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29/07/2022 | FRANCE | N°18/12252

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 29 juillet 2022, 18/12252


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 29 JUILLET 2022



N° 2022/ 158





RG 18/12252

N° Portalis DBVB-V-B7C-BC2HH







SA ALLIANZ VIE





C/



[Y] [S]





















Copie exécutoire délivrée le 29 juillet 2022 à :



- Me Pierre-yves IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE







- Me Thimothée JOLY, avocat au barrea

u d'AIX-EN-PROVENCE































Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 28 Juin 2018 enregistré au répertoire général sous le n° F 16/02800.





APPELANTE



SA ALLIANZ VIE, demeurant ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 29 JUILLET 2022

N° 2022/ 158

RG 18/12252

N° Portalis DBVB-V-B7C-BC2HH

SA ALLIANZ VIE

C/

[Y] [S]

Copie exécutoire délivrée le 29 juillet 2022 à :

- Me Pierre-yves IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

- Me Thimothée JOLY, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 28 Juin 2018 enregistré au répertoire général sous le n° F 16/02800.

APPELANTE

SA ALLIANZ VIE, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Pierre-yves IMPERATORE de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Olivier MEYER, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMEE

Madame [Y] [S], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Thimothée JOLY, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Estelle DE REVEL, Conseiller, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Estelle DE REVEL, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Juillet 2022.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Juillet 2022

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Mme [Y] [S] a été engagée par la société Allianz Vie par contrat à durée indéterminée du 2 avril 2012, en qualité de conseiller financier.

Le 19 novembre 2015, Mme [S] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 8 décembre suivant.

Le 21 décembre 2015, elle s'est vue notifier un licenciement pour insuffisance professionnelle.

Sollicitant la nullité de la rupture, la salariée a saisi le conseil des prud'hommes de Marseille le 16 décembre 2016, lequel a, par jugement du 28 juin 2018:

'CONSTATE que le licenciement de Mme [Y] [S] est fondé sur un motif discriminatoire

PRONONCE la nullité du licenciement.

CONDAMNE la Société ALLIANZ 141 SUD EST, prise en la personne de son représentant légal en exercice à payer à Mme [Y] [S] les sommes suivantes :

- 16.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement NUL,

- 11.000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,

- 1.500 euros au titre de 1' article 700 du Code de Procédure Civile

DEBOUTE les deux parties de toutes autres demandes, fins et conclusions.

DIT QUE la moyenne des trois derniers mois de salaire s'élève à la somme de l.776,50 euros

DIT QUE le jugement bénéficiera de l'exécution provisoire.

CONDAMNE la partie défenderesse aux entiers dépens.'

Le 20 juillet 2018, la société a relevé appel du jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 27 février 2019, la SA Allianz Vie demande à la cour de :

'Infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Marseille du 28 juin 2018.

Débouter Mme [S] de l'ensemble de ses demandes et de son appel incident.

Allouer à la société Allianz une somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et condamner Mme [S] aux dépens éventuels, ceux d'appel distraits au profit de Maître Pierre-Yves IMPERATORE, membre de la SELARL LEXAVOUE AIX EN PROVENCE, Avocats associés, aux offres de droit.'

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 22 janvier 2019, Mme [S] demande à la cour de :

'A titre principal,

- CONFIRMER le jugement du 28 Juin 2018 en ce qu'il a dit que le licenciement de Madame [S] était fondé sur un motif discriminatoire,

En conséquence,

- CONFIRMER le jugement du 28 Juin 2018 en ce qu'il a dit que le licenciement de Madame [S] était nul.

- INFIRMER le jugement du 28 Juin 2018 en ce qu'il a condamné la société ALLIANZ au paiement de la somme de 16 000 à titre d'indemnité pour licenciement nul ;

- LA CONDAMNER au paiement de la somme de 50 000 Euros à titre d'indemnité pour licenciement nul.

- INFIRMER le jugement du 28 Juin 2018 en ce qu'il a dit condamné la société ALLIANZ au paiement de la somme de 11.000 euros à titre d'indemnisation du préjudice moral subi ;

- CONDAMNER la société ALLIANZ au paiement de la somme de 30.000 euros à titre d'indemnisation du préjudice moral subi ;

A titre subsidiaire,

- CONSTATER que le licenciement de Madame [S] est dépourvu de cause réelle et sérieuse, En conséquence,

- CONDAMNER la société ALLIANZ au paiement de la somme de 30.000 euros à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article L. 1235-3 du Code du travail ;

En tout état de cause,

- CONDAMNER la société ALLIANZ au paiement de la somme de 3.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile'.

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la nullité du licenciement pour discrimination

Aux termes de l'article L 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

L'article L.1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, le juge formant sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles,

En application de l'article L.1132-4 du code précité 'Toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance des dispositions du présent chapitre est nul.

Mme [S] soutient que son licenciement doit être déclaré nul en raison de sa nature discriminatoire au motif qu'il serait lié à ses origines supposées.

Elle produit au soutien de ses allégations :

- un mail qu'elle a adressé le 2 décembre 2014 à sa direction dans les termes suivants : 'je reviens vers vous suite à l'entretien en date du mois d'avril 2014, concernant les propos tenus par une de mes collègues à mon égard portant atteinte à mes origines : 'il y en a marre des assistés: les communistes, les bolchevicks et les arabes dehors'. Lors de cet entretien, la collaboratrice en question avait reconnu les faits et s'en est excusée. Je n'avais donc pas donné suite au vu de l'engagement que vous avez pris et veiller à ce que ces propos n'avaient plus leur place au sein de notre entreprise demandant ainsi à M. [P], mon responsable, d'y veiller.

Or, le 1er décembre 2014, des faits similaires se sont reproduits, Mme [W] a tenu des propos portant atteinte à mon honneur et à mes origines en la présence de M. [P] sans que ce dernier ne réagisse'.

- un mail adressé à son employeur le 30 mars 2015 suite à l'entretien POA (plan d'optimisation de l'activité) : 'Lors de l'entretien en présence de M. [B] tout s'est parfaitement bien passé. Je me suis retrouvée en tête à tête avec [K] (M. [P]) afin de finaliser l'entretien POA, quand une fois de plus j'ai été victime de son non contrôle à mon égard.

Il m'a accusée de deux choses graves : d'avoir rayé la voiture de sa compagne Mme [W], d'avoir voler les clés de voiture de sa compagne Mme [W]; bien évidemment sans aucune preuve! Sous prétexte qu'il n'y a que des arabes qui peuvent être voleur et sournois! Propos racistes et fausses accusations! Au delà de cela, j'ai eu des menaces directes à mon encontre : 'ca risque de mal finir pour toi!'. Ce sont clairement des menaces. Je fais appel à votre aide car j'ai extrêmement peur de la tournure dont prennent les choses.'

- un dépôt de plainte le 30 juin 2015 devant les services de police d'[Localité 3] aux termes duquel elle indique avoir été victime de violence de la part de M. [P], son supérieur hiérarchique 'Depuis décembre 2014, mes conditions de travail se sont dégradées avec lui. En effet, j'avais repris sa compagne qui travaille également dans la société car cette dernière avait tenu des propos racistes. Depuis cette date là, je suis dans le collimateur de M. [P]; il me fait tout le temps des reproches ; il pense que je suis responsable de tout ce qui arrive à sa compagne comme par exemple le vol de ses clés de voiture. Aujourd'hui, j'arrive à 10h30 au travail et M. [P] me dit que je suis en retard et que nous devions avoir un entretien individuel comme tous les mardis; Je lui ai répondu qu'on avait qu'à s'y mettre. Il m'a alors rétorqué qu'il n'était pas à ma disposition et qu'il avait envoyé un mail à notre hiérarchie. Il m'a dit qu'il en avait marre de moi et de ma nonchalance et que j'arrivais la gueule enfarinée. Je lui ai alors répondu que j'étais fatiguée et que je ne voulais pas perdre mon énergie avec lui. Il a alors surenchéri et j'ai fini par lui dire qu'il n'était pas du tout crédible et qu'il fallait se remettre en question lui et qu'il soigne ses addictions. Je lui ai donné l'exemple du 27 juin où il sentait l'alcool et était surexcité. Il a alors dérapé. Il s'est levé, est venu vers mois en courant; m'a crié dessus (...) Il a commencé à prendre mes affaires et voulait les jeter dehors . Il avait mon sac à main dans ses mains, j'ai essayé de lui reprendre. En effectuant cette manoeuvre il a réussi à me tordre le poignet et le doigt. Il m'a pris avec ses deux mains au niveau de mon bras gauche et a serré fort puis il m'a poussée contre le mur que j'ai touché avec l'épaule gauche'.

- un certificat médical du 30 juin 2015 du centre hospitalier d'[Localité 3] faisant état d'une ITT de 0 jour et d'une incapacité de travail de 5 jours pour une contusion épaule et poignet gauche; choc psychologique,

- le mail qu'elle a envoyé le 6 juillet 2015 à son employeur à propos de ces faits : 'A peine étais-je arrivée au bureau qu'il a commencé à me rabaisser verbalement (c'est à cette heure ci que tu arrives avec la gueule enfarinée et avec ton air nonchalant, j'en ai marre de toi). (...) Il s'est levé brusquement et a couru vers moi en me hurlant tout en collant son visage contre le mien et m'a dit : dégage, dégage, prend tes putains d'affaire et casse toi (...) Il m'a tourné le poignet gauche, m'a saisi par les épaules et m'a jetée contre le mur'. Elle indique à son employeur, M. [R] qu'il a toujours été à son écoute, réactif et soucieux de son bien-être face aux dérapages de M. [P].

- l'avertissement du 30 juillet 2015 qui lui a été infligé dans ces termes : ' nous avons été informés d'un incident survenu le 30 juin 2015 entre vous-même et votre responsable de Marché, M. [P]. Le 30 juin 2015, M. [P] vous a fixé un entretien à 9h30 pour le suivi de votre activité commerciale, auquel vous vous êtes présentée à 10h40. Vous êtes arrivée avec plus d'une heure de retard au rendez-vous sans justificatif. Ceci constitue un manquement à votre obligation de suivre les directives de votre responsable. Lors de votre entretien avec M. [P], vous avez proféré des propos inacceptables à son encontre, notamment en l'insultant. Nous vous rappelons que, conformément aux dispositions du règlement intérieur, vous devez observer en toutes circonstances un comportement correct et faire preuve de la plus grande courtoisie dans vos relations avec l'ensemble des collaborateurs de l'entreprise. (..) Quand aux faits dont vous faites état dans votre courriel en date du 6 juillet 2015, une procédure est actuellement en cours'.

- un courrier du 18 novembre 2015 qu'elle adresse à son employeur où elle fait état de remarques qu'elle déclare subir depuis le mois de décembre 2014 en raison de ses 'origines ethniques'('c'est normal que tu sois pour le mariage pour tous, vu que votre prophète Mahomet est un pédophile'; 'ce sont des Robeux comme toi', de Mme [C] en présence de M. [P]). Elle rappelle que 'à partir du 7 juillet 2015, M. [R] a décidé de me soustraire de l'équipe de M. [P]'. Elle indique contester l'avertissement du 30 juillet,

- une attestation d'un psychologue à [Localité 3] datée du 1er juin 2021 indiquant que l'intéressée est suivie au CMP depuis le mois de janvier 2021.

Au vu de ces éléments, la salariée présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte.

En réponse, l'employeur justifie des éléments suivants :

- sa réponse, le 2 décembre 2014, au mail susvisé du même jour, lui indiquant qu'il la recevra le 4 décembre pour les événements du 1er décembre et concernant ceux du mois d'avril : 'je tiens cependant à apporter quelques précisions concernant les événements mentionnés au courant du mois d'avril 2014. Les éléments détaillés provenaient d'une discussion d'école qui avait choqué l'un des enfants de la collaboratrice, qu'elle était en train d'échanger avec un autre collaborateur du plateau, fait en votre présence. Il ne s'agissait donc, en aucun cas, de propos tenus à votre égard, et la collaboratrice s'était simplement excusée d'avoir rapporté ces propos en voyant votre réaction, et sur le fait qu'elle ait pu vous causer beaucoup de peine'.

- un mail rédigé à la suite de l'entretien du 4 décembre aux termes duquel l'employeur indique avoir présenté en retour les résultats des investigations sur les faits dénoncés; 'j'ai analysé en toute objectivité ce dossier et vous informe n'avoir retenu aucun élément portant atteinte à votre honneur ou à vos origines',

- les avertissements pris tant à l'encontre de Mme [S] que de M. [P] suite à l'incident du 30 juin 2015 dans les mêmes termes ;

- les insultes proférées par la salariée à l'encontre de M. [P] le jour de cet incident qui ressortent de la plainte déposée par la salariée dans laquelle elle indique avoir dit à M. [P] qu'il fallait qu'il soigne ses addictions en alléguant qu'il serait sous addiction d'alcool ou de stupéfiants,

- le classement sans suite de la plainte décidé par le procureur de la république.

Au vu de ces éléments, la cour dit que le comportement des collègues ou du supérieur hiérarchique de la salariée ne ressort d'aucune pièce hormis ses propres déclarations. Il n'y a aucune attestation pour corroborer ce qu'elle dénonce.

Par ailleurs, s'il est établi qu'il y a eu une altercation le 30 juin 2015 entre elle et M. [P], d'une part, sa plainte a fait l'objet d'un classement sans suite, d'autre part, tous deux ont été sanctionnés par un avertissement. Enfin, ce qu'elle dénonce est un comportement violent et un emportement qu'aurait eu M. [P] à son encontre suite à son retard ; elle reproche et dénonce le caractère colérique et le manque de contrôle de celui-ci sans évoquer de discrimination en lien avec ses propres origines. Elle reconnaît en tout état de cause que son employeur a toujours répondu à ses dénonciations et déclarations y compris à ses accusations de propos ou comportements racistes.

Elle ne fait état d'aucun fait ou comportement postérieur au mois de juin 2015 alors que le licenciement est du mois de décembre suivant.

Rien dans ses dénonciations et déclarations ne laisse présumer que le licenciement dont elle a fait l'objet est en lien avec une discrimination directe ou indirecte.

Le jugement entrepris doit donc être infirmé en ce qu'il a dit le licenciement nul.

Faute de discrimination, aucune indemnité pour préjudice moral n'est due et le jugement doit être infirmé de ce chef.

Sur le bien fondé du licenciement

Selon l'article L1232-6 du même code, la lettre de licenciement fixe les limites du litige. La cause du licenciement doit être objective et reposer sur des faits matériellement vérifiables. Les faits doivent être établis et constituer la véritable cause de licenciement.

Si l'employeur est juge des aptitudes professionnelles de son salarié et de son adaptation à l'emploi, pour constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, l'insuffisance professionnelle doit être caractérisée par des faits objectifs et matériellement vérifiables. Si la preuve est partagée en matière de licenciement pour cause réelle et sérieuse, il incombe à l'employeur d'apporter au juge des éléments objectifs à l'appui des faits qu'il invoque comme propres, selon lui, à caractériser l'insuffisance professionnelle dont il se prévaut.

L'insuffisance professionnelle se définit comme l'incapacité objective, non fautive et durable, d'un salarié à accomplir correctement la prestation de travail pour laquelle il est employé, c'est-à-dire conformément à ce qu'on est fondé à attendre d'un salarié moyen ou ordinaire, employé pour le même type d'emploi et dans la même situation.

En l'espèce, la lettre de licenciement est rédigée comme suit:

'Nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier de l'entreprise, en raison de votre insuffisance professionnelle; qui résulte notamment de la non réalisation du volume minimal mensuel de production fixé par votre contrat de travail à 55 00 euros de chiffre d'affaires commissionable (cac). En effet, nous avons constaté depuis le début de l'année 2015, une baisse constante de votre production commerciale avec un chiffre d'affaire commissionable enroulé de 113 924 euros à fin octobre 2015 pour un objectif fixé à 440 000 euros.

Nous vous rappelons que vous disposez d'un ensemble de moyens et d'outils nécessaires pour vous aider à obtenir des résultats conformes à votre contrat de travail, à savoir :

- un portefeuille de 197 foyers clients dont 159 sur les segments patrimoniaux 9,1,2, 3 et 4;

- de plusieurs POA/ PAC (plan d'optimisation d'activité) quadrimestriesl;

- une méthode de vente commune : S'Energy;

- des différents événements mis en place au sein de la délégation régionale pour lesquels vous avez participé à deux reprises, en invitant seulement 4 clients/prospects;

- de formation e-learning et du Sales Games permettant de développer la méthode de vente S'Energy

Vous avez bénéficié d'un accompagnement renforcé de votre responsable de marché sur le 1er semestre 2015 avec 15 entretiens individuels briefe/debriefe de vos rendez-vous clients et 21 accompagnements en clientèle (pour une moyenne de 10 accompagnements pour vos autres collègues sur la même période) afin de vous aider à développer votre production et atteindre les attendus de l'entreprise.

Pour autant, nous avons constaté une production commerciale à 0% de chiffre d'affaires commissionable pour un objectif mensuel de 55 000 euros pour les mois de mars et avril 2015.

Vous avez d'ailleurs été reçue en entretien par le délégué régional le 13 mai 2015 suite à ce constat de non atteinte de vos attendus professionnels. Cet entretien a d'ailleurs été suivi d'une 1/2 journée d'accompagnement terrain le 26 juin 2015 par votre délégué régional.

Vous avez été également reçue en entretien le 2 septembre 2015, afin d'identifier et mettre en oeuvre les moyens et leviers nécessaires à un retour vers votre performance commerciale et l'atteinte des objectifs fixés contractuellement. Deux autres entretiens ont été fixés au 14 octobre 2015 et 18 novembre 2015 pour déterminer les actions à développer pour redresser votre situation.

Malgré l'ensemble de ces moyens mis à disposition, les résultats escomptés n'ont pas été au rendez-vous :

- un chiffre d'affaire commercial commissionable de 0 euros en septembre et octobre 2015 pour un volume mensuel minimal de production fr 55 000 euros;

- non respect des normes d'activité imposées par l'entreprise avec une sous-activité à hauteur de 7,3 rdv en moyenne hebdomadaire pour un objectif de RVD de vente à 10 minimum;

- une activité en conquête insuffisante pour capter de nouveaux clients patrimoniaux avec 1 RVD en moyenne par semaine pour un objectif minimum fixé à 3;

- une sous-exploitation des différents outils à votre disposition POA/PAC (40% de clients exploités);

- aucune planification de rendez-vous lors de la 1/2 journée d'accompagnement prévue avec le délégué régional;

- une application de la méthode S'Energy perfectible avec 75 rendez-vous pour réaliser 1 vente pour un objectif à 6.

Nous avons également relevé que vous ne respectiez pas les process de conformité mis en place par l'entreprise, au regard de nos enjeux et responsabilités sur le devoir de conseil et la connaissance client avec seulement 20% de dossiers clients enregistrés suite à vos rendez-vous.

Lors de l'entretien du 8 décembre 2015, vous avez mis en avant les difficultés que vous auriez rencontrées en début d'année 2014 avec votre responsable de Marché pour expliquer la baisse de vos résultats. Cet argument ne suffit pas à justifier l'absence totale de production en mars, avril et mai 2015 et ce, alors même que vous avez bénéficié d'un soutien managérial renforcé pendant cette période. Par ailleurs, votre délégué régional vous a personnellement accompagnée à compter du 1er septembre 2015 sans que vous ne puissiez démontrer votre capacité à atteindre les objectifs qui vous sont fixés, notamment avec une production commerciale à 0 euros en septembre et octobre 2015.'

La société prétend qu'alors que Mme [S] disposait de moyens et des outils nécessaires, il y a eu une baisse constante de sa production commerciale en 2015 et qu'elle n'a pas atteint l'objectif chiffré fixé en octobre 2015.

L'employeur fait valoir que la salariée a été accompagnée et qu'elle a été soutenue pour réaliser et améliorer ses résultats.

Mme [S] soutient au contraire qu'elle a été exclue de l'ensemble des outils de travail et qu'elle n'était plus conviée aux séances de phoning et aux entretiens hebdomadaires. Elle indique ne pas avoir eu de formation e-learning et aucun accompagnement pour les rendez-vous clients.

Selon le contrat de travail, il est indiqué que Mme [S] prend en charge l'ensemble des missions qui sont :

- organiser son travail dans le cadre de la politique commerciale d'Allianz Finance Conseil afin d'optimiser la fidélisation des clients et d'obtenir une meilleure production, tant en conquête qu'en fidélisation

- respecter les normes d'activité et s'engager à réaliser un volume de production correspond à l'attendu sur son niveau de poste,

- développer sa production pour atteindre les objectifs fixés, dans les cibles de clientèles sélectionnées.

Il découle des termes de la lettre de licenciement que l'insuffisance professionnelle reprochée à Mme [S] est une insuffisance de résultats. En effet, il lui est reproché de n'avoir réalisé que 113 924 euros soit près de 330 000 euros de moins que son objectif.

La baisse alléguée ressort des pièces 4, 5, 7, 8, 9 (objectifs de l'entreprise, activité), 10, 11 avec une production commerciale à zéro en mars et avril 2015 et des bulletins de salaire qui ne mentionnent aucune rémunération variable.

La société établit que ses carences ont été rappelées à Mme [S] lors de plusieurs entretiens avec le délégué régional par la production des comptes rendu (2 septembre 2015, 14 octobre 2015 et18 novembre 2015).

La conclusion du compte rendu de l'entretien du 2 septembre fait apparaître qu'il y a eu un entretien le 13 mai pour faire un point sur ses résultats 2015 'compte tenu de résultats en dessous des attendus de votre contrat de travail' au cours duquel elle a fait part de démotivation depuis le 1er janvier 2015. Il y a eu une analyse de ses points forts et des axes d'amélioration à développer. Son attention a été attirée sur son activité en dessous des objectifs, trop ciblée sur la fidélisation avec un gros manque 'd'activité en conquête'. Il est à ce titre indiqué 'vous avez d'ailleurs fait une analyse de votre activité sur le O1, dont vous m'aviez adressé une synthèse le 26 mai 2015 pour laquelle vous avez redéfini une organisation de travail permettant de répondre aux objectifs fixés'.

Il est encore relevé : 'à fin juillet, vos résultats sont toujours en dessous des attendus de votre contrat de travail avec 123 K euros de CAC'. Il est relevé moins de 1 vente par mois.

Le mail du 26 mai 2015 de Mme [S] est produit aux débats; il en ressort qu'elle tente de redéfinir une organisation de travail pour redresser la situation.

Le compte rendu du 14 octobre 2015 fait encore état d'une baisse constante de sa production et indique les étapes essentielles qu'elle doit accomplir pour redresser la situation.

L'ensemble de ces comptes rendu liste les actions de développement commercial à mettre en oeuvre notamment les séances de phoning hebdomadaire afin de planifier un nombre de rendez-vous clients par semaine.

La cour dit, au vu de l'ensemble de ces éléments et des pièces versées que la société justifie de la baisse des résultats de la salariée et notamment sur les mois de mars, avril et mai 2015 avec une baisse jusqu'en octobre 2015 et de points réguliers avec elle pour redresser la situation en mettant en évidence les axes à travailler.

L'employeur justifie en conséquence à la fois de l'absence de résultats conformes aux exigences contractuelles et d'avoir alerté la salariée de son insuffisance dans ce domaine.

Il s'en déduit que le licenciement de Mme [S] est justifié par une cause réelle et sérieuse.

La décision entreprise doit être infirmée.

Il y a également lieu d'infirmer la décision ayant condamné la société au paiement d'indemnités et de rejeter l'ensemble des demandes de Mme [S].

Sur les autres demandes

Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [S] supportera les dépens d'appel, lesquels ne peuvent être distraits, la représentation par avocat n'étant pas obligatoire en matière sociale.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et Y ajoutant,

Rejette l'ensemble des demandes de Mme [Y] [S] ,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [S] aux dépens d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 18/12252
Date de la décision : 29/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-29;18.12252 ?
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