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28/07/2022 | FRANCE | N°21/04898

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 28 juillet 2022, 21/04898


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4



ARRÊT AU FOND

DU 28 JUILLET 2022



N°2022/118













Rôle N° RG 21/04898 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHHA7







S.A. AXA FRANCE IARD





C/



09 SARL MATTEO

































Copie exécutoire délivrée le :



à :



Me CHERFILS



Me BOISRAME
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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de TARASCON en date du 15 Mars 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 2020/03121.





APPELANTE



S.A. AXA FRANCE IARD

prise en la personne de son représentant légal en exercice, demeurant [Adresse 1]



représentée par Maître Romain CHERFILS d...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4

ARRÊT AU FOND

DU 28 JUILLET 2022

N°2022/118

Rôle N° RG 21/04898 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHHA7

S.A. AXA FRANCE IARD

C/

09 SARL MATTEO

Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me CHERFILS

Me BOISRAME

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de TARASCON en date du 15 Mars 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 2020/03121.

APPELANTE

S.A. AXA FRANCE IARD

prise en la personne de son représentant légal en exercice, demeurant [Adresse 1]

représentée par Maître Romain CHERFILS de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

Plaidant par Maître Pascal ORMEN avocat au barreau de PARIS, substitué par Maître Alexandre KAPHAN, avocat au barreau de Paris

INTIMEE

09 SARL MATTEO, demeurant [Adresse 3]

représentée par Maître Alexandra BOISRAME, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Plaidant par Maître Pierre MESTHENEAS, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Mai 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Rose-Marie PLAKSINE, Présidente de chambre, et Madame Sophie LEYDIER, Conseillère, chargés du rapport.

Madame Rose-Marie PLAKSINE, Présidente de chambre, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Rose-Marie PLAKSINE, Présidente de chambre

Monsieur Olivier BRUE, président de chambre

Mme Sophie LEYDIER, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Patricia CARDI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Juillet 2022.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 28 Juillet 2022.

Signé par Madame Rose-Marie PLAKSINE, Présidente de chambre et Madame Patricia CARDI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige:

La SARL Matteo exploite plusieurs fonds de commerce à [Localité 5]:

1/ un restaurant à l'enseigne « Au Bistrot Marin », spécialisé dans les produits de la mer, situé [Adresse 2],

2/ un café débit de boisson restauration rapide à l'enseigne « Le Café de la Fontaine », situé [Adresse 3],

3/ une pizzéria sur place et à emporter à l'enseigne « Piazza Del Gusto » située au [Adresse 2],

4/ un glacier sur place et à emporter, pâtisserie, boutique, salon de thé, sandwicherie sur place et à emporter à l'enseigne «Les gourmandises de Marcel» situé au [Adresse 4].

La SARL Matteo a souscrit trois polices d'assurance multirisque professionnelle auprès de la société Axa France Iard:

Le 25 novembre 2015, la police n°6838604404, à effet au 1er février 2016 garantissant l'exploitation du café-bar-restaurant 'Le Café de la Fontaine',

Le 18 février 2016, la police n°6833074104, à effet au 16 mai 2016 garantissant l'exploitation du restaurant « Au Bistrot Marin »,

Le 6 février 2018, la police n°10147971804, à effet au 29 décembre 2017 garantissant l'exploitation du restaurant « Piazza Del Gusto ».

Les polices n°6838604404 et n°6833074104 ont été remplacées par une seule et même police n°6833074104 garantissant l'exploitation du restaurant « Au Bistrot Marin » et celle du Café-Bar-Brasserie « Le Café de la Fontaine » selon conditions particulières signées le 21 avril 2020 par le représentant de l'assureur et le 22 avril 2020 par l'assurée, prenant effet à la date du 21 février 2020.

La police n° 10147971804 a été remplacée par une police du même numéro portant diminution du chiffre d'affaires initialement déclaré,  selon conditions particulières signées le 21 avril 2020 par le représentant de l'assureur et le 22 avril 2020 par l'assurée, prenant effet à la date du 21 février 2020.

Par arrêté du 14 mars 2020, portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19, prises en exécution du décret n°2020-247 du 13 mars 2020, puis reprises par le Décret n°2020-293 du 23 mars 2020, le ministre des solidarités et de la santé a ordonné la fermeture administrative de certains établissements recevant du public, dont notamment les restaurants et débits de boisson.

L'accès aux trois établissements exploités par la société Matteo a été interdit à la clientèle du 15 mars au 1er juin 2020.

En réponse à la demande de la SARL Matteo tendant à obtenir le paiement de ses pertes d'exploitation consécutives à la fermeture de ses établissements, l'assureur a refusé de garantir le sinistre, en faisant valoir l'existence d'une clause d'exclusion de garantie, par courrier du 28 juillet 2020.

Par LRAR 1er septembre 2020 reçue le 07 septembre 2020, le conseil de la SARL Matteo a mis en demeure l'assureur de mobiliser la garantie 'perte d'exploitation suite à fermeture administrative souscrite' et de lui régler la somme de 450 000 euros, correspondant à sa perte d'exploitation sur les trois établissements assurés sur la période allant du 14 mars 2020 au 1er juin 2020.

Par acte du 9 septembre 2020, la SARL Matteo a fait assigner la société Axa France Iard devant le tribunal de commerce de Tarascon, aux fins principalement d'obtenir la garantie du sinistre, une provision, et la désignation d'un expert aux fins d'évaluer l'ensemble des pertes subies.

Par des conclusions postérieures, la SARL Matteo a sollicité la prise en charge d'un deuxième sinistre consécutif à la seconde fermeture administrative de ses établissements, en application des dispositions prises par décret du 29 octobre 2020.

Par jugement contradictoire du 15 mars 2021, le tribunal de commerce de Tarascon a principalement:

- constaté que les conditions de la garantie souscrite par la société Matteo auprès de la société Axa France Iard, au titre de la perte d'exploitation subie pour fermeture administrative sont acquises,

- déclaré non écrite la clause d'exclusion de garantie ci-dessous reproduite:

« SONT EXCLUES LES PERTES D'EXPLOITATION, LORSQUE, A LA DATE DE LA DECISION DE FERMETURE, AU MOINS UN AUTRE ETABLISSEMENT, QUELLE QUE SOIT SA NATURE ET SON ACTIVITE, FAIT L'OBJET, SUR LE MEME TERRITOIRE DEPARTEMENTAL QUE CELUI DE L'ETABLISSEMENT ASSURE, D'UNE MESURE DE FERMETURE ADMINISTRATIVE, POUR UNE CAUSE IDENTIQUE »,

- condamné, dans ces conditions, la société Axa France Iard à indemniser la société Matteo des pertes d'exploitation subies par la fermeture de ses établissements susvisés à compter du 15 mars 2020, puis à compter du 30 octobre 2020,

- avant dire droit sur la liquidation définitive de l'indemnité d'assurance et sur les demandes formées au titre des intérêts moratoires:

ordonné une mesure d'expertise et désigné Monsieur [Y] [R] pour mission de:

o Calculer, conformément aux stipulations des conditions générales n° 690200 Q et des conditions particulières des contrats d'assurance AXA Multirisque professionnelle n° 6833074104 et n° 10147971804, l'indemnité contractuellement due à la SARL MATTEO en réparation des dommages immatériels subis par elle, conséquence de la fermeture des établissements assurés, et notamment, ce faisant,

o Évaluer le montant des dommages constitués par la perte de marge brute pendant la période d'indemnisation contractuelle concernant la première période d'interruption totale de l'activité de restauration ayant débuté le 15 mars 2020,

o Évaluer le montant des dommages constitués par la perte de marge brute pendant la période d'indemnisation contractuelle concernant la deuxième période d'interruption totale de l'activité de restauration ayant débuté le 30 octobre 2020,

o Évaluer le montant des frais supplémentaires d'exploitation engagés ou à engager pendant les deux périodes d'indemnisation,

o Se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utiles à sa mission,

o Entendre tout sachant,

o Et s'il l'estime utile, se rendre sur place,

Dit que conformément aux dispositions de l'article 153 alinéa 2 du code de procédure civile, l'affaire sera rappelée à l'audience publique du vendredi 17 septembre 2021 à 15 heures pour nouvel examen,

Condamné la société Axa France Iard à payer à la société Matteo la somme de 150 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnité due au titre des pertes d'exploitation causée par la fermeture de ses établissements à la suite de l'arrêté du 14 mars 2020 et du décret 2020-1310 du 29 octobre 2020,

Dit n'y avoir lieu à assortir ladite condamnation d'une astreinte,

Dit n'y avoir lieu, à ce stade de la procédure, de faire droit aux demandes formées par les parties au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Constaté que l'exécution provisoire du jugement est de droit et dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 514-1 du code de procédure civile,

Débouté les parties de leurs conclusions plus amples et contraires.

Par déclaration reçue au greffe le 2 avril 2021, la société Axa France Iard a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a:

Constaté que les conditions de la garantie souscrite par la société Matteo auprès de la société Axa France Iard, au titre de la perte d'exploitation subie pour fermeture administrative sont acquises,

Déclaré non écrite la clause d'exclusion de garantie ci-dessous reproduite:

« SONT EXCLUESLES PERTES D'EXPLOITATION, LORSQUE, A LA DATE DE LA DECISION DE FERMETURE, AU MOINS UN AUTRE ETABLISSEMENT, QUELLE QUE SOIT SA NATURE ET SON ACTIVITE, FAIT L'OBJET, SUR LE MEME TERRITOIRE DEPARTEMENTAL QUE CELUI DE L'ETABLISSEMENT ASSURE, D'UNE MESURE DE FERMETURE ADMINISTRATIVE, POUR UNE CAUSE IDENTIQUE»,

Condamné, dans ces conditions, la société Axa France Iard à indemniser la société Matteo des pertes d'exploitation subies par la fermeture de ses établissements susvisés à compter du 15 mars 2020, puis à compter du 30 octobre 2020,

Avant dire droit sur la liquidation définitive de l'indemnité d'assurance et sur les demandes formées au titre des intérêts moratoires,

Ordonné une mesure d'expertise et commis Monsieur [Y] [R] avec la mission susvisée,

Dit que conformément aux dispositions de l'article 153 alinéa 2 du code de procédure civile, l'affaire sera rappelée à l'audience publique du vendredi 17 septembre 2021 à 15 heures pour nouvel examen,

Condamné la société Axa France Iard à payer à la société Matteo la somme de 150 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnité due au titre des pertes d'exploitation causée par la fermeture de ses établissements à la suite de l'arrêté du 14 mars 2020 et du décret 2020-1310 du 29 octobre 2020,

Dit n'y avoir lieu, à ce stade de la procédure, de faire droit aux demandes formées par les parties au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Constaté que l'exécution provisoire du jugement est de droit,

Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 514-1 du code de procédure civile,

Débouté la société Axa France Iard de ses demandes,

Réservé les dépens.

Par arrêt avant dire droit du 31 mars 2022, la présente cour a:

- ordonné la réouverture des débats,

- invité les parties à conclure à nouveau:

* sur les raisons pour lesquelles de nouvelles conditions particulières ont été formalisées et signées pendant le premier confinement et notamment sur le point de savoir si la garantie des pertes d'exploitation subies en cas de fermeture administrative consécutive à une épidémie a été évoquée lors de la signature des dernières conditions particulières,

* sur une éventuelle requalification des engagements contractuels entre les parties s'agissant de la garantie des pertes d'exploitation subies en cas de fermeture administrative consécutive à une épidémie,

- invité l'intimée à produire les déclarations de sinistre concernant la fermeture de ses établissements pour la période allant du 15 mars au 15 juin 2020,

- dit que la clôture de la procédure interviendra le 02 mai 2022,

- dit que l'affaire sera rappelée à l'audience du 10 mai 2022,

- réservé les dépens.

Appelée à l'audience du 10 mai 2022, l'affaire a été retenue et mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 28 juillet 2022.

Par dernière conclusions récapitulatives notifiées par le RPVA le 2 mai 2022, l'appelante sollicite au visa des articles 1103, 1170 et 1192 du code civil et des articles L 112-4, L 113-1 et L 121-1 du code des assurances:

A titre principal,

l'infirmation du jugement déféré en ce que le premier juge a:

* constaté que les conditions de la garantie souscrite par la société Matteo auprès de la société Axa France Iard, au titre de la perte d'exploitation subie pour fermeture administrative sont acquises,

* déclaré non écrite la clause d'exclusion de garantie ci-dessous reproduite :

« SONT EXCLUESLES PERTES D'EXPLOITATION, LORSQUE, A LA DATE DE LA DECISION DE FERMETURE, AU MOINS UN AUTRE ETABLISSEMENT, QUELLE QUE SOIT SA NATURE ET SON ACTIVITE, FAIT L'OBJET, SUR LE MEME TERRITOIRE DEPARTEMENTAL QUE CELUI DE L'ETABLISSEMENT ASSURE, D'UNE MESURE DE FERMETURE ADMINISTRATIVE, POUR UNE CAUSE IDENTIQUE. »

* condamné, dans ces conditions, la société Axa France Iard à indemniser la société Matteo des pertes d'exploitation subies par la fermeture de ses établissements susvisés à compter du 15 mars 2020, puis à compter du 30 octobre 2020,

Avant dire droit sur la liquidation définitive de l'indemnité d'assurance et sur les demandes formées au titre des intérêts moratoires,

* ordonné une mesure d'expertise et commis Monsieur [Y] [R] lequel recevra pour mission de:

o Calculer, conformément aux stipulations des conditions générales n°690200 Q et des conditions particulières des contrats d'assurance AXA Multirisque professionnelle n°6833074104 et n° 10147971804, l'indemnité contractuellement due à la société Matteo en réparation des dommages immatériels subis par elle, conséquence de la fermeture des établissements assurés, et notamment, ce faisant,

o Évaluer le montant des dommages constitués par la perte de marge brute pendant la période d'indemnisation contractuelle concernant la première période d'interruption totale de l'activité de restauration ayant débuté le 15 mars 2020,

o Évaluer le montant des dommages constitués par la perte de marge brute pendant la période d'indemnisation contractuelle concernant la deuxième période d'interruption totale de l'activité de restauration ayant débuté le 30 octobre 2020,

o Évaluer le montant des frais supplémentaires d'exploitation engagés ou à engager pendant les deux périodes d'indemnisation,

o Se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utiles à sa mission,

o Entendre tout sachant,

o Et s'il l'estime utile, se rendre sur place,

Dit que conformément aux dispositions de l'article 153 alinéa 2 du Code de Procédure Civile, l'affaire sera rappelée à l'audience publique du vendredi 17 septembre 2021 à 15 heures pour nouvel examen,

Condamné la société Axa France Iard à payer à la société Matteo la somme de

150 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnité due au titre des pertes d'exploitation causée par la fermeture de ses établissements à la suite de l'arrêté du 14 mars 2020 et du décret 2020-1310 du 29 octobre 2020,

Dit n'y avoir lieu, à ce stade de la procédure, de faire droit aux demandes formées par les parties au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Constaté que l'exécution provisoire du jugement est de droit,

Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 514-1 du code de procédure civile,

Débouté les parties de leurs conclusions plus amples et contraires,

Réservé les dépens.

L'infirmation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes tendant à juger de la validité de la clause d'exclusion,

Statuant à nouveau:

Faisant valoir à titre principal que la clause d'exclusion respecte le caractère formel exigé par l'article L 113-1 du code des assurances, qu'elle ne vide pas l'extension de garantie de sa substance et ne prive pas l'obligation essentielle de l'assureur de sa substance, qu'elle est inscrite en des termes très apparents et respecte le formalisme prévu par l'article L 112-4 du code des assurances, et qu'elle est donc applicable, l'assureur sollicite:

* le rejet de l'intégralité des demandes de la société Matteo formées à son encontre et sa condamnation à lui restituer les sommes perçues au titre de l'exécution du jugement du 15 mars 2021,

* l'annulation de la mesure d'expertise judiciaire ordonnée par le tribunal de commerce de Tarascon,

A titre subsidiaire:

* déclarer irrecevables les demandes nouvellement formées en cause d'appel par l'intimée visant à obtenir la mobilisation des garanties 'fermetures administratives' comprises au sein des conditions particulières n°10147971804, n°6838604404 et n°6833074104,

* l'infirmation du jugement déféré en ce que le premier juge l'a déboutée de sa demande tendant à voir prononcer la nullité des extensions de garantie « perte d'exploitation suite à fermeture administrative » souscrites par la société Matteo pour défaut d'aléa,

Statuant à nouveau:

* prononcer la nullité des extensions de garantie « perte d'exploitation suite à fermeture administrative » souscrites par la société Matteo, le risque étant réalisé les 31 mars et 22 avril 2020, lors de la souscription par la société Matteo des deux contrats d'assurance n°10147971804 et n°6833074104

* rejeter les demandes de provision formées par la société Matteo à son encontre,

A titre très subsidiaire:

L'infirmation du jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée à verser à la société Matteo la somme de 150 000 euros à titre de provision et fixé la mission de l'expert judiciaire sans se référer aux termes du contrat,

Statuant à nouveau:

ordonner la fixation de la mission de l'expert désigné par le tribunal de commerce de Tarascon comme suit:

Se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utile à l'accomplissement de sa mission, notamment l'estimation effectuée par l'intimée et/ou son expert-comptable, accompagnée de ses bilans et comptes d'exploitation sur les trois dernières années,

Entendre les parties ainsi que tout sachant et évoquer, à l'issue de la première réunion avec les parties le calendrier possible de la suite de ses opérations,

Examiner les pertes d'exploitation garanties contractuellement par le contrat d'assurance, sur une période maximum de trois mois et en tenant compte de la franchise de 3 jours ouvrés applicable,

Donner son avis sur le montant des pertes d'exploitation consécutives à la baisse du chiffre d'affaires causée par l'interruption ou la réduction de l'activité, comprenant le calcul de la perte de marge brute, et déterminer le montant des charges salariales et des économies réalisées,

Donner son avis sur le montant des aides/subventions d'Etat perçues par l'assurée,

Donner son avis sur les coefficients de tendance générale de l'évolution de l'activité et des facteurs externes et internes susceptibles d'être pris en compte pour le calcul de la réduction d'activité imputable à la mesure de fermeture en se fondant notamment sur les recettes encaissées dans les semaines ayant précédé le 15 mars et le 29 octobre 2020,

En tout état de cause:

* le rejet de toutes demandes, fins ou prétentions de la société Matteo contraires au dispositif de ses écritures,

* la condamnation de la société Matteo à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel distraits au profit de la Selarl Lexavoue Aix-en-Provence, avocats associés aux offres de droit.

Par dernières conclusions notifiées parle RPVA le 2 mai 2022, l'intimée sollicite:

- la confirmation du jugement déféré, excepté sur le montant de la provision qui lui a été allouée,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

REQUALIFIER les conditions particulières n°6833074104 et n°10147971804 des 21et 22 avril 2020 en avenants des contrat d'assurances MRP n°6838604404 (Café de la Fontaine) du 25 novembre 2015, n°6833074104 du 16 mai 2016 (Le Bistro marin) et n°10147971804 (Piazza Del Gusto) du 6 février 2018,

DEBOUTER la société Axa France Iard de sa demande en nullité, pour défaut d'aléa à la souscription, des extensions de garantie « Pertes d'exploitation » pour fermeture administrative causée par une épidémie stipulée par les conditions particulières n°6833074104 et n°10147971804 signées les 21 et 22 avril 2020,

CONDAMNER la société Axa France Iard à lui payer une provision supplémentaire de 150 000 euros, en complément de la provision de

150 000 euros allouée par le Tribunal de commerce de Tarascon, à valoir sur l'indemnisation des pertes d'exploitation subies lors de la fermeture de son établissement pour les périodes suivantes:

1/ du 15 mars 2020 au 15 juin 2020,

2/ du 30 octobre 2020 au 30 janvier 2021 (soit la durée maximale garantie de trois mois),

DEBOUTER la la société Axa France Iard de l'intégralité des fins de son appel et de toute demande contraire,

CONDAMNER la société Axa France Iard à lui payer une indemnité de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNER la la société Axa France Iard aux dépens d'appel et en ordonne la distraction en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire,

Si, par impossible, la Cour devait infirmer le jugement entrepris et prononcer la nullité, pour défaut d'aléa, des extensions de garantie 'pertes d'exploitation suite à fermeture administrative' stipulée par les conditions particulières n°6833074104 et n°10147971804 signées les 21 et 22 avril 2020,

JUGER que, par l'effet de la nullité de cette extension de garantie pour défaut d'aléa, les conditions particulières n°6833074104 et n°10147971804 signées les 21 et 22 avril 2020 n'annulent, ni ne remplacent l'extension de garantie pour cause de fermeture administrative consécutive à une épidémie stipulées par la police d'assurance Multirisque Professionnelle

n°6833074104, souscrite le 18 février 2016 à effet du 16 mai 2016, pour une durée d'un an renouvelée par tacite reconduction à chaque date d'échéance annuelle garantissant l'exploitation du restaurant « Au Bistrot Marin » et par la police d'assurance Multirisque Professionnelle n°10147971804, souscrite le 13 février 2018, à effet du 29 décembre 2017, pour une durée d'un an renouvelée par tacite reconduction le 1er janvier de chaque année civile,

garantissant l'activité du restaurant « Piazza Del Gusto »,

JUGER que les conditions particulières n°6833074104 signées les 21 et 22 avril 2020 n'annulent pas et ne remplacent pas le contrat d'assurance MultiRisque Professionnelle n°6838604404, souscrit le 25 novembre 2015, à effet du 1er février 2016, pour une durée d'un an renouvelée par tacite reconduction à chaque date d'échéance annuelle garantissant l'exploitation du café-bar-restaurant « Le Café de la Fontaine » ,

PRONONCER la nullité de la clause d'exclusion de garantie de la police d'assurance Multirisque Professionnelle n°6833074104, souscrite le 18 février 2016 à effet du 16 mai 2016 suivante:

«Sont exclues:

- les pertes d'exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique'».

PRONONCER la nullité de la clause d'exclusion de garantie de la police d'assurance Multirisque Professionnelle n°10147971804, souscrite le 13 février 2018, à effet du 29 décembre 2017 suivante:

«'Sont exclues :

- les pertes d'exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique'».

PRONONCER la nullité de la clause d'exclusion de garantie de la police d'assurance MultiRisque Professionnelle n°6838604404, souscrite le 25 novembre 2015, à effet du 1er février 201617 suivante:

«'Sont exclues:

- les pertes d'exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique'».

CONDAMNER la société Axa France Iard à garantir les sinistre déclarés par la SARL Matteo au titre de la garantie pertes d'exploitation suite à fermeture administrative en conséquence d'une épidémie sur la période de trois mois du 14 mars au 15 juin 2020,

CONDAMNER la société Axa France Iard à garantir les sinistre déclarés par la SARL Matteo au titre de la garantie pertes d'exploitation suite à fermeture administrative en conséquence d'une épidémie sur la période de trois mois du 30 octobre 2020 au 31 janvier 2021,

Avant Dire Droit,

ORDONNER une expertise comptable et désigner pour y procéder Monsieur [E] [R] ou tout autre expert qu'il plaira à la cour de désigner avec pour mission de:

- Se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utile à l'accomplissement de sa mission, notamment l'estimation effectuée par l'expert-comptable de la SARL Matteo accompagnée de ses bilans et comptes d'exploitation sur les trois dernières années,

- Convoquer les parties et leurs conseils dans le respect du contradictoire,

- Entendre les parties ainsi que tout sachant et évoquer, à l'issue de la première réunion avec les parties le calendrier possible de la suite de ses opérations,

- Evaluer les pertes d'exploitation durant la période de garantie contractuelle sur une période maximum de trois mois à compter de la ou des déclarations de sinistre,

- Donner son avis sur le montant des pertes d'exploitation consécutives à la baisse du chiffre d'affaires causée par l'interruption ou la réduction de l'activité, de la marge brute (chiffre d'affaires/charges variables) incluant les charges salariales et les économies réalisées qui a déterminé la perte de marge brute, déduit les économies de charges variables et les aides perçues et ajouté les coûts de la vente à emporter,

- Donner son avis sur l'existence de facteurs extérieurs et/ou intérieurs susceptibles d'être pris en compte pour le calcul de la réduction d'activité imputable à la fermeture administrative,

JUGER que la société Axa France Iard devra consigner par chèque libellé à l'ordre du régisseur des avances et des recettes de la cour d'appel d'Aix-en-Provence dans le délai d'un mois à compter du prononcé de la présente décision la somme qu'il plaira à cour de fixer afin de garantir le paiement des frais et honoraires de l'expert,

JUGER que l'expert devra accomplir sa mission en présence des parties ou celles-ci dûment convoquées, les entendre en leurs observations et répondre à leurs dires,

JUGER que l'expert devra déposer un pré-rapport au résultat de ses investigations et recueillera les avis des parties sous forme de dires auxquels l'expert devra répondre dans son rapport d'expertise,

CONDAMNER la société Axa France Iard à lui payer une provision de 300 000 euros à valoir, en deniers ou quittance sur l'indemnisation des pertes d'exploitation subies lors de la fermeture de son établissement pour les périodes suivantes:

1/ du 15 mars 2020 au 15 juin 2020,

2/ du 30 octobre 2020 au 30 janvier 2021 (soit la durée maximale garantie de trois mois),

DEBOUTER la société Axa France Iard de toute demande contraire,

CONDAMNER la société Axa France Iard à lui payer une indemnité de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNER la société Axa France Iard aux dépens d'appel et en ordonne la distraction en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La clôture est intervenue le 2 mai 2021.

MOTIFS:

Sur les demandes principales relatives à la validité de la clause d'exclusion de la garantie pertes d'exploitation suite à fermeture administrative

L'extension de garantie figurant aux pages 7 des conditions particulières référencées 6833074104 (pièce 5 de l'intimée) et des conditions particulières référencées 10147971804 (pièce 6 de l'intimée) est ainsi rédigée:

« PERTE D'EXPLOITATION SUITE À FERMETURE ADMINISTRATIVE

La garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même

2. La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication.

Durée et limite de la garantie

la garantie intervient pendant la période d'indemnisation, c'est-à-dire la période commençant le jour du sinistre qui dure tant que les résultats de l'établissement sont affectés par ledit sinistre, dans la limite de trois mois maximum.

Le montant de la garantie est limité à 300 fois l'indice.

L'assuré conservera à sa charge une franchise de 3 jours ouvrés.

SONT EXCLUES

- LES PERTES D'EXPLOITATION, LORSQUE, A LA DATE DE LA DECISION DE FERMETURE, AU MOINS UN AUTRE ETABLISSEMENT, QUELLE QUE SOIT SA NATURE ET SON ACTIVITE, FAIT L'OBJET, SUR LE MEME TERRITOIRE DEPARTEMENTAL QUE CELUI DE L'ETABLISSEMENT ASSURE, D'UNE MESURE DE FERMETURE ADMINISTRATIVE, POUR UNE CAUSE IDENTIQUE ».

En application de l'article 1170 du code civil, dans sa version en vigueur à compter du 1er octobre 2016, toute clause qui prive de sa substance l'obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite.

En outre, en vertu de l'article 1171 alinéa premier du même code, dans sa version en vigueur à compter du 1er octobre 2016, dans un contrat d'adhésion toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties est réputée non écrite.

L'article L 1131 alinéa premier du code des assurances dispose que les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police.

Enfin, lorsqu'il s'agit d'interpréter un contrat, dans le doute, il convient de privilégier l'interprétation favorable au débiteur, et, lorsqu'une clause est susceptible de deux sens, celui qui lui confère un effet l'emporte sur celui qui ne lui en fait produire aucun (articles 1190 et 1191 du code civil).

En matière d'assurance, l'assuré doit connaître l'étendue des garanties incluses dans le contrat d'assurance qu'il a souscrit et être en mesure de les comprendre.

Et, il a été jugé qu'il résulte de l'article L 113-1 du code des assurances:

- D'une part, que les clauses d'exclusion de garantie ne peuvent être tenues pour formelles et limitées dès lors qu'elles doivent être interprétées et qu'elles ne se réfèrent pas à des critères précis et à des hypothèses limitativement énumérées,

- D'autre part, que n'est ni formelle, ni limitée, la clause d'exclusion de garantie qui vide la garantie d'une partie significative ou de la totalité de sa substance.

Dans tous les cas, la validité d'une clause d'exclusion de garantie doit être appréciée par le juge par rapport à la définition du risque garanti.

En l'espèce, il n'est pas contesté que la fermeture administrative des établissements dont la SARL Matteo sollicite la garantie contractuelle a été prononcée par une autorité administrative compétente, extérieure à l'assurée, suite à l'épidémie de covid-19, qui est à la fois une maladie contagieuse et une épidémie.

Comme l'a exactement estimé le premier juge, la rédaction de la clause d'exclusion de garantie susvisée, notamment dans sa locution finale « pour une cause identique », renvoie nécessairement à la cause de la fermeture administrative garantie, soit une maladie contagieuse, un meurtre, un suicide, une épidémie ou une intoxication, de sorte que, même si elle ne figure pas dans la clause d'exclusion, la notion d'épidémie constitue une condition de la mise en oeuvre de la garantie.

La SA Axa France Iard indique justement que l'assurée a signé les conditions particulières et contracté sans que les termes utilisés relèvent d'un vocabulaire spécialisé ou technique. Cependant, les parties s'opposent sur la définition du terme « épidémie».

Selon l'assurée, le terme est ambigu et peu clair, ne permettant en particulier ni de distinguer l'épidémie de la maladie contagieuse [autre situation dans laquelle la garantie est due si l'établissement fait l'objet d'une fermeture administrative dans les conditions du 1) du paragraphe «pertes d'exploitation suite à fermeture administrative»] ni de comprendre que la garantie ne s'applique qu'aux fermetures individuelles et non aux fermetures collectives.

À l'inverse, l'assureur considère que le terme est clair et dépourvu d'ambiguïté, qu'il doit se comprendre dans sa globalité, avec pour conséquence d'entraîner des fermetures collectives mais aussi la fermeture individuelle d'un seul établissement, cette dernière situation étant expressément prévue par la clause d'exclusion de garantie. Il ajoute que les définitions scientifiques, la définition du dictionnaire Larousse ainsi que les termes de l'article L 3131'1 du code de la santé publique (qui vise la possibilité pour l'État de prendre des mesures individuelles en présence d'une épidémie) n'impliquent pas nécessairement une grande étendue géographique de l'épidémie ou un grand nombre de personnes affectées.

Cependant, l'assureur ne peut valablement soutenir que le terme « épidémie» ne nécessite aucune interprétation et se prévaloir des dispositions de l'article 1192 du code civil selon lesquelles on ne peut interpréter des clauses claires et précises à peine de dénaturation, alors que les décrets des 11 et 31 mai 2020 pris dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, contiennent dans leur intitulé la prescription des «mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid 19», la notion d'épidémie ayant dans ce cas précis justifié la fermeture administrative de l'ensemble des restaurants au niveau national.

Le fait qu'une épidémie de légionellose ou de grippe aviaire a pu n'entraîner la fermeture que d'un seul établissement correspond à des cas d'espèce et ne saurait suffire à exclure toute interprétation autre que celle proposée par la SA Axa France Iard.

De même, les différentes acceptions possibles du terme « épidémie » ne permettent pas à l'assureur d'énoncer valablement que l'assuré, restaurateur très informé des risques relatifs à l'hygiène alimentaire, a au moment de la souscription du contrat, contracté l'extension de garantie pour couvrir les risques d'une fermeture administrative liée à la survenance d'une épidémie au sein de son seul établissement.

Si la SA Axa France Iard souhaitait exclure la couverture des risques de nature à entraîner le déséquilibre du portefeuille des contrats assurés, il lui incombait de définir le risque de manière claire et dépourvue d'ambiguïté, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

De même, l'assureur ne peut se prévaloir de la commune intention des parties alors qu'il est constant qu'il est le seul rédacteur des termes de la clause d'exclusion de garantie dont le caractère non formel a été retenu ci-dessus.

Au surplus, la clause d'exclusion susvisée n'est nullement limitée puisqu'elle vise:

- tout autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, la notion «d'autre établissement» étant particulièrement large,

- le département, soit un territoire géographiquement étendu au sein duquel exerce un nombre important d'établissements, même si ce nombre varie en fonction de la densité de la population de chaque département, de sorte que l'hypothèse de l'assureur selon laquelle cette clause s'appliquerait en cas d'épidémie pour un nombre limité de personnes à l'intérieur d'un seul et unique établissement au sein d'un département, rend illusoire la garantie des pertes d'exploitation en cas d'épidémie, et aboutit à la vider de sa substance.

Contrairement à ce qu'ont indiqué les premiers juges en page 7 du jugement déféré, il ne peut être tiré aucune conséquence de l'avenant du 17 septembre 2020 par lequel l'assureur a proposé à la SARL Matteo de faire évoluer son contrat, puisqu'il n'avait aucun effet rétroactif.

En revanche, pour les motifs susvisés, il convient de dire que les premiers juges ont à bon droit retenu que la clause d'exclusion de garantie litigieuse nécessitait une interprétation du terme «épidémie» visé dans la clause d'exclusion comme «cause identique», de sorte qu'elle n'est pas formelle et limitée au sens de l'article L 113-1 du code des assurances.

En conséquence, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a déclaré réputée non écrite la clause d'exclusion de garantie ci-dessus reproduite.

Sur la demande subsidiaire de l'assureur tendant à voir prononcer la nullité des extensions de garantie 'perte d'exploitation suite à fermeture administrative' souscrites pour défaut d'aléa

En application de l'article 1108 alinéa 2 du code civil, dans sa version en vigueur à compter du 1er octobre 2016: le contrat est aléatoire lorsque les parties acceptent de faire dépendre les effets du contrat , quant aux avantages et aux pertes qui en résulteront, d'un événement incertain.

En vertu de l'article L121-15 alinéa premier du code des assurances, l'assurance est nulle si, au moment du contrat, la chose assurée a déjà péri ou ne peut plus être exposée au risque.

Et, l'article L112-13 alinéa 5 du même code dispose que toute addition ou modification au contrat d'assurance primitif doit être constatée par un avenant signé des parties.

En l'espèce, il résulte des pièces produites et des explications des parties:

- que les premiers contrats souscrits par l'assurée pour l'ensemble de ces établissements ont fait l'objet de reconductions tacites, à chaque échéance annuelle,

- qu'au cours du premier trimestre 2020, la SARL Matteo a fait réaliser, sur les locaux voisins et mitoyens du « Bistro Marin » et du « Café de la Fontaine », des travaux rendant communs à ces établissements (jusqu'alors physiquement séparés) des aménagements permettant un agrandissement des surfaces exploitées, leur communication et une utilisation commune de certains équipements (cuisines, toilettes .... etc) (pièces 27 et 28),

- que l'assurée a porté ces travaux d'aménagement à la connaissance de son agent général Axa, en la personne de Monsieur [D] [L], lequel lui a proposé de remplacer les deux polices n°6838604404 et n°6833074104 précitées par une seule et même police, référencée, sous ce dernier numéro, pour garantir tant l'exploitation du restaurant « Au Bistrot Marin » que celle du Café Bar-Brasserie « Le Café de la Fontaine » compte tenu de l'extension des surfaces exploitées (650 m2 contre 250 m2 auparavant pour chacun des deux établissements),

- que de nouvelles conditions particulières n°6833074104 ont donc été éditées par l'agent général Axa le 31 mars 2020, signées par celui-ci le 21 avril 2020 et par l'assurée le 22 avril 2020, avec prise d'effet rétroactive au 21 février 2020 (pièce 5),

- qu'à la suite d'une diminution du chiffre d'affaires déclaré par son troisième restaurant « Piazza Del Gusto » (700 K€ au lieu de 750 K€), la police n°10147971804 initialement souscrite par la SARL Matteo à effet du 29 décembre 2017, pour une durée d'un an renouvelée par tacite reconduction le 1er janvier de chaque année civile, a été remplacée par une police du même numéro, selon conditions particulières éditées par l'agent général Axa le 16 avril 2020, signées par celui-ci le 21 avril 2020 et le 22 avril 2020 par l'assurée, prenant effet à la date du 21 février 2020 (pièce 6 de l'intimée),

- qu'il n'est pas contesté que les parties n'ont pas particulièrement évoqué

l'extension de garantie pour pertes d'exploitation à l'occasion de la signature des nouvelles conditions particulières pour les trois restaurants susvisés.

Alors que l'extension de garantie dont la mobilisation est sollicitée par l'assurée a été reconduite dans les 'nouvelles polices' signées en avril 2020 dans les mêmes termes que ceux figurants dans les polices initialement souscrites, suite aux modifications résultant de l'augmentation de surface d'une partie des locaux assurés et de la diminution du chiffre d'affaires du restaurant « Piazza Del Gusto », l'assurée est fondée à soutenir qu'il ne s'agit pas de nouveaux contrats comme qualifiés à tort improprement par l'assureur, mais plutôt d'avenants aux contrats initiaux, s'agissant de modifications aux contrats primitifs.

Il s'ensuit qu'au jour de la souscription des contrats par l'assurée, le risque résultant de la fermeture administrative de ses établissements en cas d'épidémie n'était pas réalisé, de sorte que l'aléa existait.

En conséquence, le jugement déféré doit être ici confirmé, mais pour d'autres motifs.

Sur l'expertise

Les premiers juges ont à juste titre désigné un expert-comptable afin de calculer conformément aux stipulations contractuelles l'indemnité contractuellement due à l'assuré.

S'il résulte de la note de synthèse valant pré-rapport adressée aux parties le 24 février 2022 que l'expert [R] a eu communication par l'assurée des comptes annuels détaillés et liasses fiscales ainsi que des grands livres de février 2018, de février 2019 et de février 2020, il semble n'avoir calculé l'évolution du chiffre d'affaire HT et l'écart avec les périodes sinistrées en 2020 et 2020/2021 que par référence avec l'année 2019.

Or, comme le relève pertinemment l'assureur, l'indemnisation finale ne peut être déterminée sur la seule base d'une moyenne du chiffre d'affaires réalisés en 2019 aux mêmes périodes que celles des sinistres, mais plutôt en déterminant une moyenne à partir des trois années précédant le sinistre.

En conséquence, il y a lieu à confirmation de la mesure d'expertise, sauf à ajouter dans la mission confiée à l'expert [R]:

1/ qu'il devra en outre se faire remettre les bilans et comptes d'exploitation de la SARL Matteo sur les trois dernières années précédant l'année 2020 afin de les analyser ensemble et de déterminer une moyenne concernant l'évolution des chiffres d'affaires et des charges des trois établissements sur les trois dernières années avant sinistre,

2/ que l'expert devra tenir compte de ces nouvelles investigations avant de déposer un deuxième pré-rapport qui sera adressé aux parties pour qu'elles puissent à nouveau faire valoir leurs observations (premier pré-rapport adressé aux parties le 24 février 2022), puis déposer son rapport définitif.

Sur les demandes de provisions

Les contestations élevées par l'assureur quant au montant de la provision sollicitée par la SARL Matteo sur la base des attestations fournies par son expert-comptable ne sont pas fondées puisque l'expert [R] a examiné de manière approfondie la comptabilité analytique tenue pour chacun des trois restaurants exploités par l'assurée et répondu point par point dans son pré-rapport du 24 février 2022 aux différentes questions soulevées par les parties en tenant compte des stipulations contractuelles, notamment en évaluant la perte de marge brute pendant les deux périodes de fermetures, ainsi que les économies de charges réalisées pendant ces périodes.

Dans son pré-rapport adressé aux parties le 24 février 2022, l'expert [R] indique que les pertes d'exploitation subies par la société MATTEO dans le contexte des fermetures imposées par la crise sanitaire COVID-19 peuvent être chiffrées comme suit:

Pour les établissements CAFE DE LA FONTAINE et BISTROT MARIN :

- Période du 15/03/2020 au 31/05/2020 : 287 089 euros,

- Période du 01/11/2020 au 31/01/2021 : 80 867 euros,

Pour l'établissement PIAZZA DEL GUSTO:

- Période du 15/03/2020 au 31/05/2020 : 116 417 euros,

- Période du 01/11/2020 au 31/01/2021 : 18 921 euros.

Dans l'attente des conclusions définitives de l'expert, après un nouveau calcul des pertes à partir de l'écart existant entre les périodes des sinistres et la moyenne ressortant de l'examen des mêmes périodes pour les trois années précédant les sinistres, il y a lieu d'allouer à la société Matteo une provision à valoir sur l'indemnisation du sinistre à hauteur de 250 000 euros, ce montant n'apparaissant pas sérieusement contestable au vu des éléments susvisés.

En conséquence, le jugement déféré doit être partiellement infirmé sur le montant de la provision.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a réservé les dépens puisque les premiers juges ont renvoyé l'affaire à une audience ultérieure, dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise.

Succombant, la SA Axa France Iard supportera les dépens d'appel et devra régler à la SARL Matteo une indemnité de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais engagés par elle en première instance et en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, et après en avoir délibéré conformément à la loi,

INFIRME partiellement le jugement déféré sur le montant de la provision allouée à la SARL Matteo et sur les frais irrépétibles,

STATUANT A NOUVEAU ET Y AJOUTANT,

CONDAMNE la SA AXA France IARD à payer à la SARL Matteo une somme provisionnelle de 250 000 euros à valoir sur l'indemnisation des pertes d'exploitation subies lors de la fermeture administrative de ses établissements suite à l'arrêté du 14/03/2020 et du décret 2020-1310 du 29/10/2020,

AJOUTE à la mission confié à l'expert [Y] [R] les chefs de mission suivants:

1/ se faire remettre les bilans et comptes d'exploitation de la SARL Matteo sur les trois dernières années précédant l'année 2020 afin de les analyser ensemble et de déterminer une moyenne concernant l'évolution des chiffres d'affaires et des charges des trois établissements sur les trois dernières années avant sinistre,

2/ dit que l'expert devra tenir compte de ces nouvelles investigations avant de déposer un deuxième pré-rapport qui sera adressé aux parties pour qu'elles puissent à nouveau faire valoir leurs observations (premier pré-rapport adressé aux parties le 24 février 2022), puis déposer son rapport définitif avant le 15 novembre 2022.

DIT qu'une copie du présent arrêt sera adressée par le greffe à l'expert, Monsieur [R],

CONDAMNE la SA AXA France IARD à payer à la SARL Matteo la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE la demande de la SA AXA France IARD formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SA AXA France IARD aux dépens d'appel et en ordonne la distraction.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-4
Numéro d'arrêt : 21/04898
Date de la décision : 28/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-28;21.04898 ?
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