La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/07/2022 | FRANCE | N°18/16153

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 29 juillet 2022, 18/16153


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 29 JUILLET 2022



N° 2022/ 160



RG 18/16153

N° Portalis DBVB-V-B7C-BDFPJ







[O] [X]



C/



[F] [G]

Association UNEDIC-AGS CGEA DE MARSEILLE

















Copie exécutoire délivrée le 29 juillet 2022 à :



- Me Delphine BELOUCIF, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE







- Me Roselyne SIMON-THIBAUD, avoca

t au barreau d'AIX-EN-PROVENCE





- Me Frédéric LACROIX, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE































Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE en date du 10 Septembre ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 29 JUILLET 2022

N° 2022/ 160

RG 18/16153

N° Portalis DBVB-V-B7C-BDFPJ

[O] [X]

C/

[F] [G]

Association UNEDIC-AGS CGEA DE MARSEILLE

Copie exécutoire délivrée le 29 juillet 2022 à :

- Me Delphine BELOUCIF, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

- Me Roselyne SIMON-THIBAUD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

- Me Frédéric LACROIX, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE en date du 10 Septembre 2018

APPELANTE

Madame [O] [X]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/13566 du 14/12/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE), demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Delphine BELOUCIF, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMES

Maître Vincent DE CARRIERE, Liquidateur judiciaire de la Société OVALIA DOM, demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Roselyne SIMON-THIBAUD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Marion AUTONES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Association UNEDIC-AGS CGEA DE MARSEILLE, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Frédéric LACROIX, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Estelle DE REVEL, Conseiller, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Estelle DE REVEL, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Juillet 2022.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Juillet 2022

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Le 8 août 2016, Mme [O] [X] a été engagée par la société Ovalia Dom en qualité d'agent de service, aide ménagère et entretien de jardin, selon contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel, soumis aux dispositions de la convention collective nationale des services à la personne.

Le 21 juin 2017, la salariée a pris acte de la rupture du contrat de travail.

Le 17 octobre 2017, Mme [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille aux fins de voir dire que la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner la société à diverses indemnités.

Par jugement du 10 septembre 2018, le conseil de prud'hommes a :

'Dit et juge que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de Madame [O] [X] est fondée sur une démission de sa part et s'analyse en tant que telle

Déboute ainsi Madame [O] [X] de l'intégralité des demandes liées à cette rupture.

Déboute Madame [O] [X] de son rappel de salaire et du surplus de tous ses chefs de demande.

Condamne Madame [O] [X] à régler à la SARL OVALIA DOM les sommes symboliques de:

*UN EURO à titre de préavis non exécuté,

*UN EURO au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Condamne Madame [O] [X] aux entiers dépens.'

Mme [X] a relevé appel de la décision le 10 octobre 2018.

La société Ovalia Dom a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce d'Aix en Provence du 11 avril 2019, transformée en liquidation judiciaire par jugement du 29 septembre 2020.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 1er septembre 2021, Mme [X] demande à la cour de :

'Réformer le jugement du conseil de prud'hommes d'Aix en Provence en date du 10 septembre 2018 en ce qu'il a débouté Madame [X] de l'intégralité de ses demandes et condamné Madame [X] à payer à la SARL OVALIA DOM les sommes symboliques de 1 euro à titre de préavis non exécuté et 1 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Statuant à nouveau :

Fixer la créance de Madame [X] à :

- la somme de 2689,99 euros au titre des salaires correspondant a la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein ainsi que la somme de 268,99 euros correspondant à l'indemnité de congés payés afférente ;

- la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- la somme de 1483,52 euros à titre d'indemnité de préavis ainsi que la somme de 148,35 euros correspondant à l'indemnité de conges payés afférente

Assortir les créances salariales des intérêts de droit avec capitalisation a compter de la demande introductive d'instance,

Ordonner la délivrance à Madame [X] sous astreinte de 150 euros par jour de retard et par document:

- des bulletins de salaire de janvier 2017 à juin 2017 ;

- du bulletin de salaire afférent au préavis et congé sur préavis,

- de l'attestation POLE EMPOI et le certificat de travail rectifiés ;

Se réserver le contentieux de la liquidation de l'astreinte ;

Fixer la créance de Madame [X] a la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Dire et juger la décision à intervenir commune et opposable à la SAS LES MANDATAIRES, Maître [G], es qualité de liquidateur judiciaire de la société OVALIA DOM et au CGEA ;

Dire les dépens frais privilégiés de la procédure judiciaire'.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 26 mars 2021, Maître [F] [G] et la SAS Les Mandataires, intervenante volontaire es qualité de liquidateur judiciaire, demandent à la cour de :

'Donner acte à la SAS Les Mandataires, es-qualité de liquidateur judiciaire de SARL OVALIA DOM, désignée à ces fonctions par jugement du Tribunal de Commerce d'Aix-en-Provence en date du 29 septembre 2020, mission conduite par Maître [F] [G], de son intervention volontaire et la déclarer recevable

A titre principal :

DECLARER irrecevables les demandes formées par Madame [X] tendant à la condamnation de la société OVALIA DOM en l'état de son placement en liquidation judiciaire et l'en DEBOUTER

CONFIMER le jugement rendu en ce qu'il a débouté Madame [X] de ses demandes relatives à la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein et à la requalification de la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse et l'a déboutée des demandes indemnitaires et de rappel de salaire y afférentes, sauf à porter l'indemnité allouée au titre du préavis non effectué par Madame [X] à la somme de 1 000 euros.

CONDAMNER Madame [X] à verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du CPC à la SAS Les Mandataires, es-qualité de liquidateur judiciaire de la société OVALIA DOM, mission conduite par Maître [F] [G]

CONDAMNER Madame [X] aux entiers dépens distraits au profit de la Maître SIMON THIBAUD, de la SCP BADIE SIMON THIBAUD JUSTON, Avocat, en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile

A titre subsidiaire,

Si, par impossible, la Cour devait considérer que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail s'ana1ysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

DEBOUTER Madame [X] de ses demandes indemnitaires manifestement excessives, comme infondées et, en tout état de cause injustifiées.

RAMENER les sommes qui pourraient être fixées au passif de la société à de plus justes proportions en application de l'article L 1235-5 du Code du travail dans sa version applicable aux faits de l'espèce, antérieure à la publication des ordonnances dites 'Macron'.

En tout état de cause :

CONDAMNER Madame [X] à payer à la SAS Les Mandataires, es-qualité de liquidateur judiciaire de la société OVALIA DOM, mission conduite par Maître [F] [G], la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du CPC, ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me. SIMON THIBAUD, de la SCP BADIE SIMON THIBAUD JUSTON, Avocat, en application de l'article 699 du CPC.'

Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 25 mars 2021, l'Unedic Délégation AGS-CGEA de Marseille demande à la cour de :

'Débouter Mme [X] de ses demandes

Confirmer le jugement

Subsidiairement :

- constater et fixer les créances de Mme [X] en fonction des justificatifs produits au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, l'indemnité compensatrice de congés payés et l'indemnité de licenciement,

- fixer le montant des dommages et intérêts pour rupture imputable à l'employeur

En réduire le montant à la stricte justification du préjudice de la salariée,

Débouter l'appelant de toute demande de garantie sur la totalité de la créance, dès lors qu'en application de l'article L.3253-17 du code du travail, la garantie AGS est limitée, toutes sommes et créances avancées confondues, à un ou des montants déterminés par décret, en référence au plafond mensuel retenu pour le calcul des contributions du régime d'assurance chômage, et inclut les cotisations et contributions sociales et salariales d'origine légale, ou d'origine conventionnelle imposées par la loi,

Débouter l'appelant de toutes demandes de paiement directement formulées contre l'AGS dès lors que l'obligation de l'Unedic AGS-CGEA de Marseille de faire l'avance de montant total de créances définies aux articles L.3253-6 et suivants du code du travail, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé de créances par le mandataire judiciaire, et sur justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l'article L.3253-19 du code du travail,

Débouter l'appelant de toutes demandes, fins et conclusions au titre des frais irrépétibles visés à l'article 700 du code de procédure civile, des dépens de l'astreinte, des cotisations patronales ou résultant d'une action en responsabilité, dès lors qu'elles n'entrent pas dans le cadre de la garantie de l'Unedic AGS-CGEA;

Débouter l'appelant de toute demande accessoire au titre des intérêts dès lors que le jugement d'ouverture de la procédure collective opère arrêt des intérêts et conventionnels;

Débouter Mme [X] de toute demande contraire et la condamner aux dépens'.

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la procédure

Il y a lieu de recevoir l'intervention volontaire de la SAS Les Mandataires, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Ovalia Dom, la mission étant conduite par Me [G].

La demande du liquidateur de voir déclarer irrecevables les demandes en condamnation à l'encontre de la société Ovalia Dom est sans objet, l'appelante ayant demandé dans ses dernières conclusions la fixation de ses créances.

Sur la requalification à temps complet

Mme [X] fait valoir que :

- l'employeur ne lui communiquait les planning mensuels que la veille ou l'avant-veille du début de chaque mois ne respectant pas la loi, ni l'accord relatif à l'aménagement du temps de travail qui exige une notification du planning mensuel au moins 7 jours avant le 1er jour de son exécution,

- l'employeur modifiait en outre régulièrement ses horaires de travail et ne respectait pas le délai minimum de 3 jours prévu par la convention collective, ni même le délai de 2 jours stipulé au contrat de travail,

- ses bulletins de salaires démontrent une durée mensuelle de travail très inégale et le non respect par l'employeur du volume d'heures de travail fixé au contrat.

Elle considère qu'en conséquence, elle était à la disposition totale et permanente de son employeur.

Le liquidateur soutient que :

- l'appelante connaissait son rythme de travail dès lors que les plannings lui étaient communiqués en fin de mois et donc avant le début de chaque mois,

- les dispositions conventionnelles invoquées ne s'appliquent pas au contrat de travail,

- l'appelante ne démontre pas que le délai de prévenance n'était pas respecté en cas de modification des plannings,

- la réduction de la durée du travail à partir du mois d'avril 2017 est due à des absences injustifiées de la salariée.

L'article L3123-14 dans sa rédaction antérieure à la loi du 8 août 2016 (L3123-6 nouveau) dispose : «le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit.

Il mentionne :

1° La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d'aide à domicile et les salariés relevant d'un accord collectif conclu en application de l'article L 3121-44, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;

2° Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ;

3° Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d'aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié ;

4° Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat.»

L'avenant au contrat de travail prévu à l'article L. 3123-22 mentionne les modalités selon lesquelles des compléments d'heures peuvent être accomplis au-delà de la durée fixée par le contrat.

L'article L 3123-21 du code du travail devenu L3123-11 énonce : « Toute modification de la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois est notifiée au salarié sept jours au moins avant la date à laquelle elle doit avoir lieu.»

L'article 9 de la convention collective stipule que les horaires de travail, pour chaque journée travaillée, sont communiqués aux salariés par la remise d'un planning prévisionnel des horaires. Ce planning est mensuel. Il est notifié au salarié au moins sept jours avant le 1er jour de son exécution dans la mesure où les délais de prévenance en cas de modification ont été respectés.

Aux termes du contrat, il est indiqué au paragraphe relatif aux horaires de travail :

' Mme [X] est engagée pour 24 heures hebdomadaire.

Le planning hebdomadaire pourra varier suivant les disponibilités des clients sans pour autant aller à l'encontre des dispositions fixées par la loi.

Une modification de la répartition du travail pourra être décidée en cas de :

- demande ou d'absence du client,

- d'un surcroît de travail temporaire,

Toute modification de la répartition du travail sera notifiée au salarié deux jours au moins avant la date à laquelle elle doit avoir lieu.

Mme [X] est embauchée du mardi au samedi inclus'.

Le paragraphe concernant les heures complémentaires prévoit : 'En fonction des besoins de l'entreprise, Mme [X] pourra être amenée à effectuer des heures complémentaires, dans les limites fixées par la loi, en sus de son horaire de base tel que défini à l'article 5.

Mme [X] pourra refuser d'effectuer des heures complémentaires au-delà de cette limite, sans que ce refus puisse constituer une faute ou un motif de licenciement'.

En l'espèce, la cour retient que le contrat précisant que la salariée travaillera du mardi au samedi inclus, ne prévoyant ni les modalités de communication des horaires, ni un délai pour remettre le planning, ni un délai de prévenance pour le modifier, ne répond pas aux exigences de l'article L 3123-14 du code du travail et aux dispositions conventionnelles.

La salariée bénéficiant en conséquence de la présomption de temps complet, il incombe à l'employeur de démontrer qu'elle était en mesure de prévoir à quel rythme elle devait travailler et qu'elle n'avait pas à se tenir à la disposition constante de son employeur.

La production par le liquidateur des mails d'envoi des planning est insuffisante à établir la répartition de la durée de travail convenue entre les jours de la semaine ou les semaines du mois et ne justifie pas que la salariée n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur; la cour relevant que :

- l'envoi des plannings (pièce 7) était fait la veille (le 31 mai pour le mois de juin, le 31 décembre pour le mois de janvier), ou l'avant-veille (le 30 janvier pour le mois de février) ou encore 3 ou 4 jours avant le début de chaque mois (le 28 avril pour le mois de mai), donc de façon empirique, - des modifications pouvaient encore être faites sans respect d'un délai de prévenance (pièce 7),

- le nombre d'heures travaillées chaque mois pouvait varier de 36 heures à 110 heures (bulletins de salaire, pièce 2).

Le jugement sera en conséquence infirmé et la relation de travail requalifiée en contrat à temps complet.

Mme [X] produit à l'appui de sa demande de rappel de salaire, un décompte détaillé laissant apparaître mois par mois le différentiel entre le salaire payé mentionné au bulletin de salaire et le salaire réellement dû sur la base d'un temps complet (période de janvier 2017 à mai 2017).

Il y a lieu de fixer la créance de l'appelante à hauteur des sommes réclamées non utilement contestées.

Sur la prise d'acte de la rupture du contrat de travail

La prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail.

En cas de prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, ceux d'une démission.

Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.

La lettre de prise d'acte de la rupture adressée à l'employeur le 21 juin 2017, est ainsi libellée :

« Par la présente, je prends acte de la rupture de mon contrat de travail en raison de vos graves manquements à vos obligations.

En effet, vous ne respectez pas les dispositions de mon contrat de travail et de la convention collective relative au salaire, à la durée du travail, à l'indemnisation des frais de déplacement etc.

De plus, mon planning de travail m'est remis chaque mois au dernier moment ce qui m'empêche de m'engager auprès d'autres employeurs.

Je vous ai demandé de remédier à cette situation à de nombreuses reprises. Mais vous avez ignoré toutes mes demandes et la situation est devenue catastrophique. Je me trouve en grande difficulté financière. (...)».

La salariée réitère les termes de sa lettre, alléguant notamment que :

- prévenue tardivement de ses horaires de travail, lesquels étaient au surplus constamment sujets à modification, elle était mise dans l'impossibilité de prévoir à l'avance son rythme de travail,

- elle était dans l'impossibilité de contrôler les heures de travail et en conséquence de prévoir sa rémunération, effectuant quelquefois moins d'heures de travail que prévues au contrat,

- cela la plaçait en difficulté financière, ne pouvant occuper un autre emploi.

Le liquidateur répond que :

- c'est parce que la salariée s'est volontairement absentée pour travailler ailleurs à partir du mois d'avril 2017 que ses horaires de travail se sont trouvés diminués par rapport à la durée contractuellement prévue,

- la salariée n'apporte aucun élément permettant de constater une absence de remise des plannings ou une remise tardive,

- la salariée indique elle-même que la rupture du contrat de travail lui a permis de trouver un autre emploi en se libérant de façon anticipée.

Le non-respect des règles relatives à l'exécution du contrat de travail à temps partiel constaté par la cour, lequel a pour effet la requalification à temps complet, constitue un manquement de l'employeur d'une gravité suffisante pour justifier que la prise d'acte de la rupture produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le fait que la salariée ait conclu un nouveau contrat de travail est inopérant.

Le jugement du conseil de prud'hommes est en conséquence infirmé.

Sur les conséquences financières de la rupture du contrat de travail

Selon l'article L.1235-5 du code du travail, dans sa version applicable au litige, le salarié ayant moins de deux ans d'ancienneté peut prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi.

En l'espèce, Mme [X] indique avoir travaillé à temps partiel après la rupture et produit des bulletins de salaire à partir du mois d'octobre 2017. Elle était âgée de 56 ans lors de la rupture et avait une ancienneté de 10 mois. Sa rémunération brute mensuelle moyenne sur la base d'un temps plein est de 1 483,52 euros.

Au vu de ces éléments, il convient de lui allouer la somme de 2 000 euros.

Elle a droit à une indemnité compensatrice de préavis d'un montant de 1483,52 euros, outre 148,35 euros à titre de congés payés afférents.

Ces sommes doivent être fixées au passif de la liquidation de la société.

Sur les intérêts

Les intérêts au taux légal sont dus sur les créances salariales jusqu'au jugement d'ouverture de la procédure collective, lequel a entraîné l'arrêt des intérêts légaux et conventionnels en vertu de l'article L.622-28 du code de commerce.

Il y a lieu de faire droit à la demande de capitalisation des intérêts à condition qu'ils soient dus pour une année entière.

Sur la délivrance des documents

Le liquidateur exerçant pendant toute la durée de la liquidation judiciaire les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine par suite du dessaisissement de ce dernier de l'administration et de la disposition de ses biens, il convient de dire que la société Les Mandataires, es qualité, devra délivrer à Mme [X] une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail conforme à la teneur du présent arrêt et un bulletin de salaire rectificatif des sommes de nature salariale lui revenant, sans qu'il y ait lieu de prévoir une astreinte.

Sur la garantie de l'AGS

Il convient de rappeler que l'obligation du CGEA de procéder à l'avance des créances visées à l'article L.3253-8 et suivants du code du travail se fera dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L.3253-19 et L.3253-17 du code du travail, limités au plafond de garantie applicable, en vertu des article L.3253-17 et D.3253-5 du code du travail, et payable sur présentation d'un relevé de créance par le mandataire judiciaire, et sur justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l'article L.3253-20 du code du travail.

Sur les autres demandes

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner la société, représentée par le liquidateur, à payer à la salariée la somme de 1 200 euros.

La société Ovalia Dom, représentée par la société Les Mandataires, en qualité de liquidateur, doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Reçoit l'intervention volontaire de la SAS Les Mandataires, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Ovalia Dom,

Dit que la demande d'irrecevabilité des demandes en condamnation à l'encontre de la société Ovalia Dom est devenue sans objet,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et Y ajoutant,

Dit que la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse à la date du 21 juin 2017,

Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société Ovalia Dom, représentée par la société Les Mandataires, es qualité de liquidateur, les créances suivantes :

- 2 689,99 euros, à titre de rappel de salaire pour la période du mois de janvier 2017 au mois de mai 2017,

- 268,99 euros à titre de congés payés afférents,

- 1 483,52 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 148,35 euros au titre des congés payés afférents,

- 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Dit que les intérêts au taux légal sur les créances salariales sont dûs du 17 octobre 2017 au 11/04/2019,

Ordonne leur capitalisation à condition qu'ils soient dûs au moins pour une année,

Rappelle que le jugement d'ouverture de la procédure collective a entraîné l'arrêt du cours des intérêts légaux et conventionnels en vertu de l'article L.622-28 du code de commerce,

Déclare l'Unedic CGEA-AGS de Marseille tenu à garantie pour ces sommes dans les termes des articles L.3253-8 et suivants du code du travail, en l'absence de fonds disponible,

Dit que la société Les Mandataires, es qualité de liquidateur (mission conduite par Me [F] [G]) devra délivrer à Mme [O] [X] une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail et un bulletin de salaire récapitulatif des sommes lui revenant, conformes au présent arrêt,

Condamne la société Ovalia Dom, représentée par la société Les Mandataires, en qualité de liquidateur, à payer à Mme [X] la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette les autres demandes des parties, y compris l'astreinte,

Condamne la société Ovalia Dom, représentée par la société Les Mandataires, en qualité de liquidateur, aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 18/16153
Date de la décision : 29/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-29;18.16153 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award