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31/08/2022 | FRANCE | N°20/01606

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 2-4, 31 août 2022, 20/01606


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-4



ARRÊT AU FOND

DU 31 AOUT 2022



N° 2022/ 166













Rôle N° RG 20/01606 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFRGJ







[W] [H]

S.C.I. DES CHENES VERTS





C/



[Y] [H]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Julien DUMOLIE Me Marie-anne COLLING











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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 02 Décembre 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 16/01209.





APPELANT



Monsieur [W] [H]

né le 29 Novembre 1960 à [Localité 4], demeurant [Adresse 2]



représenté par Me Julien DUMOLIE de la SELARL D...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-4

ARRÊT AU FOND

DU 31 AOUT 2022

N° 2022/ 166

Rôle N° RG 20/01606 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFRGJ

[W] [H]

S.C.I. DES CHENES VERTS

C/

[Y] [H]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Julien DUMOLIE Me Marie-anne COLLING

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 02 Décembre 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 16/01209.

APPELANT

Monsieur [W] [H]

né le 29 Novembre 1960 à [Localité 4], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Julien DUMOLIE de la SELARL DEBEAURAIN & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Baptiste CHAREYRE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIME

Monsieur [Y] [L] [H]

né le 20 Juillet 1955 à [Localité 5], demeurant [Adresse 3]

représenté et assisté par Me Marie-anne COLLING de la SELARL LSCM & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Velislava LUCHEVA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

S.C.I. DES CHENES VERTS

demeurant [Adresse 1]

représentée et assistée par Me Marie-anne COLLING de la SELARL LSCM & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Velislava LUCHEVA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 01 Juin 2022 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Michèle JAILLET, Présidente

Madame Nathalie BOUTARD, Conseillère

Madame Myriam GINOUX, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Céline LITTERI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 31 Août 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 31 Août 2022,

Signé par Madame Michèle JAILLET, Présidente et Madame Céline LITTERI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOS'' DU LITIGE

Mme [F] [O] et M. [K] [H] se sont mariés à [Localité 5] (83) le 20 janvier 1955 sous la communauté de meubles et acquêts, régime légal alors en vigueur faute de contrat de mariage. De cette union sont nés deux enfants, M. [Y] [H] et M. [W] [H].

M. [K] [H] est mort le 1er mai 2011 en laissant à sa survivance son conjoint successible, Mme [F] [O] épouse [H] et leurs deux enfants, M. [Y] [H] et M. [W] [H].

Par acte authentique en date du 23 décembre 2011 reçu par Maître [T] [P], notaire à [Localité 4], Mme [F] [O] veuve [H] a donné à ses enfants la nue-propriété de ses parts dans un bien ayant appartenu à la communauté conjugale, sis à [Localité 5].

Au terme de cet acte, M. [W] [H] était redevable envers M. [Y] [H] d'une soulte de 560.000 euros dont le paiement était prévu dans l'acte de donation par termes successifs.

L'acte précisait encore qu'en cas de retard de paiement, et après mise en demeure infructueuse, M. [W] [H] sera redevable d'un intérêt de 6% annuel.

M. [W] [H] a effectué plusieurs versements au profit de M. [Y] [H] entre le 27 février 2012 et le 26 février 2013. Le solde restant dû, soit 250.000 euros, a été versé le 11 juillet 2014 après que le créancier a mis en demeure son débiteur de régler ce reliquat par courrier remis par acte d'huissier le 21 octobre 2013.

Par acte extrajudiciaire en date du 26 février 2016, M. [Y] [H] a fait assigner M. [W] [H] devant le tribunal de grande instance de Grasse pour le voir condamner au paiement d'intérêts moratoires d'une somme totale de 11.382,50 euros contractuellement dus pour la période entre octobre 2013 et juillet 2014 à la suite du paiement avec retard de la soulte.

Par jugement contradictoire du 02 décembre 2019, auquel il convient de se référer pour plus ample exposé des faits et des prétentions des parties, le tribunal de grande instance de Grasse a :

- Révoqué l'ordonnance ayant fixé la clôture au 06 août 2016,

- Admis les pièces et conclusions signifiées postérieurement et

- Prononcé une nouvelle clôture au 10 octobre 2019,

- Condamné M. [W] [H] à payer à M. [Y] [H] la somme de 10.849,32 euros (DIX MILLE HUIT CENT QUARANTE NEUF EUROS TRENTE DEUX CENTIMES) au titre des intérêts conventionnels dus pour la période du 21 octobre 2013 au 11 juillet 2014,

- Constaté que la SCI DES CHÊNES VERTS n'est pas intervenue volontairement à la présente instance,

- Déclaré en conséquence M. [Y] [H] irrecevable en ses demandes tendant à obtenir réparation du préjudice subi par la SCI DES CHÊNES VERTS,

- Condamné M. [W] [H] à payer à M. [Y] [H] une somme de 2.500 euros (DEUX MILLE CINQ CENTS EUROS) à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- Débouté M. [W] [H] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné M. [W] [H] à payer à M. [Y] [H] une somme de 3.000 euros (TROIS MILLE EUROS) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Ordonné l'exécution provisoire de la présente décision,

- Condamné M. [W] [H] aux entiers dépens qui seront distraits au profit de Maître Guillaume Evrard, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Ce jugement a été signifié le 02 janvier 2020.

Par déclaration reçue le 31 janvier 2020, M. [W] [H] a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions déposées le 07 octobre 2020, M. [W] [H] demande à la cour de :

Vu les pièces, Vu les articles 1134, 1254 et 1256 anciens du Code Civil, Vu les articles 696 et 700 du Code de Procédure Civile,

RECEVOIR Monsieur [W] [H] en son appel et l'y déclarer bien fondé,

REJETER l'intervention volontaire de la SCI DU CHENE VERT,

INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a :

- Condamné Monsieur [W] [H] à payer à Monsieur [Y] [H] la somme de 10.849,32 € (DIX MILLE HUIT CENT QUARANTE NEUF EUROS TRENTE DEUX CENTIMES) au titre des intérêts conventionnels dus pour la période du 21 octobre 2013 au 11 juillet 2014 ;

- Condamné Monsieur [W] [H] à payer à Monsieur [Y] [H] une somme de 2.500 € (DEUX MILLE CINQ CENT EUROS) à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

- Débouté Monsieur [W] [H] de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- Débouté Monsieur [W] [H] de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamné Monsieur [W] [H] à payer à Monsieur [Y] [H] une somme de 3.000 € (TROIS MILLE EUROS) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamné Monsieur [W] [H] aux entiers dépens.

Statuant à nouveau,

CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré Monsieur [Y] [H] irrecevable en ses demandes tendant à obtenir réparation du préjudice subi par la SCI DES CHENES VERTS,

CONSTATER le bénéfice tiré par Monsieur [Y] [H] du cautionnement d'[W] [H] pour 402.000 € ;

CONSTATER que le retard imputable à Monsieur [W] [H] est constitutif de la mauvaise foi de Monsieur [Y] [H] ;

CONSTATER l'absence de préjudice ;

Y faire droit,

DIRE ET JUGER que la clause contractuelle invoquée par Monsieur [Y] [H] est une clause pénale ;

DIRE ET JUGER la clause pénale révisable en considération des circonstances et de l'absence de préjudice personnel subi par [Y] [H] ;

En conséquence,

A titre principal,

DEBOUTER purement et simplement Monsieur [Y] [H] de toutes ses demandes de condamnation à l'encontre de Monsieur [W] [H] ;

DEBOUTER la SCI DU CHENE VERT de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions en ce qu'elles sont prescrites,

A titre subsidiaire,

CONSTATER que le taux effectif global n'est pas mentionné dans l'acte constant le prêt consenti par Monsieur [Y] [H] à Monsieur [W] [H],

SUBSTITUER au taux d'intérêt conventionnel le tau d'intérêt légal en vigueur en 2011 à savoir 0,38 %,

FIXER le montant des intérêts conventionnels dus à la somme de 687,12 €,

A titre infiniment subsidiaire,

FIXER le montant des intérêts conventionnels dus à la somme de 5.588,95 €,

En tout état de cause,

CONDAMNER Monsieur [Y] [H] à la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

CONDAMNER Monsieur [Y] [H] à la somme de 3.500 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans leurs dernières conclusions notifiées le 09 juillet 2020, M. [Y] [H] et la SCI Des Chênes Verts sollicitent de la cour de :

Vu l'ancien article 1134 du Code civil, Vu les éléments versés au débat,

CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Monsieur [W] [H] à payer à Monsieur [Y] [H] la somme de 10.849,32 € au titre des intérêts conventionnels dus pour la période du 21 octobre 2013 au 11 juillet 2014, au titre du règlement de la soulte.

Vu les articles 564 du Code de procédure civile et 2224 du Code civil,

DIRE ET JUGER irrecevable la demande tendant à l'annulation de la clause de fixation d'intérêts conventionnels et sa substitution par le taux légal,

DEBOUTER Monsieur [W] [H] de sa demande de réduction du montant des intérêts conventionnels,

Accueillir l'intervention volontaire de la SCI DES CHENES VERTS et y faisant droit,

CONDAMNER Monsieur [W] [H] au remboursement des frais générés par sa défaillance pour un montant total de 11.002,00 €,

CONDAMNER Monsieur [W] [H] au paiement de dommages et intérêts en réparation de ses manquements à hauteur de 5.000,00 € ainsi qu'à une somme de 4.000,00 € sur le fondement de m'article 700 du Code de procédure civile,

DEBOUTER Monsieur [W] [H] de toutes autres prétentions.

Par lettre du 3 février 2021, la présidente de la chambre 2-4 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence a proposé aux parties de recourir à une médiation eu égard au contentieux contractuel purement familial existant entre les consorts [H] lesquels sont frères.

Les deux parties ont accepté de recourir à une médiation.

Par ordonnance de désignation d'un médiateur en date du 05 mai 2021, le conseiller de la mise en état a désigné l'Asociation Médiation Mosaïque de Grasse, médiateur agréé pour mener cette mission.

Toutefois, le 25 novembre 2021, le conseil de M. [Y] [H] a indiqué que son client avait refusé de se rendre à la médiation 'dans la mesure où les conditions de sécurité sanitaire de la réunion proposée n'étaient pas réunies', ce qui n'a pas permis à cette médiation de se dérouler.

Par avis du 25 février 2022, l'affaire a été fixée à l'audience du 1er juin 2022.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 04 mai 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'étendue de la saisine de la cour

Il convient de rappeler qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif.

Ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile les demandes des parties tendant à voir 'constater' ou 'donner acte' de sorte que la cour n'a pas à y répondre.

Ainsi en est-il des demandes suivantes de M. [W] [H] :

'CONSTATER le bénéfice tiré par Monsieur [Y] [H] du cautionnement d'[W] [H] pour 402.000 € ;

CONSTATER que le retard imputable à Monsieur [W] [H] est constitutif de la mauvaise foi de Monsieur [Y] [H] ;

CONSTATER l'absence de préjudice ;

CONSTATER que le taux effectif global n'est pas mentionné dans l'acte constant le prêt consenti par Monsieur [Y] [H] à Monsieur [W] [H]'.

Par ailleurs, l'effet dévolutif de l'appel implique que la cour connaisse des faits survenus au cours de l'instance d'appel et depuis le jugement déféré et statue sur tous les éléments qui lui sont produits même s'ils ne se sont révélés à la connaissance des parties qu'en cours d'instance d'appel.

Sur l'intervention volontaire de la SCI DES CHENES VERTS

En cause d'appel, la SCI DES CHENES VERTS sollicite de juger recevable son intervention volontaire à l'instance par conclusion d'intervention volontaire du 09 juillet 2020 afin que M.

[W] [H] rembourse les frais générés par sa défaillance pour un total de 11.002 euros.

M. [W] [H] s'oppose à cette demande :

- car l'intervention volontaire aurait dû être réalisée dès la première instance. En tout état de cause, l'intervention volontaire de la SCI DES CHENES VERTS se heurterait à une absence de lien suffisant avec les prétentions originaires selon l'appelant,

- enfin, l'intervention volontaire ne doit pas porter atteinte au principe du double degré de juridiction, ce que M. [W] [H] reproche précisément à la SCI DES CHENES VERTS.

Pour toutes ces raisons, M. [W] [H] souhaite voir cette demande d'intervention volontaire rejetée.

Le jugement entrepris a noté qu'en l'absence d'intervention volontaire de la SCI DES CHENES VERTS, personne morale distincte de M. [Y] [H] quand bien même ce dernier a qualité de gérant de cette SCI, la demande de remboursement de la somme de 11.002 euros ne saurait être recevable.

En cause d'appel, la SCI DES CHENES VERTS intervient à titre volontaire à l'instance.

L'article 325 du code de procédure civile dispose que 'l'intervention n'est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant'.

La Sci des Chênes Verts ne s'explique pas sur son défaut d'intervention en première instance. Son défaut de diligences et sa propre carence ne sauraient priver M. [W] [H] du double degré de juridiction.

Par conséquent, l'intervention volontaire de la SCI des Chênes Verts en cause d'appel doit être déclarée irrecevable, de sorte qu'il ne peut pas être statué sur ses prétentions.

Il sera ajouté au jugement dont appel.

Sur les intérêts dus par M. [W] [H]

L'appelant fait grief au jugement critiqué de l'avoir débouté de sa demande tendant à qualifier la clause contractuelle de clause pénale. Il expose, en substance, que :

- La cour ne saurait le sanctionner au titre d'un prétendu retard et actionner la clause qui s'apparente en tout état de cause à une clause pénale.

En effet, cette analyse serait confirmée par une constante jurisprudence selon laquelle :

Les intérêts sont dus de plein droit dès la sommation de payer, sauf au débiteur à établir une faute du créancier l'ayant empêché de s'acquitter du montant de la dette (Com. 19 oct. 1993 Bull. civ. IV, n° 348).

Les stipulations relatives à la fixation de pénalités de retard constituent une clause pénale (Cass Com 18 juin 2013, n° 12-18.420).

- Le contrat prévoyait qu'en « cas de retard de paiement et après mise en demeure restée infructueuse, Monsieur [W] [H] sera redevable d'un intérêt de 6% annuel »

- En ce qu'elle est comminatoire, contrairement à ce que soutient M. [Y] [H], cette clause doit être considérée comme une clause pénale au sens de l'article 1226 ancien du code civil, soit « celle par laquelle une personne, pour assurer l'exécution d'une convention, s'engage à quelque chose en cas d'inexécution ».

- Cette clause, sur le fondement de l'article 1152 ancien du code civil, peut être soumise à l'appréciation souveraine du juge lequel, d'après les circonstances, a le pouvoir de la limiter à l'égard du préjudice réellement subi par le créancier (Civ. 1re, 24 nov. 1965 : Bull. civ. I, no 647).

- Or, en l'absence de préjudice, cette clause ne saurait jouer.

L'intimé sollicite la confirmation du jugement entrepris sur ce point. Il fait valoir notamment que :

- Il doit être rappelé que la clause pénale s'analyse comme la fixation conventionnelle de la réparation d'une inexécution contractuelle, ce qui n'est pas le cas en l'espèce,

- Les premiers juges ont justement statué à cet égard en refusant de qualifier la clause ainsi,

- De fait, aux termes de l'acte de donation partage fondateur de la présente action, M. [W] [H] s'est vu attribuer la totalité de la nue-propriété d'une maison d'habitation sise à [Localité 5] pour une valeur évaluée à 560.000,00 €. Paralèllement et afin de préserver l'équilibre entre les donataires, M. [Y] [H] s'est vu attribuer une soulte, due par son frère, à hauteur du même montant,

- Il n'est pas contesté que M. [W] [H] ait immédiatement pris possession de l'intégralité de son lot,

- M. [Y] [H], pour sa part, a consenti à son frère une facilité de règlement, soit en fait un crédit dans des conditions spécifiquement précisées. Il était ainsi convenu du paiement immédiat d'une somme de 60.000,00 € et du règlement à terme, au plus tard le 30 avril 2012, d'une somme de 450.000,00 €,

- Jusqu'à cette dernière date, le prêt consenti par M. [Y] [H] était stipulé sans intérêt. Passée cette date et dans les conditions de l'article 1905 du code civil, les parties ont convenu que la somme due était assortie d'un intérêt de 6 % annuel. Or, ces intérêts ne sont pas pour autant destinés à réparer l'absence de paiement de la soulte qui n'est évidemment pas envisagée, celle-ci compensant le lot attribué à M. [W] [H],

- A contrario, l'intérêt contractuel rémunère le délai supplémentaire durant lequel M. [Y] [H] demeure créancier de son frère au titre de la soulte,

- Il est constant ainsi que la somme s'analyse en une stipulation contractuelle d'intérêt laissée à la libre appréciation des parties sous réserve du respect du seuil d'usure dont la violation n'est pas invoquée en l'espèce.

Le jugement entrepris a considéré que la clause d'intérêts stipulée dans le contrat de donation-partage ne peut pas être assimilée à une clause pénale qui fixe le montant des dommages et intérêts dus en cas d'inexécution. Il refuse donc toute possibilité de modulation sur le fondement de l'article 1152 du code civil.

L'article 1226 ancien du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, prévoyait que 'la clause pénale est celle par laquelle une personne, pour assurer l'exécution d'une convention, s'engage à quelque chose en cas d'inexécution'.

L'article 1152 ancien du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, disposait que 'lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre.

Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite.'

La clause pénale est une stipulation contractuelle qui permet l'allocation d'un forfait contractuellement convenu à titre de dommages-intérêts. Le montant convenu peut être modulé par le juge notamment en fonction de l'exécution partielle obtenue par le créancier.

La donation-partage conclue le 23 décembre 2011 en l'étude de maître [T] [P], notaire à [Localité 4], indique page 10 :

'Pour les paiements à terme :

en cas de retard de paiement et après mise en demeure restée infructueuse, Monsieur [W] [H] sera redevable d'un intérêt de 6% annuel'.

La clause litigieuse ne fixe pas un forfait à titre de dommages-intérêts mais simplement une règle de calcul des intérêts moratoires à hauteur d'un certain pourcentage. La clause pénale n'est donc pas caractérisée, contrairement à ce que soutient l'appelant.

Il convient de débouter M. [W] [H] de sa demande de requalification de cette stipulation en clause pénale, et ce faisant, de modulation de ladite clause sur le fondement de l'article 1152 ancien du code civil.

Sur la substitution du taux d'intérêt

L'appelant sollicite, à titre subsidiaire, l'application de l'article L. 313-2 du code de la consommation applicable au litige. Il affirme que que le taux effectif global doit être mentionné dans tout écrit constatant un prêt ; or, en l'espèce, ceci ferait défaut dans la situation présentée si bien qu'il faudrait modifier le taux conventionnel par le taux légal, soit 0,38% en 2011.

L'article 564 du code de procédure civile ne serait pas applicable puisque cette nouvelle demande se rattacherait à la demande principale.

À titre encore plus subsidiaire, l'appelant énonce que si la cour estimait que le retard de paiement lui est imputable et que le taux d'intérêt conventionnel serait régulier, elle ne pourra en tout état de cause pas calculer le montant des intérêts de retard sur 264 jours comme l'a fait le tribunal en première instance.

En effet, en ayant refusé le paiement d'un montant de 50.000 € au 16 décembre 2013, M. [Y] [H] a refusé le montant des intérêts éventuellement dus entre le 21 octobre et le 16 décembre 2013, soit pendant 56 jours, ce qui représente la somme de 2.301,37 € (250.000 x (6% / 365) x 56 = 2.301,37 €).

En outre, en refusant le versement du solde de la soulte au 30 avril 2014, date de la première sollicitation du notaire, M. [Y] [H] ne peut pas réclamer le montant des intérêts entre le 30 avril 2014 et le 11 juillet 2014, soit pendant 72 jours, ce qui représente la somme de 2.958.90 € (250.000 x (6% / 365) x 72 = 2.958,90 €).

Aussi, à titre subsidiaire, l'appelant considère que la cour ne pourra le condamner qu'à la somme de 5.588,95 €. (10.849,32 ' (2.301,37 + 2.958,90) = 5.588,95 €).

L'intimé refuse l'argumentation fondée sur l'annulation de la clause d'intérêt conventionnel. Il voit dans cette demande une violation de l'article 564 du code de procédure civile. Il sollicite, par conséquent, l'irrecevabilité de cette demande et la confirmation du jugement entrepris sur le surplus.

La cour examinera successivement la demande subsidiaire et la demande à titre encore plus subsidiaire.

1°/ Sur la demande de nullité de la stipulation contractuelle

L'article 564 du code de procédure civile dispose que 'A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait'.

M. [W] [H] présente, pour la première fois en cause d'appel, une demande tendant à voir annuler la clause d'intérêts conventionnels pour y substituer le taux d'intérêt légal. Il n'est pas sérieusement contestable que cette demande ne saurait se rattacher à sa demande principale sur le fondement de l'article 565 du code de procédure civile laquelle est centrée autour de la requalification de la clause en clause pénale pour en moduler le montant.

Par conséquent, les demandes tendant à substituer au taux d'intérêt conventionnel le taux d'intérêt légal en vigueur en 2011 à savoir 0,38 % et à fixer le montant des intérêts conventionnels dus à la somme de 687,12 €, doivent être déclarées irrecevables car nouvelles en cause d'appel.

2°/ Sur la demande de réduction du montant des dommages-intérêts

L'article 954 alinéa 1er du code de procédure civile dispose que 'les conclusions d'appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l'article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé'.

M. [W] [H] ne vise aucune pièce permettant de justifier sa prétention visant à diminuer le montant dû. Il procède par voie d'affirmation sans démontrer le bien fondé de sa demande et la réalité de ses calculs diminuant la somme due à son frère.

Il doit donc en être débouté.

Il convient, par conséquent, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [W] [H] à payer à M. [Y] [H] la somme de 10.849,32 euros (DIX MILLE HUIT CENT QUARANTE NEUF EUROS TRENTE DEUX CENTIMES) au titre des intérêts conventionnels dus pour la période du 21 octobre 2013 au 11 juillet 2014.

Sur les dommages-intérêts demandés

M. [W] [H] demande à la cour que son frère soit condamné à la somme de 3.000 euros pour procédure abusive. Il demande l'infirmation du chef de jugement l'ayant condamné à payer à M. [Y] [H] une somme de 2.500 euros pour procédure abusive.

M. [Y] [H] sollicite la confirmation du jugement entrepris sur ce point sur le principe de la créance tout en portant son quantum à une somme de 5.000 euros.

Le jugement entrepris a fait droit à la demande de M. [Y] [H] en ramenant les dommages-intérêts demandés à la somme de 2.500 euros, expliquant que la résistance abusive de M. [W] [H] à payer les intérêts moratoires convenus était abusive dans la mesure où ce dernier avait affirmé au moment de la donation ne pas avoir besoin d'un quelconque crédit pour s'acquitter de cette soulte et où il avait parfaitement conscience des difficultés et des frais que son retard de plus de deux ans sur le terme conventionnel avait engendrés pour son frère.

Il a débouté M. [W] [H] de sa propre demande.

Sur ce point, aucune des parties n'apporte d'éléments nouveaux pour étayer leurs demandes respectives, le jugement entrepris sera confirmé en adoptant ses motifs pour éviter de les paraphraser inutilement sur le montant des dommages-intérêts alloués à M. [Y] [H].

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement entrepris doit être confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

M. [W] [H], qui succombe, doit être condamné aux dépens d'appel et débouté de sa demande de remboursement de ses frais irrépétibles.

L'intimé a exposé des frais complémentaires de défense en cause d'appel : M. [W] [H] sera condamné à lui régler une somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Déclare irrecevables l'intervention volontaire et les demandes de la SCI DES CHENES VERTS en cause d'appel,

Déclare irrecevables les demandes de l'appelant tendant à substituer au taux d'intérêt conventionnel le taux d'intérêt légal en vigueur en 2011 à savoir 0,38 %, et à fixer le montant des intérêts conventionnels dus à la somme de 687,12 €,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement en date du 02 décembre 2019 rendu par le Tribunal de grande instance de Grasse,

Y ajoutant,

Condamne M. [W] [H] aux dépens d'appel,

Déboute M. [W] [H] de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Condamne M. [W] [H] à payer à M. [Y] [H] une somme de 4.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signé par Mme Michèle Jaillet, présidente, et par Mme Céline Litteri, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

la greffière la présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 2-4
Numéro d'arrêt : 20/01606
Date de la décision : 31/08/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-08-31;20.01606 ?
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