant

INTERVENANTE FORCEE

S.C.P. BTSG²

dont le siège social est [Adresse 2] et prise en la personne de Me [P] [G] en qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la SAS LE VIEUX PORT,

représentée et assistée par Me Philippe MILLET de la SELARL ABM ET ASSOCIES, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Mai 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

Mme Sylvie PEREZ, Présidente rapporteur, et Mme Catherine OUVREL, Conseillère

chargées du rapport qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :

Mme Sylvie PEREZ, Présidente rapporteur

Mme Catherine OUVREL, Conseillère

Mme Angélique NETO, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 01 Septembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 01 Septembre 2022,

Signé par Mme Sylvie PEREZ, Présidente et Mme Caroline BURON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE :

La société civile immobilière Abita est propriétaire des lots n° 104 (local commercial), 105, 106, 107 (caves) et 130 (appartement) au sein de la copropriété [Adresse 7] située 23 avenue des Frères Roustan à Golfe Juan (06 220).

Par acte sous seing privé en date du 10 décembre 2018, la société Abita a donné ses locaux à bail commercial à la SAS Le Vieux Port à l'usage de restauration sur place et à emporter.

Par exploit d'huissier en date du 1er juillet 2020, le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 7], représenté par son syndic en exercice, a fait assigner en référé la S.C.I. Abita aux fins, au visa des articles 834 du code de procédure civile et 25 de la loi du 10 juillet 1965 et du règlement de copropriété, de la voir condamner à retirer, sous astreinte, les blocs de climatisation et le système d'extraction d'air que son locataire a installés sans autorisation de l'assemblée générale, à lui verser une provision à valoir sur l'indemnisation des préjudices subis, au versement d'une astreinte en cas d'infraction constatée au règlement de copropriété dans les hypothèses d'un stationnement illicite de véhicules, d'utilisation du passage situé à l'arrière du restaurant, de diffusion de musique, de mise en place de câbles et de l'emplacement des containers poubelles, et au remplacement de la grille séparant le restaurant des parties communes de l'immeuble par une grille adaptée.

Par ordonnance réputée contradictoire du 10 septembre 2020, le juge des référés du tribunal judiciaire de Grasse a :

- condamné la S.C.I. Abita, sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé le délai de 30 jours suivant la signification de l'ordonnance, à retirer les blocs de climatisation installés sans autorisation de l'assemblée générale ;

- condamné la S.C.I. Abita, sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé le délai de 30 jours suivant la signification de l'ordonnance, à retirer le système d'extraction d'air mis en place sans autorisation de l'assemblée générale ;

- condamné la S.C.I. Abita à payer au syndicat des copropriétaires une provision de 1 500 euros à valoir sur les préjudices subis ;

- condamné la S.C.I. Abita à payer sous astreinte de 1 000 euros par infraction constatée par huissier de justice en cas de violation du règlement de copropriété et dans les hypothèses suivantes :

* stationnement illicite de véhicules de fournisseurs devant le portail ou sur les allées communes et entrée et sortie de véhicules de fournisseurs du restaurant par le portail de la résidence ;

* mise en place de câbles reliant le restaurant et les murs de l'immeuble ;

* diffusion de musique dans le cadre de fêtes et événements et soirées organisés par le restaurant le Vieux-Port ;

- condamné la S.C.I. Abita à payer au syndicat des copropriétaires de la [Adresse 7] la somme de 1 200 euros au titre de l'article l'article 700 du code de procédure civile du code de procédure et les dépens ;

- rejeté toutes autres demandes.

Le 1er juge a considéré que la société Abita a reconnu lors l'assemblée générale du 23 septembre 2019, en votant en faveur des résolutions concernées, que sa locataire avait installé des blocs de climatisation et un système d'extraction d'air sans aucune autorisation et que le règlement de copropriété n'était pas respecté s'agissant de trois hypothèses pour lesquelles des mesures sont sollicitées.

Selon déclaration reçue au greffe le 29 septembre 2020, la S.C.I. Abita a interjeté appel de cette décision en tous ses chefs expressément critiqués.

Sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire de l'ordonnance dont appel a été rejetée par le premier président de la présente cour par une ordonnance du 5 mars 2021.

Suite à la signification de l'ordonnance déférée effectuée le 10 septembre 2020, la S.C.I. Abita a, par exploit d'huissier du 26 novembre 2020, fait assigner devant le même juge des référés la SAS Le Vieux Port ainsi que le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 7], représenté par son syndic en exercice, aux fins notamment de voir condamner son locataire aux même condamnations que celles résultant de l'ordonnance entreprise du 10 septembre 2020.

Par ordonnance du 24 juin 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Grasse a :

- rejeté les moyens d'irrecevabilité soulevés par la société Le Vieux Port ;

- condamné la société Le Vieux Port, sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé le délai de 8 jours suivant la signification de l'ordonnance, à retirer les blocs de climatisation installés sans autorisation de l'assemblée générale et à réaliser un coffrage des câbles qui relient le restaurant au bâtiment ou, à défaut, retirer lesdits câbles ;

- autorisé la S.C.I. Abita à faire procéder, à ses frais avancés pour le compte de qui il appartiendra, au retrait des blocs de climatisation, avec le concours d'un serrurier et de la force publique si besoin est, si la société Le Vieux Port n'y procédait pas elle-même dans un délai de 15 jours à compter de la signification de l'ordonnance ;

- condamné la société Le Vieux Port à payer à la S.C.I. Abita, sous astreinte de 1 000 euros par infraction constatée par huissier de justice en cas de violation du règlement de copropriété et dans les hypothèses suivantes :

* stationnement illicite de véhicules de fournisseurs de la société Le Vieux Port sur les allées communes et entrée et sortie de véhicules de fournisseurs de la société Le Vieux Port par le portail de la résidence [Adresse 7] située 23 avenue des Frères Roustan à Golfe-Juan ;

* diffusion de musique entendue hors des locaux et/ou susceptible de perturber le voisinage ;

- condamné la société le Vieux Port, sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé le délai de 8 jours suivant la signification de l'ordonnance, à retirer le système d'extraction d'air mis en place sans autorisation de l'assemblée générale ;

- autorisé le syndicat des copropriétaires [Adresse 7], pris en personne de son syndic, à faire procéder au retrait des blocs de climatisation et de l'extracteur d'air, et à faire coffrer les câbles reliant le restaurant à l'immeuble, si ces travaux n'étaient pas effectués ni par la société Le Vieux Port ni par la S.C.I. Abita dans un délai de 30 jours à compter de la signification de l'ordonnance ;

- condamné, dans cette hypothèse, in solidum la société Abita et la société Le Vieux Port à lui régler une somme provisionnelle de 3 124 euros à valoir sur le remboursement des frais engagés de ce chef ;

- condamné la société Abita à payer au syndicat des copropriétaires [Adresse 7], pris en personne de son syndic, à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure et aux entiers dépens ;

- condamné la société Le Vieux Port à relever et garantir la société Abita de cette condamnation, et à lui régler la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure ;

- condamné la société Le Vieux Port aux dépens ;

- dit n'y avoir lieu à référé en ce qui concerne la demande provisionnelle de dommages et intérêts formée par la société Le Vieux Port contre la société Abita ;

- rejeté le surplus des demandes.

Selon déclaration reçue au greffe le 6 juillet 2021, la société Le Vieux Port a interjeté appel de cette décision en tous les chefs expressément indiqués. L'affaire a été enrôlée sous le numéro de RG 21/10172. Il a été sollicité du président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, par acte d'huissier du 26 juillet 2021, l'arrêt de l'exécution provisoire.

Considérant l'existence d'un lien de connexité entre ces deux litiges et l'intérêt d'une bonne administration de la justice de les juger ensemble, et après avoir par note en délibéré recueilli les observations des parties, la cour a, par un arrêt avant dire droit en date du 18 novembre 2021 :

- révoqué l'ordonnance de clôture prononcée le 21 septembre 2020 ;

- ordonné la jonction des procédures enrôlées sous les numéros de RG 20/09295 et RG 21/10172 et dit que l'affaire sera poursuivie sous le numéro le plus ancien de RG 20/09295 ;

- ordonné la réouverture des débats à l'audience du 30 mai 2022, date à laquelle a été fixée l'affaire enrôlée sous le numéro de RG 21/10172 ;

- sursis à statuer sur les prétentions et moyens des parties ;

- réservé les dépens.

Par jugement en date du 26 mai 2020, le tribunal de commerce d'Antibes a ouvert une procédure de redressement judiciaire au profit de la SAS le Vieux Port et nommé la SCP B.T.S.G²., prise en la personne de maître [P] [G] en qualité de mandataire judiciaire. Par jugement de la même juridiction du 11 janvier 2022, la liquidation judiciaire de la SAS Le Vieux Port a été prononcée et la SCP B.T.S.G²., prise en la personne de maître [P] [G] nommée en qualité de liquidateur.

Par acte d'huissier en date du 11 avril 2022, la S.C.I. Abita a fait assigner en intervention forcée la SCP B.T.S.G²., prise en la personne de maître [P] [G], en qualité de liquidateur à la procédure de liquidation judiciaire de la SAS le Vieux Port.

Par conclusions déposées et notifiées le 5 avril 2022, la SCI Abita a conclu comme suit :

1- infirmer l'ordonnance du 10 septembre 2020 en toutes ses dispositions ;

- débouter le syndicat des copropriétaires de sa demande de « dire et juger que la société Abita pouvait et avait largement le temps compte tenu de la carence de son locataire de se faire autoriser à faire les travaux de dépose de la climatisation et de l'extracteur d'air » ;

- le débouter de toutes ses demandes ;

- le condamner à lui payer une provision de 1 500 euros à valoir sur le préjudice résultant de l'absence de mise en cause de la société Le Vieux Port ;

- ordonner que les dépens de la première instance soient laissés à la charge du syndicat des copropriétaires,

2- confirmer l'ordonnance de référé rendue le 24 juin 2021 sauf en ce qu'elle a :

- condamné, (dans l'hypothèse où le syndicat des copropriétaires [Adresse 7] ferait procéder au retrait des blocs de climatisation et de l'extracteur d'air, et ferait coffrer les câbles reliant le restaurant à l'immeuble), in solidum la société Abita et la société Le Vieux Port à lui régler une somme provisionnelle de 3 124 euros à valoir sur le remboursement des frais engagés de ce chef ;

- condamné la société Abita à payer au syndicat des copropriétaires [Adresse 7], pris en personne de son syndic, à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure,

En conséquence :

- rejeter les moyens d'irrecevabilité soulevés par la SAS le Vieux Port,

- autoriser la SCI Abita à faire procéder, à ses frais avancés et pour le compte de qui il appartiendra à la réalisation d'un coffrage des câbles reliant le restaurant au bâtiment de la copropriété et à défaut, à retirer lesdits câbles, avec le concours d'un serrurier et de la force publique si besoin est, si la SAS le Vieux Port n'y procède pas elle-même dans un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision à intervenir ;

- fixer à 3124 euros la créance à l'encontre de la SAS le Vieux Port au titre du remboursement des frais engagés par le syndicat des copropriétaires pour le retrait des blocs de climatisation et d'extracteurs d'air et les travaux de coffrage des câbles électriques réalisés ;

- condamner, dans l'hypothèse où la cour l'estimerait nécessaire, la SAS le Vieux Port à retirer les moteurs de chambres froides du restaurant ou les mettre en conformité du règlement de copropriété et à défaut d'exécution par celle-ci, autoriser la SCI Abita et le syndicat des copropriétaires à procéder au retrait ou à la mise en conformité à leur frais avancés ;

- faire droit à la demande de fixer une astreinte de 1000 euros à l'encontre de la SAS le Vieux Port par infraction constatée par huissier en cas de violation du bail et du règlement de copropriété dans les hypothèses retenues par l'ordonnance ;

- débouter la SAS le Vieux Port de tous ces chefs de demandes et de sa demande de dommages-intérêts de 5000 euros à son encontre,

- condamner le syndicat des copropriétaires à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et le débouter de ses demandes au titre des frais irrépétibles,

- fixer la créance de la SCI Abita à l'encontre de la SAS le Vieux Port sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à la somme de 3500 euros,

- fixer les entiers frais et dépens de l'instance à la charge de la SAS le Vieux Port, en ceux compris les frais de sommation de faire du 18 mars 2020, recouvrés en application de l'article 699 du code de procédure civile.

La S.C.I. Abita se prévaut en substance de l'impossibilité juridique et matérielle d'exécuter les condamnations prononcées à son encontre, considérant que les mesures ordonnées en première instance ne sont pas de nature à faire cesser le trouble manifestement illicite allégué par le syndicat des copropriétaires qui a mal orienté son action en n'assignant que la S.C.I. Abita et non la SAS le Vieux Port, de sorte que celui-ci a laissé perdurer les infractions du locataire.

Elle rappelle qu'en sa qualité de bailleur, elle n'a donné aucun accord au locataire pour l'installation des dispositifs litigieux et considère que le preneur a failli à ses obligations découlant du bail commercial.

La S.C.I. Abita expose que :

- elle ne peut légalement et matériellement exécuter les condamnations mises à sa charge et que les mesures ordonnées par le juge des référés ne sont pas à même de faire cesser le trouble manifestement illicite allégué par l'intimé dès lors qu'elle est dans l'impossibilité juridique et matérielle d'exécuter les condamnations prononcées à son encontre ; qu'elle ne peut détruire ce qui a été fait en violation du bail commercial et du règlement de copropriété que sur autorisation préalable du juge conformément aux dispositions de l'article 1222 du code civil ; que le juge des référés ne pouvait la condamner à déposer des blocs de climatisation et un extracteur d'air installés par la société Le Vieux Port qui ne lui appartiennent pas ; que, par ailleurs, elle expose être dans l'impossibilité matérielle d'empêcher sa locataire d'enfreindre le règlement de copropriété concernant le stationnement de véhicules et la diffusion de la musique, sauf à exiger d'elle qu'elle exerce une activité de police par une surveillance continue de son locataire ;

-elle estime que les astreintes prononcées à son encontre pour des condamnations qu'elle ne peut exécuter sont injustes ; qu'en outre, elle relève que, dans le cadre de la procédure de référé qu'elle a engagée le 26 novembre 2020, le syndicat des copropriétaires ne sollicitait plus l'enlèvement des câbles électriques reliant le restaurant au mur de l'immeuble mais la réalisation d'un coffrage des câbles, ce à quoi le juge des référés a fait droit dans son ordonnance du 24 juin 2021 ;

- enfin, s'agissant de l'injonction faire par le juge des référés de ne pas diffuser de musique dans le cadre de fêtes, événements et soirées, elle soulève une contestation sérieuse en ce qu'elle repose sur une stipulation du règlement de copropriété qui doit être réputée non écrite comme étant contraire aux articles 8 et 9 de la loi du 10 septembre 1965, en ce qu'elle pose une interdiction générale et absolue, ce qui est contraire à la destination de ses lots, et discriminatoire, comme n'étant destinée qu'aux lots réservés à l'usage de bar-café-restaurant ;

- le syndicat des copropriétaires, en ne mettant pas en cause sa locataire dans le cadre de son action en référé, est seul responsable du fait qu'elle ne puisse exécuter les condamnations prononcées à son encontre, sous astreinte, comme reposant sur des obligations illicites et impossibles, mais également du fait que les infractions commises par sa locataire ont perduré ; qu'elle considère que le juge des référés aurait dû débouter l'intimé de ses demandes en l'invitant à mettre en cause sa locataire ;

- le syndicat des copropriétaires a commis une faute en n'agissant qu'à son encontre alors qu'il s'était engagé à agir également contre le locataire lors de l'assemblée générale du 23 septembre 2019 ; qu'il n'a pas respecté les résolutions 26 et 29 en application de l'article 17 de la loi du 10 juillet 1965 ; qu'il pouvait très bien le faire sur le fondement des troubles anormaux de voisinage ou de la responsabilité extra-contractuelle en application des articles 1240 à 1241 du code civil ; que ces manquements justifient sa demande de provision ;

- sa bonne foi, en tant que bailleresse, résulte des diligences entreprises pour s'opposer au comportement réfractaire de sa locataire qui n'a eu de cesse de faire valoir des moyens non sérieux pour justifier son refus de respecter les clauses du bail commercial mises à sa charge, le règlement de copropriété et les résolutions de l'assemblée générale des copropriétaires du 23 septembre 2019 ; qu'elle explique, qu'à l'issue de l'assemblée générale qui s'est tenue le 23 septembre 2019 aux termes de laquelle les copropriétaires ont autorisé la société Abita et son locataire à déplacer les blocs extérieurs de climatisation dans un délai de 6 mois, à défaut de quoi mandat avait été donné au syndic d'exercer une action contre les deux aux fins d'obtenir l'interdiction, sous astreinte, des infractions au règlement de copropriété, elle a transmis à son locataire toutes les mises en demeure qui lui ont été adressées, a fait dresser un constat d'huissier le 8 janvier 2020 et a fait signifier à sa locataire une sommation de faire le 18 mars 2020.

Par conclusions déposées et notifiées le 12 mai 2022, le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 7] a conclu comme suit :

- débouter la société Abita de ses demandes et confirmer l'ordonnance du 10 septembre 2020 en toutes ses dispositions ;

- la condamner à lui payer la somme de 5 000 euros pour procédure abusive ;

- la condamner à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de

procédure civile ;

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance du 24 juin 2021 ;

- condamner la S.C.I. Abita au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'intimé fait valoir que :

- la société Le Vieux Port a entrepris des travaux sans aucune autorisation préalable de l'assemblée générale en violation de l'article 25 b) de la loi du 10 juillet 1965, et notamment en modifiant la façade du restaurant (avec la mise en place de deux colonnes agglos, d'un rideau métallique et des enseignes), en créant un système d'extraction de l'air chaud (avec installation d'une bouche d'évacuation dans un mur commun) et en fixant en face de l'entrée de l'immeuble deux blocs de climatisation de grande dimension, à l'origine d'un trouble esthétique, de nuisances sonores et d'un impact sur la végétation alentour avec l'air chaud qui se dégage ;

- le copropriétaire bailleur est de plein droit responsable des nuisances et travaux illicites de son locataire et, plus généralement, de toute violation du règlement ou des textes régissant la copropriété ; que la société le Vieux Port étant étrangère au syndicat des copropriétaires, seule la société Abita, copropriétaire bailleur, est tenue de faire respecter les obligations découlant du règlement de copropriété et de la loi de 1965 et, qu'à défaut de le faire, elle commet une faute ; que l'engagement d'une action en justice contre la société Abita, passé le délai de 6 mois sans que les blocs de climatisation ne soient retirés, a été voté lors de l'assemblée générale du 23 septembre 2019, étant observé, qu'en votant pour la résolution n° 25, l'appelante s'est obligée à l'égard du syndicat des copropriétaires ; qu'elle relève enfin qu'elle était en droit de n'engager son action qu'à l'encontre du copropriétaire bailleur au motif que le mandat donné par l'assemblée générale du 23 septembre 2019 ne concerne qu'une procédure au fond et non une procédure de référé pour laquelle aucune autorisation n'est nécessaire ;

- les blocs de climatisation et l'extracteur d'air sont en place depuis le printemps 2019 sans que rien n'a été fait, notamment dans le délai expirant le 23 mars 2020 imparti lors de l'assemblée générale du 23 septembre 2019, délai qui a été repoussé au 15 juin 2020 ; que la société Abita a attendu le 26 novembre 2020 pour exercer une action contre sa locataire ; que les diligences entreprises avant cette action se limitent à un courrier de rappel adressé au locataire le 24 décembre 2019 et une sommation du 18 mars 2020 suite à un constat d'huissier du 8 janvier 2020 ; que, malgré les termes de l'ordonnance du 24 juin 2021 l'autorisant à procéder aux travaux de dépose, dans le cas où la société Le Vieux Port et la société Abita ne le feraient pas, ces derniers n'ont toujours pas été faits au regard de l'attitude de la société Abita, qui a indiqué ne rien pouvoir faire en l'état de la procédure d'arrêt de l'exécution provisoire engagée par sa locataire, et du locataire qui, par ses menaces, a dissuadé l'huissier de justice d'entreprendre les travaux programmés le 11 août 2021 par l'entreprise choisie par la copropriété ;

- concernant la diffusion de musique et l'organisation de soirées avec écran géant, elle indique que la libre jouissance des parties privatives prévue par l'article 9 de la loi du 10 juillet 1965 ne doit se faire que dans le respect des droits des autres copropriétaires et de la destination de l'immeuble ; qu'aucune discrimination n'est également à déplorer s'agissant de la musique dès lors qu'il est habituel pour les règlements de copropriété de prévoir des restrictions particulières à la jouissance des propriétaires de lots commerciaux à usage de bar-restaurant, en termes de nuisances sonores et d'odeurs, et que le règlement de copropriété prévoit en page 12 l'interdiction de diffuser de la musique et la radio si cela ne peut être fait d'une façon très discrète sans gêner le voisinage.

Par conclusions déposées et notifiées le 13 mai 2022, la SCP B.T.S.G²., prise en la personne de maître [P] [G], ès qualités de liquidateur de la SAS le Vieux Port, a conclu comme suit :

- prendre acte qu'elle s'en rapporte à justice,

- condamner tout succombant à lui payer, ès qualités de liquidateur, la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ouvriers les dépens de l'instance.

Le liquidateur expose que la présente instance ne peut tendre qu'à la fixation de la créance au passif de la liquidation judiciaire de la SAS le Vieux Port, les parties étant irrecevables, en application de l'article L. 622-21 du code de commerce, à solliciter la condamnation de la société au paiement d'une somme d'argent.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

La cour rappelle, à titre liminaire, qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de 'dire et juger' qui ne sont pas, en l'espèce, des prétentions en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques, mais des moyens qui figurent par erreur dans le dispositif et non dans la partie discussion des conclusions d'appel.

Aux termes du bail commercial consenti à la SAS Le Vieux Port, celle-ci exploite en rez-de-jardin de la copropriété, des locaux commerciaux constitués d'une salle de restaurant, une cuisine et la jouissance privative d'une zone de 95 m² environ.

Ce jardin dont la locataire a la jouissance privative figure au règlement de copropriété comme étant une zone non aedificandi qui, ainsi que l'indique le syndicat des copropriétaires, a été transformée en terrasse carrelée surmontée d'une structure métallique scellée par les précédents exploitants afin de permettre la création d'une salle de restaurant supplémentaire.

Le syndicat des copropriétaires expose que préalablement à l'ouverture du restaurant, la S.C.I. Abita a autorisé sa locataire a réaliser des travaux d'aménagement du jardin. Ces travaux ne sont pas listés dans le bail, en contrepartie desquels le bailleur a consenti une franchise de loyers pendant quatre mois. Il est constant que la façade du restaurant a été modifiée et il a été installé des enseignes de dimensions inadaptées et surtout, créé un système d'extraction de l'air chaud par l'installation d'une évacuation dans un mur commun qui pour ce faire a été percé, ajoutant en outre que la locataire a fixé en façade de l'entrée sud de l'immeuble, deux blocs superposés de climatisation de grande dimension après avoir bouché l'ouverture du mur où ils sont fixés, tous ces travaux ayant été effectués sans autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires.

Ces installations, ainsi que les nuisances sonores et de production d'air chaud qu'elles occasionnent, ont fait l'objet de constats d'huissier établis à la requête du syndicat des copropriétaires mais également de plusieurs copropriétaires, les 4 et 8 avril 2019, les 6,9 et 10 mai 2019 et les 29 août, et les 3 et 5 septembre 2019.

Lors de l'assemblée générale des copropriétaires du 23 septembre 2019, les copropriétaires ont adopté la résolution n°25, dont la S.C.I. Abita présente à cette assemblée, résolution libellée comme suit :

« L'assemblée générale après avoir pris connaissance de la demande des époux [Z] selon son courrier joint à la convocation, décide de donner l'autorisation à la S.C.I. Abita et à son locataire de déplacer les blocs extérieurs des climatiseurs posés sans autorisation en façade de l'entrée Sud, soit en partie Nord du bâtiment principal soit en façade du restaurant donnant sur l'avenue des Frères Roustan exclusivement (exemple d'installation en annexe) dans un délai maximum de six mois. Les travaux seront exécutés à ses frais et devront être réalisés par les règles de l'art par une entreprise qualifiée, assuré pour effectuer ces travaux et qui fournira un descriptif précis projet final ».

Le procès-verbal d'assemblée générale mentionne également que M. [W], représentant la S.C.I. Abita, annonce qu'il va se mettre en relation dans les meilleurs délais avec son locataire afin de trouver la meilleure solution technique possible pour supprimer les nuisances existantes provoquées par l'installation actuelle ce à quoi, M. [Z] a répondu que la meilleure solution serait le déplacement de cette installation.

Dans la résolution suivante, l'assemblée des copropriétaires a donné l'autorisation au syndic d'agir à l'encontre de la S.C.I. Abita et de la SAS Le Vieux Port par toutes voies de droit pour l'enlèvement des blocs-moteurs extérieurs des climatiseurs posés à l'entrée sud si, dans le délai de six mois, le déplacement autorisé par la résolution précédente n'aura pas eu lieu. Enfin, dans les résolutions du 28 et 29, les copropriétaires ont autorisé le syndic à agir en justice pour faire sanctionner les infractions au règlement de copropriété. La S.C.I. Abita s'est opposée à ces trois résolutions.

Par lettre du 19 novembre 2019, le cabinet Volcanic Immo, syndic de la copropriété a demandé à la S.C.I. Abita que, conformément à la résolution adoptée lors de l'assemblée générale du 23 septembre 2019, les moteurs de climatisation soient déposés dans un délai de six mois et posés à un emplacement qui recueillera l'assentiment des copropriétaires.

Par lettre du 18 décembre 2019, le cabinet Volcanic Immo, a rappelé à la S.C.I. Abita les résolutions votées lors de la dernière assemblée générale et signalé plusieurs infractions au règlement de copropriété commises par la locataire.

Par lettre du 24 décembre 2019, la société Gestionna a invité la SAS Le Vieux Port à lui transmettre des propositions de déplacement des climatiseurs avant le 31 janvier 2020.

La S.C.I. Abita produit un procès-verbal de constat dressé le 8 janvier 2020, lequel constate la présence de deux unités extérieures de climatisation en fonctionnement sur le mur de façade Ouest du restaurant.

Dans une lettre du 29 janvier 2020, le syndic signalait à nouveau à la S.C.I. Abita la réitération d'infractions au règlement de copropriété de sa locataire qui continuait d'effectuer ses livraisons en passant par les parties communes.

Il est constant que malgré la remise de deux devis datés du 6 février 2020 relatifs au déplacement des climatisations, aucun début de travaux ne sera effectué avant la période de confinement du 17 mars 2020.

Le 18 mars 2020, la S.C.I. Abita a fait délivrer à la SAS Le Vieux Port un commandement visant la clause résolutoire du bail, d'avoir à respecter les obligations locatives de ce bail, acte par lequel ont été notifiés à la locataire le procès-verbal d'assemblée générale du 23 septembre 2019 outre les différents courriers des copropriétaires signalant les nuisances occasionnées par l'exploitation des locaux commerciaux.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 mai 2020, non réclamée par le destinataire, le conseil du syndicat des copropriétaires de la [Adresse 7] rappelait à la S.C.I. Abita le caractère définitif des résolutions adoptées par l'assemblée générale des copropriétaires et l'absence de respect du délai de six mois qui lui avait été imparti pour le déplacement des blocs de climatisation, l'informant que néanmoins que le syndicat acceptait de lui accorder un dernier délai jusqu'au 15 juin prochain avant poursuites judiciaires, lui demandant par ailleurs d'exhorter sa locataire à ne pas réitérer les infractions listées en annexe de l'ordre du jour de l'assemblée générale.

Le syndicat des copropriétaires, par l'intermédiaire de son conseil, a par lettre du 25 mai 2020, adressé copie de sa précédente lettre au gestionnaire des locaux commerciaux de la S.C.I. Abita, la société Gestionna.

En l'absence de réponse et d'exécution des travaux sollicités, le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 7] a, par acte d'huissier du 1er juillet 2020, fait assigner la S.C.I. Abita aux fins de la voir condamner, sous astreinte, à l'enlèvement des installations litigieuses.

Pour la seconde fois, le 27 juillet 2020, la S.C.I. Abita a fait constater par huissier que les unités de climatisation se trouvaient toujours sur le mur de façade de la résidence.

Le 21 septembre 2020, le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 7] a fait signifier à la S.C.I. Abita l'ordonnance de référé réputée contradictoire rendue le 10 septembre 2020.

L'ordonnance du 10 septembre 2020 :

La S.C.I. Abita fait grief au premier juge de l'avoir condamnée, sous astreinte, à retirer les blocs de climatisation installés sans autorisation de l'assemblée générale, sans lui enjoindre d'obliger son locataire à procéder à ce retrait, auquel elle indique, au visa de l'article 1222 du Code civil, qu'elle ne pouvait procéder elle-même que sur autorisation préalable du juge.

L'appelante considère que l'ordonnance du 10 septembre 2020 ne pouvait valoir autorisation judiciaire de déposer les blocs climatisations en ce que, selon l'article 1355 du Code civil, l'autorité de la chose jugée est relative et ne concerne que les parties au procès et que dès lors que la SAS Le Vieux Port n'était pas partie à la procédure de référé, ladite ordonnance lui est inopposable.

La lecture du bail commercial signé entre la S.C.I. Abita et la SAS Le Vieux Port enseigne que la locataire a reçu copie du règlement de copropriété et la clause 9.4.4. prévoit que si les locaux loués dépendent d'un ensemble immobilier soumis au statut de copropriété, le preneur s'oblige à respecter et à faire respecter les obligations découlant du règlement ou de la copropriété de l'immeuble.

Il est prévu à la clause 9.2.1. relative aux travaux, qu'à défaut pour le preneur d'effectuer lui-même les travaux de réparations et de remplacement mis à sa charge par les clauses du bail, le bailleur pourra les faire exécuter en ses lieu et place dans un délai de 30 jours à compter d'une mise en demeure notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception contenant un état estimatif et chiffré des travaux à réaliser.

Cette clause ne fait aucunement référence à une autorisation préalable du juge, le bailleur disposant d'un titre privé pour faire exécuter et respecter les clauses du bail, ce que la S.C.I. Abita pouvait tout à fait exécuter ensuite de l'autorisation qui lui a été donnée par l'assemblée générale des copropriétaires le 23 septembre 2019, au rappel de ce qu'elle a voté favorablement en faveur de cette résolution sans opposer alors une quelconque impossibilité matérielle.

Alors qu'elle se prévaut d'une impossibilité d'exécuter l'ordonnance du 10 septembre 2020, qu'elle a fait constater l'absence d'exécution des travaux par sa locataire à deux reprises et relevé le caractère infructueux du commandement délivré à celle-ci le 18 mars 2020, et ainsi que le fait observer le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 7], ce n'est que le 26 novembre 2020 que la S.C.I. Abita a engagé une procédure à l'encontre de sa locataire.

La S.C.I. Abita reproche également au syndicat des copropriétaires de n'avoir pas mis en cause la SAS Le Vieux Port pour conférer une quelconque utilité à l'ordonnance du 10 septembre 2020.

L'intimé fait valoir à bon droit que le recours contre le locataire n'est pas une obligation en ce que le bail lui est par principe inopposable et rappelle que dans ses rapports avec le syndicat des copropriétaires, le copropriétaire bailleur est de plein droit responsable, par application des dispositions d'ordre public de l'article 9 de la loi du 10 juillet 1965, des infractions mêmes ignorées de lui au règlement de copropriété et à la dite loi commises par le locataire de ses lots, sauf son recours contre celui-ci.

En conséquence de quoi, il n'y a pas lieu à référé sur la demande de la S.C.I. Abita de condamnation du syndicat des copropriétaires de la [Adresse 7] au paiement d'une provision à valoir sur un préjudice qui résulterait de l'absence de mise en cause de la SAS Le Vieux Port qu'elle pouvait elle-même attraire à la procédure. Par ailleurs, la créance indemnitaire dont se prévaut l'appelante au titre d'une faute du syndicat des copropriétaires tenant à son obligation et sa responsabilité d'exécuter la décision de l'assemblée générale des copropriétaires d'agir également contre le locataire, ne relève pas d'une obligation non sérieusement contestable du syndicat des copropriétaires et dès lors excède les pouvoirs du juge des référés.

N'ayant pas tiré les conséquences de l'inertie de la SAS Le Vieux Port à exécuter les travaux qui lui étaient demandés, c'est à bon droit que le copropriétaire bailleur, en l'espèce la S.C.I. Abita, a été condamnée à mettre fin, sous astreinte, aux infractions contrevenant au règlement de copropriété commise par son locataire.

Concernant la mise en place de câbles reliant le restaurant et les murs de l'immeuble, le syndicat des copropriétaires expose n'avoir réclamé dans l'instance ayant donné lieu à l'ordonnance du 24 juin 2021, que leur coffrage et non leur suppression. Il n'y a donc pas lieu à référé sur la demande du syndicat des copropriétaires de la [Adresse 7] relative à la mise en place des câbles reliant le restaurant et les murs de l'immeuble.

L'ordonnance du 10 septembre 2020 sera en conséquence de quoi infirmée en ce qu'elle a condamné la S.C.I. Abita au paiement d'une astreinte de 1 000 euros par infraction constatée par huissier concernant la mise en place desdits câbles.

Concernant l'interdiction de diffusion de musique, la S.C.I. Abita fait valoir que cette interdiction est contraire aux articles 8 et 9 de la loi du 10 juillet 1965, relevant que cette interdiction, générale et absolue, n'est pas limitée aux cas où la diffusion de musique causerait des nuisances aux autres occupants de la copropriété, y ajoutant qu'elle est en outre contraire à la destination des lots expressément réservée à l'usage de bar-café-restaurant.

Ces dispositions prévoient que le règlement de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celles qui seraient justifiées par la destination de l'immeuble et que chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot dont il use et jouit librement, ainsi que des parties communes, sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble.

Le syndicat des copropriétaires fait valoir qu'aux termes du règlement de copropriété, et prévoit qu'aucun instrument de musique, pick-up, ni danse, ne seront tolérés dans la partie du jardin comme du reste à l'intérieur du bar-café- restaurant.

Ces mesures restrictives de l'usage des parties privatives sont justifiées par la destination bourgeoise de l'immeuble constitué de lots à usage d'habitation comme indiqué au règlement de copropriété. Elles ne contreviennent de plus pas à la destination des locaux commerciaux loués à usage exclusif de restauration sur place et à emporter.

C'est par conséquent à bon droit que le premier juge, retenant l'infraction au règlement de copropriété quant à la diffusion de musique dans les locaux commerciaux, a fait droit à la demande de condamnation de la S.C.I. Abita sous astreinte.

Enfin, c'est par une juste appréciation des éléments de fait et de droit du litige que le premier juge, tenant à la constatation de nuisances sonores résultant de l'utilisation des blocs climatisations et du système d'extraction d'air, a retenu que l'existence d'une obligation à indemnisation de la S.C.I. Abita n'était pas sérieusement contestable et a fait droit à la demande en paiement d'une somme de 1500 euros à titre provisionnel.

Sous réserve de la mise en place d'un câble reliant le restaurant les murs de l'immeuble, l'ordonnance du 10 septembre 2020 sera confirmée en ses autres dispositions.

L'ordonnance du 24 juin 2021 :

Il est rappelé que la SCP B.T.S.G²., ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Le Vieux Port, s'en est rapportée à justice dans ses conclusions et que le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 7] a sollicité la confirmation de cette ordonnance en toutes ses dispositions.

La S.C.I. Abita a formé appel incident et critiqué deux chefs de la décision déférée à la cour relativement à sa condamnation au paiement de la somme provisionnelle de 3124 euros et à celle au titre des frais irrépétibles.

Le premier juge a en effet autorisé le syndicat des copropriétaires à procéder au retrait des blocs climatisations et de l'extracteur d'air, à faire coffrer les câbles reliant le restaurant un immeuble si ces travaux n'étaient pas effectués ni par la SAS Le Vieux Port ni par la S.C.I. Abita dans un délai de 30 jours suivant la signification de l'ordonnance.

Cette dernière ne justifie pas avoir exécuté les travaux mis à sa charge, ayant été autorisée à faire procéder pour le compte de qui il appartiendra, au retrait des blocs de climatisation si sa locataire n'y procédait par elle-même, se retranchant derrière le comportement fautif de celle-ci.

Dans ces conditions d'inexécution, l'ordonnance sera confirmée du chef de la provision mise à la charge de la S.C.I. Abita pour la somme de 3124 euros à valoir sur le remboursement des frais engagés pour le retrait des installations litigieuses, la condamnation sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile s'avérant également justifiée.

Les demandes concernant la SAS Le Vieux Port et de fixation de sommes :

Il est rappelé qu'aux termes de l'ordonnance du 24 juin 2021, la SAS Le Vieux Port a été condamnée au paiement de diverses sommes, à savoir in solidum avec la société Abita au paiement au syndicat des copropriétaires de la [Adresse 7] d'une somme provisionnelle de 3 124 euros à valoir sur le remboursement des frais engagés du chef du retrait des installations litigieuses, à relever et garantir la société Abita de sa condamnation à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure outre une somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure et les dépens.

À la date de l'assignation délivrée par la S.C.I. Abita le 26 novembre 2020, une procédure de redressement judiciaire avait déjà été ouverte au profit de la SAS le Vieux Port par jugement du tribunal de commerce d'[Localité 6] en date du 26 mai 2020 et la SCP B.T.S.G²., prise en la personne de maître [P] [G], nommée en qualité de mandataire judiciaire. Par jugement de la même juridiction du 11 janvier 2022, la liquidation judiciaire de la SAS Le Vieux Port a été prononcée et la SCP B.T.S.G²., prise en la personne de maître [P] [G] nommée en qualité de liquidateur.

Celui-ci fait valoir que l'instance ne peut tendre qu'à la fixation de la créance au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Le Vieux Port et qu'en application des dispositions de l'article L. 622-21 du code de commerce, les parties à l'instance sont irrecevables à solliciter la condamnation de la SAS Le Vieux Port au paiement d'une somme d'argent.

Selon l'article L. 622-21-I du code de commerce, applicable également à la liquidation judiciaire selon l'article L. 641-3 du même code, le jugement d'ouverture suspend ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance a son origine antérieurement audit jugement et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent.

Aux termes de l'article L. 622-22 du code de commerce, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L. 626-5 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et la fixation de leur montant.

Si la reprise de l'instance au fond peut avoir lieu après la déclaration de la créance, il n'en est pas de même de l'instance en référé, qui est définitivement interrompue.

En effet, l'instance en cours, interrompue jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance, est celle qui tend à obtenir, de la juridiction saisie du principal, une décision définitive sur le montant et l'existence de cette créance. Tel n'est pas le cas de l'instance en référé, qui tend à obtenir une condamnation provisionnelle de sorte que la créance faisant l'objet d'une telle instance doit être soumise à la procédure de vérification des créances et à la décision du juge-commissaire, sans que le juge des référés ne puisse accueillir la demande en l'état de l'arrêt des poursuites individuelles.

La procédure collective de liquidation judiciaire de la SAS Le Vieux Port a été ouverte au cours de l'instance d'appel après une décision du premier juge allouant ou condamnant à une provision.

En conséquence, la S.C.I. Abita ne peut voir fixer par le juge des référés le montant de sa créance et les demandes tant du syndicat des copropriétaires de la [Adresse 7] que de la S.C.I. Abita à l'égard de la SAS Le Vieux Port tendant à la condamnation de cette dernière à la somme provisionnelle de 3 124 euros à valoir sur le remboursement des frais engagés du chef du retrait des installations litigieuses, à relever et garantir la société Abita de sa condamnation à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure outre une somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure et les dépens, doivent être déclarées irrecevables, à l'exception de la condamnation à une astreinte provisoire qui ne tend pas au paiement par le débiteur d'une somme d'argent.

L'ordonnance du 24 juin 2021 est en conséquence de quoi infirmée des chefs de condamnation de la SAS Le Vieux Port au paiement d'une somme provisionnelle de 3124 euros, à relever et garantir la S.C.I. Abita de sa condamnation au syndicat des copropriétaires de la [Adresse 7] de la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de celle en paiement sur le même fondement, de la somme de 1200 euros et la condamnation aux dépens.

Demande nouvelle :

La S.C.I. Abita demande la condamnation, dans l'hypothèse où la cour l'estimerait nécessaire, de la SAS le Vieux Port à retirer les moteurs de chambres froides du restaurant ou les mettre en conformité du règlement de copropriété et à défaut d'exécution par celle-ci, d'autoriser la SCI Abita et le syndicat des copropriétaires à procéder au retrait ou à la mise en conformité à leur frais avancés.

L'appelante soutient que le syndicat des copropriétaires a formulé devant le premier juge une demande nouvelle concernant l'installation par la SAS Le Vieux Port de moteurs de chambre au froid fixés sur le mur extérieur.

La lecture de l'ordonnance du 24 juin 2021enseigne que cette question n'a pas été débattue et en tout état de cause pas tranchée, le syndicat des copropriétaires sollicitant la confirmation pure et simple de ladite ordonnance, de sorte qu'il n'y a pas lieu comme le sollicite l'appelante dans une formulation hypothétique, «de rajouter aux condamnations prononcées à l'encontre de la société Le Vieux Port», aucune condamnation n'étant en outre susceptible d'intervenir à l'encontre de cette société en liquidation judiciaire.

Les dommages intérêts et les frais irrépétibles :

Le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 7] sollicite la condamnation de la S.C.I. Abita à des dommages intérêts pour appel abusif sans expliciter sa demande de sorte que celle-ci ne peut être favorablement accueillie.

La S.C.I. Abita qui succombe en son recours, supportera la charge des frais irrépétibles exposés par elle au cours de l'instance d'appel en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile sur le fondement desquels elle est condamnée à payer au syndicat des copropriétaires de la [Adresse 7] la somme de 2000 euros.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Confirme l'ordonnance du 10 septembre 2020 prononcée par le juge des référés du tribunal judiciaire de Grasse, sauf en ce qu'elle a condamné la S.C.I. Abita au paiement d'une astreinte de 1000 euros par infraction constatée par huissier concernant la mise en place des câbles reliant le restaurant et les murs de l'immeuble ;

Confirme l'ordonnance du 24 juin 2021 sauf en ce qu'elle a condamné la SAS Le Vieux Port au paiement d'une somme provisionnelle de 3124 euros, à relever et garantir la S.C.I. Abita de sa condamnation au syndicat des copropriétaires de la [Adresse 7] de la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné la SAS Le Vieux Port au paiement, sur le même fondement, de la somme de 1200 euros et les dépens ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande du syndicat des copropriétaires de la [Adresse 7] relative à la mise en place des câbles reliant le restaurant et les murs de l'immeuble ;

Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de la S.C.I. Abita de condamnation du syndicat des copropriétaires de la [Adresse 7] au paiement d'une provision de 1500 euros ;

Déclare irrecevables les demandes syndicat des copropriétaires de la [Adresse 7] et de la S.C.I. Abita à l'égard de la SAS Le Vieux Port tendant à la condamnation de cette dernière à la somme provisionnelle de 3 124 euros à valoir sur le remboursement des frais engagés du chef du retrait des installations litigieuses, à relever et garantir la société Abita de sa condamnation à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure, au paiement d'une somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure et aux dépens ;

Dit n'y avoir lieu à fixer à 3124 euros la créance du syndicat des copropriétaires de la [Adresse 7] à l'encontre de la SAS le Vieux Port ;

Dit n'y avoir lieu à fixer l'astreinte provisoire mise à la charge de la SAS Le Vieux Port ;

Dit n'y avoir lieu à fixer la créance de la SCI Abita à l'encontre de la SAS le Vieux Port sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à la somme de 3500 euros et les entiers frais et dépens de l'instance ;

Dit n'y avoir lieu à condamner la SAS le Vieux Port à retirer les moteurs de chambres froides du restaurant ou les mettre en conformité du règlement de copropriété et à défaut d'exécution par celle-ci, d'autoriser la SCI Abita et le syndicat des copropriétaires à procéder au retrait ou à la mise en conformité à leur frais avancés ;

Déboute le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 7] de sa demande de dommages intérêts formée à l'encontre de la S.C.I. Abita ;

Déboute la S.C.I. Abita de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et la condamne, sur ce fondement, à payer au syndicat des copropriétaires de la [Adresse 7] la somme de 2000 euros ;

Condamne la S.C.I. Abita aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

La greffière,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-2
Numéro d'arrêt : 20/09295
Date de la décision : 01/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-01;20.09295 ?
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