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01/09/2022 | FRANCE | N°19/07047

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-6, 01 septembre 2022, 19/07047


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6



ARRÊT AU FOND

DU 01 SEPTEMBRE 2022



N° 2022/273



N° RG 19/07047



N° Portalis DBVB-V-B7D-BEGAN







[S] [Z]

Compagnie d'assurances MUTUELLE DES MOTARDS





C/



[R] [M]

[H] [A] épouse [E]

Mutuelle MUTUELLE STREAM-TECHS

Organisme CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE

Mutuelle SOLIMUT MUTUELLE DE FRANCE





Copie exécutoire délivrée

le :

à :

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Me Martine VIDEAU-GILLI



Me Laure COULET













Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 25 Janvier 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 17/00560.





APPELANTS



M...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6

ARRÊT AU FOND

DU 01 SEPTEMBRE 2022

N° 2022/273

N° RG 19/07047

N° Portalis DBVB-V-B7D-BEGAN

[S] [Z]

Compagnie d'assurances MUTUELLE DES MOTARDS

C/

[R] [M]

[H] [A] épouse [E]

Mutuelle MUTUELLE STREAM-TECHS

Organisme CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE

Mutuelle SOLIMUT MUTUELLE DE FRANCE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Martine VIDEAU-GILLI

Me Laure COULET

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 25 Janvier 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 17/00560.

APPELANTS

Monsieur [S] [Z]

né le [Date naissance 3] 1987 à [Localité 11]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 5]

représenté et assisté par Me Martine VIDEAU-GILLI, avocat au barreau de NICE

Compagnie d'assurances MUTUELLE DES MOTARDS,

Prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 6]

représentée et assistée par Me Martine VIDEAU-GILLI, avocat au barreau de NICE

INTIMEES

Madame [R] [M]

née le [Date naissance 1] 1993 à [Localité 11],

demeurant [Adresse 9]

représentée et assistée par Me Laure COULET, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

Madame [H] [L] épouse [A]

née le [Date naissance 2] 1973,

demeurant [Adresse 8]

représentée et assistée par Me Laure COULET, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

MUTUELLE STREAM-TECHS,

[Adresse 4]

Assignée le 26/06/2019 à personne habilitée.

Défaillante.

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES ALPES MARITIMES,

[Adresse 7]

Assignée le 21/06/2019 à personne habilitée.

Défaillante.

Mutuelle SOLIMUT MUTUELLE DE FRANCE

[Adresse 10]

Assignée le 25/06/2019 à personne habilitée,

Défaillante.

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 18 Mai 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président

Madame Anne VELLA, Conseillère

Madame Fabienne ALLARD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Josiane BOMEA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 01 Septembre 2022.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 01 Septembre 2022,

Signé par Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président et Madame Charlotte COMBARET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS & PROCÉDURE

Le 27/02/2008 à [Localité 11], la jeune [R] [M], âgée de 14 ans, traversait la chaussée à pied lorsqu'elle a été renversée par une motocyclette que conduisait M. [Z], assuré auprès de la Mutuelle des Motards. Elle a subi des atteintes à la face et au membre inférieur droit.

Par ordonnances des 23/10/2008, 11/02/2011 et 25/06/2015, le juge des référés de Nice a commis à trois reprises le docteur [P], chirurgien ORL, qui s'est adjoint le concours du docteur [J], sapiteur, et du docteur [W], sapiteur psychiatre. Les rapports d'expertise judiciaire ont été déposés les 23/11/2009, 06/01/2010, 14/11/2011, 15/02/2012, 22/12/2011 et 05/04/2016, fixant la consolidation au 20/01/2016 et retenant un déficit fonctionnel permanent de 4'%.

Par acte d'huissier de justice des 07/12 et 08/12/2016, Mme [M] et Mme [A] a saisi le tribunal de grande instance de Nice d'une action en réparation du préjudice corporel subi, dirigée contre M. [Z] et son assureur, la Mutuelle des Motards, au contradictoire de la caisse primaire d'assurance-maladie des Alpes-Maritimes.

Par acte d'huissier de justice du 04/08/2017, Mme [M] et Mme [A] ont assigné en intervention forcée la mutuelle Solimut, Mutuelle de France.

Par acte d'huissier de justice du 29/03/2018, Mme [M] et Mme [A] ont assigné en intervention forcée la société Stream-Techs, qui n'est en réalité qu'une société chargée du recouvrement de la créance de la mutuelle Solimut, Mutuelle de France.

Par jugement réputé contradictoire du 25/01/2019, le tribunal de grande instance de Nice a':

- dit que l'indemnisation due par la Mutuelle des Motards en réparation des préjudices de Mme [M] s'élève à la somme globale de 129.461,00 €,

- condamné in solidum M. [Z] et la Mutuelle des Motards et M. [Z] à payer à Mme [M] la somme globale de 129.461,00 € en deniers ou en quittances en réparation de l'ensemble de ses préjudices, résultant de l'accident du 27/02/2008,

' dépenses de santé actuelles27.440,00 €

' assistance par tierce personne temporaire18.756,00 €

' dépenses de santé futures14.400,00 €

' préjudice scolaire, universitaire ou de formation2.970,00 €

' déficit fonctionnel temporaire 10.775,00 €

' souffrances endurées20.000,00 €

' préjudice esthétique temporaire20.000,00 €

' déficit fonctionnel permanent 7.120,00 €

' préjudice esthétique permanent8.000,00 €

- dit que les provisions déjà perçues par Mme [M] seront déduites de cette somme,

- condamné in solidum M. [Z] et la Mutuelle des Motards à payer à Mme [A] la somme de 10.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour son préjudice moral,

- condamné in solidum M. [Z] et la Mutuelle des Motards à payer à Mme [M] la somme de 3.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum M. [Z] et la Mutuelle des Motards aux entiers dépens de l'instance,

- déclaré le jugement opposable à la caisse primaire d'assurance-maladie des Alpes-Maritimes et à la caisse primaire d'assurance-maladie du Var,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- rejeté toutes les demandes, fins ou prétention plus amples ou contraires.

Par déclaration du 25/04/2019 dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, M. [Z] et la Mutuelle des Motards ont interjeté appel du jugement du tribunal judiciaire de Nice en ce qu'il a :

- dit que l'indemnisation due à Mme [M] au titre des conséquences de l'accident du 27/02/2008 s'élève à la somme de 129.461,00 €,

- condamné in solidum M. [Z] et la Mutuelle des Motards au paiement de la somme de 129.461,00 € à Mme [M],

- condamné in solidum M. [Z] et la Mutuelle des Motards au paiement de la somme de 10.000,00 € à Mme [A],

- rejeté le surplus des demandes en indemnisation,

- condamné in solidum M. [Z] et la Mutuelle des Motards au paiement à Mme [M] d'une somme de 3.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens de l'instance.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de leurs dernières conclusions récapitulatives d'appelants notifiées par RPVA le 29/07/2021, auxquelles il est renvoyé par application de l'article 455 du code de procédure civile pour un plus ample exposé des moyens et sur l'évaluation des préjudices, M. [Z] et la Mutuelle des Motards demandent à la cour de':

- infirmer le jugement entrepris en ce qui concerne les dépenses de santé actuelles et futures, le préjudice esthétique temporaire et définitif, l'assistance tierce personne, les souffrances endurées, le préjudice moral, le préjudice fonctionnel permanent,

- débouter Mme [M] et Mme [A] de leurs demandes, fins et conclusions,

- juger que la Mutuelle des Motards offre d'acquitter à Mme [M] les sommes suivantes en réparation du préjudice corporel subi':

' 28.775 € au titre des préjudices extra-patrimoniaux temporaires,

' 8.700,00 € au titre du préjudice extra-patrimonial permanent,

' 13.330,00 € au titre du préjudice patrimonial temporaire,

' 11.567,00 € au titre du préjudice patrimonial définitif,

- juger que les organismes sociaux devront produire aux débats le détail de leurs créances,

- déclarer opposable aux organismes sociaux l'arrêt à intervenir,

- réserver les dépens.

Au soutien de leurs demandes, M. [Z] et la Mutuelle des Motards font valoir notamment que :

- Mme [A] est irrecevable à agir en qualité de représentante légale de sa fille Mme [M] dans la mesure où cette dernière a accédé à la majorité légale le 01/09/2011, soit avant toute assignation au fond, ce qu'avait déjà relevé le juge des référés ; elle ne justifie pas d'un préjudice moral ou économique et n'en a jamais fait état pendant les opérations d'expertise';

- seul le rapport définitif du docteur [P] doit servir de fondement à la liquidation du préjudice corporel de Mme [M], qui ne saurait se prévaloir des versions antérieures';

- des provisions de 73.100,00 € ont déjà été versées (1.000,00 € le 15/04/2008, 20.000,00 € le 06/11/2008, 7.500,00 € le 12/10/2009, 40.000,00 € le 27/01/2011 et 4.600,00 € le 22/05/2013)';

- dépenses de santé actuelles : leur montant doit être réduit dans la mesure où il n'est pas justifié de ce qu'elles soient restées à la charge effective de la victime, dont la dentition présentait un état antérieur';

- préjudice scolaire, universitaire ou de formation': les résultats scolaires assez moyens de Mme [M] avant l'accident ne justifient pas de dépasser la somme de 2.970,00 € allouée par le premier juge';

- dépenses de santé futures': le mode de calcul de la victime n'est pas pertinent'; la Mutuelle des Motards offre de régler la somme de 11.367,00 €, dont il y a lieu de retrancher le montant des frais futurs pris en charge par la caisse primaire d'assurance-maladie.

* * *

Aux termes de ses dernières conclusions d'intimée et d'appel incident notifiées par RPVA le 14/10/2019, auxquelles il est renvoyé par application de l'article 455 du code de procédure civile pour un plus ample exposé et sur l'évaluation des préjudices, Mme [M] et Mme [A] demandent à la cour de':

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [Z] et la Mutuelle des Motards à indemniser Mme [M] et Mme [A] de leurs préjudices respectifs,

- condamner M. [Z] et la Mutuelle des Motards au paiement de la somme de 27.440,00 € en remboursement des dépenses de santé restées à la charge de Mme [M] (dont à déduire la somme de 301,00 € remboursée par la caisse primaire d'assurance-maladie),

- condamner M. [Z] et la Mutuelle des Motards au versement de la somme de 10.775,00 € au titre du déficit fonctionnel temporaire,

Et, statuant sur leur appel incident, réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :

' s'agissant de Mme [M]':

- limité le préjudice scolaire, universitaire ou de formation à la somme de 2.970,00 € correspondant au seul soutien scolaire dispensé.

- limité à hauteur de 14.400,00 € le montant des dépenses futures,

- limité à hauteur de 18.756,00 € le montant du préjudice lié à l'assistance temporaire par tierce personne,

- limité à 20.000 € le préjudice lié aux souffrances endurées,

- limité à 7.120,00 € le préjudice lié au déficit fonctionnel permanent,

- limité à 20.000,00 € le montant alloué au titre du préjudice esthétique temporaire,

- limité à 8.000,00 € le préjudice esthétique permanent,

' s'agissant de Mme [A]':

- limité à 10.000,00 € la réparation du préjudice moral subi,

- rejeté sa demande d'indemnisation au titre de la perte de revenus,

En conséquence,

' s'agissant de Mme [M] :

- condamner M. [Z] et Mme [M] au paiement des sommes suivantes (dont à déduire la somme de 67500,00 € déjà versée à titre de provision)

' assistance tierce personne : 37.404,00 €

' préjudice scolaire, universitaire ou de formation': 29.640,00 €

' dépenses de santé futures : 18.000,00 €

' souffrances endurées': 65.000,00 €

' préjudice esthétique temporaire : 55.000,00 €

' déficit fonctionnel permanent : 21.000,00 €

' préjudice esthétique permanent : 10.500,00 €

' s'agissant de Mme [A]':

- condamner M. [Z] et la Mutuelle des Motards à payer à Mme [A] les sommes suivantes :

' préjudice moral : 20.000,00 €

' préjudice économique résultant de la perte de salaire : 12.250,00 €

' condamner M. [Z] et la Mutuelle des Motards à verser à Mme [M] la somme de 5.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL Valentini & Paoletti, sur ses offres de droit.

Au soutien de leurs demandes, Mme [M] et Mme [A] font notamment valoir ceci :

' s'agissant de Mme [M]':

- dépenses de santé actuelles': le montant de certains soins non remboursés était si élevé que les médecins concernés (docteurs [I], [O], [G] et [C]) en ont fait l'avance, ce qui explique l'absence de justificatifs de paiement par Mme [M]'; compte tenu de l'ancienneté du litige, il est difficile de savoir très exactement ce qui a été remboursé ou non, Madame [M] n'en ayant plus aucun souvenir, ni traces écrites';

- préjudice scolaire, universitaire ou de formation': Mme [M] était en classe de quatrième'; l'accident a eu un retentissement de l'accident sur son cursus scolaire en ce qu'elle a doublé sa classe de troisième et n'a pu accéder à un bac général et entreprendre des études pour devenir infirmière'; elle n'a pu s'inscrire qu'en BEP carrières sanitaires et sociales, et a subi une perte de chance';

- dépenses de santé futures': le docteur [P] admet la nécessité du remplacement de quatre couronnes à trois reprises eu égard à l'âge de la victime'; quoique supérieur à la somme de 11.567,00 € offerte par la Mutuelle des Motards, la somme de 14.400,00 € ne prend pas suffisamment en compte l'évolution du coût de la vie'et doit être portée à 18.000,00 € ;

' s'agissant de Mme [A]':

- le préjudice moral d'une mère du fait de l'accident subi par son enfant ne saurait être contesté par la Mutuelle des Motards';

- le préjudice économique subi résulte de ce qu'elle a dû réduire son activité professionnelle d'aide-soignante en passant à 80 % du 01/01/2011 au 31/12/2013, soit une perte nette de 1700,00 € x 20'% x 35 mois = 12.250,00 €'; c'est de façon très contestable que le premier juge a considéré qu'aucun lien de cause à effet n'existe entre l'accident de 2008 de la fille et la réduction du taux d'activité de la mère entre 2011 et 2013, car Mme [M] a subi pendant cette période de nombreux soins dentaires et a subi une des greffes osseuses impliquant un suivi post-opératoire.

* * *

Assignée à personne habilitée le 21/06/2019 par acte d'huissier contenant dénonce de l'appel, la caisse primaire d'assurance-maladie des Alpes-Maritimes n'a pas constitué avocat. Elle a communiqué le montant de ses débours définitifs, s'élevant à la somme de 28.078,53 €, compte arrêté au 04/11/2019.

* * *

Assignée à personne habilitée le 25/06/2019 par acte d'huissier contenant dénonce de l'appel, la mutuelle Solimut Mutuelle de France n'a pas constitué avocat. Le cabinet Stream-Techs agissant en qualité de mandataire a communiqué un décompte de créance définitive de 1374,72 €, compte arrêté au 30/05/2018.

* * *

La clôture a été prononcée le 03/05/2022.

Le dossier a été plaidé le 18/05/2022 et mis en délibéré au 01/09/2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nature de la décision rendue':

L'arrêt rendu sera réputé contradictoire, conformément à l'article 474 du code de procédure civile.

Sur le droit à indemnisation':

Le droit de Mme [M] à indemnisation intégrale du préjudice corporel subi sur le fondement des dispositions de la loi du 05/07/1985 n'a jamais été contesté. Seule est discutée en cause d'appel l'évaluation de ce préjudice.

Sur l'étendue du préjudice corporel':

Données médico-légales':

Aucune critique médicalement fondée n'est formulée contre le rapport d'expertise médicale du docteur [P] du 05/04/2016, comportant un avis du 15/02/2012 du docteur [J], sapiteur orthopédique. Ce rapport constitue une base valable d'évaluation des préjudice subis par Mlle [M].

Le docteur [J] conclut comme suit':

- déficit fonctionnel temporaire'total et partiel : 21 jours à 100'%, 1,5 mois à 75'%, 12 mois à 50'%, 8,5 mois à 25'% et 10,5 mois à 10'%

- souffrances endurées': 4/7

- préjudice esthétique temporaire': 3/7

- assistance par tierce personne temporaire': 2 heures par jour du 27/02/2008 au 01/08/2009

- consolidation': 31/12/2010

- déficit fonctionnel permanent': 3'% (membre inférieur droit)

- préjudice esthétique permanent': 2/7 (séquelles cicatricielles et osseuses)

- assistance par tierce personne temporaire': 18 mois

- préjudice d'agrément': difficultés pour le patin à glace

- préjudice scolaire': oui (redoublement classe de 3ème)

- préjudice sexuel': non évoqué

- préjudice d'établissement': non évoqué

Le docteur [P] conclut comme suit :

- dépenses de santé actuelles': greffe osseuse (deux opérations réalisées par le docteur [O]), implants avec couronnes, traitement orthodontique (50'% compte tenu d'un état antérieur)

- perte de chance pour passer un CAP de coiffure

- dépenses de santé futures': changement possible de 4 couronnes (à trois reprises compte tenu de l'âge de la patiente)

- déficit fonctionnel temporaire'total : 2 x 3 jours (prise de greffe en clinique)

- déficit fonctionnel temporaire partiel': 4'% 1 mois après dernière opération, dégressif jusqu'à consolidation

- souffrances endurées': 4/7

- préjudice esthétique temporaire': 4,5/7

- consolidation': 20/01/2016

- déficit fonctionnel permanent maxillo-facial': 1'% en plus de l'orthopédie (soit 4%)

- préjudice d'agrément': non

- préjudice esthétique permanent': 0,5/7 en plus de l'orthopédie (un geste sur la gencive devrait abaisser voire annuler ce taux en modifiant faiblement le préjudice lié à la douleur) (soit 2,5/7)

- autres préjudices': sans objet

- préjudices extra-patrimoniaux évolutifs hors consolidation': sans objet

Données chronologiques :

Date de naissance':01/09/1993

Date du fait générateur :27/02/2008

Date de la consolidation':20/01/2016

Date de la liquidation':01/09/2022

Durée en années de la période avant consolidation :7,896

Durée en années de la période consolidation / liquidation':6,615

Age'lors du fait générateur :14

Age'lors de la consolidation :22

Age'lors de la liquidation :29

Sur l'indemnisation du préjudice de Mlle [R] [M] :

Le propre de la responsabilité civile est de rétablir, aussi exactement que possible, l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit, sans qu'il n'en résulte pour elle ni perte ni profit.

L'évaluation doit intervenir au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime au moment de l'accident (14 ans), de la consolidation (22 ans), de la présente décision (29 ans) et de son activité (lycéenne), afin d'assurer la réparation intégrale du préjudice et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

L'évaluation du dommage doit être faite au moment où la cour statue. Nécessaire au chiffrage des indemnités réparant des préjudices futurs, la capitalisation s'effectuera, selon des paramètres connus au jour de la liquidation et grâce au barème de capitalisation publié par la Gazette du Palais le 15/09/2020, qui est le plus approprié au regard des données démographiques, économiques et monétaires les plus récentes. Il s'agit là d'une appréciation souveraine des juges du fond.

Le juge ne se prononce que sur ce qui est demandé. Il ne peut allouer à la victime une somme supérieure au montant demandé, ou inférieure au montant admis par le responsable. Sous le bénéfice de ces observations, le préjudice corporel de'Mlle [M] doit être évalué comme suit.

I. PRÉJUDICES PATRIMONIAUX

a) préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

Dépenses de santé actuelles (DSA)': 0,00 €

Ce poste est constitué des frais médicaux et pharmaceutiques, frais de transport, massages, appareillage respectivement pris en charge par la caisse primaire d'assurance-maladie des Alpes Maritimes, soit 25.230,97 €, et par la mutuelle Solimut, soit 1.374,72 €.

Mlle [R] [M] invoque toutefois un reste à charge de 27.440,00 € correspondant à diverses prestations de santé. La charge de la preuve du paiement effectif desdites dépenses lui incombe, en tout état de cause. Or, elle admet expressément dans ses dernières conclusions que compte tenu de l'ancienneté du litige, il est difficile de savoir très exactement ce qui a été remboursé ou non, Madame [M] n'en ayant plus aucun souvenir, ni traces écrites.

Par suite, aucune somme ne lui revient. Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Assistance par tierce personne temporaire'(ATPT) : 18.756,00 €

Il est constant que les frais de tierce personne temporaire constituent un poste distinct du poste frais divers de la nomenclature Dintilhac.

Ce poste correspond à l'aide périodique nécessaire pour que la victime puisse accomplir les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité et sa dignité, suppléer sa perte d'autonomie.

Les dépenses de tierce personne temporaire que la victime a supportées sont nées directement et exclusivement de l'accident. En application du principe de la réparation intégrale et quelles que soient les modalités choisies par la victime, le tiers responsable est tenu d'indemniser le recours à cette aide humaine indispensable qui ne saurait être réduit en cas d'aide familiale ni subordonné à la production des justificatifs des dépenses effectuées.

Le docteur [J] précise que la victime a eu besoin d'une aide humaine non spécialisée à raison de deux heures par jour du 27/02/2008 au 01/08/2009, soit pendant 521 jours.

Mme [M] conteste cette durée, estimant que c'est la consolidation fixée au 31/12/2010 qui doit constituer le terme de l'aide humaine accordée.

La mutuelle des motards conteste quant à elle le taux horaire de 18,00 € appliqué par le premier juge, et conclut à sa réduction à la somme de 10,00 €.

Il n'apparaît pas justifié de remettre en cause la durée de l'aide humaine préconisée par le docteur [J], soit 521 jours, pas plus que son coût horaire fixé à 18,00 € par le premier juge.

L 'indemnité de tierce personne s'établit à la somme de 18.756,00 €.

b) préjudices patrimoniaux permanents après consolidation

Dépenses de santé futures (DSF)': 12.980,28 €

Ce poste vise les frais hospitaliers, médicaux, paramédicaux, pharmaceutiques et assimilés, même occasionnels mais médicalement prévisibles, rendus nécessaires par l'état pathologique de la victime après la consolidation et incluent les frais liés soit à l'installation de prothèses soit à la pose d'appareillages spécifiques nécessaires afin de suppléer le handicap physiologique.

Le docteur [P] retient le principe du renouvellement de quatre couronnes à trois reprises, compte tenu de l'âge de Mme [M]. Cette dernière sollicite la somme de 18.000,00 € et considère le chiffrage du premier juge à 14.400,00 € (3 x 4.800,00 €) comme étant insuffisant.

La mutuelle des motards propose la somme de 11.567,00 € en prenant comme base de calcul la somme de 4.800,00 € à l'âge du premier renouvellement, soit à l'âge de 36 ans. Le montant de l'arrérage annuel étant de 320,00 € (4.800,00 € / 15), le total des arrérages à échoir est de 320,00 € x 49,462 (euro de rente viagère pour une femme âgée de 36 ans, suivant barème Gazette du Palais du 15/09/2020, taux 0,00 %) = 15.827,84 €.

De cette somme, il y a lieu de retrancher le montant de 2.847,56 € de frais futurs pris en charge par la caisse primaire d'assurance-maladie. Soit un montant d'indemnisation de 15.827,84 € - 2.847,56 € = 12.980,28 € revenant à Mme [R] [M].

Préjudice scolaire, universitaire ou de formation (PUF)': 2.970,00 €

Ce poste de préjudice concerne la perte d'années d'études, un retard scolaire ou de formation, la modification de l'orientation professionnelle ou éventuellement la renonciation à une formation.

Le préjudice s'apprécie in concreto, c'est-à-dire en fonction de la durée de l'incapacité temporaire et de sa durée (limitée à la période des vacances ou au contraire pendant la période des examens), des résultats scolaires antérieurs à l'accident (tout redoublement n'est pas imputable à un accident), du niveau des études poursuivies, de la chance de terminer la formation entreprise.

Le redoublement de sa classe de troisième par Mme [M] peut être mis en relation avec l'accident autant qu'aux résultats assez moyens dont témoignent ses relevés de notes T1 et T2 de son année scolaire 2007/2008 en classe de 4ème. La somme de 2.970,00 € correspondant à des frais de soutien scolaire à domicile est adaptée et sera confirmée.

Le lien allégué entre l'accident et l'orientation professionnelle ultérieure de Mme [M] n'est pas établi et, en tout état de cause, relève moins du préjudice scolaire que de l'incidence professionnelle, que les experts ne retiennent pas.

II. PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX

a) préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

Déficit fonctionnel temporaire (DFT)': 10.775,00 €

Ce poste de préjudice n'est contesté en appel par aucune des parties.

Souffrances endurées (SE)': 20.000,00 €

Ce poste prend en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime. Ce poste a été évalué à 4/7 par l'expert judiciaire.

La mutuelle des motards considère que la somme de 20.000,00 € allouée par le premier juge est excessive et doit être réduite de moitié. Mme [M] souligne au contraire l'intensité et la fréquence des douleurs dentaires, de la jambe et de la cheville et sollicite la somme de 65.000,00 €.

Ce poste de dommage sera évalué à la somme de 30.000,00 € compte tenu en particulier de la longueur de la période avant consolidation (près de huit ans).

Préjudice esthétique temporaire (PET)': 10.000,00 €

Ce poste vise à réparer le préjudice né de l'obligation pour la victime de se présenter temporairement avant consolidation au regard des tiers dans une apparence physique altérée en raison de ses blessures.

Les experts ont évalué ce poste de préjudice à 3/7 en ce qui concerne la jambe droite et à 4,5/7 en ce qui concerne la mâchoire. Mme [M] sollicite la somme de 55.000,00 € tandis que la mutuelle des motards offre 8.000,00 €. Il sera alloué une somme de 10.000,00 € à Mme [M].

b) préjudices extra-patrimoniaux permanents (après consolidation)

Déficit fonctionnel permanent (DFP)': 7.540,00 €

Ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte anatomo-physiologique à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence personnelle, familiale et sociale.

Les séquelles conservées, le taux d'incapacité et l'âge de la victime déterminent le quantum de l'évaluation du poste déficit fonctionnel permanent.

En l'occurrence, les docteurs [J] et [P] retiennent un état séquellaire orthopédique et maxillo-facial et concluent à un déficit fonctionnel permanent cumulé de 4'%. La mutuelle des motards offre une somme de 5.200,00 €, en deçà de celle de 7.120,00 € allouée par le premier juge. Mme [M] sollicite quant à elle une somme de 21.000,00 €.

Ce poste de préjudice corporel sera évalué à la somme de 7.540,00 €.

Préjudice esthétique permanent (PEP)': 8.000,00 €

Ce poste de dommage cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l'apparence physique à compter de la consolidation.

Évalué par les docteurs [J] et [P] à 2,5/7, ce préjudice cicatriciel et gingival sera réparé par l'allocation d'une somme de 8.000,00 €.

* * *

Le préjudice corporel global subi par Mme [R] [M] s'établit ainsi à la somme de 130.474,53 €. Soit, après imputation des débours définitifs de la caisse primaire d'assurance-maladie, et de la somme de 73.100,00 € déjà réglée à titre provisionnel, un montant d'indemnisation de 27.921,28 € lui revenant.

Sur l'indemnisation du préjudice de Mme [H] [L] épouse [A] :

L'article 6 de la loi du 05/07/1985 prévoit la réparation intégrale du préjudice subi par les tiers du fait des dommages causés à la victime directe d'un accident de la circulation routière.

Le préjudice moral d'une mère à la vue des souffrances endurées par son enfant s'éprouve et ne se prouve pas. Il sera alloué à Mme [A] la somme de 10.000,00 € de dommages-intérêts.

Il en va différemment du préjudice économique invoqué par Mme [A] en ce qu'elle aurait été contraite de réduire son taux d'activité à la suite de l'accident advenu à sa fille'[R] [M]. En l'occurrence, Mme [A] est passée à 80'% du 01/01/2011 au 31/12/2013. Le lien avec l'accident est incertain dans la mesure où la période d'activité à taux réduit n'a débuté que trois ans après l'accident et s'est achevée deux ans avant la consolidation. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur les demandes annexes':

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles alloués à la victime doivent être confirmées.

L'équité ne justifie pas l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, Mme [R] [M] et Mme [H] [L] épouse [A] sont condamnées in solidum aux dépens de l'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement entrepris,

- hormis au titre des dépenses de santé actuelles concernant Mme [R] [M],

- hormis sur le montant de l'indemnisation de Mme [R] [M] et les sommes lui revenant.

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

Condamne in solidum M. [S] [Z] et la Mutuelle des Motards à payer à Mme [R] [M] en réparation de son préjudice corporel, après imputation des provisions payées à hauteur de 73.100,00 € (soixante treize mille cent euros), la somme de 27.921,28 € (vingt sept mille neuf cent vingt et un euros et vingt huit cents), ventilée comme suit':

- dépenses de santé actuelles : 0,00 €

- assistance par tierce personne temporaire': 18.756,00 €

- dépenses de santé futures : 12.980,28 €

- préjudice scolaire, universitaire ou de formation : 2.970,00 €

- déficit fonctionnel temporaire : 10.775,00 €

- souffrances endurées : 20.000,00 €

- préjudice esthétique temporaire': 10.000,00 €

- déficit fonctionnel permanent': 7.540,00 €

- préjudice esthétique permanent : 8.000,00 €

Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Condamne in solidum Mme [R] [M] et Mme [H] [L] épouse [A] aux dépens de l'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-6
Numéro d'arrêt : 19/07047
Date de la décision : 01/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-01;19.07047 ?
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