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22/07/2022 | FRANCE | N°18/18805

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 22 juillet 2022, 18/18805


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 22 JUILLET 2022



N° 2022/ 155





RG 18/18805

N° Portalis DBVB-V-B7C-BDNAR







[G] [S]





C/



[W] [X]

























Copie exécutoire délivrée le 22 juillet 2022 à :



-Me Mickael BENAVI, avocat au barreau de MARSEILLE



- Me Virginie HURSON-DEVALLET, avocat au barreau de MARSEI

LLE



























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 07 Novembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° F 16/01725.





APPELANTE



Madame [G] [S], demeurant [Adresse 1]


...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 22 JUILLET 2022

N° 2022/ 155

RG 18/18805

N° Portalis DBVB-V-B7C-BDNAR

[G] [S]

C/

[W] [X]

Copie exécutoire délivrée le 22 juillet 2022 à :

-Me Mickael BENAVI, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Virginie HURSON-DEVALLET, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 07 Novembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° F 16/01725.

APPELANTE

Madame [G] [S], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Mickael BENAVI, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Pierre MICHOTTE, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME

Monsieur [W] [X], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Virginie HURSON-DEVALLET, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Manuel CULOT, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 31 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Estelle DE REVEL, Conseiller, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Estelle DE REVEL, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Juillet 2022.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Juillet 2022

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Mme [G] [S] a été engagée par M. [W] [X], médecin généraliste, en qualité de secrétaire.

A partir du 21 mai 2015, Mme [S] a été placée en arrêt maladie et n'a jamais repris le travail.

Le 1er octobre 2016, elle a été reconnue en invalidité 2e catégorie.

Le 29 novembre 2016, le médecin du travail a conclu : 'à revoir le 13 décembre'.

Lors de la seconde visite médicale de reprise, le 13 décembre 2016, le médecin du travail a déclaré la salariée : 'inapte; aucune mutation, aucun aménagement de poste ne sont envisageables à ce jour'.

Le 13 février 2017, la salariée a été convoquée à un entretien préalable à son éventuel licenciement.

Le 8 mars 2017, elle a été licenciée pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement.

Soutenant que son travail salarié avait débuté en 2003, Mme [S] avait, le 11 juillet 2016, saisi le conseil de prud'hommes de Marseille aux fins de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail et condamner l'employeur au paiement de diverses indemnités.

Par jugement du 7 novembre 2018, la juridiction prud'homale a statué ainsi :

'Déboute Madame [G] [S] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, aux torts exclusifs du Docteur. [X],

En conséquence,

Rejette de ce chef, toutes les demandes indemnitaires subséquentes,

Dit et juge que le licenciement de Madame [G] [S], prononcé le 08 mars 2017, pour inaptitude définitive et impossibilité de reclassement reposes une cause réelle et sérieuse ;

Dit et juge que le Docteur [W] [X] a respecté son obligation de recherche de reclassement à l'égard de Madame [G] [S],

Déboute Madame [G] [S] de sa demande à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, ainsi que toutes les demandes indemnitaires qui en découlent ;

Déboute Madame [G] [S] du surplus de ses demandes et ce, quel qu'en soit l'objet,

Déboute le Docteur [W] [X] de sa demande reconventionnelle fondée sur l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne Madame [G] [S] aux éventuels dépens de la présente instance.'

Mme [S] a relevé appel de la décision.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 février 2019, elle demande à la cour de :

'PRINCIPALEMENT,

Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail, au 8 mars 2017, aux torts exclusifs du Docteur [X] s'analysant en un licenciement nul ou sans cause réelle ni sérieuse.

OU, SUBSIDIAIREMENT

Dire et juger le licenciement notifie le 8 mars 2017 nul ou à tout le moins, sans cause réelle ni sérieuse.

Et, par conséquent

Condamner le Docteur [X] à verser a Madame [S], les sommes ci-après :

- Dl résiliation aux torts de l'employeur 70 000.00 €

- indemnité compensatrice de préavis Sous l'égide de l'article L5213-9 du Code du travail 4548.00€

- Incidence congés payés y afférent 454.00 €

- indemnité légale ou conventionnelle de licenciement 5 055.67 €

- DI au titre du travail dissimulé 9 096.00 €

- Dl préjudice financier 145 500.00 €

- Article 700 du CPC distrait au profit de MB AVOCATS 2 500.00 €

Condamner l'employeur sous astreinte de 100 € par jour de retard à :

- Délivrer l'intégralité des documents de rupture portant la mention 'RESlLlATlON JUDlCIAIRE'

- Délivrer un bulletin de salaire rectificatif mentionnant les sommes allouées judiciairement

Dire et juger que la juridiction de céans se réservera le droit de liquider l'astreinte

Dire et juger que le montant des condamnations portera intérêts de droit a compter du jour de |'introduction de la demande en justice avec capitalisation des intérêts.

Condamner l'employeur aux dépens

Dire et juger que la moyenne des salaires s'élève a la somme totale de 1 516.70 €'.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 7 mai 2019, M. [X] demande à la cour de :

'CONFIRMER le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Marseille en date du 7 novembre 2018

Et à ce titre :

A titre principal,

DEBOUTER Madame [G] [S] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail s'analysant en un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse ;

A titre subsidiaire,

REJETER la demande en nullité du licenciement prononcé à l'encontre de Madame [S]

DIRE et JUGER que le licenciement pour inaptitude définitive et impossibilité de reclassement de Madame [G] [S], repose sur une cause réelle et sérieuse ;

DEBOUTER Madame [G] [S] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

DEBOUTER Madame [G] [S] de toutes ses demandes indemnitaires au titre du préavis, de congés payés sur préavis, indemnité de licenciement complémentaire ;

DEBOUTER Madame [G] [S] de sa demande relative au travail dissimulé ainsi que de sa demande indemnitaire y relative,

CONDAMNER Madame [G] [S] à la somme de 3.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du CPC.

LA CONDAMNER aux entiers dépens'.

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile « la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif » et que les 'dire et juger' et les 'constater' ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi ; en conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués .

I. Sur l'existence d'un contrat de travail avant le 1er août 2011

Un contrat de travail résulte de l'exécution d'une prestation de travail moyennant rémunération, dans un rapport de subordination caractérisé par le pouvoir d'un employeur de donner des ordres et directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les éventuels manquements.

L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donné à leur convention mais des conditions de faits dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs.

En l'absence d'écrit ou d'apparence de contrat, il appartient à celui qui se prévaut d'un contrat de travail d'en établir l'existence.

En l'espèce, il ressort du titre emploi service entreprise produit au débat que Mme [S] a été engagée par M. [X] en qualité de secrétaire le 1er août 2011 pour une durée de travail de 20 heures par mois.

Il n'existe en revanche, aucune apparence de contrat de travail entre Mme [S] et M. [X] avant cette date dès lors qu'il n'est produit ni contrat de travail, ou même promesse d'embauche, ni bulletin de salaire pour cette période.

En conséquence, il appartient à Mme [S] qui revendique le fait d'avoir été engagée par M. [X] dès le 1er mai 2003, de rapporter la preuve du contrat de travail par lequel elle prétend avoir été liée.

Sur la prestation de travail, elle se prévaut d'avoir, durant la période litigieuse, exécuté, à plein temps, des fonctions de secrétaire médicale en rédigeant les comptes rendus hebdomadaires, fixant les rendez-vous du docteur [X], en effectuant certaines démarches auprès des organismes sociaux à l'aide d'une procuration donnée par son employeur, en réalisant la comptabilité du cabinet et la facturation, la gestion des fournitures, l'établissement de chèques et des feuilles de soin.

S'agissant de la rémunération, Mme [S] affirme avoir été payée en espèce de manière ponctuelle durant cette période.

A l'appui, elle produit:

- quatre attestations:

- celle de sa soeur qui indique avoir été la patiente du docteur [X] jusqu'en 2004 et 'avoir pu constater la présence de sa soeur aux fonctions de secrétaire sans pouvoir préciser sa date exacte d'entrée. (...) Je l'ai vue réceptionner des patients, prendre des rendez-vous et traiter de l'administratif',

- celle de Mme [E] indiquant, sans préciser sa profession, ni son éventuel lien avec Mme [S], qu'elle l'a souvent vu 'qui travaillait en tant que secrétaire depuis le 1er mai 2003; qui faisait le standard téléphonique pendant les absences du médecin',

- celle de Mme [R] indiquant, sans non plus donner de précision sur sa profession et son éventuel lien avec l'intéressé, l'avoir amenée au cabinet médical 'pour qu'elle puisse assurer son travail en tant que secrétaire',

- enfin, celle de Mme [C] indiquant, sans précision sur sa profession, ni sur ses éventuels liens avec l'intéressée, que Mme [S] est venue à plusieurs reprises dans sa boutique retirer des colis 'pour le compte du docteur [X]' entre 2003 et 2004.

- trois procurations datées de novembre 2006, mai 2008 et décembre 2010 données par le docteur [X] pour qu'elle retire des formulaires Cerfa ou des colis,

- deux mails datés du mois d'avril et de septembre 2009 signés '[G]', avec l'adresse mail professionnel de l'intimé pour des commandes de draps d'examen, gel nettoyant...,

- un document dactylographié intitulé Compte rendu semaine du 23 février au 8 mars 2009

- un tableau dactylographié intitulé semaine du 9 mars

- une feuille dactylographiée 'visite lundi 9 mars 2009"

- un document dactylographié résumant des appels téléphoniques du lundi 9 août 2009 au dimanche 16 août 2009

- un document dactylographié intitulé Compte rendu semaine du 17 au 24 mai 2010

- un mail daté du 11 janvier 2011 signé '[G]', avec l'adresse mail du docteur [X], ayant pour objet une demande d'aide informatique; elle signale être 'absente du cabinet jusqu'au 17 janvier',

- ses relevé bancaire mentionnant le 16 juin 2010 un versement de 1 000 euros et le 29 octobre 2010, un versement de 100 euros,

- des SMS échangés entre les parties entre 2013 et 2014

M. [X] réplique que Mme [S] a été sa patiente à partir de 1994 et qu'ils ont ensuite entretenu une relation intime sans cependant en préciser la date, ni la durée. Il soutient qu'elle n'a pas exercé d'activité salariée avant le 1er août 2011, date à laquelle il a modifié le fonctionnement du cabinet. Il reconnaît qu'avant cette date, elle a pu retirer pour son compte à trois reprises des colis ou formulaires en vertu d'une procuration.

Il explique le fonctionnement de son cabinet médical depuis 1994 ouvert du lundi au vendredi seulement de 15h à 19/ 20h, et ses tournées dans différents établissements de santé le matin. Il affirme avoir toujours fonctionné sans salarié jusqu'en 2011 date à laquelle il a engagé Mme [S] à temps partiel, 20h/mois, pour assurer son secrétariat, expliquant qu'avant cette date, il était, le cas échéant, épaulé par ses différentes compagnes pour assurer certaines tâches administratives puis par sa fille.

Il conteste les comptes rendus et documents dactylographiés sans valeur probante et en tout état de cause ne portant que sur quelques jours en 2009, 2010 et 2011.

Il critique les attestations émanant pour l'une de la soeur de Mme [S] et pour les autres rédigées en termes généraux et en dehors de tout respect du formalisme.

Il produit les attestations de patients:

- Mme [O] : 'le docteur [X] m'a toujours répondu lui-même au téléphone et c'est lui qui nous accueille',

- Mme [T], sa patiente depuis 20 ans : 'je n'ai jamais rencontré pendant toutes ces années de secrétaire au cabinet médical. Les rendez-vous se prennent avec le médecin directement, soit durant la consultation, soit par téléphone',

- de son voisin depuis 1996 indiquant avoir souvent réceptionné des colis pour lui et ouvert la porte de l'immeuble à des patients qui attendaient,

- Mme [N] indiquant qu'il lui arrivait d'ouvrir la porte à des patients lorsqu'elle attendait son tour dans la salle d'attente et d'y rencontrer Mme [S].

La cour retient en premier lieu que les parties ont entretenu une relation intime, au moins entre 2013 et 2015, des SMS échangés entre eux n'étant produits que pour cette seule période.

Les attestations susvisées, du fait de leur auteur (soeur pour l'une d'entre elle) et des termes très généraux et abstraits qui en ressortent, sont insuffisantes à démontrer un réel travail salarié de Mme [S] depuis le 1er mai 2003 notamment au vu de l'ampleur des tâches que celle-ci prétend avoir exercé qui ne sont pas détaillées ainsi par les auteurs des déclarations.

Le retrait ponctuel de colis, via un mandat, ne se confond pas avec un contrat de travail.

Les documents dactylographiés émanant de l'appelante, en ce qu'ils sont contestés par M. [X] et ne concernent que quelques courtes périodes, ne sauraient démontrer la réalité de prestations de travail permanentes et continues durant une période de 9 années.

La cour observe enfin que l'absence de tout secrétariat médical jusqu'en août 2011, est conforme au fonctionnement du cabinet. Il s'agit en effet d'une activité de médecine générale gérée par le médecin, dans un quartier calme et tranquille, ouvert seulement les après-midi, à une patientèle d'habitués, avec ouvre-porte automatique. A partir d'août 2011, l'embauche de la salariée n'a porté que sur quelques heures par semaines (5 heures en moyenne) démontrant un besoin correspondant à une heure par jour avant l'heure d'ouverture du cabinet à 15h, conformément à ce qui est indiqué par l'intimé.

Ainsi, l'accomplissement de prestations de travail de mai 2003 à août 2011 n'est pas établi.

Mme [S] ne justifie pas plus avoir obtenu une rémunération, en l'état de deux versements en espèces pour un totale de 1 100 euros sur une période de travail qu'elle estime à 9 années, sans élément pour démontrer que ces versements émanent de l'intimé, étant par ailleurs observé que d'autres versements en espèce ont été réalisés après le mois d'août 2011 sur son compte bancaire et qu'aux termes d'un SMS, Mme [S] demandait à M. [X] de lui prêter de l'argent.

Enfin et surtout, la salariée ne produit aucune pièce démontrant le lien de subordination dans lequel elle se serait trouvée à l'égard de M. [X]. Ni directive, ni ordre, ni contrôle, ni sanction de sa part n'émane des documents produits.

La cour considère en conséquence que l'existence d'un contrat de travail avant août 2011 n'est pas démontrée.

Le jugement doit être confirmé.

II. Sur la résiliation du contrat de travail

Le juge prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur en cas de manquements suffisamment graves de ce dernier à ses obligations, de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.

Mme [S] soutient que M. [X] a manqué à ses obligations contractuelles et légales.

Elle reproche :

- pour la période 2003 - 2011 : l'absence de toute déclaration de son travail salarié auprès des organismes sociaux avant août 2011, le non respect du montant de la rémunération prévue en 2003 sur la base d'un SMIC pour un temps complet et l'absence de bulletin de salaire.

- à partir d'août 2011:

- la modification unilatérale de ses conditions de travail en réduisant considérablement ses fonctions (établissement de chèques, feuilles de soin, facturation, téléphone) et la durée de son travail,

- la dégradation constante de ses relations de travail en refusant de régulariser la situation pour la rétablir dans ses conditions antérieures alors qu'elle n'a eu de cesse de le réclamer et le changement de comportement de son employeur dépassant largement son pouvoir de direction et de contrôle entraînant une dégradation de son état de santé

- l'absence de tout suivi médical durant la totalité de la relation de travail.

A l'appui, elle produit des éléments sur sa situation médicale.

M. [X] conteste avoir manqué à ses obligations et tout harcèlement moral et indique que Mme [S] n'a jamais revendiqué une quelconque régularisation de contrat de travail avant un courrier bien tardif du 13 novembre 2015 où elle fait état d'un travail salarié depuis 2003.

La cour n'ayant pas reconnu l'existence d'un contrat de travail entre mai 2003 et août 2011, il ne peut être reproché aucun manquement à M. [X] durant cette période, ni aucune modification unilatérale des conditions de travail à compter du 1er août 2011.

S'agissant du harcèlement moral dont il est fait état, faute de contrat de travail antérieur au 1er août 2011, l'appelante échoue à présenter des éléments de faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral fondé sur une volonté de l'employeur de lui retirer ses fonctions, ou de diminuer son temps de travail, ou de dégrader volontairement ses conditions de travail par rapport à celles antérieures.

Mme [S] ne présente aucun élément sur un comportement fautif de M. [X].

S'agissant de l'absence de visite médicale, c'est à l'employeur d'établir qu'il a satisfait à son obligation de sécurité en justifiant notamment de l'existence de la visite médicale d'embauche et des visites médicales périodiques destinées à établir que la salariée est toujours apte à occuper son poste de travail.

Sur ce point, la cour constate qu'aucune pièce n'est produite par M. [X] qui ne soutient pas avoir organisé des visites médicales pour la salariée;

Pour autant, ce seul manquement contractuel n'est pas suffisamment grave pour justifier la résiliation du contrat.

Sur le licenciement

1) Sur la nullité

Mme [S] conclut à la nullité de son licenciement considérant que son état de santé trouve sa source dans le comportement fautif de l'employeur et dans le harcèlement dont elle a été victime.

Elle soutient que c'est la dégradation de ses conditions de travail qui a entraîné son état anxio-dépressif.

Elle produit notamment un certificat médical du docteur [P], psychiatre daté du 2 décembre 2016 indiquant qu'elle 'présente depuis plusieurs mois un état anxio-dépressif aggravé rapporté à des difficultés relationnelles avec son employeur'.

Aux termes de dispositions l'article L. 1152-3 du code du travail, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2 est nul.

La cour n'ayant pas retenu une situation de harcèlement moral, la demande en nullité du licenciement doit être rejetée.

2) Sur le reclassement

L'article L. 1226-2 du code du travail, dans sa rédaction applicable jusqu'au 1er janvier 2017, édicte que lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail, consécutive à une maladie non professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte les conclusions du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutation, transformation de postes de travail ou aménagement du temps du travail.

L'avis du médecin du travail concluant à l'inaptitude du salarié à tout emploi dans l'entreprise et à l'impossibilité de son reclassement au sein de celle-ci ne dispense pas l'employeur de son obligation de reclassement.

Il incombe à ce dernier de justifier des recherches de reclassement qu'il a effectuées et de l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé de reclasser la salariée.

Les possibilités de reclassement du salarié déclaré inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment doit s'apprécier à l'intérieur du groupe auquel appartient l'employeur, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation lui permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

Il appartient à l'employeur qui prétend s'être trouvé dans l'impossibilité d'effectuer un tel reclassement d'en rapporter la preuve. Cette recherche de reclassement doit être mise en oeuvre de façon loyale et personnalisée.

Il suit de là que, quoique reposant sur une inaptitude physique d'origine non professionnelle régulièrement constatée par le médecin du travail, le licenciement n'est légitime que pour autant que l'employeur aura préalablement satisfait à l'obligation de reclassement mise à sa charge par ce texte.

Le 13 décembre 2016, le médecin du travail a déclaré Mme [S] 'inapte; aucune mutation, aucun aménagement de poste ne sont envisageables à ce jour.

M. [X] justifie avoir :

- le 21 décembre 2016, interrogé le médecin du travail pour 'obtenir de plus amples informations plus précises quant aux incompatibilités que présentent les différentes tâches de ma structure et les capacités du salarié suite à la visite de reprise'; il a également demandé l'aptitude éventuelle de la salariée à suivre une formation professionnelle.

- le 21 décembre 2016, demandé à la salariée de communiquer son CV actualisé et une adresse mail indiquant étudier toutes les propositions de reclassement envisageables et la possibilité de suivre un stage de reclassement professionnel,

- sollicité des confrères et établissement de santé en vue du reclassement de la salariée, produisant sept réponses négatives (pièces 23)

- le 10 février 2017 avoir informé la salariée de l'impossibilité de reclassement au regard notamment de la 'petitesse de la structure' et des préconisations du médecin du travail indiquant qu'aucun aménagement de poste n'est envisageable.

Ainsi, l'employeur justifie, d'une part, à travers les démarches entreprises auprès du médecin du travail et, d'autre part, en raison de la très petite taille de l'entreprise, en l'espèce une microstructure n'employant qu'une secrétaire, qu'il lui était impossible, faute de poste disponible ou compatible avec les préconsisations médicales, de parvenir à un reclassement dans le cabinet médical.

Par ailleurs, M. [X] n'appartenait à aucun groupe et il justifie de démarches externes pour tenter un reclassement.

La cour considère en conséquence qu'il démontre avoir effectué des démarches de recherche loyale et sérieuse de reclassement, de sorte que le licenciement est fondé.

Par conséquent, les demandes au titre de la rupture doivent être rejetées et le jugement confirmé.

Sur le travail dissimulé

La demande doit être rejetée et le jugement confirmé en l'absence de contrat de travail antérieur au 1er août 2011.

Sur les autres demandes

Les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile doivent être rejetées.

Chacune des parties conserve la charge de ses propres dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Confirme le jugement entrepris,

Y ajoutant

Déboute les parties de leurs autres demandes

Dit que chacune des parties conserve la charge de ses propres dépens d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 18/18805
Date de la décision : 22/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-22;18.18805 ?
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