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22/07/2022 | FRANCE | N°18/08524

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 22 juillet 2022, 18/08524


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 22 JUILLET 2022



N° 2022/ 150



RG 18/08524

N° Portalis DBVB-V-B7C-BCO4B







[R] [U]





C/



Association UNEDIC-AGS CGEA DE [Localité 3]

SAS ASTER MOD

























Copie exécutoire délivrée le 22 Juillet 2022 à :





-Me Anne BENHAMOU, avocat au barreau de MARSEILLE



-

Me Frédéric LACROIX, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

V149



-Me Jonathan ABOUTEBOUL, avocat au barreau de MARSEILLE























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 18 Avril 2018 enregistré...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 22 JUILLET 2022

N° 2022/ 150

RG 18/08524

N° Portalis DBVB-V-B7C-BCO4B

[R] [U]

C/

Association UNEDIC-AGS CGEA DE [Localité 3]

SAS ASTER MOD

Copie exécutoire délivrée le 22 Juillet 2022 à :

-Me Anne BENHAMOU, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Frédéric LACROIX, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

V149

-Me Jonathan ABOUTEBOUL, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 18 Avril 2018 enregistré au répertoire général sous le n° .

APPELANT

Monsieur [R] [U], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Anne BENHAMOU, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEES

Association UNEDIC-AGS CGEA DE [Localité 3], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Frédéric LACROIX, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

SAS ASTER MOD, demeurant [Adresse 5] / FRANCE

représentée par Me Jonathan ABOUTEBOUL, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Sabana GUERTIT, avocat au barreau de LILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Estelle DE REVEL, Conseiller, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Estelle DE REVEL, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Juillet 2022.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Juillet 2022

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Le 12 juin 2009, M. [R] [U] a été engagé par la société Aster Mod selon contrat de représentant multicartes à durée indéterminée, en qualité de Voyageur Représentant Placier (VRP) dans les conditions du statut défini par les articles L. 7311-1 et suivants du code du travail et par les dispositions de la convention collective nationale interprofessionnelle du 3 octobre 1975.

Le 23 juillet 2015, la société a convoqué M. [U] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 18 août 2015, avec mise à pied à titre conservatoire.

Le 11 août 2015, M. [U] a saisi le conseil des prud'hommes de Marseille d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la société Aster Mod.

Le 1er septembre 2015, M. [U] a été licencié pour faute grave.

Par jugement du 18 avril 2018, le conseil de prud'hommes a statué ainsi:

'CONSTATE l'absence de manquements graves de la part de la société Aster Mod dans l'exécution du contrat, et de l'absence de fondement à la demande de résiliation judiciaire

CONSTATE que les faits à l'origine du licenciement son établis et constituent une faute grave justifiant le licenciement

En conséquence,

DEBOUTE M. [U] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

CONDAMNE M. [U] à payer à la société Aster Mod les sommes de :

103,40€ au titre des échantillons de collections non restitués après la rupture du contrat

1000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

REJETTE toutes les autres demandes des parties

CONDAMNE M. [U] aux entiers dépens'.

Le 18 mai 2018, M. [U] a interjeté appel de la décision.

Par jugement du 2 juin 2020, la société a été mise en redressement judiciaire, un plan de redressement ayant été fixé par jugement du 16 décembre 2020.

Aux termes de ses dernières conclusions, transmises par voie électronique le 4 mai 2022, M. [U] demande à la cour de :

'REFORMER la décision entreprise en toutes ses dispositions

JUGER recevable et fondée la demande en résiliation judiciaire du contrat de travail du fait de la société ASTER MOD en application de l'article 1184 du code civil.

JUGER qu'ASTER MOD a manqué de façon grave et réitérée à ses obligations contractuelles et de loyauté dans l'exécution du contrat de travail, affectant l'exécution normale de celui-ci de facon irrémédiable.

A titre subsidiaire et à défaut de prononcer la résiliation judiciaire,

JUGER Que ASTER MOD ne rapporte pas la preuve de la faute grave imputable à Mr [U], preuve qu'il lui incombe de faire

JUGER en conséquence que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En tout état de cause, condamner ASTER MOD au paiement des indemnités suivantes :

Indemnité de préavis : 11.310 euros

Congés payés sur préavis : 1.131 euros

Salaire au titre de la mise à pied : 3.137,76 euros

Congés payés sur mise à pied : 313,77 euros

CONSTATER la réalité de la clientèle créée et développée par [R] [U]

CONDAMNER ASTER MOD au paiement de la somme de 65.000 euros au titre de l'indemnité de clientèle.

JUGER que le paiement de ces sommes seront assorties des intérêts de droit à compter de la saisine avec capitalisation et condamner ASTER MOD à délivrer des bulletins de salaire et documents de rupture sous astreinte de 50 euros par jour de retard avec faculté de liquidationofferte au JEX compétent.

JUGER que le licenciement sans cause réelle ni sérieuse cause nécessairement un préjudice devant être réparé et à ce titre, condamner ASTER MOD au paiement de la somme de 48.000 euros sur le fondement de l'article 1235-3 du code du travail.

JUGER que [R] [U] a subi un préjudice distinct subi par, à titre personnel et moral, au regard des circonstances entourant la rupture, la durée excessive de la mise à pied et la nature des griefs reprochés mettant en cause la loyauté du concluant.

Condamner en conséquence ASTER MOD au paiement de la somme de 24.000 euros en réparation de ce préjudice distinct

DECLARER opposable les causes du jugement au CGEA de [Localité 3].

Condamner ASTER MOD aux entiers dépens ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700du CPC

Aux termes de ses dernières conclusions, transmises par voie électronique le 9 novembre 2018, la société Aster Mod demande à la cour de :

' CONFIRMER le jugement du Conseil de Prud'hommes de Marseille

En conséquence,

DEBOUTER Monsieur [R] [U] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

A titre incident

CONDAMNER Monsieur [U] à payer à la société ASTER MOD :

La somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 32-1 du Code de procédure civile,

La somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNER Monsieur [U] aux entiers frais et dépens.'

Aux termes de ses dernières conclusions, transmises par voie électronique le 14 octobre 2021, les AGS-CGEA de [Localité 3] demande à la cour de :

'CONFIRMER le jugement du conseil des prud'hommes de MARSEILLE rendu le 18/04/2018

Subsidiairement,

Fixer en tant que de besoin les créances de M. [R]. [U] au titre l'indemnité compensatrice de préavis (L. 1234-1 et L.1234-5 C.TRAV.) l'indemnité compensatrice de congés payés (L. 3143-24 et suivants C.TRAV.) et l'indemnité de licenciement (L. 1234-9 C.TRAV.) ;

DÉBOUTER M. [U] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur des sommes réclamées dès lors qu'il ne justifie pas d'un pareil préjudice ;

DÉBOUTER M. [U] de sa demande d'indemnité de clientèle d'un montant de 65000 €, dès lors qu'il ne rapporte pas au débat la justification de l'augmentation en nombre et en valeur la clientèle qui lui a été confiée d'une part, et d'autre part qu'il n'en dispose plus pour l'avenir.

Vu les articles L. 3253-6 et suivants du code du travail,

En l'état du plan de redressement obtenu et exécuté depuis le 16/12/2020 par la société ASTER MOD,

RAPPELER que cette dernière demeure la débitrice principale des sommes pouvant être dues à son ancien salarié, car la mise en 'uvre de la garantie AGS obéit au principe de subsidiarité édicté par la loi.

DÉBOUTER l'appelant de toutes demande de paiement directement formulée contre l'AGS dès lors que l'obligation de l'UNEDIC-AGS CGEA DE [Localité 3] de faire l'avance de montant total des créances définies aux articles L. 3253-6 et suivants du Code du travail, compte tenu du plafond applicable (articles L. 3253-17 et D. 3253-5), ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé de créances par le mandataire judiciaire, et sur justification par ce celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l'article L. 3253-19 du Code du travail ;

DÉBOUTER l'appelant de toute demande de garantie sur la totalité de ses créances, dès lors qu'en application de l'article L. 3253-17 du code du travail, la garantie AGS est limitée, toutes sommes et créances avancées confondues, à un ou des montants déterminés par décret (art. l'article D. 3253-5 du Code du travail), en référence au plafond mensuel retenu pour le calcul des contributions du régime d'assurance chômage, et inclut les cotisations et contributions sociales et salariales d'origine légale, ou d'origine conventionnelle imposées par la loi ;

DÉBOUTER l'appelant de toutes demandes au titre des frais irrépétibles visés à l'article 700 du CPC, des dépens, de l'astreinte, des cotisations patronales ou résultant d'une action en responsabilité, dès lors qu'elles n'entrent pas dans le cadre de la garantie de l'UNEDIC-AGS CGEA DE [Localité 3];

DIRE ET JUGER que le jugement d'ouverture de la procédure collective opère arrêt des intérêts légaux et conventionnels (art. L. 622-28 C.COM) ;

DÉBOUTER M. [U] de toute demande contraire et le condamner aux dépens'.

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les « dire et juger » et les « constater » ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi. En conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.

I. Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail

Lorsque le juge est saisi d'une demande de résiliation judiciaire suivie du licenciement du salarié, il doit examiner prioritairement la demande de résiliation judiciaire, avant de se prononcer sur la régularité du licenciement.

La résiliation judiciaire constitue un mode de rupture du contrat de travail à l'initiative du salarié, à qui il appartient de rapporter la preuve que l'employeur a commis des manquements graves à ses obligations contractuelles.

Si les juges du fond considèrent que l'employeur a commis des manquements suffisamment graves, ils prononcent la rupture du contrat de travail, et cette rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

M. [U] invoque les manquements suivants :

- l'absence de modification de son statut en agent commercial,

- ne pas lui permettre de travailler pour d'autres marques,

- ne pas lui permettre de réaliser son chiffre d'affaire.

Il produit un mail de juin 2015 dont il ressort son souhait de devenir agent commercial auquel la société répond 'nous vous demandons de nous indiquer quel serait précisément votre souhait, ainsi que vos plans d'action et les autres maisons pour lesquelles vous interviendriez'. Il produit également une annonce sur un site internet de recherche par la société d'un agent/VRP multicartes.

En cet état, la cour observe que le salarié a, selon son contrat de travail, le statut de VRP qui n'est ni contesté, ni remis en cause par l'employeur, et qu'il ne démontre, ni même n'allègue un refus de ce dernier à un changement éventuel, qui, en tout état de cause, ne serait pas constitutif d'une faute.

Le manquement n'est donc pas établi.

Le contrat de travail comporte une clause intitulée 'AUTRES REPRESENTATION -NON CONCURRENCE' selon laquelle le salarié 's'engage à consacrer à la représentation des articles vendus par la société Aster Mod SA les soins nécessaires, sans s'interdire toutefois, pendant la durée du présent contrat, de représenter d'autres maisons à la condition expresse qu'il ne s'agisse d'articles susceptibles de concurrencer de quelque manière que ce soit ceux indiqués ci-dessus. Suit la déclaration du salarié des maisons qu'il représente 'ce dont la société prend acte'. Il est ensuite indiqué que le salarié 's'engage à solliciter systématiquement l'autorisation écrite préalable de la société pour toutes nouvelles représentations. Monsieur [U] informera la société des représentations qu'il aura prise avec l'accord de la société ou qu'il aura abandonnées pendant toute la durée du contrat'.

Ainsi, sous cette appellation impropre, le salarié était en droit de représenter d'autres marques lié à son statut de VRP multicarte mais ne pouvait représenter des produits déterminés, devait déclarer les produits qu'il représente déjà et solliciter une autorisation préalable pour prendre d'autres représentations en cours de contrat.

M. [U] affirme que son employeur ne le lui a pas permis de travailler pour d'autres marques, sans cependant énoncer clairement en quoi cela lui aurait été refusé et en quoi cela serait fautif au regard de la clause susvisée et des conditions posées. Il ne produit aucune pièce au soutien de son affirmation sauf la lettre de licenciement dans laquelle l'employeur fait état d'un mail du salarié du 2 juillet 2015 énumérant une liste de marques avec lesquelles il souhaite travailler. L'employeur indique que 'certaines sont des concurrents directs de nos marques ce qui nous a conduit à refuser que vous vous engagiez pour elles', ce qui est conforme au contrat de travail.

La cour dit qu'en conséquence le grief n'est pas établi.

S'agissant de la réalisation du chiffre d'affaire, le salarié produit:

- un mail du 17 septembre 2014, où il demande des explications sur le fait qu'il n'aura pas la collection 'Steilman' malgré les demandes de ses clients, ce qui va LUI faire perdre du chiffre d'affaires,

- un mail du 24 et du 25 juin 2015 où il demande 'quand je vais recevoir mes collections''; il lui est répondu le 25 juin qu'il peut confirmer ses rendez-vous clients car les collections sont envoyées pour le lendemain.

Les échanges susvisés concernent des difficultés d'approvisionnement dans le secteur du commerce de prêt à porter dont le caractère anormal ou volontaire de la part de la société n'est absolument pas établi, ni d'ailleurs les conséquences que cela aurait eu sur le chiffre d'affaire évoqué.

La cour relève, après analyse de ces pièces, que l'appelant ne démontre pas la réalité du manquement ni son caractère de gravité.

Le grief n'est donc pas établi.

Dès lors, il convient de confirmer le jugement qui a rejeté la demande de résiliation judiciaire.

II. Sur le licenciement

La lettre de licenciement fixe les limites du litige.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Il incombe à l'employeur d'en rapporter la preuve.

La lettre de licenciement est libellée comme suit :

«Nous vous avons informé, comme chaque année, des dates de remises de collections par mail du 13 mai 2015 et du 2 juin 2015. En retour, vous nous avez informés par mail du 2 juin 2015 que vous ne pourriez pas assister aux réunions « étant convoqué à Londres et au Danemark à ces dates", nous sommes pourtant à date votre seul employeur.

Parallèlement, vous nous avez Informés oralement de votre souhait d'évoluer vers un statut d'agent commercial et de votre décision de travailler pour le compte d'une autre marque. Vous avez alors cité [S] [H] et que vous aviez déjà des engagements avec celle-ci.

Par mail du 8 juin auquel vous n'avez pas donné suite, renouvelé par courrier en date du 19 juin 2015, nous vous avons demandé de nous le confirmer par écrit et nous vous avons convoqué à un entretien afin de clarifier notre relation de travail. Nous avons également rappelé vos engagements contractuels. En effet conformément à votre contrat de travail, vous devez " solliciter l'autorisation écrite de la société ASTER MOD préalable à toute nouvelles représentations ".

Par mail du 20 juin vous avez nié tout engagement avec une autre marque.

Le 25 juin vous nous avez fait savoir qu'il vous fallait urgemment les collections car vous aviez des RDV pris et ce dès le lundi 29 juin. Nous vous avons donc envoyé par Chronopost les collections.

Pourtant, le 2 juillet, vous nous avez informés que vous n'aviez pris aucun rendez-vous pour le lundi 29 juin et vous nous avez énuméré une liste de marques avec lesquelles vous souhaitiez travailler, dont certaines sont des concurrentes directes de nos marques ce qui nous a conduits à refuser que vous vous engagiez pour elles.

Vous nous avez également informés que vous ne débuteriez pas votre tournée avant le 20 juillet 2015 ce qui a provoqué l'étonnement et Ie mécontentement de Monsieur [T] [G]. Il vous a d'ailleurs demandé de débuter sans délai la commercialisation de nos marques et rappelé les enjeux financiers pour Aster Mod.

Par mail en date du 10 juillet 2015, nous vous avons fait part du planning de conférences téléphoniques pour chaque marque permettant de faire un point sur la commercialisation et sur les différents retours concernant la collection. Un mail vous a, à nouveau, été envoyé le 20 juillet 2015 pour vous rappeler la conférence téléphonique qui se tenait le lendemain pour la marque KATMAI. De même, un mail de rappel pour la conférence C'est Beau la Vie du 22 Juillet 2015 vous a été envoyé le 21 juillet. Cependant, vous n'avez pas daigné assister à ces différentes réunions, pourtant obligatoires.

Les mails que nous avons reçus le 20 juillet de [L] [I] et du 23 Juillet de [J] [M] confirment que malgré nos mises en garde, vous avez pris un engagement formel pour commercialiser la marque COWEST dès la saison en cours. Devant l'accumulation et la gravité de faits, nous avons donc pris la décision de vous mettre à pied à titre conservatoire dès le 23 juillet.

Cette mesure ne vous a pas empêché de vous rendre sur le magasin FRIVOLE à [Localité 4], le mercredi 12 Août ce que vous avez d'ailleurs reconnu lors de l'entretien préalable. La gérante nous a en effet informés que vous l'aviez démarchée pour des marques concurrentes.

Nous avons d'ailleurs découvert, au retour de collection de votre concubine au mois d'août, que vous aviez également été en contact avec d'autres marques, telle que Pia Rossini, et ce dès le mois d'avril 2015.L'ensemble de ces éléments confirme que vous avez non seulement manqué à vos obligations contractuelles qui vous imposent de nous demander l'autorisation écrite avant de représenter d'autres marques, mais, plus généralement, que vous avez manqué à votre obligation de loyauté en nous cachant délibérément que vous travailliez pour d'autres employeurs tout en négligeant les ventes des produits que nous vous avions confiés. En effet, au 20 juillet, vous n'aviez ainsi pris rendez-vous qu'avec 19 clients. Par ailleurs, à cette même date, vous n'aviez transmis aucune commande au service commercial alors que l'année précédente, à la même date, vous aviez déjà pris commande pour un montant total de 112 000€.Vous accusez donc intentionnellement un retard considérable, difficilement rattrapable et préjudiciable pour les marques, privilégiant manifestement les engagements que vous avez pris par ailleurs sans autorisation ni même information préalable. En agissant de la sorte, vous contrevenez à vos obligations contractuelles. Pire, en ne prospectant pas pour les marques que vous représentez pour notre société, vous mettez gravement en péril les résultats d'Aster Mod. Votre comportement est inadmissible et traduit votre volonté de nuire à la société en agissant de la sorte, vous manquez à votre obligation de loyauté, et faites ainsi preuve de concurrence déloyale en développant le chiffre d'affaires de marques concurrentes et en prospectant au sein de détaillants clients de la société ASTER MOD au détriment des marques dont vous êtes en charge au titre de vos cartes KATMAI, STEILMAN et C'est Beau La Vie.

Ces différents éléments illustrent votre désengagement des responsabilités qui vous Incombent en qualité de V.R.P, et votre souhait de ne plus représenter les marques que nous proposons.

L'ensemble de ces graves manquements à vos obligations contractuelles nous contraignent à vous notifier votre licenciement pour faute grave. »

Ainsi, la société reproche-t-elle au salarié deux séries de griefs :

- ne pas respecter la clause contractuelle relative aux autres représentations,

- négliger son travail au sein de la société : en ne prospectant pas pour les marques qu'il représente pour la société, en n'assistant pas aux réunions de présentation.

L'employeur produit à l'appui du premier grief :

- un mail daté du 20 juillet 2015 de la dirigeante de la société COWEST (adresse mail de cette société) à Aster Mod 'comme indiqué, je souhaite que vous passiez discuter avec [R] [U] pour qu'il vous parle de nos collections printemps été 2016 car il nous représentera cette saison.'

- un mail daté du 25 juillet 2015 de [J] [M] (adresse mail COWEST) ) :' Si vous voulez connaître un peu plus notre marque, vous pouvez contacter M. [R] [U], qui travaille avec nous depuis cette saison.'

- le catalogue de la marque JUNG saison 2016 mentionnant le nom de [R] [U] comme responsable France accompagné de l'adresse mail utilisé pour la société Asterd Mod

- le talon DHL de réception d'un colis le 15 avril 2015 de la marque PIA ROSSINI adressé à M. [U]

- le catalogue de PIA ROSSINI faisant apparaître des produits susceptibles de concurrencer ceux vendus par l'intimé.

Contestant les griefs, le salarié se borne à produire un mail de M. [M] de la société COWEST du 9 septembre 2015 indiquant qu' 'à aucun moment, M. [U] n'a exercé une activité au sein de notre société. Il nous a simplement présenté sa compagne, Mme [F] avec qui nous sommes en relation'.

L'article L.7313-6 du code du travail prévoit et organise la clause d'exclusivité des VRP comme suit : 'le contrat de travail peut, pour sa durée, prévoir l'interdiction pour le VRP de représenter des entreprises ou des produits déterminés. Lorsque le contrat de travail ne prévoit pas cette interdiction, il comporte, à moins que les parties n'y renoncent par une stipulation expresse, la déclaration des entreprises ou des produits que le VRP représente déjà et l'engagement de ne pas prendre en cours de contrat de nouvelles représentations sans autorisation préalable de l'employeur.'

La cour constate que la clause intitulée «AUTRES REPRESENTATIONS- NON CONCURRENCE» est conforme à ces dispositions légales.

Après analyse de l'ensemble des pièces susvisées et de leurs dates, la cour retient que l'exercice par le salarié d'activité de représentation pour le compte des entreprises et produits susvisées (COWEST et JUNG) alors qu'il était encore lié contractuellement à la société Aster Mod, est avéré.

Dès lors qu'il n'est pas contesté que M. [U] n'avait pas sollicité l'autorisation écrite préalable de son employeur pour ces représentations alors qu'il était en cours de contrat, ces représentations étant susceptibles de concurrencer les articles vendus par Aster Mod tel que cela ressort des catalogues produits, le salarié a violé la clause susvisée.

Le contrat de travail stipule expressément que celle-ci constitue pour la société un élément essentiel et déterminant à la conclusion du contrat et que le salarié reconnaît que son non respect peut entraîner des sanctions disciplinaires pouvant aller jusqu'au licenciement.

La cour considère qu'il s'agit en l'espèce d'un manquement suffisamment grave aux obligations du salarié justifiant à lui seul le licenciement, sans qu'il y ait lieu d'examiner l'autre manquement, et rendant impossible le maintien du contrat de travail même pendant la durée du préavis .

Les demandes subséquentes liées à la rupture doivent être rejetées, de même que la demande de rappel de salaire au titre de la mise à pied à titre conservatoire, parfaitement justifiée en l'état d'un licenciement disciplinaire.

Le jugement est par conséquent confirmé.

III. Sur le préjudice moral distinct

La demande de M. [U] réclamant l'indemnisation d'un préjudice moral distinct doit être rejetée dès lors qu'elle demeure fondée sur les circonstances de la rupture et le contenu de la lettre de licenciement dont il ne démontre pas le caractère déloyal.

IV. Sur l'indemnité de clientèle

Aux termes de l'article L. 7313-13 du code du travail, en cas de rupture du contrat de travail à durée indéterminée par l'employeur, en l'absence de faute grave, le voyageur, représentant ou placier a droit, à une indemnité pour la part qui lui revient personnellement dans l'importance en nombre et en valeur de la clientèle apportée, créée ou développée par lui.

La cour ayant fait droit à la demande de licenciement pour faute grave du salarié et celui-ci ne démontrant aucunement avoir apporté, crée ou développé une clientèle, se bornant à réclamer 65 000 euros justifiés selon lui par la brutalité de la rupture, il convient de le débouter de sa demande et de confirmer le jugement entrepris.

V. Sur la restitution des échantillons

Le contrat de travail stipule que les biens de toutes nature qui seront remis à M. [U] pour l'exécution de ses fonctions ne seront détenus par lui qu'à titre précaire et qu'en particulier, les échantillons et collections, restent la propriété de la société et devront lui être restituée à première demande et dans tous les cas en fins de saisons et dès la cessation du contrat.

En cas de résiliation du présent contrat pour quelques cause que ce soit, M. [U] devra, dans la huitaine de la cessation de ses fonctions, restituer à la société tous biens, documents, tarifs, programmes, instructions qui lui auraient été remis pour l'accomplissement de sa mission.

C'est par des motifs justes et pertinents que la cour adopte que le conseil des prud'hommes a condamné le salarié à verser au titre des échantillons de collection non restitués après la rupture du contrat la somme de 103,40 euros non autrement contredite.

VI. Sur les autres demandes

Faute de démontrer la résistance abusive de celui-ci, il n'y a pas lieu de condamner M. [U] à une amende civile.

L'appelant qui succombe doit supporter les dépens d'appel et payer à la société la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Rejette la demande au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile,

Condamne M. [R] [U] à payer à la société Aster Mod la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [U] aux dépens d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 18/08524
Date de la décision : 22/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-22;18.08524 ?
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