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01/09/2022 | FRANCE | N°19/07779

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-6, 01 septembre 2022, 19/07779


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6



ARRÊT AU FOND

DU 01 SEPTEMBRE 2022



N° 2022/271





N° RG 19/07779



N° Portalis DBVB-V-B7D-BEIIN







[P] [F] [D] [K] [V]





C/



[H] [E]

SA SASP OLYMPIQUE DE MARSEILLE

Compagnie d'assurances AXA FRANCE SINISTRES ENTREPRISES-INSPECTION SIN CO RPO CONFIDENTIEL SITE DE [Localité 6]

Organisme CPAM DES BOUCHES DU RHO

Copie exécutoire délivrée

le :

à :



-M

e Sabrina KHEMAICIA



-Me Henri LABI















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 19 Mars 2019 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 18/04100.




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COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6

ARRÊT AU FOND

DU 01 SEPTEMBRE 2022

N° 2022/271

N° RG 19/07779

N° Portalis DBVB-V-B7D-BEIIN

[P] [F] [D] [K] [V]

C/

[H] [E]

SA SASP OLYMPIQUE DE MARSEILLE

Compagnie d'assurances AXA FRANCE SINISTRES ENTREPRISES-INSPECTION SIN CO RPO CONFIDENTIEL SITE DE [Localité 6]

Organisme CPAM DES BOUCHES DU RHO

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

-Me Sabrina KHEMAICIA

-Me Henri LABI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 19 Mars 2019 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 18/04100.

APPELANT

Monsieur [P] [F] [D] [K] [V]

ACTE transmis 27/10/2021 par signification (CE) décision incident

né le [Date naissance 1] 1977 à [Localité 5] (PORTUGAL),

demeurant [Adresse 7]

représenté par Me Sabrina KHEMAICIA, avocat au barreau de MARSEILLE, postulant et assisté par Me Olivier COSTA de la SELARL BISMUTH AVOCATS, avocat au barreau de LYON, plaidant.

INTIMES

Monsieur [H] [E],

demeurant [Adresse 4]

représenté et assisté par Me Henri LABI, avocat au barreau de MARSEILLE, postulant et plaidant.

SA SASP OLYMPIQUE DE MARSEILLE,

demeurant [Adresse 3]

représentée et assistée par Me Henri LABI, avocat au barreau de MARSEILLE, postulant et plaidant.

Compagnie d'assurances AXA FRANCE SINISTRES ENTREPRISES-INSPECTION SIN CO RPO CONFIDENTIEL SITE DE [Localité 6],

demeurant [Adresse 8]

représentée et assistée par Me Henri LABI, avocat au barreau de MARSEILLE, postulant et plaidant.

CPAM DES BOUCHES DU RHONE

Assignation (signification DA) le 17 juillet 2019, à personne habilitée,

demeurant [Adresse 2]

Défaillante.

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 17 Mai 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président

Madame Anne VELLA, Conseillère

Madame Sylvaine ARFINENGO, Président

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Charlotte COMBARET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 01 Septembre 2022.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 01 Septembre 2022,

Signé par Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président et Madame Charlotte COMBARET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS & PROCÉDURE

Joueur professionnel de football, M. [D] [K] [V] a été engagé par la SASP Olympique de Marseille le 22/08/2001 par contrat à durée déterminée de cinq ans du 01/07/2001 au 30/06/2006. Avant son transfert, il jouait pour le compte du Sporting-Club du Portugal.

M. [D] [K] [V] expose avoir éprouvé des douleurs lombaires sévères à la suite de manipulations vertébrales que M. [H] [E], kinésithérapeute salarié de l'OM, aurait effectuées les 05/08 et 07/08/2002.

Par ordonnance du 29/03/2013, le juge des référés de Marseille a commis M. [A] [S], aux fins d'expertise médicale. Le rapport d'expertise a été déposé le 01/03/2018.

Par assignation du 26/03 et 27/03/2018, M. [D] [K] [V] a engagé une action au fond en réparation du préjudice corporel subi à l'encontre de son ancien employeur, l'OM, de la SA AXA France, son assureur, et de M. [H] [E]. Il sollicitait l'annulation du rapport d'expertise du docteur [S], qui retenait un état antérieur, ainsi que le recours à une nouvelle mesure d'instruction.

La SASP Olympique de Marseille a été destinataire d'informations selon lesquelles M. [D] [K] [V] aurait, alors qu'il jouait pour le compte du Sporting Club du Portugal, procédé à trois déclarations d'accident de travail datées des 02/09/1999, 30/10/1999 et 20/10/2000. Une instance de conciliation a été menée par le magistrat de la section des Prud'hommes du tribunal d'instance de Porto (Portugal), dont la SASP Olympique de Marseille a été destinataire d'une copie.

Par jugement réputé contradictoire du 19/03/2019, le tribunal judiciaire de Marseille a':

- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en indemnisation de M. [D] [K] [V],

- déboute M. [D] [K] [V] de ses demandes,

- condamné M. [D] [K] [V] à payer à M. [E] une somme de 1.000,00 € de dommages-intérêts pour procédure abusive,

- condamné M. [D] [K] [V] à payer à la SASP Olympique de Marseille et à la SA AXA France, ensemble, une somme de 1.000,00 € de dommages-intérêts pour procédure abusive,

- condamné M. [D] [K] [V] aux dépens comprenant les frais de l'expertise ordonnée en référé,

- condamné M. [D] [K] [V] à payer à M. [E], la SASP Olympique de Marseille et la SASP Olympique de Marseille, ensemble, une somme de 3.000,00 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, et

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Pour statuer ainsi, le premier juge a retenu les éléments suivants':

- la prescription décennale (article 2226 du code civil) doit être écartée car le fait générateur invoqué a eu lieu le 03/08/2002, l'expertise judiciaire indique que des soins ont été prodigués jusqu'en 2004, la caisse primaire d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône a fixé la consolidation au 31/12/2013, la prescription a été valablement interrompue par l'assignation et l'ordonnance de référé-expertise respectivement datées des 05/10/2012 et 29/03/2013'; l'action au fond n'est pas prescrite puiqu'elle a été intentée le 26/03/2018';

- la demande d'annulation du rapport d'expertise ne peut prospérer car aucun manquement au principe du contradictoire n'est caractérisé, l'expert judiciaire ayant imparti un délai de quatre semaines aux parties pour formuler des dires'; M. [D] [K] [V] ne justifie pas de l'existence d'un dire auquel l'expert n'aurait pas répondu'; les attestations que M. [D] [K] [V] produit ne suffisent pas à remettre en cause un avis scientifique étayé';

- la demande de nouvelle expertise judiciaire'doit être rejetée': M. [E] justifie de ce que ses diplômes et sa formation l'habilitaient à procéder à des manipulations'; le sapiteur kinésithérapeute atteste de ce que celles-ci étaient nécessaires et conformes au protocole usuel'; la seule constatation d'un désaccord quant aux conclusions de l'expert n'autorise pas à conclure que ce dernier ait manqué à ses obligations'; enfin, M. [D] [K] [V] a manifestement dissimulé l'état antérieur tiré du litige l'opposant à son ancien club portugais, actuellement pendant devant la juridiction compétente lusitanienne';

- la demande de provision de M. [D] [K] [V] doit être rejetée, motif tiré de l'existence d'une contestation sérieuse, l'expert judiciaire n'ayant retenu aucun manquement professionnel du masseur kinésithérapeute

- la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive contre M. [D] [K] [V] doit en revanche être accueillie car son action indemnitaire était manifestement vouée à l'echec du fait': i) des conclusions médico-légales du rapport qui ne caractérisent aucune faute dans l'administration des soins prodigués à M. [D] [K] [V] et ii) de la dissimulation de l'existence d'un état antérieur et du contentieux judiciaire l'opposant à son club portugais.

Par déclaration enregistrée au greffe le 10/05/2019, M. [D] [K] [V] a interjeté appel du jugement du TGI de Marseille en ce qu'il a':

- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action,

- débouté M. [D] [K] [V] de toutes ses demandes,

- condamné M. [D] [K] [V] à payer à M. [H] [E] une somme de 1.000,00 € de dommages-intérêts pour procédure abusive,

- condamné M. [D] [K] [V] à payer à la SASP Olympique de Marseille et à la SA AXA France, ensemble, une somme de 1.000,00 € de dommages-intérêts pour procédure abusive,

- condamné M. [D] [K] [V] au paiement des dépens de l'instance en ce compris les frais d'expertise du référé,

- condamné M. [D] [K] [V] à payer à M. [H] [E], la SASP Olympique de Marseille et la SA AXA France, ensemble, une somme de 3.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Par ordonnance d'incident du 06/10/2021, le conseiller de la mise en état a':

- dit que la demande de sursis à statuer'est sans objet,

- ordonné à M. [D] [K] [V], dans le délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision, de remettre copie à la SASP Olympique de Marseille, la SA AXA France et M. [H] [E] les documents suivants':

1 - la déclaration d'accident de travail du 02/09/1999,

2 - la déclaration d'accident de travail du 30/10/1999,

3 - la déclaration d'accident de travail du 20/10/2000,

4 - l'acte introductif d'instance ayant saisi le tribunal d'instance de Porto,

5 - les conclusions du Sporting-Club, club sportif de M. [D] [K] [V] avant l'OM,

6 - les conclusions de Fidelidade, assureur putatif du Sporting Club portugais,

7 - la décision rendue par le tribunal d'instance de l'arrondissement de Porto.

- dit n'y avoir lieu à enjoindre à M. [D] [K] [V] de faire produire la traduction française des documents de langue espagnole et/ou portugaise,

- dit n'y avoir lieu à enjoindre à M. [D] [K] [V] d'administrer la preuve de l'effectivité de son domicile déclaré,

- dit n'y avoir lieu à assortir l'inexécution éventuelle de tout ou partie de cette décision d'une mesure d'astreinte,

- rappelé à M. [D] [K] [V] que la cour tirera toutes conséquences le moment venu d'un éventuel refus de communiquer les pièces demandées,

- débouté M. [D] [K] [V] de sa demande reconventionnelle d'injonction de communication de pièces sous astreinte'à l'encontre de M. [D] [K] [V], la MSA Provence Azur et la SA AXA France,

- débouté M. [D] [K] [V] de sa demande d'expertise judiciaire,

- dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les dépens de l'incident suivront le sort de l'appel.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions n°3 notifiées par RPVA le 03/05/2022, auxquelles il est renvoyé par application de l'article 455 du code de procédure civile pour un plus ample exposé des moyens et l'évaluation des préjudices, M. [D] [K] [V] demande à la cour de':

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :

' débouté M. [D] [K] [V] de l'ensemble de ses demandes,

' condamné M. [D] [K] [V] à payer à M. [E] une somme de 1.000,00 € de dommages-intérêts pour procédure abusive,

' condamné M. [D] [K] [V] à payer à la SASP Olympique de Marseille et la SA AXA France, ensemble, une somme de 1.000,00 € de dommages-intérêts pour procédure abusive,

' condamné M. [D] [K] [V] aux dépens comprenant les frais de l'expertise ordonnée en référé,

' condamné M. [D] [K] [V] à payer à M. [E], la SASP Olympique de Marseille et la SA AXA France, ensemble, une somme de 3.000,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

À titre principal';

- juger nul le rapport d'expertise du docteur [S],

À titre subsidiaire,

- ordonner une nouvelle expertise,

- désigner tel expert, avec mission de fournir à la cour tous éléments d'appréciation sur les responsabilités encourues, notamment au regard de la conformité aux règles de l'art des différentes interventions médicales, en explicitant les raisons pour lesquelles M. [D] [K] [V] a ressenti une vive douleur persistante après la manipulation de M. [E]'; établir si ce dernier pouvait pratiquer le geste à l'époque, s'il a donné à M. [D] [K] [V] toutes les informations nécessaires relatives à sa manipulation, s'il a recueilli son consentement exprès et, dans la négative, établir le préjudice de perte de chance et d'impréparation,

À titre très subsidiaire,

- juger que la cour n'est pas tenue par les conclusions de l'expert désigné,

- condamner M. [E] et la SASP Olympique de Marseille à réparation intégrale de l'ensemble des préjudices subis par M. [D] [K] [V] du fait des fautes commises, et pour ce faire,

- désigner un expert judiciaire aux fins d'évaluation des préjudices subis par la victime,

En tout état de cause,

- condamner solidairement les intimés au paiement d'une somme de 30.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, de première instance et d'appel.

Au soutien de ses demandes, M. [D] [K] [V] développe les moyens suivants :

' plusieurs attestations de praticiens compétents viennent contredire les conclusions de l'expert judiciaire':

- le rapport du 21/12/2004 que le docteur [T] a établi à sa demande conclut que suite à un épisode lombalgique banal, M. [D] [K] [V] a été victime d'une prise en charge thérapeutique initiale dangereuse, puis non adaptée, à l'origine d'un préjudice professionnel important. Bien que l'évolution actuelle soit plutôt favorable, nous n'avons aucune assurance que ce sportif de haut niveau puisse retrouver l'intégralité de ses moyens physiques antérieurs pour la pratique de son métier';

- le rapport du docteur [Z] du 05/02/2018 souligne l'absence de diagnostic réel quant à l'origine de la douleur, de tout avis médical préalable, de tout examen complémentaire préalable, d'un manque d'information du patient, et pointe une manipulation effectuée en méconnaissance de toutes ces précautions. Il relève aussi qu'au mois d'août 2002, seuls les médecins étaient habilités à effectuer des gestes manipulatifs avec thrust, conformément à l'article 2 de l'arrêté du 06/01/1962, c'est-à-dire «'toute mobilisation forcée des articulations et toute réduction de déplacement osseux, ainsi que toutes manipulations vertébrales, et, d'une façon générale, tous les traitements dits d'ostéopathie, de spondylothérapie (ou vertébrothérapie) et de chiropraxie'»';

- le certificat médical du docteur [G] du 04/09/2019 indique que «'la symptomatologie douloureuse des lésions lombaires pour lesquelles M. [D] [K] [V] a bénéficié d'une arthrodèse, était sans nul doute à l'origine du syndrome algique qu'il présentait depuis l'été 2002. La symptomatologie avait débuté en août 2002 dans les suites d'un accident du travail alors qu'il avait un poste de footballeur professionnel au sein de l'OM. Elle a été aggravée par une manipulation vertébrale'»';

- le rapport du docteur [R] du 20/12/2019 confirme l'absence d'information préalable indispensable dans ce type de manipulation, quelle que soit la formation ou l'éducation de la personne qui subit cet acte de manipulation, et fait état de la «'réalisation inappropriée de la manipulation en raison de l'apparition immédiate d'un syndrome iatrogène au niveau de la jonction thoraco-lombaire avec radiculopathie T12-L1, région qui n'était pas concernée par l'indication de la manipulation »';

' aucune dissimulation ne saurait être reprochée à M. [D] [K] [V] car le litige l'opposant au Sporting club au Portugal n'interfère pas avec le présent litige ; en tout état de cause, le tribunal judiciaire de Porto a récemment statué sur le fond du litige et a admis que le spondylolisthésis de M. [D] [K] [V] n'a jamais été dissimulé et que l'OM connaissait la situation antérieure du joueur'; ce jugement du 20/09/2021 condamne le Sporting club du Portugal à verser à M. [D] [K] [V] les sommes de 19.613,31 € et 39.357,20 €.

* * *

Aux termes de ses dernières conclusions récapitulatives n°3 notifiées par RPVA le 27/12/2021, auxquelles il est renvoyé par application de l'article 455 du code de procédure civile pour un plus ample exposé des moyens et sur l'évaluation des préjudices, M. [E], la SASP Olympique de Marseille et la SA AXA France demandent à la cour de':

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

- condamner M. [D] [K] [V] au paiement des sommes suivantes':

' 30.000,00 € de dommages-intérêts pour procédure abusive, sur le fondement de l'article 1240 du code civil,

' 5.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter M. [D] [K] [V] de sa demande provisionnelle,

À titre infiniment subsidiaire et avant dire droit,

- condamner M. [D] [K] [V] à communiquer l'ensemble de ses requêtes introductives d'instance et l'ensemble des décisions portugaises concernant son état de santé antérieur au contrat de travail, et ce sous astreinte de 500,00 € par jour de retard, ainsi que sa nouvelle adresse et sa nouvelle profession,

- juger que la cour se réservera la liquidation de l'astreinte,

En tout état de cause, condamner M. [D] [K] [V] aux entiers dépens, distraits au profit de Maître Henri Labi.

Au soutien de leurs demandes, M. [E], la SASP Olympique de Marseille et la SA AXA France développent les moyens suivants :

- M. [E] ayant la qualité de salarié de la SASP Olympique de Marseille, il ne saurait être assigné à titre personnel de sorte que les demandes de M. [D] [K] [V] qui le concernent sont irrevables';

- M. [D] [K] [V] a dissimulé l'existence d'un état antérieur concernant un spondylolisthésis et une blessure au genou droit'; le docteur [S], expert judiciaire, souligne expressément que cette lésion n'a été ni créée ni modifiée par la manipulation, laquelle était par ailleurs placée sous le signe de la nécessité';

- le sapiteur kinésithérapeute commis par le docteur [S] précise que le soin décrit par M. [E] a été pratiqué par ce dernier de façon consciencieuse et professionnelle suite à un diagnostic palpatoire, rigoureux. Ce diagnostic a conduit M. [E] à pratiquer ce geste qui paraît tout à fait adapté à l'état de santé de [P]'; il a été pratiqué selon un protocole tout à fait correct': ce geste est un geste d'ostéopathie, ne nécessitait pas de prescription';

- M. [D] [K] [V] été considéré guéri par la CPAM à la date du 31/12/2013 et a été apte à la pratique du football de haut niveau': il a d'ailleurs poursuivi sa carrière de footballeur jusqu'à son terme.

* * *

Assignée à personne habilitée le 17/07/2019 par acte d'huissier contenant dénonce de l'appel, la caisse primaire d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône n'a pas constitué avocat. Elle a communiqué le montant de ses débours définitifs.

* * *

La clôture a été prononcée le 03/05/2022.

Le dossier a été plaidé le 17/05/2022 et mis en délibéré au 01/09/2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nature de la décision rendue':

L'arrêt rendu sera réputé contradictoire, conformément à l'article 474 du code de procédure civile.

Sur la judiciarisation'des rappports entre M. [D] [K] [V] et l'OM':

M. [D] [K] [V] a été engagé par l'OM le 22/08/2001. Il soutient que les manipulations lombaires de M. [E] pratiquées les 05 et 07/08/2002 sont d'autant plus fautives que l'OM n'ignorait rien du spondylolisthésis en L5-S1 dont il souffrait depuis l'adolescence. La connaissance de cet état antérieur ne repose cependant que sur son affirmation et ne paraît guère cohérente avec les conditions financières très avantageuses de son transfert.

À la même époque, M. [D] [K] [V] a incriminé en outre les interventions chirurgicales du professeur [X] pratiquées à compter du 24/10/2002 pour traiter une pubalgie. Du 24/10/2002 au 31/12/2003, il a été pris en charge au titre de la législation sur les accidents du travail. Après avis conforme de la médecine du travail le 04/11/2014, il a repris une activité professionnelle normale et a renoué avec le football professionnel en Suisse et au Portugal, jusqu'à ce qu'il mette un terme à sa carrière sportive en 2009.

M. [D] [K] [V] a judiciarisé ses déboires de l'année 2002, faisant valoir qu'il avait dû cesser l'entraînement en raison des manipulations de M. [E] en août 2012. Dans un courrier du 03/10/2003 adressé au président de l'OM, le conseil de l'époque de M. [D] [K] [V] évoquait ainsi «'la manipulation sauvage faite par le physiothérapeute de l'Olympique de Marseille, à ce temps là ' M. [H] [E] ' et l'intervention chirurgicale, mal succédée, effectuée par le médecin indiqué par le club (Dr [X]), [M. [D] [K] [V]] s'est trouvé confronté avec de graves problèmes physiques qui l'empêchent d'exercer son métier'».

Sur la demande d'annulation du rapport d'expertise judiciaire du docteur [S]':

M. [D] [K] [V] fait grief au docteur [S] d'avoir fait preuve de partialité et d'avoir méconnu les principes essentiels d'impartialité et de respect du contradictoire. La demande de nullité du rapport d'expertise doit s'apprécier au regard des articles 112 à 125 du code de procédure civile.

La stratégie judiciaire de M. [D] [K] [V] a été tardive et placée sous le signe d'une certaine hésitation. Le professeur [X] a été visé puis exfiltré des opérations de référé-expertise (ordonnance de commission d'expert du 29/03/2013 rectifiée le 12/07/2013), alors que les opérations d'expertise qui dans un premier temps ne concernaient pas M. [E] lui ont été déclarées communes et opposables par ordonnance du juge des référés du 22/01/2016.

La décision du docteur [S] de suspendre les opérations d'expertise, et son échange de correspondance des 03/02/2014 et 18/03/2014 avec le juge chargé du suivi des mesures d'instruction, traduisent le désir d'impartialité de cet expert judiciaire et son souci de respecter le contradictoire à l'égard de toutes les parties au dossier.

Le rapport d'expertise du 18/01/2018 mentionne l'annulation, à la demande expresse de M. [D] [K] [V], de deux réunions d'accédit programmées les 10/10/2016 et 23/01/2017. Une troisième tentative de l'expert a permis d'organiser une réunion d'accédit le 25/09/2017, au cours de laquelle M. [D] [K] [V] était assisté de son médecin ostéopathe, le docteur [C] [Z], et de son conseil, Maître Romuald Palao. Un pré-rapport du 17/01/2018 a été diffusé, le docteur [S] accordant un délai de quatre semaines pour lui transmettre leurs dires le cas échéant.

M. [D] [K] [V] fait état d'un dire de son conseil du 09/02/2018 auquel il n'aurait pas été répondu et qui n'aurait pas davantage été annexé au rapport d'expertise. Ce que réfute le docteur [S]. M. [D] [K] [V] ne produit pas copie de l'accusé de réception signé de la main du destinataire, ce qui aurait donné du crédit à son propos.

L'âge de M. [E] au moment de l'expertise, quinze ans après son départ en retraite, peut expliquer la présence de son fils à ses côtés sans qu'il faille nécessairement y déceler un indice de la partialité du docteur [S]. Aucune atteinte particulière de cet expert aux principes essentiels de l'expertise n'est objectivée.

Sur la demande de nouvelle expertise judiciaire':

Il est constant que le magistrat justifie d'un motif légitime lorsque la méthode expertale et/ou les conclusions de l'expert précédemment désigné ne sont pas suffisamment objectivées,'claires et précises, ou encore lorsque se manifeste postérieurement au dépôt du rapport d'expertise tout fait nouveau se rattachant aux faits examinés par l'expert et de nature à amener ce dernier à reconsidérer tout ou partie de sa méthode et/ou de ses conclusions.

Le docteur [S] se voit reprocher un déficit de compétence technique et le manque de rigueur de son argumentation. M. [D] [K] [V] produit au soutien de sa démonstration une note de son médecin-conseil, le docteur [Z], qui a été étroitement associé aux opérations d'expertise.

Connaissance prise de l'avis sapiteur de M. [N], l'expert judiciaire indique que M. [E] a réalisé une manipulation spécifique de l'aile iliaque. Il a installé M. [P] en décubitus latéral gauche. M. [E] nous décrit la manoeure au cours de l'accédit': «'la jambe fléchie sert de bras de levier. On bloque les autres étages en imprimant une rotation jusqu'à la mise en tension de l'articulation sacro-iliaque. On exige une inspiration puis une expiration profonde. Puis, thrust, on appuie avec le pisiforme pour remettre la crête iliaque vers l'avant en utilisant vitesse et direction avec le poids du corps mais pas la force'». M. [N], désigné sapiteur, nous précise que cette manipulation correspond en tous points au protocole de manipulation centrée sur l'articulation sacro-iliaque telle qu'enseignée dans les écoles d'ostéopathie.

Le docteur [S] ajoute que M. [E] satisfaisait aux conditions de diplôme requises pour exercer en qualité d'ostéopathe pour l'OM depuis 1998. Répondant à une critique de M. [D] [K] [V], l'expert observe que M. [E] était habilité à pratiquer ce type de manipulation, geste qu'il répétait souvent, dont il maîtrisait parfaitement la technicité, et qu'il a veillé au préalable à procéder à un diagnostic palpatoire qualifié de rigoureux par M. [N]. L'intervention de M. [E] est estimée conforme aux données acquises de la science en 2002.

Le sapiteur précise que les gestes de M. [E] ont été pratiqués antérieurement à l'entrée en vigueur des décrets d'application de 2007 de la loi du 04/03/2002 sur les droits des patients, et qu'ils ne relevaient pas d'une quelconque prescription.

L'existence même d'une relation de cause à effet entre la manipulation de M. [E] et les douleurs exprimées par M. [D] [K] [V] est questionnée par le docteur [S], qui souligne que la manipulation de M. [E] concernait exclusivement l'articulation sacro-iliaque droite, et que les douleurs concernant L5-S1 ne sont pas liées à l'intervention de M. [E]. S'agissant du spondylolysthésis en L5-S1, le docteur [S] précise en effet que cette lésion antérieure n'a été ni créée ni même affectée en quoi que ce soit par le geste de M. [E].

Le certificat médical du docteur [G] et le rapport succint du docteur [H] [R] (rapport établi sur pièces) sont datés respectivement du 04/09/2019 et du 20/12/2019 et sont très largement postérieurs à la date d'expiration du délai utile pour transmettre des dires. Ces avis ne constituent aucunement un fait nouveau susceptible de justifier le recours à une nouvelle mesure d'instruction.

Est donc réfutée l'analyse du docteur [G] du 04/09/2019 (après dépôt du rapport d'expertise) selon laquelle'la symptomatologie douloureuse des lésions lombaires pour lesquelles M. [D] [K] [V] a bénéficié d'une arthrodèse a été aggravée par une manipulation vertébrale.

Est également réfutée la conclusion du rapport succint du docteur [R] du 20/12/2019 pour qui la manipulation de M. [E] s'est avérée inappropriée en raison de l'apparition immédiate d'un syndrome iatrogène au niveau de la jonction thoraco-lombaire avec radiculopathie T12-L1, région qui n'était pas concernée par l'indication de la manipulation.

Les conclusions du docteur [T] du 21/12/2004 ' qui évoquaient le risque d'un retentissement professionnel majeur de ce qui était analysé comme une prise en charge thérapeutique initiale dangereuse, puis non adaptée ' ne s'avèrent donc fondées'ni sur le plan du diagnostic ni sur le plan de l'incidence professionnelle. Le docteur [S] souligne en effet (page 12) que l'arthrodèse pratiquée le 26/07/2003 par le chirurgien a permis une régression de la symptomatologie et une reprise des activités sportives professionnelles du patient.

Une nouvelle expertise judiciaire n'apparaît pas justifiée.

Sur l'action en réparation du préjudice corporel :

L'action dirigée contre M. [E] concerne des soins que ce dernier a prodigués en qualité de salarié de la SASP Olympique de Marseille. Il n'est ni établi ni même soutenu que M. [E] ait agi en dehors ou à des fins étrangères à ses fonctions de préposé. Par suite, l'action de M. [D] [K] [V] ne peut prospérer à son encontre.

L'action dirigée contre l'OM et son garant se heurte aux conclusions argumentées du docteur [S] qui, si elles ne rencontrent pas l'assentiment de M. [D] [K] [V], conduisent la cour à retenir non seulement l'absence de faute de la part de M. [E], mais aussi l'absence de lien de cause à effet entre les soins prodigués et les douleurs invoquées. Le jugement entrepris est confirmé.

Sur la demande d'expertise aux fins d'évaluation des préjudices subis par M. [D] [K] [V]':

Sans objet.

Sur l'abus du droit d'agir en justice :

Il résulte de l'article 32-1 du code de procédure civile que l'usage du droit d'agir en justice, lorsqu'il dégénère en abus de droit, expose son titulaire au paiement de dommages-intérêts.

Il est constant que l'exercice même infructueux d'une action en justice ne caractérise pas par lui-même un abus de droit. En l'occurrence, l'action que M. [D] [K] [V] a engagé au Portugal concerne une blessure au genou et non un spondylolisthésis. Les deux instances judiciaires engagées en France et au Portugal n'avaient pas le même objet. L'exercice abusif par M. [D] [K] [V] de son droit d'agir en justice n'est pas caractérisé. Aucune indemnisation ne sera accordée, le jugement entrepris est infirmé de ce chef.

Sur les demandes annexes':

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles alloués à la victime doivent être confirmées.

M. [D] [K] [V] qui succombe dans ses prétentions supportera la charge des entiers dépens d'appel et ne peut, de ce fait, bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande d'allouer à M. [E], à la SASP Olympique de Marseille et à la SA AXA France la somme totale de 5.000,00 € au titre des frais irrépétibles qu'ils ont engagés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement entrepris, hormis en ce qu'il a condamné M. [D] [K] [V] au paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Statuant sur les points infirmés, et y ajoutant,

Déboute M. [E], la SASP Olympique de Marseille et la SA AXA France de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Condamne M. [D] [K] [V] à payer la somme totale de 5.000,00 € (cinq mille euros) à M. [E], la SASP Olympique de Marseille et la SA AXA France au titre des frais irrépétibles qu'ils ont engagés en cause d'appel.

Condamne M. [D] [K] [V] aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-6
Numéro d'arrêt : 19/07779
Date de la décision : 01/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-01;19.07779 ?
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