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22/07/2022 | FRANCE | N°21/07303

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 22 juillet 2022, 21/07303


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 22 JUILLET 2022



N°2022/ 149



RG 21/07303

N° Portalis DBVB-V-B7F-BHOWC







S.A.R.L. GARDIENNAGE ECLIPSE SURETE





C/



[P] [W]





















Copie exécutoire délivrée

le 22 Juillet 2022 à :



-Me Pierre-yves IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE







- Me Paul GUEDJ, av

ocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE







Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE en date du 22 Avril 2021 enregistré au répertoire général sous le n° F 18/00276.







APPELANTE



S.A.R.L. GARDIENNAGE ECLIPSE...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 22 JUILLET 2022

N°2022/ 149

RG 21/07303

N° Portalis DBVB-V-B7F-BHOWC

S.A.R.L. GARDIENNAGE ECLIPSE SURETE

C/

[P] [W]

Copie exécutoire délivrée

le 22 Juillet 2022 à :

-Me Pierre-yves IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

- Me Paul GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE en date du 22 Avril 2021 enregistré au répertoire général sous le n° F 18/00276.

APPELANTE

S.A.R.L. GARDIENNAGE ECLIPSE SURETE (GES), demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Pierre-yves IMPERATORE de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIME

Monsieur [P] [W], demeurant [Adresse 1]

comparant en personne, représenté par Me Paul GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Géraldine BOYER, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Mai 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, et Madame Estelle DE REVEL, Conseiller, chargées du rapport.

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Estelle DE REVEL, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Juillet 2022.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Juillet 2022.

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * * * * * * *

FAITS- PROCEDURE-PRETENTIONS DES PARTIES

Le 5 juillet 2002, M. [P] [W] a été embauché par la société générale de protection industrielle (SGPI) en qualité d'agent de sécurité.

La société a été absorbée par la Sas Groupe Eclipse pour devenir la Sarl Gardiennage Eclipe Sûreté (GES) et le 1er janvier 2015, le contrat de travail et l'ancienneté de M. [W] ont été repris par cette société.

Au dernier état de la relation contractuelle, M. [W] occupait les fonctions d'agent de sécurité, SSIAP 2, soit chef d'équipe des services de sécurité incendie, niveau 1, échelon 1, coefficient 150. Il percevait à ce titre une rémunération mensuelle brute de 2 398,65€, la convention collective applicable étant celle des entreprises de prévention et de sécurité.

Le 9 août 2017, M. [W] apprenait la perte du site sur lequel il était affecté et le transfert de son contrat de travail, sous réserve de l'accord de l'inspecteur du travail, le salarié étant salarié protégé.

Le 31 août 2017, l'inspecteur du travail donnait son autorisation concernant le transfert de son contrat de travail.

M. [W] refusait le transfert de son contrat de travail.

Le 4 septembre 2017, la société GES informait le salarié de son affectation sur le site de Casino [Adresse 4] à [Localité 3] à compter du 18 septembre 2017.

Le 18 septembre 2017, M. [W] apprenait que son employeur avait finalement perdu le site du Casino [Adresse 4].

Le 9 octobre 2017, la société GES demandait au salarié de restituer son badge ainsi que son matériel de formation ce que M. [W] a fait le 17 octobre 2017.

Le 21 octobre 2017, le salarié était placé en arrêt de travail pour cause de syndrome anxio-dépressif réactionnel.

Le 8 février 2018, M. [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille afin de solliciter la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur.

Le 4 mai 2018, M. [W] a été convoqué à un entretien préalable en vue de son licenciement.

Le 29 juin 2018, le salarié a été licencié pour inaptitude non professionnelle avec impossibilité de reclassement.

Le courrier était rédigé en ces termes :

« Vous avez été convoqué par courrier RAR et courrier simple à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, fixé le 16 mai 2018 à 10h30, auquel vous vous êtes présenté, afin que vous soient exposées les éléments et raisons objectifs qui nous conduisaient à envisager une telle mesure à votre égard, compte tenu de la déclaration d'inaptitude définitive à votre poste de travail prononcée par la médecine du travail le 27 avril 2018 et l'impossibilité de procéder à votre reclassement en découlant.

Nous vous informons de notre décision, et après réflexion, à défaut d'autre solution alternative, de procéder à la résiliation de votre contrat de travail sur ce fondement.

Lors des visites médicales des 19 et 27/04/2018, le Dr [X] vous a déclaré inapte en deux examens dans les termes suivants :

« Inaptitude au poste de travail Agent de sécurité, Agent incendie, Chef sécurité incendie : Tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé »

Depuis le 1er janvier 2017 et conformément aux dispositions de la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, la mention expresse, dans l'avis du médecin du travail, que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé nous dispense de recherche de reclassement.

Aussi nous avons été contraints de vous faire part de l'impossibilité matérielle dans laquelle nous nous trouvions de procéder à votre reclassement, par courrier du 4 mai 2018.

Conformément aux dispositions du droit du travail, nous avons transmis les convocations et l'ordre du jour le 4 mai 2018 aux membres du comité d'entreprisse en vue d'une réunion extraordinaire le 18 mai 2018.

Au cours de cette réunion, les faits ainsi que la procédure suivie à votre égard, ont été rappelés. Cependant, vous n'avez pas été entendu par les membres du comité d'établissement puisque vous étiez absent de la réunion malgré votre convocation envoyée par courrier recommandé le 4/05/2018 et reçu par vos soins le 07/05/2018.

Malgré votre absence, le Comité a ensuite procédé au uvote et s'est exprimé de façon favorable au projet de licenciement en procédant à un vote par bulletin secret.

Conformément aux dispositions légales en vigueur, nous avons par la suite sollicité l'autorisation de l'inspection du travail de procéder à votre licenciement.

Suite à l'enquête contradictoire menée par M. [R] inspecteur du travail, effectuée en date du 21 juin 2018, nous avons reçu l'autorisation de procéder à votre licenciement le 27 juin 2018.

Ces précisions faites et compte tenu de la déclaration d'inaptitude de la médecine du travail du 27 avril 2018, nous sommes à ce jour contraints de constater qu'aucun poste compatible avec les observations écrites de la médecine du travail n'existait, ni par conséquent, n'était susceptible de vous être proposé.

Par voie de conséquence, nous ne pouvons que constater qu'aucune perspective n'est plus permise, ni possible et de procéder à la résiliation de votre contrat de travail sur ce fondement.

Nous vous notifions donc, par la présente, votre licenciement pour inaptitude d'origine non professionnelle, et ce pour les raisons ci-dessus énoncées.(...) »

Par jugement du 22 avril 2021, le conseil de prud'hommes a statué ainsi :

Déboute M. [W] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail en raison du licenciement pour inaptitude prononcé postérieurement à la saisine du conseil de céans après autorisation de l'inspection du travail s'agissant d'un salarié protégé.

Annule en revanche le licenciement pour inaptitude de M. [W] prononcé le 29 juin 2018 qui trouve sa cause dans les agissements de harcèlement moral subis par M. [W] à compter du mois de septembre 2017

Condamne la société à verser à M. [W] les sommes de nature salariale suivantes :

- 4 797,30€ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 479,73€ bruts au titre des congés payés y afférents

- 212,40€ bruts de rappel de complément de salaire pour la période allant du 24 octobre 2017 au 22 décembre 2017

Dit que ces sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter du 12 février 2018, et ce jusqu'à parfait paiement

Condamne la société à verser à M. [W] les sommes de nature indemnitaire suivantes :

-14 391,90€ à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé

- 10 000€ à titre de dommages et intérêts pour non-respect de son obligation de prévention du harcèlement moral

- 50 000€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul

- 1 069,76€ à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi correspondant au coût des deux constats d'huissier de justice

Dit que ces sommes de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la présente décision, et ce jusqu'au parfait paiement

Ordonne la capitalisation des intérêts à compter du 2 décembre 2020, sous réserve toutefois qu'il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière

Déboute M. [W] de sa demande indemnitaire pour violation du statut protecteur du salarié, de sa demande de voir ordonner à la société GES de lui restituer la somme de 300 euros retenue sur son bulletin de paie du mois d'avril 2018 et de sa demande de voir enjoindre à la société GES de lui remettre, sous astreinte, le décompte des sommes reversées par ses soins au titre du complément de salaire concernant la période allant du 23 décembre 2017 au 15 avril 2018 et, le cas échéant, de lui verser, sous astreinte, les sommes restant dues de ce chef

Condamne la société GES à remettre à M. [W] les documents de fin de contrat (attestation pôle emploi et solde de tout compte) rectifiés ainsi qu'un bulletin de salaire récapitulatif conformément aux termes de la présente décision

Dit n'y avoir lieu d'adjoindre à cette obligation de faire une astreinte

Condamne la société à verser à M. [W] la somme de 2000€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne la société aux entiers dépens de la procédure, lesquels ne peuvent comprendre le coût des deux constats d'huissier de justice

Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision à hauteur du tiers des condamnations prononcées

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Le 14 mai 2021, le conseil de la société GES a interjeté appel de la décision.

Aux termes de ses dernières conclusions, transmises par voie électronique le 12 avril 2022, la société GES demande à la cour de :

CONFIRMER le jugement de départage rendu par le Conseil de prud'hommes de Marseille le 22 avril 2021 en ce qu'il a :

DEBOUTE Monsieur [W] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail ;

DEBOUTE Monsieur [W] de sa demande indemnitaire pour violation du statut protecteur du salarié ;

DEBOUTE Monsieur [W] de voir ordonner à la société GES de lui restituer la somme de 300 € retenue sur son bulletin de paie du mois d'avril 2018 ;

DEBOUTE Monsieur [W] de sa demande de voir enjoindre à la société GES de lui remettre, sous astreinte, le décompte des sommes reversées par ses soins au titre du complément de salaire concernant la période allant du 23 décembre 2017 au 15 avril 2018 et, le cas échéant, de lui verser, sous astreinte, les sommes restants dues de ce chef ;

DEBOUTE Monsieur [W] de ses demandes plus amples ou contraires.

INFIRMER le jugement de départage rendu par le Conseil de prud'hommes de Marseille le 22 avril 2021 en ce qu'il a :

ANNULÉ le licenciement pour inaptitude de [P] [W] prononcé le 29 juin 2018 qui trouve sa cause dans les agissements de harcèlement moral subis par [P] [W] à compter du mois de septembre 2017;

CONDAMNÉ la SARL GARDIENNAGE ECLIPSE SURETE à verser à [P] [W] les sommes de nature salariale suivante :

4.797,30 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 479,73 euros bruts au titre des congés payés y afférents ;

212,40 euros bruts de rappel de complément de salaire pour la période allant du 24 octobre 2017 au 22 décembre 2017 ;

DIT que ces sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter du 12 février 2018, et ce jusqu'à parfait paiement ;

CONDAMNÉ la SARL GARDIENNAGE ECLIPSE SURETE à verser à [P] [W] les sommes de nature indemnitaire suivante :

14.391,90 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;

10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de son obligation de prévention du harcèlement moral ;

50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;

5.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi en raison des circonstances particulièrement brutales et vexatoires dans lesquelles la rupture du contrat est

intervenue ;

1.069,76 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier subi correspondant au coût des deux constats d'huissier de justice ;

DIT que ces sommes de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la présente décision, et ce jusqu'à parfait paiement ;

ORDONNÉ la capitalisation des intérêts à compter du 2 décembre 2020, sous réserve toutefois qu'il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une

année entière ;

CONDAMNÉ la SARL GARDIENNAGE ECLIPSE SURETE à remettre à [P] [W] les documents de fin de contrat (attestation pôle emploi et solde de tout compte) rectifiés ainsi qu'un bulletin de salaire récapitulatif conformément aux termes de la présente décision ,

CONDAMNÉ la SARL GARDIENNAGE ECLIPSE SURETE à verser à [P] [W] la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNÉ la SARL GARDIENNAGE ECLIPSE SURETE aux entiers dépens de la procédure, lesquels ne peuvent comprendre le coût des deux constats d'huissier de justice ;

ORDONNÉ l'exécution provisoire de la présente décision à hauteur du tiers des condamnations prononcées ;

DÉBOUTÉ la SARL GARDIENNAGE ECLIPSE SURETE du surplus de ses demandes, notamment au titre des frais irrépétibles et dépens

STATUER DE NOUVEAU afin de :

CONSTATER l'absence d'éléments de nature à caractériser une situation de harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ;

CONSTATER l'absence de toute situation de travail dissimulé

CONSTATER que le licenciement pour inaptitude physique d'origine non professionnelle de Monsieur [W] est régulier dans le fond et dans la forme ;

En conséquence,

DEBOUTER Monsieur [W] de l'intégralité de ses demandes ;

CONDAMNER Monsieur [W] à payer à la société GES la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de Maître Pierre-Yves IMPERATORE, membre de la SELARL LEXAVOUE AIX EN PROVENCE, Avocats associés, aux offres de droit.

Aux termes de ses dernières écritures transmises par voie électronique le 14 avril 2022, M. [W] demande à la cour de :

CONFIRMER les dispositions le jugement de départage rendu le 22 avril 2021 par le Conseil de Prud'hommes de Marseille en ce qu'il a :

Débouté Monsieur [W] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail en raison du licenciement pour inaptitude prononcé postérieurement à la saisine du conseil après autorisation de l'inspection du travail s'agissant d'un salarié protégé

Annulé en revanche le licenciement pour inaptitude de [P] [W] prononcé le 29 juin 2018 qui trouve sa cause dans les agissements de harcèlement moral subis par [P] [W] à compter du mois de septembre 2017

Condamné la SARL GES à verser à Monsieur [W] les sommes de nature salariale suivante:

4797.30 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis

497.73€ brut titre des congés payés sur préavis

212.40€ brut à titre de rappel de compléments de salaire allant de la période du 24 octobre au 22 décembre 2017

Dit que ces sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter du 12 février 2018, et ce jusqu'à parfait paiement

Condamné la SARL GES à verser à Monsieur [W] les sommes de nature indemnitaire suivante:

14 391.90 € à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé

10 000 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect de son obligation de prévention du harcèlement moral

50 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul

5 000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral distinct subi en raison des circonstances particulièrement brutales et vexatoires dans lesquelles la rupture est intervenue

1069.76 € à titre dommages et intérêts pour le préjudice financier (coût des deux constats d'huissier)

2 000 € au titre de l'article 700 CPC

Dit que ces sommes de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la présente décision et ce jusqu'à parfait paiement

Ordonné la capitalisation des intérêts à compter du 2 décembre 2020 sous réserves qu'il s'agisse d'intérêts dus depuis au moins une année

Débouté Monsieur [W] de sa demande indemnitaire pour violation du statut protecteur de salarié, de sa demande de restitution de la somme de 300€ retenue sur son bulletin de paie d'avril 2018, de sa demande de voir enjoindre à la société GES de lui remettre sous astreinte le décompte des sommes reversées par ses soins au titre du complément de salaire concernant la période allant du 23 décembre 2017 au 15 avril 2018 et le cas échéant, sous

astreinte, les sommes restant dues de ce chef,

Condamné la SARL GES à remettre à [P] [W] les documents de fin de contrat (attestation pôle emploi et solde de tout compte) rectifiés ainsi qu'un bulletin de salaire récapitulatif conformément aux termes de la présente décision

Dit n'y avoir lieu d'adjoindre à cette obligation de faire une astreinte

Condamné la SARL GES à verser à [P] [W] la somme de 2000 euros en application de l'article 700 CPC

Condamné la SARL GES aux entiers dépens de la procédure lesquels ne peuvent comprendre le coût des deux constats d'huissier de justice

Ordonné l'exécution provisoire de la décision rendue à hauteur du tiers des condamnations prononcées.

DEBOUTER LA SARL GES de l'intégralité de ses demandes.

CONDAMNER la SARL GES à verser à Monsieur [W] la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de Procédure civile.

CONDAMNER la SARL GES aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de la SCP COHEN-GUEDJ, avocats associés, aux offres de droit.

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties.

MOTIFS DE L'ARRÊT

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile , elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les «dire et juger» et les «constater» ainsi que les «donner acte» ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi; en conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.

Par ailleurs, l'intimé ne faisant pas appel incident sur le rejet de la demande de résiliation judiciaire, seul le licenciement reste en cause.

Sur le harcèlement moral

La cour constate que le juge départiteur a repris de façon exhaustive les éléments invoqués par le salarié ainsi que les documents produits à l'appui et en a déduit à juste titre que M. [W] établissait des faits, lesquels pris dans leur ensemble, permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement moral.

C'est par des motifs exacts et pertinents, adoptés par la cour, que le premier juge a également, appréciant les éléments produits par l'employeur, considéré que ce dernier échouait à démontrer que ses agissements ou décisions étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il y a seulement lieu d'ajouter que les attestations produites par la société quant à la bonne ambiance qui régnait dans la société sont inopérantes.

Compte tenu des circonstances du harcèlement subi, de sa durée, et des conséquences dommageables qu'il a eu pour M. [W] telles qu'elles ressortent des pièces et des explications fournies, le préjudice en résultant a été justement apprécié par les premiers juges. Le jugement est confirmé à cet égard.

Sur les conséquences financières de la rupture du contrat de travail

Celle-ci résulte d'une situation d'inaptitude à tout poste dans l'entreprise, laquelle est la conséquence des conditions de travail du salarié et de la situation de harcèlement moral qu'il a subie. Dès lors, par application des dispositions de l'article L.1152-3 du code du travail, le licenciement est nul.

Le salarié dont le licenciement est nul et qui ne demande pas sa réintégration a droit, d'une part, aux indemnités de rupture, d'autre part, à une indemnité réparant intégralement le préjudice résultant du caractère illicite du licenciement, dont le montant est souverainement apprécié par les juges du fond, dès lors qu'il est au moins égal à celui prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail.

L'employeur ne discute pas le montant des indemnités de rupture de sorte que le jugement doit être confirmé sur ce point.

Compte tenu notamment qu'à la date du licenciement, M. [W] percevait une rémunération mensuelle brute de 2 398,65 euros, qu'il avait 44 ans, bénéficiait au sein de l'entreprise d'une ancienneté de 16 ans, de ce qu'il a retrouvé un emploi à temps complet plus d'un an après, alors que sa situation familiale avait évolué, la cour décide de lui allouer la somme de 40 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul.

Il n'est pas justifié par le salarié de circonstances vexatoires ayant entouré la rupture pouvant générer un préjudice moral qui n'aurait pas déjà été indemnisé.

Sur le travail dissimulé

La société GES considère que l'élément intentionnel n'est pas démontré concernant la dissimulation d'emploi salarié, M. [W] ayant effectué les heures de formation sur du temps de travail effectif et ayant été rémunéré par des primes ; il estime que s'agissant de la dissimulation d'activité, il en est de même, seule une maladresse de gestion pouvant tout au plus lui être reprochée.

C'est par des motifs exacts et pertinents adoptés par la cour que les premiers juges ont caractérisé l'infraction de travail dissimulé dans tous ses éléments y compris celui de l'intention, la société ayant sciemment d'une part, demandé à M. [W] de procéder à des cours de formation continue auprès des salariés, alors qu'il s'agissait d'une activité distincte non déclarée par elle, les attestations de formation étant en outre délivrées par une filiale et d'autre part, en rémunérant le travail fourni sous forme de primes.

Dès lors, la décision doit être confirmée.

Sur les autres demandes

En cause d'appel, l'employeur ne fournit aucun élément nouveau venant contredire le calcul précis opéré par le juge départiteur lequel faisait ressortir une différence de taux dans le reversement des sommes issues de la prévoyance, de sorte que le rappel de salaires au profit de M. [W] doit être confirmé.

Alors que le premier juge a motivé de façon précise le manquement à l'obligation de sécurité de résultat pour absence de prévention du harcèlement moral, en lien avec un préjudice démontré par le salarié, l'appelante ne consacre aucun moyen sur ce point dans le cadre de la discussion . En conséquence, la cour par motifs adoptés, confirme la décision.

Les constats d'huissier faits à la demande du salarié ont été utiles à la solution du litige, de sorte que s'agissant de débours tarifés non compris dans les dépens, leur coût a été à juste titre mis à la charge de la société, par le jugement déféré.

L'appelante qui succombe au principal doit être condamnée aux dépens d'appel, sans distraction, le ministère d'avocat n'étant pas obligatoire devant la présente juridiction statuant en matière sociale.

Les circonstances de la cause justifient de voir indemnisé M. [W] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, dans le cadre de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Confirme le jugement entrepris SAUF s'agissant du quantum de l'indemnité allouée au titre du licenciement nul, et de la demande au titre d'un préjudice distinct,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Condamne la Sarl Gardiennage Eclipe Sûreté (GES) à payer à M. [P] [W] la somme de 40000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

Rejette la demande à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct,

Y ajoutant,

Condamne la Sarl Gardiennage Eclipe Sûreté (GES) à payer à M. [W] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Sarl Gardiennage Eclipe Sûreté (GES) aux dépens d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 21/07303
Date de la décision : 22/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-22;21.07303 ?
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