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22/07/2022 | FRANCE | N°18/12715

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 22 juillet 2022, 18/12715


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 22 JUILLET 2022



N°2022/ 147





RG 18/12715

N° Portalis DBVB-V-B7C-BC3O5







[O] [R] [L]





C/



SA CATERING INTERNATIONAL & SERVICES (CIS)

























Copie exécutoire délivrée

le 22 Juillet 2022 à :



- Me Steve DOUDET, avocat au barreau de MARSEILLE



- Me Karine GR

AVIER, avocat au barreau de MARSEILLE









Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 28 Juin 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 16/02517.







APPELANT



Monsieur [O] [R] [L], demeurant [Adr...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 22 JUILLET 2022

N°2022/ 147

RG 18/12715

N° Portalis DBVB-V-B7C-BC3O5

[O] [R] [L]

C/

SA CATERING INTERNATIONAL & SERVICES (CIS)

Copie exécutoire délivrée

le 22 Juillet 2022 à :

- Me Steve DOUDET, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Karine GRAVIER, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 28 Juin 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 16/02517.

APPELANT

Monsieur [O] [R] [L], demeurant [Adresse 2] / INDIA

représenté par Me Steve DOUDET, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SA CATERING INTERNATIONAL & SERVICES (CIS), demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Karine GRAVIER, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Avril 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, et Madame Estelle DE REVEL, Conseiller, chargées du rapport.

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Estelle DE REVEL, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Juin 2022, délibéré prorogé en raison de la survenance d'une difficulté dans la mise en oeuvre de la décision au 22 Juillet 2022.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Juillet 2022.

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * * * * * * *

FAITS- PROCEDURE-PRETENTIONS DES PARTIES

Le groupe Catering International et Services (CIS) dont le siège social est à [Localité 3], est spécialisé dans la gestion de bases-vie en milieux extrêmes «on shore et offshore» notamment pour les entreprises de l'industrie pétrolière et gazière, minière, de l'ingénierie et de la construction.

M. [O] [R] [L], de nationalité indienne, a effectué de juin 2006 à juin 2008 une mission au Tchad pour le compte de la société CIS sous le statut de travailleur indépendant.

Le 27 juin 2008, il a été embauché par cette société en qualité de responsable de projet position ETAM par contrat à durée indéterminée, afin d'exécuter sa mission au Tchad.

Son salaire brut était de 2 500 € auquel s'ajoutait une indemnité d'expatriation nette de 2 300 € ainsi qu'une prime variable.

Du 15 novembre 2008 au 16 février 2009, M. [R] [L] a travaillé pour la société en qualité de consultant indépendant.

Le 16 février 2009, les parties ont signé un nouveau contrat de travail à durée indéterminée.

Le 1er avril 2016, M. [R] [L] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement devant se tenir le 18 avril 2016.

Le 25 avril 2016, le salarié a été licencié pour cause réelle et sérieuse pour avoir refusé sa nouvelle affectation.

Le 7 novembre 2016, M. [R] [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille aux fins de voir requalifier l'ensemble de sa relation avec la société en contrat de travail, de se voir reconnaître le statut de cadre et de voir requalifier la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 28 juin 2018, le conseil de prud'hommes a débouté le salarié de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions, rejeté la demande reconventionnelle et condamné le demandeur aux entiers dépens.

Selon déclaration du 26 juillet 2018, le conseil de M. [R] [L] a interjeté appel.

Aux termes de ses dernières écritures, transmises à la cour par voie électronique le 18 janvier 2021, M. [R] [L] demande à la cour de :

«INFIRMER le jugement entrepris ;

EN CONSEQUENCE,

REQUALIFIER la relation contractuelle entre la société CATERING INTERNATIONAL & SERVICES et Monsieur [R] [L] en contrat de travail depuis le 26 juillet 2006 ;

JUGER que l'infraction de travail dissimulé est caractérisée ;

RECONNAITRE le statut cadre de Monsieur [R] [L] ;

REQUALIFIER le licenciement de Monsieur [R] [L] en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

En conséquence ;

CONDAMNER la société CATERING INTERNATIONAL & SERVICES à verser à Monsieur [R] [L] la somme de 32.877,84 € (6 mois) à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;

CONDAMNER la société CATERING INTERNATIONAL & SERVICES à verser à Monsieur [R] [L] la somme de 16.438,92 € (3 mois) pour méconnaissance de son statut Cadre;

CONDAMNER la société CATERING INTERNATIONAL & SERVICES à verser à Monsieur [R] [L] la somme de 32.877,84 € (6 mois) à titre de dommages et intérêts pour non-respect du temps de travail et du temps de repos

CONDAMNER la société CATERING INTERNATIONAL & SERVICES à verser à Monsieur [R] [L] la somme de 82 194,60 € (15 mois) au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNER la société CATERING INTERNATIONAL & SERVICES à payer à Monsieur [R] [L] une somme de 1.600 € au titre du rappel de salaire pour le mois de mars 2016 ainsi que 160 euros au titre des congés payés afférents ;

CONDAMNER la société CATERING INTERNATIONAL & SERVICES à verser à Monsieur [R] [L] la somme de 32 877,84 € (6 mois) au titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

CONDAMNER la société CATERING INTERNATIONAL & SERVICES à régulariser la situation de Monsieur [R] [L] auprès de l'ensemble des organismes sociaux pour l'ensemble des périodes de travail ;

CONDAMNER la société CATERING INTERNATIONAL & SERVICES à remettre à Monsieur [R] [L] l'ensemble des documents de fin de contrat conformes ;

DIRE que les intérêts au taux légal courent à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation pour les créances salariales et à compter de la décision pour les dommages et intérêts ;

CONDAMNER la société CATERING INTERNATIONAL & SERVICES à verser à Monsieur [R] [L] la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNER la société CATERING INTERNATIONAL & SERVICES aux entiers

dépens.»

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 6 juillet 2021, la société CIS demande à la cour de :

«CONSTATER que Monsieur [R] [L] a été intégralement rempli de ses droits

DIRE et JUGER que Monsieur [R] [L] ne peut prétendre à la requalification au statut cadre

DIRE et JUGER que la Société CIS ne s'est pas rendue coupable de travail dissimulé à l'encontre de Monsieur [R] [L]

DIRE et JUGER que Monsieur [R] [L] ne peut prétendre à l'indemnisation d'aucun préjudice au titre du non-respect du temps de travail et du temps de repos

DIRE et JUGER que la Société CIS ne s'est pas rendue coupable d'une exécution déloyale du contrat de travail de Monsieur [R] [L]

DIRE et JUGER que le licenciement de Monsieur [R] [L] repose sur une cause réelle et sérieuse

En conséquence :

CONFIRMER le jugement du Conseil de prud'hommes de Marseille du 28 juin 2018 en ce qu'il a débouté Monsieur [R] [L] de l'intégralité de ses demandes

Y ajoutant :

CONDAMNER Monsieur [O] [R] [L] à verser à la société CIS la somme de 3500€ en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.»

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties.

MOTIFS DE L'ARRÊT

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile , elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les «dire et juger» et les «constater» ainsi que les «donner acte» ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi; en conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.

Sur les pièces produites par les parties

La cour constate que l'appelant produit 24 pièces dont seules la pièce n°2 qui est le contrat de travail du 27/06/2008, la pièce n°8 correspondant aux bulletins de salaire, et les pièces n°21 & 24 portant sur le chiffre d'affaires de la société et sa présence dans le monde, sont en langue française.

De son côté, la société communique 40 pièces mais la cour constate que les pièces n°3-4-5-6-7-8-10-12-13-15, 16-1 et 16-2, 21-24-26-28-32-33 et 40 sont en langue anglaise.

Même si l'ordonnance de [Localité 4] d'août 1539 ne vise que les actes de procédure, le juge, sans violer l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, est fondé, dans l'exercice de son pouvoir souverain, à écarter comme élément de preuve un document écrit en langue étrangère, faute de production d'une traduction en langue française.

Dès lors, la cour écarte les autres pièces produites par M. [R] [L], lesquelles sont toutes des mails ou documents rédigés en langue anglaise et n'ayant pas fait l'objet d'une traduction même libre en langue française, et de la même façon, les pièces visées ci-dessus produites par la société.

Sur la loi applicable au contrat de travail

Les parties ne se sont pas exprimées de façon explicite sur ce point .

La convention de Rome applicable au contrat datant de juin 2008 n'exclut pas le choix implicite de la loi par les parties .

La cour constate que ce contrat est rédigé en langue française, le salaire a été prévu en euros et les bulletins de salaire sont conformes au code du travail français ; par ailleurs, à l'article 10 du contrat, il est fait référence au code de la sécurité sociale française.

En conséquence, la commune intention des parties était de soumettre le contrat au droit français, nationalité du seul employeur.

Sur la relation contractuelle et le travail dissimulé

Pour établir l'existence d'un contrat de travail, M. [R] [L] expose que :

- il exécutait les mêmes tâches sous le même lien de subordination avec les mêmes modalités de rémunération de sorte que les contrats de consultant conclus sont des contrats de travail,

- la relation de travail s'est maintenue entre 2006 et 2016 de manière ininterrompue et il occupait toujours le même poste de travail,

- la rémunération a toujours été composée d'une partie fixe et d'une partie variable et de semaines ON et OFF,

- s'agissant du lien de subordination, il a exercé son activité sous la direction du «directeur pays», selon l'article 3 de son contrat de travail du 27 juin 2008, il devait selon le contrat de consultant du 15 novembre 2008, rendre des comptes sur son activité, à la direction générale de la société

et enfin selon son second contrat de travail, à nouveau sous le contrôle du «directeur pays»

- il a exécuté son travail à l'aide du matériel fourni par la société

- ses tâches étaient identiques

- il a travaillé pour la société de manière ininterrompue, seul son statut était modifié.

La société soutient que :

- à l'origine, M. [R] [L] devait être engagé dans le cadre d'un contrat salarié mais que c'est l'appelant qui a finalement préféré travailler sous le statut d'indépendant,

- les non ressortissants européens n'ont aucun avantage à être sous contrat de travail assujetti aux cotisations sociales françaises car ils ne peuvent prétendre à aucune allocation en retour de sorte que pour éviter de payer des charges salariales inutiles, il préférait le statut de travailleur indépendant,

- elle n'avait aucun intérêt à tenter de s'exonérer de ses contributions et charges sociales car M. [R] [L] étant expatrié, les contributions étaient faibles.

L'appelant qui a la charge de la preuve, ne produit aucun élément traduit de nature à prouver une relation de travail continue notamment quant au lien de subordination; en tout état de cause, il ne démontre pas l'existence d'une faute en lien avec le préjudice réclamé.

Le salarié n'ayant caractérisé ni l'élément matériel ni l'élement intentionnel du travail dissimulé doit également être débouté de cette demande.

Sur la reconnaissance du statut cadre

Le salarié soutient qu'il a été engagé en qualité d'ETAM mais exerçait en réalité des fonctions de cadre, son contrat prévoyant en son article 9 qu'il était amené à encadrer des subordonnés, et qu'il occupait un poste exigeant un certaine technicité avec une marge d'initiative et de responsabilité.

La société fait valoir que M. [R] [L] ne rapporte pas la preuve ni le détail des missions de cadre qu'il aurait effectué, ne fait pas la démonstration du préjudice qu'il aurait subi, ne sollitant pas de rappel de salaires.

Elle indique qu'en tout état de cause, le régime (en matière de préavis ou de mutuelle) est identique quelque soit le statut du salarié et que si le statut de cadre permet de s'inscrire à l'APEC, le salarié étant non résident français n'y était pas éligible.

L'appelant n'établit par aucune pièce retenue par la cour les conditions réelles d'exercice de ses fonctions pour lui permettre de revendiquer un autre statut que celui prévu à son contrat de travail, étant précisé que l'entreprise n'est soumise à aucune convention collective et que M. [R] [L] étant ressortissant non européen, ne pouvait bénéficier de certains avantages de la loi française, le préjudice dont il se prévaut n'étant au demeurant pas démontré.

En conséquence, la demande de l'appelant doit etre rejetée sur ce point.

Sur la modification du contrat de travail

M. [R] [L] soutient que :

- il a toujours travaillé selon une rotation avec des jours ON et des jours OFF,

- un avenant du 15 juin 2010 a fixé la rotation en 30 jours ON et 26 jours OFF mais le salarié était rémunéré selon une rotation de 35 jours ON et 35 jours OFF,

- il a exécuté ces nouvelles conditions de rotation de sorte qu'il n'est pas important qu'il n'ait pas signé d'avenant,

- cette rotation de 35 jours ON et 35 jours OFF a été modifié en 42 jours ON et 21 jours OFF pour la même rémunération de sorte que les jours OFF ont été réduits sans compensation financière.

Il rappelle qu'il n'a été signé aucune convention de forfait et considére avoir «nécessairement subi un préjudice pour non respect du temps de travail et du temps de repos hebdomadaire et quotidien.»

La société fait valoir que :

- du fait de son lieu de travail éloigné du siège de la société, le salarié ne pouvait pas être assujetti à un horaire de travail prédéterminé,

- il ne lui était pas demandé d'accomplir un temps de travail excessif,

- le changement de rotation obéit à une exigence du client en fonction de l'organisation des opérations sur site de sorte qu'il peut y avoir des modifications de rythme,

- le temps de travail était déconnecté du salaire.

Dans la mesure où l'employeur reconnaît ne pas avoir respecté les dispositions contractuelles en modifiant le rythme de travail tel que prévu initialement, sans accord exprès du salarié, l'avenant du 14 août 2015 n'étant pas signé et qu'il ne justifie pas d'une compensation financière, le manquement est avéré.

Le salarié ne se livre à aucun calcul pour réclamer un rappel de salaire et il ne peut lui substituer une demande à titre de dommages et intérêts.

Toutefois, il est incontestable qu'il a subi un préjudice financier et moral du fait de la modification, justifiant l'allocation de la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur la demande de rappel de salaire

L'appelant n'apporte à l'appui de cette demande concernant le mois de mars 2016 aucun élément nouveau et susceptible de permettre d'accueillir sa demande, la société justifiant que la prise en charge de l'arrêt maladie par l'organisme de prévoyance n'intervenait qu'au-delà du 15ème jour.

Sur le bien-fondé du licenciement

M. [R] [L] expose que :

- la clause de mobilité ne précise aucune délimitation géographique (elle oblige le salarié à accepter une mobilité géographique à travers le monde entier, en fonction de l'environnement économique et social),

- la clause a été mise en application de manière déloyale portant atteinte à sa vie privée (préavis très court),

- l'article du contrat de travail qui prévoit la clause dispose que le refus du salarié d'occuper un poste situé dans un autre périmètre géographique constitue un motif de licenciement alors qu'une clause préconstituant un motif de licenciement est nulle,

- la société a prétexté un motif économique pour mettre fin à sa mission au Tchad alors que l'opération se poursuivait et que le salarié était remplacé,

- le poste de reclassement faisant suite à la fin de sa mission était une rétrogradation avec une qualification moindre et une rémunération plus faible,

- le poste de reclassement incluait un changement d'employeur,

- aucune autre recherche de reclassement n'a été effectuée.

La société soutient que :

- la réaffectation de M. [R] [L] avait pour objet de répondre aux exigences du client au Tchad : la société ne voulait maintenir qu'un seul des deux responsables d'opération et le choix s'est porté sur l'autre responsable qui entretenait un meilleur relationnel avec le client,

- la jurisprudence selon laquelle la validité d'une clause de mobilité suppose que sa limitation géographique soit connue du salarié ne concerne pas les expatriés embauchés pour travailler exclusivement à l'étranger,

- elle ne peut prédéterminer à l'avance son secteur d'intervention,

- un salarié expatrié embauché pour travailler exclusivement à l'étranger dans les pays de prospection de la société CIS peut être amené à travailler dans tous les pays,

- concernant les modalités de reclassement du salarié, il n'y avait pas de changement d'employeur mais seulement le rajout d'un contrat local avec la structure locale de la société en Arabie Saoudite,

- le poste proposé était très similaire à son ancien poste,

- les conditions générales de son contrat étaient maintenues,

- il ne pouvait y avoir de rapatriement en France étant donné que la société n'a aucune activité d'exploitation en France mais uniquement à l'étranger.

La situation particulière du salarié expatrié et non ressortissant de l'Union européenne embauché pour travailler exclusivement à l'étranger ne permet pas de retenir l'illécéité de la clause.

La bonne foi contractuelle étant présumée, il n'y a pas lieu de rechercher si la décision de l'employeur de faire jouer une clause de mobilité, stipulée dans le contrat de travail, est conforme à l'intérêt de l'entreprise. Il incombe donc au salarié de démontrer que cette décision a, en réalité, été prise pour des raisons étrangères à cet intérêt, ou bien, qu'elle a été mise en 'uvre dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle.

En l'espèce, il résulte notamment des pièces n°22 et 23 produites par la société que c'est la réduction de l'effectif dédié au client Exon - motif non économique - qui empêchait le maintien du salarié au Tchad et est à l'origine de la réaffectation de M. [R] [L], la société justifiant que l'autre salarié restant seul sur le poste avait plus d'ancienneté.

Les fiches de poste présentées en pièces n°27-1 et 27-2 concernant les fonctions de «responsable des opérations» et «responsable de projet» ne démontrent pas des différences notables et l'attestation produite en pièce n°31 vient justifier d'une erreur de calcul sur le taux de change de la monnaie, de sorte que M. [R] [L] ne justifie pas que les conditions financières proposées pour le nouveau lieu d'affectation constituaient une rétrogradation.

Le poste était situé dans un pays du Golfe et la société, par la production de cette même attestation et du CV du salarié en pièce n°25 démontre que ce dernier avait eu plusieurs expériences au Qatar, à Oman etc... et qu'il pratiquait la langue arabe, de sorte que la réaffectation correspondait à son profil.

Par ailleurs, c'est pour des raisons légales imposées par le pays d'accueil, qu'un contrat local devait être conclu avec une société tierce mais le lien de subordination et le contrat de travail avec CIS demeuraient intacts.

En l'absence de tout élément produit par M. [R] [L] quant à l'existence d'autres postes pouvant lui être proposés, et faute pour lui de démontrer que la décision prise était étrangère à l'intérêt de l'entreprise, son refus de rejoindre sa nouvelle affectation dont le principe était justifié et qui n'était pas fondée sur la seule application de la clause de mobilité, constituait une cause réelle et sérieuse de rupture, étant précisé que l'employeur a retardé le départ du salarié, pour tenir compte du délai court initialement prévu.

En conséquence, c'est à juste titre que M. [R] [L] a été débouté de ses demandes subséquentes d'indemnisation.

Sur les autres demandes

Il n'est pas justifié de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Ecarte des débats les pièces respectives des parties rédigées en langue anglaise,

Confirme le jugement déféré SAUF en ce qu'il a rejeté la demande à titre de dommages et intérêts pour modification du contrat de travail,

Statuant du seul chef infirmé et Y ajoutant,

Condamne la société Catering International et Services (CIS) à payer à M. [O] [R] [L] la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour modification du contrat de travail,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Catering International et Services aux dépens d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 18/12715
Date de la décision : 22/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-22;18.12715 ?
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