La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/07/2022 | FRANCE | N°18/11991

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 29 juillet 2022, 18/11991


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 29 JUILLET 2022



N° 2022/ 157



RG 18/11991

N° Portalis DBVB-V-B7C-BCZMG







[D] [L]





C/



SAS DHL GLOBAL FORWARDING FRANCE

























Copie exécutoire délivrée le 29 juillet 2022 à :



-Me Jacqueline LESCUDIER, avocat au barreau de MARSEILLE



- Me Joseph MAGNAN, avocat au barrea

u d'AIX-EN-PROVENCE





























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 15 Juin 2018 enregistré au répertoire général sous le n° F17/01324.





APPELANTE



Madame [D] [L], demeu...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 29 JUILLET 2022

N° 2022/ 157

RG 18/11991

N° Portalis DBVB-V-B7C-BCZMG

[D] [L]

C/

SAS DHL GLOBAL FORWARDING FRANCE

Copie exécutoire délivrée le 29 juillet 2022 à :

-Me Jacqueline LESCUDIER, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Joseph MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 15 Juin 2018 enregistré au répertoire général sous le n° F17/01324.

APPELANTE

Madame [D] [L], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Jacqueline LESCUDIER, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SAS DHL GLOBAL FORWARDING FRANCE, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Joseph MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Stéphanie LE MEIGNEN, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Estelle De REVEL, Conseiller, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Estelle De REVEL, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Juillet 2022.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Juillet 2022

Signé par Madame Estelle De REVEL, Conseiller et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Mme [D] [L] a été engagée par la société DHL Global Forwarding, anciennement dénommée DHL Danzas Air et Ocean, en qualité d'assistante, selon contrat à durée déterminée du 1er janvier 2005 puis par contrat à durée indéterminée à temps complet, à compter du 1er avril 2005.

Dans le dernier état de la relation contractuelle, elle exerçait les fonctions d'assistante, groupe 2, coefficient 157,5 et percevait une rémunération brute mensuelle de 2 986,61euros.

Le 24 octobre 2013, elle a été placée en arrêt de travail. Elle a repris ses fonctions le 6 février 2014 dans le cadre d'un mi temps thérapeutique.

Le 18 septembre 2014, elle a été à nouveau en arrêt de travail.

Le 23 juin 2015, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille aux fins de résiliation du contrat de travail.

Selon avis des 22 juillet 2015 puis 5 août 2015, elle a été déclarée inapte par le médecin du travail dans les termes suivants : 'inapte au poste d'assistante de direction. Pas de reclassement proposé par le médecin du travail'.

Le 17 décembre 2015, Mme [L] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 28 décembre suivant auquel elle ne s'est pas présentée.

Le 31 décembre 2015, elle s'est vue notifier un licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Par jugement du 15 juin 2018, le conseil des prud'hommes a statué ainsi :

'Dit et Juge Mme [L] irrecevable et mal fondée en toutes ses demandes,

Déboute Mme [L] de l'ensemble de ses demandes

La condamne aux dépens'.

Le 18 juillet 2018, la salariée a relevé appel.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 27 janvier 2022, Mme [L] demande à la cour de :

'Infirmer le jugement entrepris sur l'intégralité de ses dispositions mal fondées, en fait et en droit,

Faire droit aux demandes de Madame [D] [L] réitérées en cause d'appel tant, à titre principal, que subsidiaire, relative à l'exécution contractuelle et à la rupture du contrat de travail et ses conséquences

AU PRINCIPAL,

Juger la résiliation judiciaire aux torts exclusifs de la société DHL GLOBAL FORWARDING produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Juger la date de résiliation judiciaire du contrat de travail à la date du licenciement intervenu postérieurement, soit le 31 décembre 2015,

En conséquence,

Condamner la société DHL au paiement des rappels de salaires, congés payés et dommages et intérêts suivants :

- dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 41.813,24 €

- dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail 10.000,00 €

- dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat 15.000,00 €

- indemnité compensatrice de préavis 5.973,22 €

- congés payés afférents 597,32 €

- Heures supplémentaires eff ectuées et non récupérées 245,00 €

- Congés payés afférents 24,50 €

SUBSIDIAIREMENT,

Juger que le licenciement pour inaptitude physique notifié à Madame [L] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

Condamner la société DHL au paiement des rappels de salaires, congés payés et dommages et intérêts suivants :

- dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 41.813,24 €

- dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail 10.000,00 €

- dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat 15.000,00 €

- indemnité compensatrice de préavis 5.973,22 €

- congés payés afférents 597,32 €

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

Fixer les intérêts de droit et prononcer la capitalisation de ces mêmes intérêts, à compter de la demande en justice.

Condamner la société DHL GF au paiement de la somme de 3.000,00 € en application des frais irrépétibles prévus par l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens.'

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 27 avril 2022, la société DHL Global Forwarding demande à la cour de :

' Déclarer irrecevable, comme nouvelle, la demande en paiement d'heures supplémentairesde Madame [L].

Subsidiairement, l'y déclarer mal fondée et l'en débouter purement et simplement.

DIRE ET JUGER Madame [L] irrecevable, en tous cas mal fondée en son appel,

L'en DEBOUTER purement et simplement,

CONFIRMER le jugement déféré en toutes ses dispositions

CONDAMNER Madame [L] aux entiers dépens tant de première instance que d'appel.'

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions de l'appelant et au jugement.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile , elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les «dire et juger» et les «constater» ainsi que les «donner acte» ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi; en conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.

L'intimée qui conclut à l'irrecevabilité de l'appel n'a développé aucun moyen à l'appui, de sorte que la fin de non recevoir ne peut prospérer.

Sur l'exécution du contrat de travail

1) Sur les heures supplémentaires

Selon l'article 564 du code de procédure civile, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Mme [L] fait une demande de rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires qu'elle n'avait pas introduite devant les conseillers prud'homaux.

Elle ne répond pas à la société qui conclut à l'irrecevabilité de cette demande comme étant nouvelle.

Les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables même en appel pour les instances introduites devant le conseil de prud'hommes antérieurement au 1er août 2016.

La demande est donc recevable et doit être examinée.

Il résulte des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Mme [L] affirme qu'au moment de son départ de la société, elle avait effectué 10h50 de travail supplémentaire qu'elle n'avait pas récupéré et qu'il convient de lui régler à hauteur de 245 euros, outre 24,50 euros de congés payés afférents.

L'employeur reproche à la requérante de ne pas préciser les périodes durant lesquelles elle soutient avoir effectué des heures supplémentaires. Il indique pour sa part, qu'elle récupérait systématiquement les heures supplémentaires effectuées en 2013 et 2014.

La cour constate qu'en se bornant à faire état d'un nombre d'heures supplémentaires impayées et en s'abstenant de produire tout décompte, la salariée ne présente pas d'élément suffisamment précis quant aux heures non rémunérées pour permettre à l'employeur d'y répondre.

La demande doit être rejetée.

2) Sur l'obligation de sécurité

Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

- des actions de prévention des risques professionnels,

- des actions d'information et de formation,

- la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

L'obligation générale de sécurité se traduit par un principe de prévention au titre duquel les équipements de travail doivent être équipés, installés, utilisés, réglés et maintenus de manière à préserver la santé et la sécurité des travailleurs.

L'employeur, tenu d'une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité en prenant en considération les propositions de mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs que le médecin du travail est habilité à prendre en application de l'article L. 4624-1 du code du travail dans sa version en vigueur jusqu'au 19 août 2015.

Mme [L] reproche à son employeur de ne pas avoir protégé sa santé en la plaçant dans des conditions de travail difficiles, entraînant son épuisement physique et psychique, notamment un malaise sur son lieu de travail, et en ne réduisant pas sa charge de travail malgré les alertes qu'elle avait formulées à ce titre.

Elle fait valoir une surcharge de travail notamment en ayant occupé des fonctions d'assistante de direction et après le transfert de l'agence de [Localité 5] et le changement informatique.

Elle indique encore qu'elle devait gérer les stagiaires et qu'elle effectuait des heures supplémentaires alors qu'elle était à mi-temps thérapeutique.

Elle produit notamment :

- l'attestation de Mme [I] indiquant avoir constaté une charge de travail croissante à partir de mi 2013 et avoir dû aider Mme [L], affirmant que celle-ci s'occupait de la totalité de la partie administrative de la gestion des factures, des cotations commerciales (filing) et correspondante ressources humaines ce qui a été alourdi en mai 2014 suite à la fermeture d'un établissement de [Localité 5] entraînant la gestion de 20 personnes supplémentaires. Elle indique que la charge de travail a été encore augmenté lors du changement de système informatique à la même période.

- des mails échangés courant août septembre 2013 à propos de la répartition du filing, de la commande des éphémérides, d'organisation des remplacements sur les journées formation incendies,

- ses fiches d'aptitudes médicales,

- la réunion des délégués du personnel du 29 juin 2014 indiquant que la gestion du personnel de [Localité 5] sera assurée par [Localité 6] sauf le WF et le MART

- l'édition des badgeages 2013-2014

- des mails de l'été 2014 échangés avec les collaborateurs

- l'évaluation de la stagiaire avril 2014 à août 2014

- un mail du 26 août 2014 dans lequel elle indique que la mise en place de NFE génère une charge de travail supplémentaire (déplacement)

- l'évaluation de ses compétences 2013,

- un mail de Mme [L] du 8 novembre 2013 (elle est en arrêt maladie): 'Déjà depuis quelques mois et à plusieurs reprises, je vous ai fait part de la surcharge de travail qu'il m'était demandée. Puis s'est ajoutée une pression morale à travers des réflexions régulières et/ou indifférence...'

- la réponse de l'employeur le 20 novembre suivant : 'Je prends bonne note de ce que vous indiquez dans votre courriel, néanmoins, je suis étonné qu'à ce jour vous estimiez encore avoir une charge de travail trop importante. En effet, lors d'un entretien auquel Mme [E] avait assisté, nous avions tous convenu de redistribuer vos tâches sur des personnes du service administratif. Certaines de vos missions ont également été confiées à l'hôtesse d'accueil'.

La société DHL Global Forwarding observe que Mme [L] n'a jamais fait état d'une dégradation de son état de santé en lien avec ses conditions de travail, ni émis d'alerte relative à une surcharge de travail ou à ses conditions de travail.

L'employeur conteste la surcharge de travail invoquée par la salariée et le fait qu'elle exerçait des tâches de direction comme elle le prétend. Il indique qu'elle ne s'est pas plus trouvée surchargée après la fermeture d'un des établissements courant 2014.

Il indique en tout état de cause avoir pris des mesures pour alléger la charge de travail de la salariée et s'adapter à son état de santé suite à son placement en mi-temps thérapeutique et soutient que les quelques heures supplémentaires étaient minimes et ont été récupérées en repos compensatoire.

L'employeur affirme que la crise d'angoisse dont la salariée a été victime le 24 octobre 2013 est sans lien avec sa charge de travail et que celle-ci n'a pas engendré de burn out.

Il rappelle que la CPAM a refusé de reconnaître le malaise comme un accident du travail.

L'employeur produit :

- le rapport du SECAFI du mois de mars 2014 sur la répartition des agences liées à une nouvelle répartition au sein des tâches des agents d'exploitation (et donc de leur encadrement). Tous les transferts de l'agence de [Localité 5] à [Localité 6]

- les attestations de Mme [N] basée dans l'agence de [Localité 4] qui indique gérer l'essentiel des ressources humaines de l'agence de [Localité 6] et que Mme [L] n'effectuait aucun saisie.

- l'attestation de Mme [E], salariée DHL, qui indique que Mme [L] s'est plainte de sa charge de travail à la suite du transfert de l'agence de [Localité 5] et qu'il a été décidé de lui accorder une stagiaire et de répartir une partie de ses tâches dans le service administratif; elle indique que le transfert en question a entraîné moins de 10 personnes supplémentaires à gérer et que les tâches au titre du RH étaient saisies à [Localité 4]. 'Lors de la période de mi-temps thérapeutique de Mme [L], c'est M. [Z] en direct qui a repris une bonne partie de ses tâches afin d'adapter sa charge de travail à son temps de travail réduit',

- l'attestation de M. [Z]

- les attestations de salariés sur les difficultés d'organisation de Mme [L],

- le relevé de badgeage faisant ressortir 3 heures supplémentaires en septembre 2013, 6 heures en octobre 2013, 10 heures en mars 2014 et 10h30 en avril 2014,

- les organigrammes de la société.

Il ressort de ces éléments que la salariée exerçait des fonctions administratives : 'gestion du courrier, l'accueil, le standard, la gestion des dossiers, relais entre les services, assister le responsable hiérarchique sur certains dossiers spécifiques variables selon les services'. Elle n'était pas l'assistante de la direction mais assistait le responsable d'agence et non le directeur (fiche de poste assistante de direction). Elle effectuait une partie des fonctions de correspondante des ressources humaines, étant précisé que toutes les saisies étaient faites par le relais de [Localité 4].

Il est constant que le 24 octobre 2013 Mme [L] a été placée en arrêt maladie après qu'est été constaté par le praticien psychiatre : 'un épuisement soudain ; fatigue excessive; dépression sur état de stress post-traumatique. Fatigue morale et psychique'.

Les témoignages de l'environnement professionnel et notamment celui de Mme [I] ne caractérisent aucune charge de travail excessive de Mme [L], dont les horaires n'avaient rien d'anormal au vu de ce qui précède. Il est seulement établi que les deux salariées travaillaient en binôme alors que Mme [I] ne fait pas état d'une charge excessive la concernant.

Les termes des mails échangés entre le responsable export et Mme [L] (pièces 71 et suivantes) et l'entretien de compétence de 2013 ne permettent pas d'en déduire une surcharge de travail ni que la salariée avait dénoncé à son employeur des manquements à son obligation de sécurité justifiant des mesures d'investigations de la part de la société avant son arrêt de travail.

Les pièces médicales produites par Mme [L] qui ne font que reprendre ses dires sur l'origine professionnelle de la dégradation de son état de santé, ne suffisent pas en rapporter la preuve. Dans le courrier adressé par le docteur [H] à la médecine du travail (pièce 57), celui-ci indique qu'il a été mis en évidence des antécédents anxio-dépressifs familiaux, avec tentative de suicide, et une personnalité à la fois hyper-esthétique et psychorigide. 'Elle a rapporté un sentiment de frustration vis à vis de son travail n'ayant pas obtenu les formations requises malgré 10 ans d'ancienneté et s'étant trouvée en situation de charge croissante de travail (...) Elle a été apaisée par l'arrêt de travail 'mais elle s'est retrouvée surchargée de travail, soumise à des reproches et elle s'est mise à suspecter que sa direction veuille la piéger ce qui a motivé un nouvel arrêt le 18 septembre 2014, suite à votre placement en inaptitude temporaire'.

L'employeur établit avoir été attentif à sa charge de travail en adaptant son poste de travail au mi-temps thérapeutique et en déléguant une partie de ses tâches sur d'autres services.

La suppression d'une agence à [Localité 5] n'a pas généré une charge de travail supplémentaire excessive et inadaptée au poste de travail.

En tout état de cause, l'avis du psychiatre et les diagnostics des médecins ne permettent pas d'établir un lien de causalité entre l'état de santé de la salariée et un manquement de l'employeur à son obligation de veiller à la santé de ses salariés.

Il ressort de ces éléments que n'est pas démontré une surcharge de travail anormale au regard du poste de travail occupé, ni un préjudice résultant d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

La demande d'indemnisation doit être rejetée et le jugement confirmé.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

1) Sur la déclaration tardive d'un accident du travail

Mme [L] reproche à l'employeur de n'avoir déclaré que tardivement l'accident du travail dont elle prétend avoir été victime soutenant que ce retard l'a pénalisée pour qu'il soit reconnu en tant que tel.

L'employeur réplique n'avoir pas reçu de déclaration d'accident du travail de la part de Mme [L] et que le seul fait qu'elle ait eu un malaise sur son lieu de travail ne justifiait pas une telle déclaration.

Est considéré comme un accident du travail quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.

Selon l'article L.441-1 du code de la sécurité sociale, la victime d'un accident du travail doit en informer l'employeur dans les 24 heures.

L'employeur doit déclarer tout accident dont il a eu connaissance à la caisse primaire d'assurance maladie dont relève la victime dans les 48 heures.

En l'espèce, il est constant que la déclaration d'accident du travail a été faite par l'employeur le 7 août 2014. Il en ressort que Mme [L] a été victime le 24 octobre 2013 devant son bureau d'un épuisement soudain, fatigue excessive et malaise. Elle a été transportée à son domicile par son compagnon. L'accident a été connu le 24 octobre 2013 à 11h30 par l'employeur.

Le 18 novembre 2014, la caisse primaire d'assurance maladie a donné un avertissement suite à réception tardive d'une déclaration.

Le 5 janvier 2015, la caisse primaire d'assurance maladie a refusé de prendre en charge l'accident considérant que 'la situation rapportée ne permet pas d'établir l'existence d'un fait accidentel, à savoir un événement soudain (daté et précis) et violent, lié au travail.'

La cour dit, après analyse de ces éléments, qu'il n'existe aucun lien entre le retard de déclaration et le refus de prise en compte de l'accident du travail et par conséquent le retard de l'employeur n'est pas à l'origine du refus querellé.

2) Sur l'obligation de formation

La salariée fait valoir qu'elle a demandé des formations qui lui ont été refusées par l'employeur en dépit de son obligation.

A l'appui, elle produit:

- ses appréciations de compétences 2011, 2012 et 2013 aux termes desquelles elle indique dans 'ses observations' qu'elle voudrait que ses souhaits de formation soient pris en compte,

- un échange avec son employeur en mai 2014 à propos de sa demande au titre du DIF pour participer à une formation sur la gestion du stress.

L'employeur justifie avoir indiqué à la salariée que des formations sur les risques psycho-sociaux étaient organisés au sein de l'entreprise pour refuser la demande au titre du DIF. Il produit la feuille de présence à la formation du 26 juin 2014.

En l'état des pièces versées, est suffisamment justifié le respect par l'employeur de son obligation de formation.

La demande faite au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail doit en conséquence être rejetée et le jugement confirmé.

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail

Lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée. C'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.

Le salarié peut obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail en cas de manquement grave de l'employeur à ses obligations de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.

La cour n'ayant pas reconnu la violation de son obligation de sécurité par l'employeur, ni aucun autre manquement fautif, Mme [L] est défaillante dans la preuve de manquements graves commis par la société de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, sera déboutée de sa demande en résiliation judiciaire du contrat de travail.

Le jugement est par conséquent confirmé.

Sur le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement

Mme [L] considère que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse dès lors qu'il résulte d'un comportement fautif de l'employeur à l'origine de son inaptitude.

Cependant, aucun manquement n'ayant été reconnu à l'encontre de la société et aucun lien entre un manquement et l'inaptitude du salarié n'étant démontré, le moyen fondé sur l'absence de cause réelle et sérieuse pour inaptitude lié au manquement de l'employeur doit être rejeté.

La salariée soutient par ailleurs que la société a manqué à son obligation de reclassement en se bornant à ne lui proposer que quelques postes sans aucune concertation avec le médecin du travail et sans faire une recherche sérieuse et loyale de reclassement.

La société réplique avoir satisfait à l'ensemble de ses obligations et avoir proposé des postes adaptés que Mme [L] a refusé.

Aux termes de l'article L 1226-2 du code du travail, lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.

Les possibilités de reclassement doivent être recherchées au sein de l'entreprise et le cas échéant, du groupe auquel elle appartient, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu de travail permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

La recherche de reclassement doit être réelle, sérieuse et loyale. Elle s'apprécie au regard de la taille de l'entreprise ou du groupe auquel elle appartient et de la position prise par le salarié déclaré inapte par le médecin du travail.

C'est à l'employeur de démontrer qu'il s'est acquitté de son obligation de reclassement, laquelle est de moyens, et de rapporter la preuve de l'impossibilité de reclassement qu'il allègue.

Suivant avis du 5 août 2015, le médecin du travail a déclaré Mme [L] 'inapte à la reprise de son poste d'assistante de direction. Pas de reclassement proposé par le médecin du travail'.

Par lettres du 28 septembre 2015, 20 octobre 2015 et 3 décembre 2015, la société DHL Global Forwarding a adressé à Mme [L] trois propositions de postes au sein du groupe DHL, parus au «Forum de l'emploi» et portant sur les emplois d'agent d'exploitation à [Localité 7], d'agent NGC à [Localité 4] et d'affreteur à [Localité 3]. Sont annexées à chacune des lettres les copies des annonces parues qui indiquent les missions principales des postes et les profils recherchés des candidats.

Alors que la recherche de reclassement doit être individualisée et que la société DHL Global Forwarding ne pouvait ignorer la situation particulière de Mme [L] qui avait précédemment exercé ses fonctions dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique, la société s'est contentée de transmettre des propositions parues dans un forum d'emploi sans s'assurer auprès du médecin du travail que les postes ainsi proposés étaient compatibles avec l'état de santé de la salariée par la mise en oeuvre de mesures telles que des transformations des postes de travail ou des aménagements du temps de travail.

Faute de produire aux débats le registre du personnel établissant qu'aucun poste autre n'était à pourvoir, ni disponible sur un emploi relevant de la qualification de l'appelante, de sa catégorie ou un emploi équivalant et même de catégorie inférieure, sur la période de reclassement, la société n'a pas satisfait pas à son obligation probatoire de recherche préalable de reclassement en ne faisant pas de recherche loyale et sérieuse.

Dans ces conditions, le licenciement de Mme [L] est sans cause réelle et sérieuse.

En application des dispositions de l'article L1235-3 du code du travail, et compte tenu de son âge au moment de la rupture du contrat de travail (50 ans), de son ancienneté (10 ans révolus), de sa qualification, de sa rémunération (2 986,61 euros), des circonstances de la rupture et de sa situation après la rupture (en recherche d'un emploi en janvier 2016), il sera accordé à Mme [L] une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de 30 000 euros.

Il lui sera également alloué une indemnité de préavis de deux mois - conformément aux dispositions de la convention collective des transports - d'un montant de 5 973,22 euros, outre la somme de 597,32 euros au titre des congés payés afférents.

Sur les intérêts

Les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation, et les sommes allouées de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Il convient d'ordonner la capitalisation des intérêts qui est de droit lorsqu'elle est demandée.

Sur le remboursement des indemnités de chômage

Le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 1235-4 du même code qui l'imposent, d'ordonner d'office à l'employeur de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées au salarié, dans la limite de trois mois d'indemnités.

Sur les autres demandes

Il est équitable de condamner la société DHL Global Forwarding à payer à Mme [L] la somme de 1 500 euros au titre des frais qu'elle a engagés tant en première instance qu'en cause d'appel.

Les dépens de première instance et d'appel seront à la charge de la société DHL Global Forwarding partie succombante par application de l'article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Déclare recevable l'appel interjeté et la demande au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents,

Infirme le jugement déféré SAUF dans ses dispositions ayant rejeté la demande en paiement au titre de la violation de l'obligation de sécurité, de l'exécution déloyale du contrat de travail et de la résiliation judiciaire,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Dit le licenciement de Mme [D] [L], sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la société DHL Global Forwarding à payer à Mme [D] [L] les sommes suivantes:

- 30 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 5 973,22 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 597,32 euros au titre des congés payés afférents,

Dit que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter du 26 juin 2015 et les sommes allouées de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Ordonne la capitalisation des intérêts à condition qu'ils soient dus pour une année entière,

Ordonne le remboursement par la société DHL Glibal Forwarding à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à la salariée, dans la limite de 3 mois,

Dit qu'à cette fin, une copie certifiée conforme de la présente décision sera adressée à Pôle Emploi, par le greffe,

Rejette les autres demandes,

Condamne la société DHL Global Forwarding à payer à Mme [D] [L] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société DHL Global Forwarding aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERPour Mme MARTIN empéchée,

Mme De REVEL en ayant délibéré


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 18/11991
Date de la décision : 29/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-29;18.11991 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award