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22/07/2022 | FRANCE | N°18/11316

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 22 juillet 2022, 18/11316


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 22 JUILLET 2022



N°2022/ 146





RG 18/11316

N° Portalis DBVB-V-B7C-BCXIR







[T] [S]





C/



SCP [G] [V]-[Y] [U]-[F] [Z]-[C] [P] [D]



























Copie exécutoire délivrée

le 22 juillet 2022 à :



-Me Cedric PORIN, avocat au barreau de MARSEILLE



- Me Christian

MAILLARD, avocat au barreau de MARSEILLE











Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 06 Juin 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 17/01256.







APPELANTE



Madame [T] [S], demeurant [Adresse ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 22 JUILLET 2022

N°2022/ 146

RG 18/11316

N° Portalis DBVB-V-B7C-BCXIR

[T] [S]

C/

SCP [G] [V]-[Y] [U]-[F] [Z]-[C] [P] [D]

Copie exécutoire délivrée

le 22 juillet 2022 à :

-Me Cedric PORIN, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Christian MAILLARD, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 06 Juin 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 17/01256.

APPELANTE

Madame [T] [S], demeurant [Adresse 2]/FRANCE

représentée par Me Cedric PORIN, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SCP [G] [V]-[Y] [U]-[F] [Z]-[C] [P] [D], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Christian MAILLARD, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Avril 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, et Madame Estelle DE REVEL, Conseiller, chargées du rapport.

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Estelle DE REVEL, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Juin 2022, délibéré prorogé en raison de la survenance d'une difficulté dans la mise en oeuvre de la décision au 22 Juillet 2022.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Juillet 2022.

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * * * * * * *

FAITS- PROCEDURE-PRETENTIONS DES PARTIES

Le 23 février 2015, Mme [T] [S] a été embauchée par la SCP [B]-[V]-[U]-[Z], devenue depuis 2018, la SCP [V]-[U]-[Z]-[A], étude d'huissiers sise à [Localité 4], par contrat à durée déterminée d'une durée de 6 mois en qualité de clerc.

Le 25 août 2015 le contrat a été renouvelé pour une durée de 6 mois.

Le 24 février 2016, Mme [S] a été embauchée par contrat à durée indéterminée, pour une durée de travail mensuelle de 138,67 heures et un salaire mensuel brut de 1 553,32€, la convention collective applicable étant celle du personnel des études d'huissier.

Le 9 septembre 2016, Mme [S] a été placée en arrêt de travail pour maladie.

Par lettre recommandée du 30 septembre 2016, la salariée a démissionné de son poste.

Le 24 mai 2017, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille aux fins de voir requalifier son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et sa démission en rupture aux torts exclusifs de son employeur.

Par jugement du 6 juin 2018, le conseil de prud'hommes l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes, rejeté la demande reconventionnelle et condamné la partie demanderesse aux entiers dépens.

Par déclaration du 5 juillet 2018, le conseil de Mme [S] a interjeté appel de la décision.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 16 mars 2022, Mme [S] demande à la cour de :

«CONFIRMER la décision entreprise en ce qu'elle a :

DEBOUTÉ la SCP GMBG de ses demandes reconventionnelles

REFORMER le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Madame [S] aux entiers dépense de l'instance

REFORMER le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Madame [S] de l'ensemble des demandes suivantes :

DIRE ET JUGER la requalification du contrat à durée déterminée de Madame [S] en contrat à durée indéterminée ;

DIRE ET JUGER la requalification de la démission de Madame [S] en rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur ;

CONSTATER les manquements graves de l'employeur dans ses obligations contractuelles ;

CONSTATER que l'employeur a gravement manqué à son obligation de sécurité de résultat

CONSTATER que l'employeur a volontairement dissimulé une partie des heures de travail accomplies par Madame [S] ;

DIRE ET JUGER que Madame [S] a subi des faits constitutifs de harcèlement moral du fait de l'employeur ;

DIRE ET JUGER que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de Madame [S] aux torts exclusifs de son employeur emporte les effets d'un licenciement nul ;

DIRE ET JUGER que la moyenne des salaires de Madame [S] est de 1553,32 € bruts.

En conséquence, CONDAMNER la SCP [B]-[V]-[U]-[Z] à verser à Madame [S] les sommes suivantes :

Indemnité de requalification : 1.553,32 €

Rappel sur heures supplémentaires effectuées en 2015 : 2.167,43 €

Congés payés sur heures supplémentaires : 216,74 €

Rappel de salaire sur demi-journées travaillées non payées en 2016 : 161,28 €

Congés payés sur demi-journées travaillées non payées : 16,12 €

Indemnité de travail dissimulé : 9.319,92 €

Indemnité légale de licenciement : 540,18 €

Indemnité de préavis : 1.553,32 €

Congés payés sur préavis : 155,33 €

Dommages et intérêts pour nullité du licenciement : 12.426,56 €

Dommages et intérêts pour harcèlement moral : 10.000 €

ORDONNER la délivrance des documents afférents à la rupture (attestation Pôle Emploi,certificat de travail, solde de tout compte) rectifiés sous astreinte journalière de 200 € par jour de retard à compter du prononcé du jugement à venir ;

DEBOUTER le défendeur de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

CONDAMNER le défendeur à payer à Madame [S] la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 CPC.

CONDAMNER le défendeur au paiement des entiers dépens sur le fondement de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

STATUANT A NOUVEAU ;

DIRE ET JUGER la requalification du contrat à durée déterminée de Madame [S] en contrat à durée indéterminée ;

DIRE ET JUGER la requalification de la démission de Madame [S] en rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur ;

CONSTATER les manquements graves de l'employeur dans ses obligations contractuelles ;

CONSTATER que l'employeur a gravement manqué à son obligation de sécurité de résultat

CONSTATER que Madame [S] a réalisé de nombreuses heures supplémentaires non rémunérées en 2015 et 2016.

DIRE ET JUGER que Madame [S] a subi des faits constitutifs de harcèlement moral du fait de l'employeur ;

DIRE ET JUGER que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de Madame [S] aux torts exclusifs de son employeur emporte les effets d'un licenciement nul ;

DIRE ET JUGER que la moyenne des salaires de Madame [S] est de 1553,32€ bruts

En conséquence,

CONDAMNER la SCP [B]-[V]-[U]-[Z] à verser à Madame [S] les sommes suivantes :

- 1 553,32 €nets à titre d'indemnité de requalification

- 2 167,43 € à titre de rappel d'heures supplémentaires pour l'année 2015

- 216,74 € à titre d'incidence congés payés sur rappel précité

- 161,28 € à titre de rappel de salaire pour les demies-journées travaillées et non payées en 2016

- 16,13 € à titre d'incidence congés payés sur rappel précité

- 540,18 € à titre d'indemnité légale de licenciement

- 1 553,32 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 155,33 € à titre d'incidence congés payés sur indemnité précitée

- 12 426,56 € à titre de dommages et intérêts pour nullité du licenciement

A titre subsidiaire du dernier chef seulement

- 12 426,56 € NETS à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 10 000,00 € NETS à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral et exécution fautive du contrat de travail

ORDONNER la délivrance des documents afférents à la rupture (attestation Pôle Emploi, certificat de travail, solde de tout compte) rectifiés sous astreinte journalière de 200 € par jour de retard à compter du prononcé de la décision à venir ;

CONDAMNER la société appelante au paiement de la somme de 2 500,00 € NETS à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

LA CONDAMNER aux entiers dépens.

LA DEBOUTER de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.»

Aux termes de ses dernières écritures, transmises par voie électronique le 11 mars 2022, la SCP [V], [U], [Z], [A], demande à la cour de :

Confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Marseille en date du 6 juin 2018

Considérer que Mme [S] est Maître en droit

Dire et juger le contrat de travail à durée déterminée parfaitement légal et justifié, d'autant qu'il s'est poursuivi sans interruption par un contrat à durée indéterminée

Que de surcroit aucun préjudice n'est prouvé

Débouter Mme [S] de sa demande de requalification

Dire et juger que le courrier du 30 septembre 2016 est une lettre de démission rédigée en toute connaissance de cause

Débouter Mme [S] de sa demande de requalification et de toutes ses conséquences

Constater l'absence de plainte durant le contrat de travail et la saisine du Conseil 8 mois après le courrier de rupture

Dire et juger qu'aucun manquement grave ne peut être imputé à la SCP [B] [V] [U] [Z]

Dire et juger que les conditions de travail dans l'étude ne présentent aucun élément répréhensible ou illégal

Dire et juger qu'à aucun moment, durant son emploi, comme dans la lettre de rupture, Mme [S] , maître en droit, a évoqué un quelconque harcèlement moral.

Débouter Mme [S] de ses demandes de harcèlement moral et exécution fautive du contrat de travail

Constater que l'activité de recouvrement de créances implique un résultat en termes de chiffre d'affaires

Que les primes versées témoignent de la réalisation des objectifs

Dire et juger que Mme [S] n'a été victime d'aucun acte pouvant être qualifié de harcèlement

Dire et juger qu'aucune faute grave ne peut être imputée à l'employeur permettant de qualifier la prise d'acte en rupture aux torts de l'employeur

Débouter Mme [S] de sa demande en paiement d'heures supplémentaires non prouvées

Constater le traitement dont bénéficiait Mme [S],

Que d'autres salariés confirment l'absence des allégations de Mme [S]

Constater qu'aucun élément médical probant ne vient au soutien des allégations de Mme [S]

Constater l'absence de tout préjudice

Condamner Mme [S] au paiement du préavis soit 1.553,32 € nets

Débouter Mademoiselle [T] [S] de toutes ses demandes ;

La condamner aux entiers dépens ;

La condamner au paiement de la somme de 4.000 € nets au titre de l'article 700 du CPC .»

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties .

MOTIFS DE L'ARRÊT

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile , elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les «dire et juger» et les «constater» ainsi que les «donner acte» ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi; en conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.

Sur la demande en requalification du contrat à durée déterminée

Mme [S] n'entend plus prétendre qu'elle n'a pas été embauchée pour un surcroît temporaire d'activité et critique seulement le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il n'a pas pris en compte le second motif de requalification à savoir le non-respect de la clause de renouvellement de son contrat, prévu en son article 6, celui-ci devant lui être soumis avant le 24 août 2015, alors qu'il n'a été signé par les parties que le 25 août 2015.

La société fait valoir que l'ancienne version de l'article L.1242-13 du code du travail, applicable à l'espèce, dispose que le contrat est transmis au salarié au plus tard dans les deux jours suivant l'embauche de sorte que la procédure a été respectée.

L'article invoqué par l'employeur ne concerne que le contrat initial et non son renouvellement lequel est régi par l'article L.1243-13, qui prévoit en son alinéa 3 : «Les conditions de renouvellement sont stipulées dans le contrat ou font l'objet d'un avenant soumis au salarié avant le terme initialement prévu.»

L'avenant n'ayant pas été signé avant la fin du premier contrat mais le lendemain, sans que l'employeur excipe d'une difficulté, la méconnaissance de l'article sus-visé justifie la requalification du contrat et la sanction prévue à l'article L.1245-1 du code du travail.

Sur la rupture du contrat de travail

La société prétend que la démission de Mme [S] est définitive et que la salariée a abandonné sa demande de requalification en prise d'acte dont elle avait été déboutée en première instance.

Aux termes du dispositif - au demeurant redondant - et des motifs des dernières conclusions de Mme [S], notamment pages 11 & 12, il est patent que l'appelante maintient sa demande de prise d'acte.

A) Sur la lettre de démission

La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail.

Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de la démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire, d'une démission.

La salariée critique le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a considéré qu'elle n'aurait pas fait part de ses griefs avant sa saisine du conseil de prud'hommes. Elle précise que dans son courrier du 30 septembre 2016, les griefs reprochés étaient mentionnés.

L'employeur considère que la rétractation est intervenue tardivement, rappelant les échanges intervenus au mois d'octobre 2016.

La lettre du 30 septembre 2016 est libellée ainsi :

« Je vous adresse la présente pour vous faire part de ma démission du poste de clerc-gestionnaire. Si vous le permettez cette démission prendra effet immédiatement à sa réception par vos soins ou dans le délai légal impartit.

Je dois faire face à plusieurs difficultés à caractère personnels et financiers ; ces dernières cumulées à un environnement sur l'étude devenu très compliqué, des relations tendues entres certains salariés et des différences de traitement du personnel qu'il peut y avoir sur les différentes équipes.

Je ne souhaite plus revenir physiquement sur l'étude ; les arrêts maladies ne changerons rien à cela.

Désireuse de pouvoir être épanouie en milieu professionnel j'ai pu constater que cela devenait impossible sur votre étude. Management, salaires et primes sont des aspects plus que conflictuels sur cette étude(...).''

Il résulte de la lecture de cette lettre que si la salariée évoque des difficultés personnelles, elle met en avant ses conditions de travail et émet des reproches à l'encontre de son employeur, lequel d'ailleurs lui répondait ainsi le 3 octobre 2016 :

« En main votre courrier du 30 écoulée, lequel ne manque pas de nous surprendre voire de susciter une certaine incompréhension quant a son contenu.

Nous sommes déjà très étonnés de votre démission alors que rien dans votre comportement ne laissait supposer une telle décision.

En effet, depuis votre entrée dans 1'entreprise le 23 Février 2015, vous n'avez jamais fait état de faits ou de situations venant étayer les allégations dont vous faites part dans votre courrier.

Au contraire, nous avons toujours fait en sorte d'essayer de tenir compte de votre situation personnelle notamment en acceptant d'aménager votre temps de travail, vous permettant ainsi de ne plus travailler le mercredi afin de pouvoir garder vos enfants.

A votre demande, nous avons décalé le remboursement d'une avance sur salaire que nous vous avons octroyé vous permettant ainsi de gagner un mois dans le remboursement des sommes que vous deviez. Vous nous avez encore demande le 7 septembre 2016 une attestation pour obtenir un nouveau logement, attestation que nous vous avons fournie.

Vous pourrez donc aisément comprendre notre stupéfaction a la lecture des propos que vous tenez dans votre courrier alors que vous n'avez jamais attiré notre attention sur des problématiques de ce type et rien dans nos relations ne pouvait laisser préjuger un tel sentiment.

Nous ne pouvons accepter de telles affirmations qui sont totalement infondées. »

Il est ainsi démontré que dans une période contemporaine de la démission, il existait un différend entre les parties de sorte que le caractère équivoque de celle-ci doit être retenu, justifiant d'examiner les faits invoqués, lesquels ne se limitent pas à la lettre sus-visée.

En effet, même si la salariée n'a pas utilisé les termes de harcèlement moral dans sa lettre, elle est recevable à invoquer ce dernier dans le cadre de la procédure de rupture, la jurisprudence produite par l'intimé n'étant relative qu'à des situations où la lettre de licenciement pouvait contenir des éléments «contaminant» celui-ci alors même que le salarié n'avait pas dénoncé de tels faits et ne pouvait dès lors se prévaloir de la protection relevant de l'article L.1152-2 du code du travail.

B) Sur les manquements fautifs invoqués par la salariée

L'appelante fait valoir dans sa lettre : un environnement de travail devenu compliqué, des relations tendues entre les salariés, des différences de traitement du personnel entre les différentes équipes, des conflits quant au management, aux salaires et aux primes ne lui permettant pas de revenir à l'étude physiquement, et souligne dans ses conclusions, une exécution lourdement fautive par une charge de travail excessive, des heures supplémentaires non payées ainsi que des agissements qualifiés de harcèlement moral ayant eu pour effet de dégrader son état de santé.

a) sur les heures supplémentaires non payées

Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1 , du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

L'article L.3171-4 du code du travail prévoit en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

- Pour l'année 2015, la salariée présente en pièce n°10, un tableau établi de la semaine 19 à la semaine 49, correspondant aux heures travaillées dont il ressort l'accomplissement de 146,75 heures supplémentaires.

Elle produit :

- ses relevés de péage autoroutier entre son domicile de [Localité 3] et l'étude,

- en pièce n°8 l'attestation de Mme [X] laquelle témoigne en ces termes :

« [T] [S] avait des objectifs de disponibilités financiers très élevés. Elle était en charge de piloter le portefeuille au niveau national auprès des huissiers partenaires, sa charge de travail s'élevait à plus de 2000 dossiers par mois. En plus de sa charge de travail, [T] avant la charge de former les nouveaux arrivants sur les procédures, le fonctionnement du logiciel et le pilotage avec les huissiers partenaires. [T] avait un nombre de dossiers à traiter en constante augmentation. [T] a vu sa charge de travail qui lui était confiées s'accroître de manière très importante dans l'étude. Les heures supplémentaires (à la pause déjeuner et après 18h) ne lui suffisaient pas pour accomplir les tâches imposées par Me [U]. »

- le témoignage de M. [L] lequel s'exprime ainsi :

«j'ai fait la connaissance de madame [S] au 1er juillet 2015 lors de mon entrée au sein de la GMBG. A cette période, elle avait en charge la gestion du portefeuille Hoist Kredit M., portefeuille que j'eu également en charge par la suite. Sa mission était la gestion et le développement de ce portefeuille, ainsi que d'assurer la relation client avec Hoist ainsi qu'avec les huissiers partenaires de France avec qui nous collaborions. Les créances de c portefeuille, comme du portefeuille DSO (son jumeau) nous étaient données en gestion à la limite de la prescription (avant loi de 2008 30 ans). Il y avait donc urgence à activer les dossiers avant d'encourir une nullité pour prescription. La charge de ce portefeuille était énorme et je peux en témoigner l'ayant eu en gestion par la suite avec 2000 dossiers environ à gérer SEUL.

[T] avait de gros objectifs à réaliser chaque mois. En plus de son travail prisca était très souvent sollicitée pour assurer la formation de nouveaux salariés entrant à l'étude sur les procédurs civiles d'exécution, ce qu'elle fit à maintes reprises, avec une formation au logiciel interne.

J'ai souvent vu prisca faire des heures supplémentaires moi même également puisque nous arrivions et partions souvent ensemble .

[T] a très souvent été amenée à rester travailler pendant sa pause déjeuner ainsi que le soir 15 à 30 minutes tant le développement de ce portefeuille était dur et la pression de Me [U] accrue pour le chiffre. Nous étions contraints de rester pendant nos pauses déjeuner le dernier jour du mois, afin de préparer le règlement de notre client, suite à réception de règlements de nos débiteurs en dernière minute. Cela pouvait durer 1h à 1h30 ; il nous restait parfois 20 à 30min pour aller déjeuner. Me [U] refusait catégoriquement de nous décaler ces heures perdues ou de nous laisser partir plus tôt. Elle répondait que si nous voulions une prime il fallait prendre sur notre temps. »

- Pour l'année 2016, la salariée explique que sa semaine a été réduite pour lui permettre de disposer de ses mercredis mais qu'elle a été contrainte d'intervenir à la demande de son employeur les mercredis 13/07, 27/07 et 03/08 à raison de 4 heures chaque fois soit 12 heures sans être rémunérée, et qu'il ne s'agissait pas de récupération.

Elle produit à l'appui :

- un extrait de son agenda 2016, où figurent les mercredis concernés avec la mention «taf 9-13h»

- l'attestation de M. [L] lequel indique : «A certaines reprises, il lui est arrivé d'être obligé de venir travailler le mercredi pour assurer le chiffre et la gestion du portefeuille DSO Interactive, portefeuille qu'elle a eu à gérer en remplacement du portefeuille Hoist, lorsque je le repris».

La SCP indique que Mme [S] gérait ses heures de travail, informant son employeur qu'elle rattraperait ses absences ou retards entre 12 et 14h, ou le soir ou le matin, souligne que la salariée a proposé de venir le mercredi 27/07/2016 étant absente le 29 et que c'est elle également qui a souhaité travailler le 13 juillet.

Elle précise que chaque salarié déclare chaque semaine les heures de travail effectuées et s'insurge contre le témoignage de M. [N] lorsqu'il atteste qu'il devait faire signer des feuilles de présence sur lesquelles les horaires avancés ne correspondaient pas à la réalité des heures effectuées.

Elle produit :

- en pièce n°14, les échanges de mails sur les absences ou retards intervenus en 2016,

- l'attestation de Mme [H] chargée de faire signer à tous les employés de l'étude le relevé de leurs heures de travail réellement effectuées et certifiant que les bulletins de salaire de Mme [S] sont conformes aux heures qu'elle a déclarées.

La cour constate que l'employeur qui doit opérer un contrôle du temps de travail de ses salariés ne s'était manifestement pas doté d'un outil dédié malgré la taille de l'étude et ne fournit aucune pièce en ce sens, anomalie relevée d'ailleurs par l'inspection du travail dans sa lettre du 23 février 2018 en page 8, lequel avait constaté en octobre 2017 que 90 % des salariés effectuaient des heures supplémentaires sans être rémunérés.

S'agissant de l'année 2016, même s'il résulte du mail de Mme [S] qu'elle «souhaitait avancer sur le dossier» et est venue volontairement travailler le mercredi 13 juillet, elle aurait dû être rémunérée; l'employeur ne démontre pas qu'elle était absente le 29/07 et n'apporte aucune indication sur le 03/08/2016.

En conséquence, il convient de faire droit à la demande de la salariée.

Pour l'année 2015, l'employeur n'apporte aux débats aucun élément permettant de contredire utilement ceux présentés par la salariée, de sorte que la cour a la conviction que Mme [S] a bien effectué des heures supplémentaires qui ne lui ont pas été rémunérées, mais pas dans la proportion affichée.

La cour fixe sur la période concernée, le rappel de salaire dû à la somme de 762,39 euros outre les congés payés incidents.

b) sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L.1154-1 du même code dans sa version applicable à l'espèce (avant le 10 août 2016) prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, la salariée fait état de pratiques mises en oeuvre par les associés de la SCP, consistant en «un management par le stress dans le but obsessionnel de réaliser du chiffre au détriment de la santé des salariés, une surveillance constante des salariés, des excès de colère et remarques humiliantes des associés, des faux horaires et heures supplémentaires non rémunérées», ayant eu pour effet de dégrader son état de santé, s'appuyant notamment sur :

- l'attestation de Mme [W] [E], déléguée du personnel, soulignant les heures supplémentaires, manque de reconnaissance, changement de place à outrance, humiliations, surcharge de travail, réunions surprises pour mettre les salariés sous pression, réprimandes, obsession du chiffre, risques psychosociaux avérés dans l'étude' au détriment de la santé des salariés,« ces pratiques, non exhaustives ont mené la plupart de mes collègues à démissionner ou se mettre en maladie (voire les deux) allant jusqu'à l'inaptitude. Durant l'année 2017, pour une étude comptant entre 75 et 99 salariés, 27 étaient en maladie de plus de trente jours, soit près de 30% de l'effectif ». - les témoignages de 14 salariés ou anciens salariés de l'étude, décrivant leurs conditions de travail : «résultats, résultats, résultats était le maître mot, pression constante tout au long de la journée», «trop-plein de pression que les salariés subissent à l'étude, évaluation fréquente des performances, réunions multiples»,

- la lettre de son conseil du 19 mai 2017 faisant état de la situation de M. [L] et de celle de Mme [S], notamment d'une ambiance stressante et oppressante régnant au sein de l'étude, d'un épuisement moral de sa cliente dû à ses conditions de travail,

- des attestations de ses collègues concernant son caractère enjoué à son embauche et le fait qu'elle soit devenue une personne triste, repliée sur elle-même, à bout,

- une enquête menée par l'inspection du travail en octobre 2017, dont il ressort une souffrance au travail déclarée par 6 salariés sur 10, du fait de cadences de travail trop élevées, les gestionnaires devant travailler plus pour atteindre les objectifs fixés, des heures supplémentaires réalisées par 90 % des salariés interrogés mais non rémunérées ni récupérées, autant d'embauches que de sorties à partir de 2015, de très nombreux arrêts maladie à compter de 2015,

- un courrier de la CNIL du 29 août 2019 constatant la mise en oeuvre d'un système d'enregistrement des écoutes téléphoniques à des fins de soufflage et d'amélioration de la performance des salariés,

- plusieurs attestations de M. [N], ancien cadre affecté au service comptabilité, lequel indique (pièce n°13) «les objectifs de [T] augmentaient (Hoist 5 000 € en avril 2015, puis 8 000 € en avril 2015, puis 30 000 € dès juillet), et sa crainte de ne pas les atteindre aussi. Sa crainte, elle en a parlé souvent, elle était parfois terrorisée le matin en arrivant au travail.»

- une attestation d'une autre salariée Mme [I] (pièce n°16): «[T] était seule sur ce portefeuille pour faire du recouvrement amiable et ou judiciaire. Elle était tenue à un chiffre en constante augmentation.

Peu a peu, [T] s'est vu dépasser par la masse de travail et les résultats que l'on attendait d'elle. Parallèlement à ça, elle subissait avec les autres salariés une pression constante surtout de la part de Me [U].

A titre d'exemple, Me [U] lui interdisait de dire 'bonjour' et de faire la bise à ses collègues de travail le matin afin que [T] se mette directement au travail et ne perde pas de temps pour faire du chiffre !»

- une attestation de Mme [X] (pièce n°8) précisant : « [T] était soumise à un rythme de travail épuisant et malgré ses bons résultats, Me [U] lui reprochait sans cesses de ne pas faire plus. Les performances de [T] étaient évaluées quasi quotidiennement sur un tableau disponible sur le serveur commun de l'étude. [T] devait régulièrement assister à des réunions sur fond de tension et de réprimandes par Me [U].

Face à des objectifs irréalisables, [T] s'est progressivement repliée sur elle-même, elle semblait de plus en plus épuisée. [T] avait toujours une épée de Damoclès au-dessus de sa tête : Me [U] lui faisait comprendre que si l'étude perd le client HOIST, elle serait sur la sellette. Me [U] nous convoquait à tour de rôle afin de nous mettre sous pression chaque jour.»,

- l'attestation de M. [L] (pièce n°15) déjà relatée,

- un tableau des effectifs du mois de novembre 2015,

- des arrêts de travail du 9 septembre 2016 au 2 octobre 2016, pour anxiété généralisée et épuisement professionnel.

Hormis les excès de colère et remarques humiliantes qui ne ressortent d'aucun élément produit par l'appelante, la salariée établit ainsi des faits précis et concordants lesquels pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral.

L'employeur, de son côté, dénonce une orchestration par plusieurs salariés d'actions concertées ayant pour but proclamé la destruction de l'étude, par des méthodes d'intimidation et de harcèlement, une stratégie de masse par le biais d'un exposé théorique sur 5 pages pour tenter d'impressionner la cour, rapportant des pratiques inexistantes à l'étude.

Il relève que certains attestants n'ont même pas connu la salariée, citant page 21 de ses écritures une liste de noms en ce sens, et que d'autres ne font aucunement allusion à Mme [S].

Il souligne que tant l'inspection du travail que la CNIL n'ont pris aucune sanction et que certains faits sont antérieurs à la venue de Mme [S] ou bien postérieurs à son départ (installation des caméras, enquête de l'inspection du travail, lettre de la CNIL).

Il rappelle que Mme [S] ne s'est jamais plainte au cours du contrat de travail, que les objectifs sont fixés par le client et non par l'étude, que les conditions de travail étaient normales, que Mme [S] ne prouve en aucun cas la réalité des heures de travail, et avait donné son accord à l'écoute et l'enregistrement des communications téléphoniques lors de la signature du contrat de travail.

Il indique que Mme [S] a bénéficié d'un aménagement de ses horaires selon sa demande, n'a pas reçu de sanction malgré ses nombreux retards et absences, a obtenu l'octroi d'un prêt par son employeur quelques jours avant sa maladie ainsi que des avances sur salaire, recevait des jouets pour ses enfants, ce qui démontre qu'elle était «particulièrement maltraitée».

Il met en avant les très nombreuses attestations de salariés témoignant de la fausseté des allégations de Mme [S] et de la bonne ambiance.

Il indique avoir confié à un organisme extérieur l'analyse et les préconisations des risques psycho sociaux, crée des groupes de travail, expliquant avoir renforcé après l'alerte, ces précautions.

A l'appui, il produit notamment :

- des attestations de salariés contactés avec insistance par Mme [E],

- le procès-verbal du 24 septembre 2015 dans lequel M. [N] et Mme [E] indiquent que le climat social est sain,

- sa réponse à l'inspection du travail concernant le turn-over,

- des extraits de l'étude sur les RPS, effectuée par Else consultants en 2018 à sa demande,

- des mails concernant 26 retards ou absences de la salariée d'avril 2015 à juillet 2016 (pièce n°14),

- une attestation d'une salariée travaillant avec Me [U] depuis le 19 février 2015 et mentionnant des retards à répétition de [T] [S], non sanctionnés,

- les demandes de prêt ou d'avance sur salaire faites par Mme [S] de mars à septembre 2016,

- l'attestation de M. [O] faisant état de «pression de la part de nos clients car les portefeuilles étaient benchmarkés en concurrence avec d'autres études», un autre salarié qualifiant les clients d'exigeants,

- les témoignages de 5 salariés «anciens» relatant l'absence de pression, une écoute et un soutien malgré un travail stressant.

La cour n'a relaté dans le cadre des éléments produits par Mme [S] que les attestations «utiles» soit celles donnant un éclairage sur les conditions de travail de la salariée et à ce titre, constate qu'au moins 21 des témoignages recueillis par la SCP concernant la bonne ambiance produits en pièces n°45 à 80 sont inopérants comme émanant de personnes embauchées postérieurement au départ de l'appelante.

S'agissant de la surveillance excessive, la SCP justifie que les caméras ont été installées après le départ de Mme [S] de la société et que lors de son embauche, la salariée a signé une annexe à son contrat de travail concernant l'information sur la possibilité d'enregistrement de ses conversations avec les clients.

La cour relève que si le rapport de l'inspection du travail a été effectué à une période postérieure à la rupture, le constat porté était sévère quant à une absence de prise en compte des risques psycho sociaux et rappelait que les faits dénoncés par MM. [N] et [L] - comme s'étant passés à une époque contemporaine de celle vécue par Mme [S] - «sont pour la plupart les mêmes que les constats que nous avons effectué au sein de l'étude lors de notre enquêtes.»

La cour considère au vu des éléments présentés par les parties que la surcharge manifeste de travail subie par la salariée, la pression exercée par ses supérieurs hiérarchiques pour aboutir à des résultats, le tout dans une ambiance de stress instaurée par les gérants de l'étude comme mode de management, ceux-ci ne pouvant se réfugier derrière la seule exigence de leurs clients constituent des agissements répétés de harcèlement moral ayant eu pour effet une dégradation des conditions de travail de Mme [S] et une dégradation de son état de santé physique, constatée médicalement, l'ayant conduite à renoncer à son emploi.

En conséquence, la cour dit que les manquement relevés ci-dessus étaient suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail et justifier la prise d'acte aux torts de l'employeur, qui doit produire les effets d'un licenciement nul.

C) Sur les conséquences financières de la rupture

La salariée est en droit d'obtenir les indemnités de rupture lesquelles ne sont pas discutées dans leur montant par l'intimée.

Le préjudice résultant du harcèlement moral et de l'exécution fautive du contrat de travail doit être réparé par l'allocation de la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts.

La salariée n'ayant pas demandé sa réintégration, l'indemnisation réparant l'intégralité du préjudice résultant de la nullité de la rupture doit être fixée à la somme de 10 000 euros.

L'article L.8221-5-2° du code du travail dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

En l'espèce, si l'employeur a démontré sa négligence dans le suivi de la charge de travail de la salariée il ne peut en être déduit qu'il a entendu dissimuler son activité.

Dès lors, Mme [S] doit être déboutée de sa demande indemnitaire forfaitaire formée sur le fondement de l'article L.8223-1 du code du travail.

L'employeur doit être condamné à délivrer à Mme [S] les documents sociaux conformes au présent arrêt, sans nécessité d'une astreinte.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Requalifie le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à compter du 25 août 2015,

Dit que la rupture s'analyse en une prise d'acte aux torts de l'employeur, ayant les effets d'un licenciement nul du fait d'agissements de harcèlement moral,

Condamne la SCP [V]-[U]-[Z]-[A] à payer à Mme [T] [S] les sommes suivantes :

- 1 553,32 euros à titre d'indemnité de requalification

- 762,39 euros au titre des heures supplémentaires de mai à novembre 2015,

- 76,24 euros au titre des congés payés afférents,

- 161,28 euros au titre du rappel de salaire pour les heures effectuées en 2016,

- 16,12 euros au titre des congés payés afférents,

- 1 553,32 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 155,33 euros au titre des congés payés afférents,

- 540,18 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 10 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

- 4 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral et exécution fautive du contrat de travail,

- 2 500 euros nets à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute Mme [S] de sa demande au titre du travail dissimulé,

Ordonne à la SCP [V]-[U]-[Z]-[A] de remettre à Mme [S] une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail et un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées, conforme au présent arrêt,

Dit n'y avoir lieu à astreinte,

Condamne la SCP [V]-[U]-[Z]-[A] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 18/11316
Date de la décision : 22/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-22;18.11316 ?
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